25 janvier 2019 à mars 2020. Les Algériens ne veulent plus du « système FLN ». Notre Dame de Paris en feu. Mort de Jacques Chirac. 29206
Poster un commentaire

Nom: 
Email: 
URL: 
Commentaires: 
Publié par (l.peltier) le 16 août 2008 En savoir plus

25 01 2019 

Le Brésil peut changer de gouvernement, ce n’est pas pour autant que les géants économiques vont changer de gestion. Quatre ans après une rupture de barrage minier, à 150 km au sud-ouest de Belo Horizonte, mine appartenant pour partie au géant Vale, rebelotte au Brésil , à 90 kilomètres de là, avec 157 morts, 248 disparus, des sinistrés, des familles broyées et son incompétence, son amateurisme, son irresponsabilité : cette fois, c’est encore dans le même Minas Gerais où la mine de fer Córrego do Feijão a été concédée au géant Vale à Brumadinho, à 60 km au sud-ouest de Belo Horizonte. Cette mine fait partie du complexe minier Paraopeba qui comprend 13 barrages : certains retiennent des déchets miniers, d’autres captent de l’eau et les derniers sont des structures de régulation de débit. Brumadinho est entourée par huit barrages aux proportions gigantesques. Ce barrage occupait 27 hectares, avec un mur de contention de 87 mètres de hauteur, et était inutilisé depuis deux ans.

Reforma trabalhista reduz valor de indenização a vítimas da tragédia de ...

Reforma trabalhista reduz valor de indenização a vítimas da tragédia de ...

01 2019

Rahaf Mohammed avait 18 ans et, depuis quelques mois, elle ne songeait qu’à fuir. Fuir l’Arabie saoudite, ses lois, sa culture, qui considéraient les femmes comme des sous-êtres à l’entière disposition des hommes. Fuir la religion musulmane et ce Coran qu’elle s’était mis à haïr, constatant la duplicité avec laquelle on l’invoquait pour davantage assujettir les filles. Fuir sa famille toxique : son père, polygame et tout-puissant, gouverneur dans la région la plus conservatrice du pays, en relation avec la famille royale ; sa mère, éduquée et moderne, puisqu’elle enseignait en ville, mais qui élevait ses filles dans la tradition la plus archaïque ; ses frères aînés, petits coqs sadiques, qui se comportaient en gardiens de la vertu de leur sœur, la tabassaient fréquemment et l’enfermaient au nom du sacro-saint honneur.

Elle avait 18 ans et elle voulait vivre libre. Libre de m’habiller comme je voulais, libre de faire du vélo, d’écouter de la musique, de sortir sans mes frères, de choisir un amoureux ou une amoureuse à ma guise… Elle n’avait aucune idée de ce que signifiait l’exil et ne mesurait pas ce que le mot de liberté pouvait aussi signifier de responsabilité, de solitude, de devoirs, de déboires. Elle savait juste que si elle restait dans ce pays maudit pour les femmes, elle mourrait. Tuée par ses frères ou son père, de plus en plus excédés par ses rebuffades, à moins qu’ils ne l’enferment sous camisole chimique comme sa grande sœur, brisée pour avoir voulu fuir. Ou bien qu’elle se suicide.

Elle avait 18 ans et dans le taxi qui la conduisait vers l’aéroport de Koweït, en cette nuit froide de janvier 2019, elle ressemblait encore à une adolescente un peu ronde, les cheveux mi-longs, la moue et le regard rebelles, la main crispée sur son téléphone. Elle venait pourtant de prendre la décision la plus grave de sa vie et laissait derrière elle, dans l’hôtel où ils dormaient encore, sa mère, sa petite sœur et ses deux frères tant redoutés à qui elle avait subtilisé son passeport. Son plan était clair : prendre le vol de 9 heures pour Bangkok sur Kuwait Airways et poursuivre ensuite vers l’Australie, ce pays de cocagne dont elle avait obtenu le visa en ligne et où elle retrouverait une autre fugitive pour demander l’asile.

Elle avait jeté dans les toilettes sa carte SIM qui aurait permis à sa famille de suivre ses déplacements. Elle disposait de 2 700 dollars (2 650 euros) déposés sur le compte d’un ami dont elle avait le mot de passe. Un réseau clandestin de Saoudiennes, réparties sur plusieurs continents, mais connectées par une messagerie secrète, devait la suivre à la trace. C’était elles sa nouvelle famille. À chaque instant, à l’aéroport de Koweït, elle a craint qu’on ne l’arrête. Mais non. Elle a embarqué sans problème. Et dans l’avion, surexcitée, elle a ressenti un premier vertige de liberté. C’est à l’atterrissage à Bangkok que tout s’est gâté.

Un homme l’attendait avec une pancarte portant son nom. À sa vue, son sang s’est glacé et une petite voix intérieure lui a enjoint de se tenir sur ses gardes. Mais comme il prétendait être là pour l’aider à accomplir les formalités d’entrée sur le territoire, elle lui a confié son passeport et… s’est retrouvée piégée.

Rattrapée par ce père au bras long. Traquée par l’ambassade saoudienne, qui avait déjà émis un avis de recherche et exigeait que les autorités thaïlandaises renvoient par le prochain vol cette fille psychologiquement dérangée.

Tremblante, elle n’a eu que le temps de prévenir par Snapchat une amie du réseau : L’ambassade m’a fait arrêter. Puis, arrachant son passeport des mains du traître, elle s’est mise à courir comme une folle vers la sortie. Des vigiles et un Koweïtien lui ont barré la route. Cernée, elle a été escortée fermement vers un hôtel situé à l’intérieur même de l’aéroport, avec ordre de ne pas sortir de sa chambre avant le vol retour, prévu deux jours plus tard. C’est alors qu’elle a fait un truc fou. Un geste auquel ni sa famille ni les gens de l’ambassade n’auraient jamais pensé : elle s’est tournée vers Twitter.

J’ai fugué, je suis en Thaïlande. Si on me renvoie en Arabie saoudite, je serai en danger de mort. Ce premier tweet écrit en arabe aurait pu passer inaperçu. Mais la solidarité indéfectible de trois amies du réseau secret de Rahaf en a décidé autrement. Se relayant, malgré les décalages horaires, pour cogérer le compte Twitter de la jeune fille, elles ont traduit et relayé en anglais ses messages, sollicité journalistes, ambassades, organisations des droits humains et même les Nations unies (ONU). Sous leur pression, Rahaf a dévoilé sa véritable identité, sachant qu’aux yeux de sa famille elle commettait l’irréparable : Je suis Rahaf Mohammed. J’ai 18 ans. Je suis coincée. Ils ont mon passeport et demain, ils vont me mettre dans un avion pour le Koweït. Je vous en supplie, aidez-moi. Ils vont me tuer

Twitter s’est enflammé. Des internautes du monde entier ont répondu, retweeté, interpellé le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) : Mais qu’attendez-vous pour agir ? L’activiste égypto-américaine Mona Eltahawy a créé le hashtag #saverahaf, écrit en capitales : ELLE EST EN DANGER et défié les ambassades occidentales à Bangkok : Qui offrira l’asile à Rahaf ?? ! C’EST URGENT !

Enfermée dans sa chambre, la jeune fille voyait s’écouler les heures qui la séparaient du départ de l’avion avec terreur. Comment ne pas penser à Dina Ali, cette jeune Saoudienne qui, elle aussi, avait espéré fuir en Australie en 2017, mais avait été interceptée en transit aux Philippines, où on lui avait confisqué passeport et téléphone avant de la remettre manu militari dans un avion pour Riyad, ligotée sur une chaise roulante et dissimulée sous une couverture ? Personne n’avait plus jamais entendu parler d’elle. Des voix différentes se succédaient devant la porte de Rahaf en exigeant qu’elle leur ouvre. Elle refusait, convaincue que sa famille utiliserait tous les subterfuges pour la kidnapper et lui faire payer sa rébellion.

Passionnée par l’affaire dès les premiers tweets, une journaliste australienne a pris le premier vol Sydney-Bangkok, réussi à joindre Rahaf par téléphone, lui annonçant avoir prévenu Human Rights Watch, Amnesty International, le HCR. Elle a même déjoué la surveillance de l’hôtel pour se faufiler dans sa chambre. Rahaf a alors repris espoir. Filmée par la reporter, elle s’est barricadée, bloquant la porte avec une table, une chaise, un matelas. Et puis elle a tweeté : En vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967, moi, Rahaf Mohammed, demande officiellement le statut de réfugiée à tout pays qui acceptera de me protéger de la violence ou de la mort auxquelles je suis exposée pour avoir quitté ma religion et ma famille qui me torturait. L’heure du vol Bangkok-Koweït approchait. Les coups à la porte et les menaces se sont intensifiés. Rahaf n’a pas bougé. L’avion est parti sans elle.

En quelques heures, elle était devenue la demandeuse d’asile la plus célèbre du monde. Journaux et télés suivaient en direct la situation. L’Australie tergiversait. Quel pays allait donc l’accueillir ? Une délégation du HCR a fini par se présenter, glissant sous la porte de la chambre une carte au logo de l’ONU pour montrer patte blanche. Epuisée, affamée, la jeune fille a fini par ouvrir, et a été exfiltrée de l’aéroport vers un hôtel secret. Quand son père et l’un de ses frères ont débarqué à Bangkok en exigeant de la voir, leur demande a été rejetée. Mais la nouvelle a terrorisé la jeune fille. Puis, tout s’est soudain accéléré. Le Canada a proposé l’asile. Le soir même, Rahaf s’envolait pout Toronto, accueillie le lendemain à l’aéroport par la ministre canadienne des affaires étrangères et une multitude de journalistes. Il faisait froid. Elle s’en foutait. Elle était libre. Oui, mais de quoi ?

Au début, j’étais plombée, reconnaît-elle en visioconférence depuis son domicile de Toronto. La voix de mon frère résonnait dans ma tête, depuis l’autre bout de la planète. Je trimbalais tant d’interdits ! Et puis, une fois que j’ai maîtrisé le mode d’emploi de la vie occidentale, su utiliser une carte bancaire, osé entrer dans un magasin sans tuteur masculin, j’ai fait tout ce qui m’avait été strictement interdit jusqu’alors : boire de l’alcool, sortir en boîte de nuit, porter des shorts… J’ai tout essayé. Et je me suis fait mal. 

C’est compliqué, la liberté. C’est à la fois délicieux et périlleux. Vertigineux et violent. Un dur apprentissage, quand elle n’est pas donnée au berceau. Sans doute peut-on s’y noyer ou s’y perdre… Mon père m’avait reniée, ma mère ne voulait plus me parler ; à 18 ans, j’ai eu le sentiment d’être seule au monde. Personne pour me dire : fais gaffe à ça. Personne pour me fixer des limites. Je ne les ai trouvées qu’en commettant des erreurs. La liberté a un coût que je découvre. J’apprends. 

Quelques mois après son arrivée au Canada, elle a conçu un bébé et s’est retrouvée, à 20 ans, mère célibataire, exposant dans le même temps son soutien et son appartenance à la communauté LGBT. Depuis, elle brouille les pistes.

Très active sur Twitter pour défendre les libertés des femmes, soutenir Black Lives Matter, militer pour l’avortement, toujours attentive à l’actualité concernant l’Arabie saoudite. Présente aussi sur Instagram, mais dans un autre registre. On y constate une évolution physique accélérée par la chirurgie esthétique, on la croise dans des positions suggestives, très dénudée, poitrine et fesses spectaculaires. Pourquoi ? lui demande-t-on. Et pourquoi pas ? Mon corps, mon choix ! Cela m’a pris du temps de l’aimer, et j’en fais aujourd’hui ce que je veux. Depuis mes 9 ans, j’ai dû le cacher sous une abaya noire, et, à 12 ans, l’enfouir sous un niqab, comme s’il était honteux. Eh bien, aujourd’hui, je l’expose. C’est ma liberté. 

Beaucoup sont perplexes, voire désolés, de cette exhibition, qui lui vaut des dizaines de milliers de fans, mais lui attire aussi menaces de mort et messages haineux. L’effet Kim Kardashian et ses canons de beauté ne sont-ils pas une nouvelle aliénation ? Rahaf botte en touche. Affirme qu’en affichant une telle liberté, inconcevable dans son pays natal, elle donne de l’espoir à des millions de femmes, à qui l’on dénie jusqu’au droit d’avoir une apparence. J’aurais pu disparaître des radars, me noyer dans la masse, choisir le silence. C’eût été égoïste ! J’ai choisi au contraire de témoigner, d’écrire un livre pour attirer l’attention sur l’enfer que vivent les femmes en Arabie saoudite, et leur dire : Vous voyez ? Une femme peut être sexy et libre. Personne ne peut plus dompter Rahaf ! D’ailleurs, mon livre s’appelle Rebelle [la version française paraîtra en France chez Albin Michel en octobre 2022]. 

Ses diverses messageries accueillent chaque jour des appels de jeunes femmes d’Arabie saoudite ou des Emirats voulant fuir leur pays. Elle ne peut répondre à toutes, mais assure que ses photos sont en soi des messages d’encouragement. Pour l’heure, elle élève sa petite fille de 2 ans. Annonce avoir un nouveau boy-friend généreux. Et vivre, malgré des hauts et des bas, les meilleurs jours de sa vie. Elle n’a que 22 ans.

Annick Cojean. Le Monde du 27 août 2022

22 02 2019 

Le pouvoir algérien a annoncé qu’Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, avec un AVC en 2013 qui a fait de lui un pantin, allait être candidat pour la cinquième fois à la présidence de la République ; les élections se tiendront le 15 avril. Mais il se trouve que les jeunes – 45 % de la population a moins de 25 ans – n’ont plus peur de la répression et font savoir leur désaccord et cela pourrait bien changer la donne. Et, en effet, à force de dire tous les vendredis pacifiquement dans la rue : dégage, il finira par dégager, cinq semaines plus tard, le 2 avril. On aura frôlé le poisson d’avril ! Imaginez qu’il ait fait cela un jour plus tôt, le 1° avril et qu’en se réveillant le 2 au matin il ait déclaré, tout sourire, à son bon peuple : Hier, il ne fallait pas me croire, c’était un poisson d’avril ! Quel bazar !

Djamila Bouhired, 84 ans, l’héroïne de la guerre d’indépendance, volontairement cloîtrée depuis dans son appartement, en sortira pour se mêler aux manifestants et s’adresser à eux dans la presse :
Mes chers enfants et petits-enfants, 

Je voudrais vous dire toute ma gratitude pour m’avoir permis de vivre la résurrection de l’Algérie combattante, que d’aucuns avaient  enterrée trop vite. Dans l’été 1962, alors que les Algériens pleuraient leurs chers disparus dans la liesse de la dignité retrouvée, les planqués de l’extérieur avaient déclaré une nouvelle guerre au peuple et à ses libérateurs pour s’installer au pouvoir.

[…] Au nom d’une légitimité historique usurpée, une coalition hétéroclite formée autour du clan d’Oujda, avec l’armée des frontières
encadrée par des officiers de l’armée française et le soutien des combattants du 19 mars, a pris le pays en otage. Au nom d’une légitimité historique usurpée, ils ont traqué les survivants du combat libérateur, et pourchassé, exilé, assassiné nos héros qui avaient défié la puissance coloniale avec des moyens dérisoires, armés de leur seul courage et de leur seule détermination.

Le Matin d’Algérie. 13 mars 2019

Au commencement était la mascarade. Le 18 mars 1962, étaient signés entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), les accords d’Évian qui mettaient fin à la guerre d’Algérie et qui allaient permettre de mettre un terme à 132 années de présence coloniale.

Le GPRA était composé des figures historiques du nationalisme algérien, des intellectuels, pharmaciens, avocats et médecins. Le jour du cessez-le-feu, l’armée française ouvre les frontières d’Algérie avec le Maroc et la Tunisie, fermées durant la guerre. Elle laisse passer l’armée algérienne des frontières, composée de maquisards qui, pour la plupart, n’ont jamais tiré une balle de leur vie. Elle est dirigée par le colonel Houari Boumediene, secondé, entre autres, par un jeune commandant, Abdelaziz Bouteflika. Ils forment ce qu’on appellera le clan de Oujda.

Une fois l’indépendance de l’Algérie proclamée en juillet 1962, cette armée des frontières déclare la guerre aux civils du GPRA. Elle déferle sur le pays, prend les villes les unes après les autres. Elle massacre les opposants. À Oran, elle tire sur les Européens qui avaient choisi de rester en Algérie. Lassés par sept années de guerres, des milliers d’Algériens sortent dans les rues, pour demander la fin de cette guerre fratricide. Mais le clan de Oudja massacre tout sur son passage. Le 9 septembre 1962, l’armée des frontières s’empare d’Alger. Après avoir mis au pas le principal syndicat du pays, elle annonce la primauté du militaire sur le civil et déclare qu’Ahmed Ben Bella sera l’unique candidat pour les élections présidentielles.

C’est durant cet été de la discorde que l’indépendance de l’Algérie est morte née, condamnée par une armée de maquisards qui n’a jamais connu la guerre, et qui considère, depuis, l’Algérie comme un butin de guerre, qu’elle a arraché à la fois des mains des militaires français et des civils algériens. Vérifiant ainsi l’adage populaire : tous les pays du monde ont une armée, sauf l’Algérie où l’armée a un pays. Et si le pays souffre d’un aussi cruel manque de liberté depuis 1962, c’est parce qu’il est toujours entre les mains des auteurs de ce casse historique : Ben Bella, renversé par Boumediene, en 1965.

À la mort de Boumediene dans des circonstances louches en 1978, Bouteflika est pressenti pour lui succéder, mais la cour des comptes l’accuse de détournement. Il prend le chemin de l’exil. Fidèle à sa tradition, le FLN lui préfère un candidat qui ne fait pas de bruit – c’est une tradition – Chadli Bendjedid, un colonel, réputé pour ne maîtriser ni l’arabe ni le français. Cependant, ce dernier, pour rompre avec la politique de rigueur de son prédécesseur, ouvre les portes de l’Algérie au marché international.

Le prix du pétrole est alors au plus bas. La misère gagne le pays qui se croyait à l’abri de la crise mondiale. En octobre 1988, des milliers de jeunes sortent manifester leur colère. L’armée leur tire dessus, faisant 500 morts. Un haut responsable du FLN qualifiera ce massacre de chahut de gamins.

Pour calmer la colère de la foule qui criait famine, l’État leur jette en pâture le multipartisme. Le FLN, parti totalitaire, hégémonique, se convertit en un soir aux vertus de la démocratie. En moins d’une semaine, 62 partis politiques voient le jour, parmi lesquels le célèbre Front islamique du salut (FIS), qui ne fut pas un parti d’opposition mais représentait en fait une mutation génétique et éthique programmée du FLN. Les partis d’opposition sont tous financés par l’État ainsi que la presse démocratique qui naît avec. La suite, on la connaît, le FLN organise, en 1991, des élections législatives avec un mode de scrutin majoritaire dont il était sûr qu’il allait lui donner la majorité. Mais le FIS arrive partout en tête. L’armée refuse le verdict des urnes et suspend le processus électoral.

Des milliers de sympathisants du parti islamiste prennent le maquis. Durant dix années, ils vont mettre le pays à feu et à sang, laissant sur le pavé plus de 200 000 morts. À court d’arguments, l’armée fait appel à Bouteflika pour sortir le pays de la guerre. Avec sa verve et sa fougue, il rentre d’exil en 1998. Il parcourt le pays et propose aux Algériens de passer l’éponge sur les crimes des islamistes lorsqu’il présente le texte de Concorde civile, adopté par le Parlement en 1999. Pour retrouver la paix, il demande au peuple de faire comme si tous ces milliers de morts n’avaient jamais existé [l’amnistie-amnésie. ndlr].

Pire qu’une réconciliation, ce sera une consécration des émirs auxquels l’État va verser de mirobolants dividendes pour qu’ils déposent les armes. Certes les islamistes n’ont pas pris par les armes le pouvoir, mais le pouvoir leur a donné toutes les armes, toutes les cartes pour prendre en main toute la société. L’Algérie compte aujourd’hui plus de 17 000 mosquées, l’enseignement public est devenu depuis des années un enseignement islamique, et la religion est présente partout. Désormais chaque individu, que ce soit dans l’espace public ou privé, jauge le bienfondé de ses propos, de ses actes et même de son allure en fonction des règles de la charia.

Depuis son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika a fait dépenser des milliards à l’État pour la construction d’un réseau d’autoroutes, de logements, de barrages. Ces infrastructures et tous les projets qu’elles suscitent, transforment l’État en agent corrupteur de toute une société qu’il aide à acquérir sur le marché international 97 % de sa consommation. Le tout bien entendu payé par la rente pétrolière qui s’amenuise de jour en jour. Des milliards $ offerts à des entreprises chinoises qui ont fini par transformer la Mitidja en banlieue de Pékin, et on peut dire, sans commettre de parjure, que les quatre mandats de Bouteflika, ont défiguré davantage les paysages d’Algérie, sa beauté, sa nature plus que 132 années de colonisation française.

La présentation de la candidature de Bouteflika, pour un cinquième mandat, est certes une catastrophe pour la jeunesse algérienne qui dit aujourd’hui sa colère dans toutes les villes du pays, mais elle révèle en même temps l’épuisement, l’essoufflement de ce système, ou de cette Armée État qui a pris de manière illégitime le pouvoir à l’indépendance, et qui s’est maintenue durant des années en s’appuyant sur la mythologie de la guerre de libération, et qui a cherché à se redonner un deuxième souffle en assurant qu’elle a sauvé une deuxième fois le pays du chaos islamiste, et que, sans elle, l’Algérie retomberait sans les abysses du FIS ou de l’organisation État islamique.

Cependant, ce système est aujourd’hui à bout de souffle, à l’image du candidat qu’il présente : cacochyme, aphone, paralysé, invalide, absent. À part la rapine, il n’a plus rien à dire. À part le pillage, il ne sait rien faire d’autre. Les généraux algériens sont les dignes successeurs des Barbaresques de la régence d’Alger qui sillonnaient les mers pour détrousser les chrétiens, pour les convertir ou les revendre. Le régime actuel fait partie de la lignée des janissaires, il s’est juste, pour la piraterie, replié sur les terres pour détrousser un peuple exsangue, sombre et névrosé, en lui promettant le paradis dans l’au-delà.

Il est grand temps que ce régime crève, sinon il emportera l’Algérie dans sa tombe.

Mohamed Kacimi écrivain, Le Monde du 2 03 2019

Et qu’est donc ce système dont plus personne ne veut ? Kamel Doaud le décrit :

L’homme qui déteste son peuple.

C’est l’une des légendes muettes qui accompagnent Abdelaziz Bouteflika depuis le début de son règne, en 1999. Le roman politique algérien aime collectionner les anecdotes sur le caractère rancunier de cet homme, son ancienne ambition devenue colère après qu’il ait été écarté, chassé du pouvoir en 1981, ses blagues racontées aux visiteurs étrangers, dépeignant les Algériens sous le pire des portraits, ses grimaces et ses envolées  egocentriques.

C’était au temps où il parlait.

Aujourd’hui, son silence, qui dure depuis son accident vasculaire cérébral (AVC), depuis son dernier discours en 2012, où il promettait la transition et annonçait l’épuisement de sa génération, est tout aussi interprété comme du mépris. Il a menti la dernière fois qu’il s’est exprimé, depuis il n’a rien dit aux Algériens. De rares mots, lors des audiences accordées aux étrangers. Les images désastreuses d’une décomposition en live, que son frère surveille comme monteur d’images à la télévision publique. Pour lui, le peuple ne compte pas, ou seulement s’il dépasse les 90 % de oui pour le réélire.

Son règne est aussi celui d’une kadhafisation lente du pays depuis son élection après la guerre civile : destruction des institutions, encanaillement généralisé de l’Etat, de ses hommes, concentration abusive des pouvoirs, monarchisation. La grande tradition d’un pouvoir collégial, sous la forme d’un cabinet noir ou de décideurs à Alger, version occulte du  consensus, a fini en palais peuplé de courtisans, de clans, de clowns et de courtiers. Une galaxie autour d’un homme et surtout de son frère, devenu le régent de la République.

Son époque est aussi celle de l’inflation des titres : Son Excellence, Fakhamatouhou. La traduction ne rend pas compte du grossier du titre. Il faut traduire Sa Grandeur. Le mantra est obligatoire dans la bouche de chaque ministre, de chaque haut fonctionnaire, en prologue ou en conclusion de chaque déclaration publique, de chaque annonce de projet. Ceux qui ne sacrifient pas à l’usage finissent mal. En témoigne un  journaliste de la télévision nationale qui, oubliant le titre, se fit remercier.

C’est cet encanaillement, qui semble avoir atteint des sommets, qui a fini par soulever les foules aujourd’hui. Tout est passé au filtre de ce rapetissement de l’État. Le FLN, grand parti de la libération, auteur d’une épopée de décolonisation unique au monde ? Il l’a réduit à un carnaval avec des secrétaires généraux véreux, vénaux, amuseurs de foules, menteurs, mégalomanes et courtisans jusqu’à l’obséquiosité. Insultez moi, mais ne touchez pas à mon président, s’est écrié l’un d’eux un jour. Vous êtes élégant ! a lancé un journaliste à l’un des secrétaires généraux de ce parti. Oui, a répondu l’apparatchik, célèbre pour sa mythomanie, mais vous n’avez pas encore vu l’élégance de mon président. À la mort de la mère de Bouteflika, l’un d’eux a quasiment élu domicile dans le cimetière pour se signaler à l’œil de la présidence par son deuil en parade. Bouteflika est déclaré président d’honneur du FLN ? Il y impose un déshonneur permanent. L’armée ? De même : les généraux, honnis, détestés par le Palais, finissent mal. À la fin, on les humilie jusqu’à la prison, on les arrête comme des malfrats en pleine autoroute, on les accuse, on leur fait passer une nuit ou deux en cellule puis on les relâche, brisés et étourdis  par la disgrâce inconcevable.

Le rêve de l’Algérie momifiée.

Le Parlement ? Le règne de Son Excellence a veillé à y placer des poupées à peine gonflables, des fantoches. Un député algérien de la majorité, ce n’est pas combien de voix ?, mais combien de sachets d’argent liquide glissés aux instances dirigeantes de son parti. En octobre 2018, le président de  l’Assemblée populaire nationale, pour une histoire de frais de mission et à cause d’une désobéissance au clan, a été dégommé de la pire des manières : on a cadenassé, sous son nez, l’entrée du Parlement. Les Algériens ont été choqués par l’image d’un État qui en est venu aux mœurs d’un videur de boîte de nuit. Le Sénat ? C’est un Club Med sans vue sur mer, une maison de repos pour la gérontocratie. C’est Bouteflika qui choisit, offre la pension, soutien un président au perchoir depuis… dix sept ans.

Les fameux services algériens ? Que ce fut beau et enthousiasmant de les voir se dissoudre il y a quelques années sous la perestroïka de son excellence. On chassa le Dieu d’Alger, le fameux général Toufik, faiseur de présidents, on l’insulta en public, on lâcha les chiens. Pour que vive la démocratie ? Non, juste pour que les services deviennent une intendance familiale. Le général est mort ? Vive le roi.

La chute des services algériens ne fut pas l’annonce de la démocratie, mais la confirmation d’une régence installée. Le frère remplaça le Dieu d’Alger. Un gouvernement ? Pas  question : on a très vite remplacé le chef du gouvernement, comptable devant le Parlement, par un premier ministre comptable devant le Palais. Tout a été contaminé et évidé par cette monarchisation, vampirisé par cet encanaillement généralisé : patronat, syndicats, universités, corps diplomatique, etc. Le pays a glissé, en deux décennies, d’une fausse république à un royaume tentaculaire. On a transformé le patriotisme en dîme, en taxe clandestine, en distribution de prébendes, en allégeance obligatoire et publique. Tous se souviennent de ce patron des patrons qui filmait les mains levées, lors d’un vote de son organisation patronale en  faveur de Bouteflika pour un quatrième mandat. Les contre le paieront cher. Les milieux d’affaires en Algérie peuvent raconter mieux que quiconque ces deux décennies. Ils peuvent éditer le catalogue des noms, détailler les pourcentages, les surfacturations, le racket. Rien n’a résisté à cette tempête de l’avilissement programmé, ce souffle mauvais de la vengeance et de la rancune. Rien. À peine si on pouvait, çà et là, encore crier non. Le seul espace pour échapper à la monarchie était Internet. Mais là aussi, la dictature a été féroce : arrestations de jeunes, prison, procès, terrorisme médiatique et diffamations par des télévisions inféodées, etc. Le rêve de l’Algérie momifiée n’était plus, dès lors, l’indépendance ou le leadership africain, mais l’immobilité, le silence, l’ombre, la peur. Tôt ou tard, cela devait exploser, car l’infanticide a été terrible en Algérie.

Le rite de la photo

Dans l’album de ces humiliations permanentes, on a retenu, début 2018, les images des médecins algériens tabassés, violentés, arrêtés et jetés hors  l’Alger, aux bords de l’autoroute, pourchassés au faciès par la police. Le régime a gardé vive sa haine des élites qui veulent s’autonomiser. Ces médecins au visage ensanglanté vont rester dans la mémoire des manifestants d’aujourd’hui. En une année, près de 4 000 d’entre eux ont choisi l’exil après ces répressions. Bouteflika pouvait s’en passer, lui et ses hommes peuvent se faire soigner en France ou en Suisse. Au catalogue des reproches, on peut ajouter des objets qui définissent l’Algérie d’aujourd’hui, sous le règne de l’immobilité : au début de l’été dernier, 700 kg de cocaïne sont découverts sur le port d’Oran, dans un conteneur. L’affaire est un scandale d’État et éclabousse jusqu’au patron de la police, ses proches, son chauffeur et un importateur de viande. Le scandale se double d’un autre : le Boucher, comme l’appellent les Algériens, avait enregistré des centaines d’heures de vidéo de clients corrompus pour un passe-droit, une autorisation d’urbanisme, un verdict de procès. Il s’agit de très hauts fonctionnaires d’État, de magistrats, de préfets, de ministres, de fils d’apparatchiks, de directeurs centraux… On découvre la réalité de ce régime, ses tarifs, sa décadence accélérée. D’autres objets signent ce règne féroce : les communiqués contradictoires de la présidence à propos des listes des nouveaux gouvernements, les lettres de Bouteflika à la paternité douteuse, les nominations de ministres qui durent dix minutes, comme celle d’un ministre du tourisme nommé et remercié, deux fois, en moins d’une heure. Signes d’un éclatement de l’autorité, d’une usurpation du mandat, preuves d’un usage de faux au plus haut sommet du pays. On peut citer les images d’un président au si lent trépas diffusées cycliquement pour prouver qu’il y a une vie dans le palais et, dernièrement, surtout, le fameux cadre. C’est peut-être ce que l’histoire gardera de ce règne : le rite de la photo de Bouteflika, un cadre présenté aux Algériens pour qu’ils l’embrassent et l’élisent. Ce cadre, portrait muet et photoshopé jusqu’à l’outrance, est promené lors des défilés nationaux. On a vu le gouvernement et la hiérarchie du pays se lever pour le saluer aux fêtes de l’indépendance, on a vu le ministre de l’intérieur le décorer, on a vu des foules se pousser du coude autour pour se reprendre en photo avec… la photo, on a vu des tribus offrir un cheval au cadre. On a vu de jeunes blogueurs condamnés à de la prison pour avoir moqué ce portrait. Cette religion du cadre a été l’ultime mépris, l’insulte suprême, le crachat absolu. Les nouvelles générations le ressentent comme l’humiliation de trop. C’est donc le portrait le plus coûteux de l’histoire algérienne : il nous a coûté des décennies d’immobilité et de rapine, il va nous coûter une révolution lourde, dangereuse, belle et longue. Si on doit être gouverné par un cadre, autant que cela soit Mona Lisa, brandissaient des jeunes lors des marches flamboyantes du 1° mars. Humour, blessure, fierté, danger, révolte, colère et inquiétude. C’est tout cela mon pays aujourd’hui.

Le destin de Bouteflika sera celui des décolonisateurs en chef (et de leurs  courtiers), qui ne savent pas mourir, partir dignement, accepter le temps. Il aurait pu sortir par la grande porte et préserver la mémoire de sa personne et l’avenir des enfants de l’Algérie. Il ne l’a pas fait.

Kamel Daoud, écrivain, Le Monde du 11 03 2019

2 03 2019 

Attention au coronavirus disent quatre scientifiques chinois de l’Institut de virologie de Wuhan et de l’Académie des sciences chinoises basé à Pékin, dans la revue internationale Viruses.

Il est généralement acquis que les coronavirus portés par les chauves-souris vont réémerger et causer la prochaine flambée épidémique. À cet égard, la Chine est une probable zone à risque. Le défi consiste à savoir où et quand, de façon que nous puissions faire de notre mieux pour prévenir de tels foyers de maladie.

10 03 2019           

Moins de cinq mois après le crash d’un Boeing 737 MAX 8 en Indonésie, un autre appareil du même modèle, flambant neuf, connaît le même accident, sous le pavillon d’Ethiopian Airlines, six minutes après son décollage d’Addis Abeba : 157 morts, dont les  9 membres d’équipage, 32 Kenyans, 18 Canadiens, 9 Éthiopiens, 8 Italiens, 8 Chinois, 8 Américains, 9 Français, 7 Britanniques, 6 Égyptiens, 5 Allemands et 4 Indiens. Retrouvées, mais endommagées, les boites noires seront analysées en France.

En octobre 2018, après le 1° crash, Boeing s’était engagé à revoir le logiciel de bord… Ça n’a donc rien donné et de toutes façons le problème n’est pas là ; le problème c’est de savoir quelle est l’autorité qui, au bout de la chaîne décide d’accepter telle ou telle innovation ; en d’autres termes le pouvoir doit-il être intégralement entre les mains des ingénieurs, ou bien doit-il être entre les mains d’un collège de sages qui décide si oui ou non, l’innovation proposée doit être acceptée ou refusée, le principe de base étant qu’il y ait en permanence la possibilité pour le commandant de bord de passer en pilotage manuel dès qu’il le juge nécessaire : que ce soit l’humain qui, finalement, puisse prendre la main sur les automatismes, l’informatique, l’électronique. On a laissé les ingénieurs jouer les apprentis sorciers… et le bilan est dramatique.

Très vite, la Chine interdira de vol ces appareils, suivie de l’Indonésie, de l’Europe et finalement, le 13 mars des États-Unis. Depuis mai 2017, 367 Boeing 737 MAX 8 et MAX 9 ont été livrés. Boeing va devoir corriger as soon as possible les erreurs transmises par le capteur défectueux. Mais pour finir, cela ne se fera pas et, mi décembre 2019, Boeing décidera l’arrêt pour deux mois de la production de ce 737 MAX 8 et MAX 9. Le 6 mars 2020, la Commission de transport du Congrès américain qualifiera le 737 Max, cloué au sol depuis près d’un an d’avion fondamentalement défectueux et dangereux. 

12 03 2019 

Le porte-conteneur de 213 mètres de long Grande America, construit en 1994, de l’armateur italien Grimaldi Groupa transporte de Hambourg à Casablanca 365 conteneurs dont 45 de matières dangereuses – acides chlorhydrique, sulfurique -, et à peu près 2 000 belles voitures dans les autres. Il a dans ses soutes 2 200 tonnes de fuel lourd. Le feu a pris deux jours plus tôt et il n’est pas parvenu à le maîtriser. Le bateau prend de la gîte, des conteneurs tombent à l’eau et il coule à 15 h 26′, par 4 500 mètres de fond,  à 333 km à l’ouest de La Rochelle, au sud-ouest de Pen Mach. La marine anglaise n’a pu que sauver l’équipage. Il est possible que le navire ait coulé par la déstabilisation de son assiette due aux quantités d’eau reçues par les navires qui cherchaient à éteindre l’incendie ! Et encore une marée noire pour les côtes charentaises, une pollution atmosphérique avec les acides qui ont brûlé, et une pollution pour les fonds marins qui vont accueillir le navire. Cette acidification des océans tue essentiellement les coraux. La moyenne annuelle des naufrages de navires marchands est de 115 à 120 par an.

Demi couronne des plus grosses marées noires, sur le pourtour ouest de la Bretagne :

1967  Torrey Cañon    121 000 tonnes
1976  Olympic Bravery         1 200 tonnes
1978  Amoco Cadiz    223 000 tonnes
1979  Gino et Team Costa      32 000 tonnes
1980   Tanio        6 000 tonnes
1988  Amazzone        2 100 tonnes
1999   Erika     20 000 tonnes
1999   Boehlen       7 000 tonnes
2019   America Grande       2 200 tonnes

Naufrage du Grande America. « Il ne faut pas nier le risque de pollution », avertit François de - La Roche sur Yon.maville.com

14 03 2019   

Double attentat à Christchurch, la ville de l’île du sud de la Nouvelle Zélande, sur deux mosquées :  50 morts, 50 blessés, causé par trois hommes et une femme. L’un des hommes, australien est un fou furieux d’extrême droite, abritant sa folie derrière l’idée  du Grand Remplacement, chère à ces extrémistes. Le fou a fait le nécessaire pour être vu sur Facebook. Et le tout va donc être en direct sur Facebook pendant vingt-neuf minutes… oui, vingt-neuf minutes avant qu’un type réalise de quoi il s’agissait : eh, mais, ce n’est pas un jeu, ça !

C’est le pire raté de l’histoire de la modération sur les réseaux sociaux.

Romain Badouard

Jacinda Ardernpremière ministre depuis octobre 2017, aura des accents et une empathie qui conforteront encore sa popularité, déjà grande. Quand elle a parlé, il ne se trouve personne pour s’opposer à elle, rapporte-t-on de là-bas. Mais elle rendra son tablier en janvier 2023, épuisée.

  • Le 16 mars, au lendemain de l’attentat, la première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, coiffée d’un foulard noir, est allée à la rencontre des rescapés et des familles dans une université où a été installé un centre d’information.

    Photo de Kirk Hargreaves, à travers une vitre, le 16 mars, au centre communautaire de Phillipstown.

  • New Zealand’s Prime Minister, Jacinda Ardern, Is Young ...

15 03 2019 

Le cyclone Idai, avec ses vents de 200 km/h ravage le Mozambique et particulièrement les 400 000 habitants de Beira. Les deux rivières Pungwe et Buzi débordent très largement. Il poursuit son œuvre de mort sur le Zimbabwe puis le Malawi. On compte au total au moins 847 morts, 1 428 cas de choléra, 600 000 déplacés. 385 000 ha de terres agricoles sont dévastées. Au Zimbabwe, on compte 259 morts, 200 disparus, 400 000 personnes déplacées, et au Malawi, 56 morts, 577 blessés, 94 000 déplacés.

22 03 2019

L’Italie signe avec la Chine un protocole d’accord avec la BRI  – Belt and Road Initiative – l’acronyme anglais des Routes de la Soie -, plutôt flou, où la Chine prendrait une part prédominante dans la gestion des ports de Gênes et de Trieste. En tant qu’État, elle est la première du G 7 à le faire. Ceci dit, les Italiens n’ont pas attendu  la venue en mars 2019 de Xi Jinping pour commencer à se vendre à la Chine : Pirelli, en 2015, les clubs de foot de l’AC Milan à la famille Moratti et de l’Inter de Milan à Berlusconi en 2016, les fameux in-board Riva, et quelques autre pépites moins brillantes mais tout aussi riches de promesses, la plateforme ferroviaire géante de Mortara, 12 000 vélos en libre-service à Milan dès l’automne 2017…

23 03 2019

Ancestrales rivalités ethniques ? Terrorisme qui se masque derrière ces rivalités : la mort, le feu et la désolation passent sur le village peul d’Ogossagou, dans le centre-est du Mali. On ne saura probablement jamais si c’est le fait de Dogons, comme le prétendent les Peuls ou de terroristes.

11 04 2019

Les 16 statues de cuivre que Viollet le Duc avait demandées à Geoffroy de Chaumont en 1859, sur les angles de la flèche de Notre Dame de Paris sont déposées pour restauration, entreposées à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Quatre jours plus tard, toutes les 16 se dirent : eh bien, on l’a échappé belle ! 

  15 04 2019   

La malédiction attente au cœur de la France : Notre Dame de Paris est la proie des flammes. Les dommages ne seront pas irrémédiables, mais la stupeur et la tristesse insondables. Perluigi Pericolo, l’architecte italien, restaurateur de la basilique Saint Donatien et Saint Rogatien qui a brûlé à Nantes en 1972, estimera entre deux et cinq ans la durée pour la seule sécurisation du chantier.

Cet accident qui n’aura laissé aucun Français – et tant d’autres, amis et étrangers – indifférent est une occasion unique de créer un environnement particulier pour définir qui fait quoi ? , et sortir pour une fois des pseudo contraintes de l’urgence pour déterminer un plan d’action ; on met autour d’une table les gens compétents pour dresser d’abord un état des lieux, réfléchir,  et ensuite construire un programme de travaux, sans que l’urgence soit déterminante ; on laisse le temps au temps, on prend le temps de réfléchir, on fait du bon boulot. Au lieu de quoi Emmanuel Macron, président de la République, Anne Hidalgo Maire de Paris, en fixant arbitrairement à cinq ans la durée des travaux de reconstruction, trois jours après l’incendie, seront restés le nez collé sur le guidon, scotchés aux pseudo urgences, et auront perdu une belle occasion de se taire, ce qui aurait été preuve de sagesse. Il faut que les travaux de Notre Dame de Paris soient terminés pour les Jeux Olympiques de 2024 ! Et pourquoi donc ? Aurait-elle eu l’intention de créer une épreuve de calvaire, avec chemin artificiel grimpant jusqu’aux tours, et treize stations  avec hamburgers et coca cola à chacune d’elle, puis descente en rappel entre les deux tours ?

La presse, quant à elle, tous médias confondus, ne pourra s’empêcher de ressortir les vieilles lunes des cultureux : la querelle des Anciens et des Modernes, réactivée quant aux choix à opérer en matière du matériau à utiliser pour refaire la charpente, béton, fer ou bois ? sans se soucier jamais du nombre et de l’identité de ceux qui représenteraient le camp des Anciens… on  a vu cité le nom de l’architecte Roland Castro, qui aujourd’hui, ne pèse pas plus lourd que le Parti communiste auquel il a appartenu et ensuite … rien … personne. Cette querelle est creuse, vide, morte depuis longtemps, peut-être depuis que la charpente de la cathédrale de Chartres, incendiée en 1838 a été refaite en fer, et tout le monde ou presque s’accorde à dire qu’il faut choisir un matériau plus facile à mettre en œuvre que le bois.

Autre vieille lune des démagos de tous poils : la rapidité et la spontanéité avec laquelle ont été effectués les premiers dons, jusqu’à atteindre les 850 millions d’Euros en moins d’une semaine, 922 millions au final. Pour les 9 millions de citoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, on ne trouve que des miettes, et là l’argent tombe comme à Gravelotte ! C’est scandaleux ! Éternelle rengaine que le quotidien des choix budgétaires faits en France vient démentir tous les jours : car tout au long de l’année, pour ne prendre qu’un exemple, on fait fonctionner l’Opéra avec les sous du contribuable, les recettes de billetterie étant bien loin d’atteindre le niveau des dépenses, et pourtant les places ne sont pas données, et seuls peuvent se les offrir des gens vraiment riches. Le nivellement qui consiste à donner en prestations sociales l’argent de la culture est un machin qui sort de la tête d’un khmer rouge, c’est un déni de  civilisation. La vie d’un pays n’est pas aussi simpliste que cela. Nulle part, cela n’a marché comme ça, et quand, par volontarisme borné, on s’y est essayé, cela a conduit aux catastrophes de la Chine de Mao, des Khmers Rouges au Cambodge, ou plus proche, au Venezuela de Nicolas Maduro.

 

Incendie de Notre-Dame de Paris : « C'est une sorte de 11 Septembre patrimonial » - Le Point

A picture taken on June 16 2021 in Paris, shows the nave of Notre-Dame Church under renovation, two years after the cathedral was ravaged by a fire. (Photo by Thomas SAMSON / POOL / AFP)

Tel un vaisseau de pierre majestueux enserré par les deux bras de la Seine, Notre Dame semblait, depuis toujours, entretenir un dialogue  singulier avec l’histoire des hommes et l’éternité des dieux. Les flammes terribles, voraces, longtemps insatiables qui ont ravagé la cathédrale
de Paris, lundi 15 avril, n’auront pas mis un terme à ce dialogue. Mais elles y auront ajouté la sidération de la catastrophe, le drame des Parisiens, le deuil de la France touchée au cœur et cette immense onde de tristesse qui a parcouru la planète à la vue du désastre en direct par ces millions de voyageurs qui la visitaient chaque année. Tout se mêlait dans l’émotion de tous et les sanglots étouffés de beaucoup. Pour les chrétiens, d’abord, en ce début de semaine sainte, en cette veille de Pâques, Notre Dame était depuis plus de huit siècles – depuis quinze siècles même dans sa forme mérovingienne antérieure  – un des hauts lieux d’une foi qui a façonné l’Europe à travers les âges. Contrairement à bien d’autres, si elle n’avait pas toujours résisté à l’usure du temps, la cathédrale avait échappé aux flammes qui en avaient détruit bien d’autres. Sa charpente  médiévale, cette forêt mystérieuse, est aujourd’hui en cendres. Pour les Parisiens, trônant au cœur de l’île de la Cité où Lutèce était née, sa longue et haute nef, ses deux tours massives et cette flèche (rajoutée au XIX° siècle par Viollet le Duc, 500 tonnes de chêne, 250 tonnes de plomb qui a l’avantage de bien résister à l’érosion mais l’inconvénient de fondre vite au feu [1]) qui s’est effondrée, hier, dans une gerbe de feu, dessinaient immanquablement la silhouette de la ville, comme son pôle magnétique. Pour tous les amoureux d’art et de civilisation, elle était ce joyau gothique somptueux, miracle d’architecture et musée inestimable qu’il faudra des années, des décennies sans doute pour réparer et restaurer. La géographie, l’histoire, la littérature en ont fait l’épicentre du pays. Sur son parvis se situe le point zéro à partir duquel est calculée la distance à la capitale du moindre bourg de France. Sa nef a accueilli quelques uns des plus riches chapitres du roman national. Les rois étaient sacrés à Reims et inhumés à Saint Denis, mais pendant des siècles la monarchie est venue s’agenouiller à Notre Dame, y célébrer mariages et Te Deum de victoires. Une décennie après la Révolution qui ne l’épargna pas complètement, Napoléon s’y fit couronner empereur en 1804.
La République, elle même, en a fait bien souvent le lieu de ses triomphes et de ses peines. C’est le bourdon de Notre Dame qui sonna le premier la victoire, le 11 novembre 1918. C’est dans cette cathédrale, prise sous les tirs des desperados de la Collaboration, que le général de Gaulle vint célébrer la libération de la capitale le 26 août 1944. Là encore que se rassemblèrent tous les grands de la planète en 1970, 1974 et 1996 pour saluer, lors de messes solennelles, la mort de trois présidents de la République, de Gaulle, Pompidou et Mitterrand. Sur la face de cette vieille reine de nos cathédrales, à côté d’une ride, on trouve toujours une cicatrice, avait écrit Victor Hugo, chantre de Notre Dame de Paris. La
cicatrice, cette fois ci, sera ineffaçable. Nous rebâtirons cette cathédrale, a assuré Emmanuel Macron au soir de la catastrophe. Mais aussi fort soit-il, cet engagement ne pourra effacer avant longtemps les images terribles de cet immense brasier qui n’aura épargné de Notre Dame que son squelette de pierre et la mémoire d’une poignante soirée de deuil, national et planétaire.

Éditorial. Le Monde du 16 04 2019

Professeur au département d’histoire de l’art et d’architecture de l’université américaine Columbia, conservateur au département d’architecture et de design au Museum of Modern Art de New York, Barry Bergdoll a signé la lettre ouverte à Emmanuel Macron publiée, le 28 avril, sur le site du Figaro. Avec 1 180 historiens de l’art, architectes des monuments historiques, conservateurs, architectes, il y interpelle le président de la République française sur la question de la restauration de Notre Dame, lui enjoignant de faire preuve de la plus grande prudence dans ce dossier, de s’en remettre aux experts et de maintenir le projet dans le cadre législatif de la protection des monuments historiques.

Comment cette lettre ouverte à Emmanuel Macron vous est-elle parvenue ?

Des historiens de l’architecture, des acteurs du patrimoine français sont nombreux à l’avoir fait circuler. J’ai dû la recevoir trois fois en moins d’une demi-heure.

Qu’est-ce qui vous a incité à la signer ?

La précipitation avec laquelle les annonces sur la reconstruction ont été faites. Après un incendie aussi intense, il faut beaucoup de temps pour comprendre les enjeux de la restauration, en particulier pour un édifice aussi complexe.  aujourd’hui, on ne connaît pas l’état des voûtes, on ne sait pas quelle température a été atteinte à l’intérieur… Imaginer un concours dans ces conditions, c’est comme construire un bâtiment sans connaître l’état géologique du site.

Le gouvernement a décidé d’affranchir Notre-Dame de la loi sur la protection du patrimoine. Cette décision vous semble-t-elle justifiée ?

C’est très dangereux. Je me demande s’il y aurait eu ne serait-ce qu’un début de discussion sur le sujet s’il s’agissait des cathédrales de Laon, de Senlis ou de Bourges… Du point de vue de l’histoire de l’art, elles sont aussi importantes que Notre-Dame de Paris. Si Notre-Dame fait exception, c’est par sa renommée. Je ne vois pas en quoi cela devrait lui conférer un statut spécial au regard de la loi sur les monuments historiques.

Avez-vous un point de vue tranché sur la forme que devrait prendre la nouvelle flèche ?

Je suis historien du XIX° et du XX°, progressiste, favorable a priori au contemporain… Ceux qui me connaissent pourront être surpris que je ne prenne pas d’emblée parti pour la contemporanéité. Mais c’est une question de conservation du patrimoine. Personne n’envisage de ne pas reconstruire à l’identique les voûtes qui se sont effondrées. Dans tout ce débat, on a l’impression que l’histoire de la cathédrale s’est arrêtée en 1400. Je ne comprends pas pourquoi on respecte religieusement le médiéval tout en étant prêt à se débarrasser de ce qui vient après Eugène Viollet-le-Duc, un des grands architectes du XIX°. J’ai l’impression d’être revenu aux années 1960, quand il était considéré comme un pasticheur ! On raisonne qui plus est comme si son intervention sur Notre-Dame se résumait à la flèche. C’est complètement faux ! Sans parler des statues qui faisaient partie de la flèche et qui ont été sauvées. Faut-il les réintégrer à la nouvelle flèche ? Qui écrit le programme du concours ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse régler ces questions dans l’arène politique…

L’idée d’une flèche contemporaine vous paraît-elle indéfendable ?

Je défends l’idée de reconstituer celle de Viollet-le-Duc si c’est possible. Tout dépendra de la charpente qu’on va  reconstruire, de la structure qu’elle va former avec les voûtes. Ce bâti invisible n’a pas besoin selon moi d’être reconstruit à l’identique (même si on a toutes les données pour le faire, l’espace de la cathédrale ayant été intégralement scanné en 3D). Si jamais il n’était pas capable de soutenir la flèche de Viollet-le-Duc, alors oui, un concours d’idées, le plus ouvert possible, deviendrait légitime. Mais annoncer d’emblée que l’on va refaire la flèche dans un esprit XXI° siècle me semble aberrant. Une flèche ce n’est pas un chapeau ! On ne peut la concevoir indépendamment de la charpente. Je suis un peu sidéré que des architectes de très grande renommée aient pu avoir l’idée de publier des images aussi vite.

Y a-t-il des cas d’école qui auraient pu servir d’exemple ?

Chaque cas est particulier. Si un édifice a été démoli et qu’on l’a laissé à l’état de ruine pendant cinquante ans, comme ce fut le cas de la Frauenkirche de Dresde, par exemple, cela signifie qu’on n’estimait pas que la population en avait besoin pour panser sa blessure. Reconstruire à l’identique dans ce genre de cas, c’est du pastiche, une nostalgie ridicule. La reconstruction à l’identique de la cathédrale de Reims après la première guerre mondiale, ou du dôme et de la chapelle du Saint Suaire à Turin, après l’incendie qui les ont ravagés en 1997, se justifient de manière beaucoup plus évidente, parce que leur destruction a constitué un choc dans le corps social.

En tant qu’Américain, l’afflux massif de fonds privés pour reconstruire la cathédrale a dû vous sembler  familier…

Ce qui est un peu inédit, il me semble, c’est la rencontre, avec ce mécénat publicitaire, entre ce secteur du patrimoine qui est, en France, de la responsabilité de l’État depuis les années 1840, et les grandes fortunes. Dans le contexte de la crise des gilets jaunes, on peut se demander si c’était judicieux politiquement. Vu de loin, les débats sur le sujet paraissent aussi incendiaires que l’événement lui-même.

Comment avez-vous réagi à l’incendie, sur le moment ?

J’ai appris la nouvelle quasi instantanément, par les alertes du New York Times et du Monde, alors que j’étais en route pour l’aéroport. Au bout de quelques minutes, les chaînes de télévision américaines ont commencé à m’appeler, me demandant de venir en studio. La flèche n’était même pas encore tombée ! J’ai envisagé de repousser mon voyage d’une journée et puis j’ai renoncé, je suis content d’avoir pris cette décision. Cela m’a évité de me retrouver dans un  studio à raconter des choses dont j’aurais ensuite pu me dire que c’étaient des bêtises.

Cette culture médiatique de l’immédiateté se heurte au temps long des monuments historiques…

Il n’est jamais bon de réagir sous le coup de l’émotion… J’aurais aimé que le président Macron puisse dire : nous allons prendre le temps de la réflexion… Une fois les annonces publiques faites, c’est difficile de faire marche arrière. L’annonce du concours d’architecture m’a rappelé l’époque des grands travaux de Mitterrand. Le soir où il a annoncé avoir choisi le projet de Dominique Perrault pour la Bibliothèque nationale de France, il en montrait les images à la télévision. Dès lors, tous les ajustements ont dû s’inscrire à l’intérieur de ce qui avait été montré à la télévision. Je vois un parallèle entre les deux situations : des annonces précipitées qui réduisent terriblement la marge de manœuvre. C’est le problème des concours d’architecture, qui ont une visibilité politique énorme. Une consultation n’aurait pas le même effet.

Pensez-vous que cette tribune puisse concrètement être suivie d’effets ?

Je suis tellement francophile que j’ai espoir que l’on revienne à quelque chose de rationnel – un espoir que je n’ai plus loisir de formuler dans mon pays. Mais je sais que je suis un peu romantique dans mon rapport à la France.

propos recueillis par isabelle regnie. Le Monde du 4 mai 2019

Finalement, on prendra le temps qu’il faut, pour qu’en juillet 2020 Roselyne Bachelot, toute nouvellement nommée à la Culture, annonce qu’un large consensus se dégage dans l’opinion publique et chez les décideurs pour la reconstruction à l’identique. S’agit-il d’une faute, s’agit-il d’une erreur ? Que nenni, il s’agit d’une démission ; ces bâtisseurs ont refusé tout simplement de faire leur métier, c’est à dire de restaurer une œuvre du XIII° siècle en mettant en œuvre des outils et des matériaux du XXI° siècle : l’esprit de musée l’a emporté sur la vie, le conservatisme et la reproduction à l’identique qu’a fustigé Ayn Rand pendant la deuxième guerre mondiale dans Foutainhead ont pesé plus lourd que le courage de faire son métier. Mais il est vrai que le courage n’est pas la qualité dominante de notre époque. Jean-Michel Wilmotte, qui a fait les dômes de la cathédrale orthodoxe de Paris en résine dorée, déplore vigoureusement cette décision : Quelle occasion manquée. Imaginez des éléments de charpente en fibre carbone, profilés au millimètre, tous identiques, sortis des logiciels surpuissants de chez Dassault Systèmes, qui arriveraient par la voie fluviale et que l’on pourrait monter en chaine, clac-clac-clac ! en quelques mois, au vu de tous, pour rendre au toit sa forme. Quel gain de temps et d’argent ! Quelle extraordinaire vitrine pour le savoir-faire français et l’excellence de nos ingénieurs ! Et quelle école ce serait pour nos compagnons du III° millénaire. Les bras m’en tombent … Alors que là, on va couper des chênes pluri-centenaires qu’on va assembler comme au XIII° siècle. J’aurais bien vu la flèche en résine moulée, bardée de titane et non pas de plomb, un matériau obsolète et polluant… On aurait même pu y inclure des fibres optiques pour en faire, la nuit, une aiguille de lumière. 

On ne peut s’empêcher de penser à Alexis Léger-  alias Saint John Perse – secrétaire général du Quai d’Orsay en 1938 et membre à ce titre de la délégation de la France aux accords de Munich, et qui, interrogé aux portes de son hôtel à Munich :
Mais enfin, Monsieur l’Ambassadeur, cet accord, c’est quand même un soulagement, non ?
Ah oui, un soulagement… comme lorsqu’on a fait dans sa culotte !

*****

Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauvesouris devant une chandelle. Sans doute ce phare étrange allait éveiller au loin le bûcheron des collines de Bicêtre, épouvanté de voir chanceler sur ses bruyères l’ombre gigantesque des tours de Notre Dame. Il se fit un silence de terreur parmi les truands, pendant lequel on n’entendit que les cris d’alarme des chanoines enfermés dans leur cloître et plus inquiets que des chevaux dans une écurie qui brûle, le bruit furtif des fenêtres vite ouvertes et plus vite fermées, le remue-ménage intérieur des maisons et de l’Hôtel Dieu, le vent dans la flamme, le dernier râle des mourants, et le pétillement continu de la pluie de plomb sur le pavé. […] Œuvre colossale d’un homme et d’un peuple […] sorte de création humaine en un mot, puissante et féconde comme la création divine dont elle semble avoir dérobé le double caractère : variété, éternité. […] Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre.

Victor Hugo. Notre Dame de Paris. 1482, livre X, chapitre 4.1831

Notre dame est bien vieille : on la verra peut être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !

Gérard de Nerval. Œuvres complètes, VI, Poésies complètes. 1831

Je voulais du moins parler de Notre Dame de Paris. Mais quelqu’un a marqué ce monument d’une telle griffe de lion, que personne désormais ne se hasardera d’y toucher. C’est sa chose désormais, c’est son fief, c’est le majorat de Quasimodo. Il a bâti, à côté de la vieille cathédrale, une cathédrale de poésie, aussi ferme que les fondements de l’autre, aussi haute que ses tours. Si je regardais cette église, ce serait, comme livre d’histoire, comme le grand registre des destinées de la monarchie. On sait que son portail, autrefois chargé des images de tous les rois de France, est l’œuvre de Philippe Auguste ; le portail sud est de saint Louis, le septentrional de Philippe le Bel ; celui-ci fut fondé de la dépouille des Templiers, pour détourner sans doute la malédiction de Jacques Molay. Ce portail funèbre a dans sa porte rouge le monument de Jean sans Peur, l’assassin du duc d’Orléans. La grande et lourde église, toute fleurdelisée, appartient à l’histoire plus qu’à la religion. Elle a peu d’élan, peu de ce mouvement d’ascension si frappant dans les églises de Strasbourg et de Cologne. Les bandes longitudinales qui coupent Notre Dame de Paris arrêtent l’élan ; ce sont plutôt les lignes d’un livre. Cela raconte au lieu de prier. Notre Dame de Paris est l’église de la monarchie ; Notre Dame de Reims, celle du sacre. Celle-ci est achevée, contre l’ordinaire des cathédrales. Riche, transparente, pimpante dans sa coquetterie colossale, elle semble attendre une fête ; elle n’en est que plus triste, la fête ne revient plus.

Jules Michelet. Histoire de France, Éclaircissements, à la suite du livre IV. 1833

Monsieur le ministre,

En nous chargeant de la rédaction du projet de restauration de la cathédrale de Paris, nous ne nous sommes pas dissimulé ni l’importance de la tâche que vous vouliez bien nous confier, ni la gravité des questions et des difficultés que nous aurions à résoudre. Dans un semblable travail on ne saurait agir avec trop de prudence et de discrétion ; et nous le disons les premiers, une restauration peut être plus désastreuse pour un monument que les ravages des siècles et des fureurs populaires ! Car le temps et les révolutions détruisent mais n’ajoutent rien. Au contraire, une restauration peut, en ajoutant de nouvelles formes, faire disparaître une foule de vestiges dont la rareté et l’état de vétusté augmentent même l’intérêt. Dans ce cas, on ne sait vraiment ce qu’il y a de plus à craindre, ou de l’incurie qui laisse tomber à terre ce qui menace ruine, ou de ce zèle ignorant qui ajoute, retranche, complète, et finit par transformer un monument ancien en un monument neuf, dépouillé de tout intérêt historique. Aussi comprend on parfaitement qu’à la vue de semblables dangers l’archéologie se soit émue, et que des hommes entièrement dévoués à la conservation de nos monuments aient dit : En principe, il ne faut pas restaurer ; soutenez, consolidez, remplacez, comme à l’arc d’Orange, la pierre entièrement rongée par la pierre neuve, mais gardez-vous d’y tailler des moulures ou des sculptures.

Eugène Violet le Duc. Projet de restauration de Notre Dame de Paris, rapport de MM. Lassus et Viollet le Duc adressé au ministre de la justice et des cultes. 1843

Que subsiste-t-il d’authentique dans cette église ? L’ossature dont d’incessantes réparations n’ont pas trop adultéré les contours et les deux roses du transept qui sont demeurées presque intactes ; le reste est neuf. Les verreries de la nef, du chœur, des chapelles, ont été brisées et des peintures cuites par d’absurdes vitriers les remplacent ; le jubé a été démoli, le vieil autel avec ses colonnes de cuivre et sa pyxide suspendue a été jadis bazardé, on ne sait où ; la statue colossale de saint Christophe qui se tenait debout, à l’entrée du vaisseau, a disparu de même que les stalles du XIV° siècle. Quant aux châsses, elles ont été fondues par les sans-culottes et les carreaux noirs et blancs d’un jeu de dames suppléent aux pierres tombales, gravées d’effigies et d’inscriptions, qui pavaient autrefois son sol. (…)

Telle qu’elle est, elle assume néanmoins encore une magnifique allure avec sa nef plantée de lourds piliers, son arc triomphal ouvrant sur la baie géante du chœur, ses colonnes filant d’un jet jusqu’aux voûtes ; sans doute, elle n’a pas la légèreté des basiliques d’Amiens et de Chartres qui s’effusent, ravies, en plein ciel ; elle, ne sort pas d’elle-même, elle tient à la terre et ne s’en arrache point ; mais ce qu’elle reste majestueuse et ce qu’elle apparaît, à cause même de sa pesanteur, grave ! Elle semblerait, en somme, plutôt dédiée au Dieu sévère de la Genèse qu’à l’indulgente Vierge, si la gracilité de son transept ne vous révélait qu’elle est bien, en effet, placée sous le vocable de Marie et qu’elle s’effile à son image, et qu’elle sourit divinement et qu’elle s’humanise. Ce transept est la partie vraiment supérieure de Notre Dame ; les murs s’émincent et, pour s’alléger encore, cèdent la place aux verres ; et ses deux roses sont des roues de feu, aux moyeux d’améthyste, des roues où le violet de cette gemme, symbole de l’innocence et de l’humilité, domine ; c’est une féerie quand le soleil pénètre dans le vide vitré des trous ; il longe les rais amenuisés de pierre, allume entre eux des grappes de flammes, fulgure comme un bouquet d’artifice, dans le cercle des jantes. Ce sont les roues en ignition du chariot d’Elie et l’on dirait également de ces touffes remuées de lueurs, des fleurs de braises écloses dans une serre ronde de verre. La gloire de Notre Dame de Paris est là (…).

Joris-Karl Huysmans. Almanach du bibliophile, Le quartier Notre Dame 1899

Enserrée par les bras d’un fleuve puissant qui s’entrouvre pour mieux enchâsser un chevet audacieux et fier et ainsi le mieux mettre en valeur, Notre Dame de Paris semble recevoir avec un noble dédain cet hommage rendu par l’eau à un monument aussi superbement embossé. Elle paraît ignorer tout ce qui s’agite à ses pieds tant la tension verticale qui l’anime est forte. Elle poursuit sans effort le long dialogue qu’elle entretient depuis le XII° siècle avec l’éternité. C’est ainsi qu’elle apparaît à celui qui descend le cours de la Seine. Toute différente est l’impression de celui qui l’aborde par l’ouest. Le long chemin qu’il doit effectuer avant de parvenir au pied de sa façade se révèle écrasant tant lui paraît immense le splendide isolement. Comment tenter de renouer un ancien dialogue entre la ville et l’édifice, autrefois si intense lorsque la cathédrale se trouvait enveloppée par la vie grouillante que Victor Hugo a su ressusciter dans son Notre Dame de Paris ? L’évocation se révélait, à l’époque, plus aisée qu’aujourd’hui, la Cité n’ayant pas encore été éventrée. La réalité actuelle appartient entièrement au XIX° siècle qui a réussi à modeler petit à petit Notre Dame à son propre imaginaire. Notre Dame y a perdu sa signification première au profit d’une nouvelle que lui donnent les foules qui l’envahissent sans vouloir y chercher un lieu de recueillement. Notre Dame n’est plus l’émergence d’une réalité plus vaste, elle se suffit aujourd’hui à elle-même. Dans l’inconscient collectif, elle appartient à ces monstres sacrés qui sont symboles de Paris, rivalisant avec la tour Eiffel, le Centre Georges Pompidou, le Louvre, le tombeau de Napoléon I°. Elle est mémoire d’une histoire, d’ailleurs mal perçue, elle témoigne d’un des grands moments de l’architecture. À la signification religieuse qui était la sienne à son origine succède une symbolique nouvelle qui est celle de notre temps. Ce lien étrange que le monde moderne a fait naître n’apparaît que renouvelé. À cet égard, le destin de la cathédrale de Paris est unique car chaque époque a créé son imaginaire, chargeant l’édifice d’une dimension particulière. Au XIX° siècle, elle est d’ordre politique. Les millions de visiteurs qui y circulent chaque année en sont-ils conscients ? Ils n’en retiennent finalement que l’aspect esthétique qui les frappe plus ou moins profondément. Comment comprendraient-ils aujourd’hui la dimension du Vœu de Louis XIII dans une présentation du XIX° siècle qui a supprimé tout symbolisme dans sa volonté banalisatrice ? C’est ce même découragement qui saisit l’historien lorsqu’il s’efforce de comprendre le lien qui s’est établi entre le monument et les hommes. (…) La cathédrale de Paris n’est plus au centre de la vie urbaine, elle se trouve isolée au milieu d’une activité administrative sans âme. Le clergé vit  douloureusement cet isolement. La république ignore ce grand corps qu’elle admire et redoute tout à la fois. Elle y trouve un recours dans chacun de ses moments de désespoir, tentant de fléchir un Dieu qu’elle feint par ailleurs d’ignorer mais qu’elle implore. En 1876, c’est la rentrée des Chambres ; le 16 janvier 1881, des prières publiques. Mais c’est la mort qui paraît appeler cet immense vaisseau. Les funérailles nationales de Sadi Carnot, assassiné le 24  juin 1894, présidées par Casimir Périer, donnent lieu le 1° juillet 1894 à un immense cortège qui part de l’Élysée, passe par la Concorde, l’Hôtel de Ville, mais s’arrête à Notre Dame avant de se diriger vers le Panthéon. Le même char devait servir à Félix Faure le 23 février 1899 dont les funérailles sont également célébrées à Notre Dame. Le décor imaginé s’inspire de ceux de la Restauration : les murs sont tapissés de draperies noires rehaussées de bandes blanches, des trophées de drapeaux alternent avec les initiales du président. Un immense catafalque entouré de statues a été établi dans le sanctuaire. Notre Dame va vivre au cours du XX° siècle au rythme des joies et des désespoirs de la nation ; l’archevêque accueille ces fidèles du malheur ou du bonheur, qui découvrent brusquement que Dieu est le dernier recours et, surtout, Notre Dame : 13 septembre 1916, quatre mille personnes se pressent autour du cardinal Amette pour implorer la clémence divine. Mais c’est principalement le vibrant Te Deum de la victoire le 17 novembre 1918 qui rassemble le clergé, l’armée, la République et l’Alsace. C’est un prêtre alsacien qui célèbre la messe.  Les funérailles du maréchal Foch le 26 mars 1929 qui rassemblent la République, l’armée, les Alliés. En 1934, celles de Raymond Poincaré. En 1936, celles de Charcot et de ses compagnons. En 1937, le cardinal Pacelli, futur pape sous le nom de Pie XII, va dire à Notre Dame ce qu’est la Vocation de la France, qui s’incarne en Notre Dame, l’âme de la France. Le 21 mai 1944, des prières publiques sont dites pour la France. À cette occasion le cardinal Suhard prononce la consécration de la ville et du diocèse à la Vierge : Notre Dame de Paris, vous qui êtes à la fois Reine de la France et Reine de la paix, daignez nous écouter. Le 26 août 1944, c’est le Te Deum de la victoire en présence du général de Gaulle. 8 décembre 1947 : obsèques du général Leclerc. Enfin, le 12 novembre 1970 : les funérailles nationales du général de Gaulle. Certes, le peuple de France se trouve à Colombey les Deux Eglises, perdu au milieu d’une foule émue et bouleversée par cette grande disparition. Mais l’Univers est à Notre Dame, à Notre Dame de l’Univers.

Alain Erlande Brandeburg. Notre Dame de Paris Les Lieux de mémoire, tome 3 Gallimard.  1993

Cœur du cœur de Paris, elle ancre ses fondations sur l’île de la Cité, qui est le berceau de Lutèce et de notre histoire, et marque symboliquement le kilomètre zéro des routes de France. Même si aujourd’hui, elle trône, hiératique et solitaire, sur son parvis dégagé par les soins hygiénistes et radicaux du baron Haussmann, elle garde dans les dentelles de ses structures et la pénombre de sa nef les traces d’un Moyen Âge grouillant, mystique et populaire, mais drôlement savant aussi pour avoir su édifier, voilà plus de huit cent ans, une construction aussi audacieuse.

Isabelle Bakouche

On verra des écrivains donner leur sentiment : Sylvain Tesson : Notre Dame de Paris, Reine de douleur. Ken Follet : Notre Dame. Adrien Goetz : Notre Dame de l’humanité. Et last but not least, on peut choisir d’en pleurer, mais mieux vaut en rire, cette déclaration de Paul Beatriz Préciado, trans-genre espagnol de cinquante ans, bien incapable d’humour, et donc très sérieux : Je propose que l’État français retire à l’Église la garde de Notre Dame de Paris et transforme cet espace en un centre d’accueil et de recherche féministe, queer, trans et antiraciste et de lutte contre les violences sexuelles. (sur Médiapart, le 12 octobre 2021).

Mais surtout, on verra en mars 2023 sur Arte un splendide film de Vincent Amouroux, en trois épisodes : la qualité de la réalisation est telle qu’elle suscite une grande émotion, comme si l’on était au sein d’un groupe de mélomanes qui regarde en direct  des chirurgiens sauver les mains que Mozart s’est fait écraser accidentellement sous les roues d’une charrette. Ces soignants sont eux-mêmes tombés sous le charme de Notre-Dame, – pas celui de la féminité, mais celui d’une enchanteresse – passionnés, prudents, humbles, précis, travailleurs encore et toujours. Quand il se frottait aux cathédrales de granit et de glace, Walter Bonatti parlait des Grands jours. C’est bien de cela qu’il s’agit.

Il faut  transmettre tout ce qu’on a pu savoir, tout ce qu’on a pu voir, avant que, nous-mêmes, nous oublions ou bien que, nous-mêmes, nous disparaissions. L’idée, c’est de s’effacer.

Rémi Fromont

Trouvailles des fouilles à la croisée du transept

éléments du Jubé trouvés sous la croisée du transept, par l’INRAP

et encore deux cercueils en plomb d’illustres inconnus et surtout, un jubé en 3 172 morceaux, allant de quelques grammes à plus de 300 kilos, recouverts de feuilles d’or ou de lapis-lazulis. Il faudra nettoyer aussi les vitraux, parfois en les laissant en place, parfois en les déposant : s’il ne les avait pas touché directement l’incendie les avait néanmoins sali, et de toutes façon ce drame ne faisait que se superposer à des siècles de fumée déposée par le temps, par les milliers de cierges et de bougies brulant depuis des siècles et des siècles, sans souci particulier des conséquences.

21 04 2019  

Pour le dimanche de Pâques, folie islamiste meurtrière au Sri Lanka, dirigée principalement contre la minorité chrétienne : 253 morts, 500 blessés.

4 05 2019 

Egan Bernal est un coureur cycliste colombien ; à 22 ans, il a déjà un bien beau palmarès. La plus grande course pour laquelle il s’est inscrit cette année est le Giro italien ; il s’y entraîne, chute et se casse la clavicule : exit le Giro. Que faire ? La seule alternative est le Tour de France, qui lui laisse deux mois… et va pour le Tour de France… qu’il gagnera le 28 juillet grâce a son inégalable aisance dans les pentes du Galibier et de l’Iseran, où l’air est celui de Zipaquira, sa ville natale, à 2 650 m d’altitude. Mais, avant même le Galibier, il était déjà dans les cinq premiers. Il ne renouvellera pas l’exploit et sortira du Tour de France dans les Alpes en 2020, lessivé.

10 05 2019   

Emmanuel Macron reçoit Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, à peu près dans le même temps que Chris Hughes, un des cofondateurs demande son démantèlement en séparant Facebook de ses applications Instagram et WhatsApp. Mais est-ce bien raisonnable ? Ces gens là – les GAFA – sont ivres de leur puissance ; il faut entendre par exemple Eric Schmidt, ancien président de Google : La plupart des gens ne souhaitent pas que Google réponde à leurs questions, ils veulent que Google leur dise quelle est la prochaine action qu’ils devraient faire. C’est là une excellente définition de la manipulation par Big Brother. Faut-il en rire, faut-il en pleurer ? Là n’est plus la question, car il conviendrait avant tout d’en avoir peur, et ensuite de se dire : vais-je m’en faire un ami ou un ennemi ?

En matière de défense, l’IA [l’Intelligence Artificielle, que l’on peut traduire par algorithmes] conférera un tel avantage au pays leader que nous nous dirigeons vers une cyberguerre froide sino-américaine.

La concentration des pouvoirs et des informations à Moscou a tué l’URSS, incapable de lutter face à la décentralisation de l’économie capitaliste. Mais aujourd’hui, un pouvoir est d’autant plus performant qu’il centralise l’information, ce qui tend les IA plus puissantes puisque mieux nourries de données. La Chine, qui produit deux fois plus de données que les États-Unis et l’Europe réunis, bénéficie d’un avantage angoissant pour l’Occident. Logiquement l’IA panique les autorités antimonopole, qui ne savent pas réglementer les services qu’elle produit, contrairement aux anciens géants industriels, qu’il suffisait de découper en morceaux – comme la Standard Oil de Rockfeller le fut en 1911. De surcroît, les GAFA et les BATX [Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi] vont aider les États-Unis et la Chine à se partager le monde, comme l’Espagne et le Portugal, l’Afrique et l’Amérique du Sud, au XVI° siècle. La stratégie du président chinois est limpide : utiliser l’IA des BATX pour simultanément contrôler les citoyens et devenir la première puissance mondiale d’ici à 2049.

Puisque l’IA est le cœur de la puissance militaire au XXI° siècle, l’Europe, qui a perdu la guerre technologique, aura besoin d’être protégée et doit accepter la realpolitik : notre cybersécurité ne peut être assurée que par l’OTAN et les GAFA. Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, a affirmé qu’Amazon continuerait de soutenir le Pentagone : Si les bigtechs ne soutiennent pas le ministère de la Défense, ce pays aura de gros soucis. Les liens entre GAFA, militaires et services de renseignements vont rester forts. Et le Pentagone s’opposera au démantèlement des géants de l’IA, qui donnerait à la Chine le leadership militaire mondial. Si l’Occident cassait en morceaux les GAFA, au moment où la Chine soutient énergiquement ses champions en IA pour devenir la première puissance mondiale, il serait vraiment urgent d’apprendre le mandarin à nos enfants.

Laurent Alexandre. L’Express du 22 mai 2019

24 05 2019

Térésa May rend son tablier, avec une prise d’effet au 7 juin. Le 26 mai, les élections pour le parlement européen renforceront le camp du Brexit, no deal – sans contrat -. Le 26 juillet, c’est Boris Johnson qui prendra sa place : au premier rang, les Anglais vont se mettre à grincer des dents, au fond de la salle, le reste de l’Europe va avoir de plus en plus de mal à retenir les éclats de rire.

26 05 2019

En France les élections européennes donnent la première place au RN, le parti de Marine Le Pen, talonnée de près par celui de Macron ; avec Yannick Jadot, les écologistes se taillent un bon succès. Partis traditionnels de droite comme de gauche sont laminés.

Nous sommes traversés d’un long fleuve d’Histoire
qui nous donne l’épaisseur du temps.
Peut-être sommes-nous cela : des enfants vieux,
Alliance de la fatigue et de l’enthousiasme.
Qui peut désigner le jour exact de notre naissance ?

*****

C’est cela que nous voulons :
Que l’ardeur revienne.
Que l’Europe s’anime,
Change,
Et soit,
À nouveau,
Pour le monde entier,
Le visage lumineux
De l’audace,
De l’esprit,
Et de la liberté.

Laurent Gaudé, Nous l’Europe, Banquet des peuples. Actes Sud 2019

11 06 2019

Scandale forestier au Gabon : 5 000 m³ de Kevazingo, un bois dont l’exportation a été interdite depuis plus d’un an ont été découvert dans deux entrepôts appartenant à une société chinoise, à Owendo, le port de Libreville. Une partie des conteneurs a disparu, certains ont été récupérés, mais on est loin du compte. Le vice-président et le ministre des forêts ont été limogés le 22 mai et le président nomme Lee White, un anglais de 53 ans, nationalisé gabonais depuis 2008, ministre de la forêt, de la pêche et de l’environnement ; il était auparavant directeur de l’ANPN – Agence Nationale des Parc Nationaux -. On lui souhaite bien du plaisir. Ardent défenseur de la biodiversité, tant végétale qu’animale, il va susciter la création de nombreux parcs nationaux, disposer de pas mal de financements internationaux, en particulier de la Norvège sans avoir comme priorité l’acceptabilité par les populations locales des mesures prises pour toutes ces protections, et quand les paysans viendront demander et maintenant que les éléphants ont ravagé nos plantations, que fait-on ? il n’y aura pas de réponse… les mêmes politiques bornées que provoquent la réintroduction des ours dans nos Pyrénées, des loups dans les Alpes. Le nez sur le guidon, incapables d’envisager une politique qui puisse être acceptée par l’ensemble des parties prenantes. L’homme ne résistera pas au coup d’état d’août 2023 et sera interrogé principalement pour des attributions de permis forestiers hors de leur encadrement légal.

30 06 2019   

Les chefs d’État égyptiens sont toujours un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout… pharaons. Mais vis-à-vis du Maréchal Sissi, le risque de se tromper est presqu’égal à zéro si l’on dit qu’il se sent pharaon …. à la folie.

Trump praises Egypt's president for being 'inclusive' by ...

Plantée dans le sable, l’imposante mosquée Al-Fattah Al-Alim flanquée de ses quatre minarets se découpe sur l’horizon tel un mirage en plein désert. Recouverte de marbre blanc et de riches ornements, capable d’accueillir 12 000 fidèles, elle doit marquer l’entrée de la future capitale administrative égyptienne.

Elle est l’un des premiers édifices du projet-phare du président Abdel Fattah Al-Sissi, à avoir surgi de terre, avec la cathédrale copte Naissance-du-Christ, la plus grande du pays, qui se dresse, désespérément vide elle aussi. Entre les deux, une étendue désertique longue de 16 kilomètres, ponctuée de chantiers de construction et de quelques rares édifices achevés.

C’est ici, à une cinquantaine de kilomètres à l’est du Caire, en direction de la ville stratégique de Suez, qu’une armada d’ouvriers, d’ingénieurs et de militaires trime nuit et jour, depuis mai 2016, pour que se concrétisent les rêves de grandeur du maître du pays : bâtir, sur une portion de désert de la taille de Singapour, la vitrine de l’Egypte de demain.

Sissi-City, comme la nomment volontiers les Égyptiens, a été pensée pour être moderne, aseptisée, sécurisée, durable et connectée ; un centre du pouvoir capable de rivaliser avec les plus grandes capitales mondiales.

Les Égyptiens ont le droit de rêver et de réaliser leurs rêves ! clame un fonctionnaire qui organise la visite des lieux. Un projet vaniteux, rétorquent ses détracteurs, à l’image de son concepteur, Abdel Fattah Al-Sissi, qui, depuis son accession à la présidence, en 2014, à la suite du coup d’État militaire contre le président islamiste Mohamed Morsi (mort le 17 juin, pendant son procès), pourrait, à la faveur d’une réforme constitutionnelle avalisée en avril, se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034. Comme le résume un diplomate, ce mirage qui est en train de prendre réalité, c’est le legs de Sissi à son pays.

Face à la polémique, les autorités privilégient un discours pragmatique. Le Caire, avec ses 23 millions d’habitants, et 40 millions à l’horizon 2050, est devenu une mégalopole tentaculaire agonisant sous la pollution, les embouteillages et les constructions anarchiques des quartiers informels.

Avec l’explosion démographique, qui voit chaque année 2 millions d’habitants s’ajouter aux 100 millions qu’elle compte actuellement, l’Égypte a besoin d’étendre sa surface habitée – soit 7 % du territoire – en grignotant le désert.

Il y a quarante ans, l’État songeait déjà à une capitale administrative, ce qui montre bien que nous en avons besoin d’urgence, justifie Khaled Al-Husseini, porte-parole de l’Administrative Capital for Urban Development (ACUD), qui porte le projet. En son temps, le président Anouar Al-Sadate avait ainsi imaginé Sadate City. Bien plus modeste, ce projet s’était pourtant soldé par un échec. Le projet de la Sissi-City avait été dévoilé à la conférence économique de Charm El-Cheikh, en mars 2015, lors d’un grand raout auquel avaient été conviés par le raïs bailleurs de fonds internationaux et investisseurs étrangers.

Son plan Vision 2030 voulait relancer l’économie égyptienne, soumise à de violentes turbulences après les soubresauts révolutionnaires débutés en janvier 2011, par des mégaprojets : doublement du canal de Suez, construction de huit villes… Et, surtout, une nouvelle capitale, dont la maquette – réalisée par le cabinet américain Skidmore, Owings and Merrill -, trônant dans le hall du centre de conférences, ne pouvait que laisser songeur, tant par la forme que par le coût estimé de sa réalisation : 45 milliards $ (39,6 milliards d’€).

Sur une superficie de 756 km² sont alors envisagés vingt et un quartiers résidentiels, 2 000 écoles et établissements secondaires, six universités étrangères, 1 250 mosquées et églises, 40 000 chambres d’hôtel, un aéroport plus grand que celui d’Heathrow à Londres, quinze cités médicales, une coulée verte deux fois plus vaste que Central Park, 91 km² de fermes à énergie solaire, un quartier d’affaires doté de vingt et un gratte-ciel (dont la plus haute tour d’Afrique culminant à 345 mètres de haut), sans oublier une trentaine de ministères, le Parlement, un quartier diplomatique et, bien sûr, un nouveau palais présidentiel de 17 km² soit une surface supérieure à celle du centre-ville du Caire. Le tout surveillé par des myriades de caméras reliées à un commandement central.

La patte des Émirats arabes unis (EAU), parrains financiers de l’Égypte et sponsors de la conférence de Charm El-Cheikh, est alors évidente. C’est d’ailleurs Capital City Partners, le fonds d’investissement immobilier détenu par Mohamed Alabbar, le PDG émirati d’Emaar Properties, développeur de la tour dubaïote Burj Khalifa et conseiller de l’émir de Dubaï, qui est censé porter le projet.

Six mois après la conférence de Charm El-Cheikh, le mémorandum d’accord qu’il a signé avec l’Égypte avorte. Le désengagement du magnat émirati a aussitôt alimenté les doutes sur un projet considéré comme trop ambitieux pour être viable et rentable. Quand il a été annoncé, le projet était pensé comme un partenariat avec les Émirats. Or, ces derniers demandaient 75 % des parts de profit, ce qui était injuste. La terre et l’idée nous appartiennent : c’est notre projet ! défend aujourd’hui Khaled Al-Husseini, porte-parole de l’ACUD.

Loin de faire machine arrière, le gouvernement égyptien a appelé l’armée à la rescousse. Cet acteur montant – voire encombrant – dans les secteurs les plus variés de l’économie égyptienne est ainsi devenu le maître d’œuvre des mégaprojets de M. Sissi, au motif qu’il fait mieux et plus vite.

En 2016, l’ACUD est créée. Dirigée par le général Ahmad Zaki Abdine, elle est détenue à 51 % par le ministère de la défense et à 49 % par celui du logement. Les deux administrations injectent 204 milliards de livres égyptiennes (10,7 milliards d’€) pour lancer la première des trois phases qui doivent aboutir à la construction de la nouvelle capitale.

Le modèle économique est simple. On est hors budget de l’État. Le projet est financé par la vente de terrains à des promoteurs immobiliers. Leur prix dépend du type d’activités [envisagées], entre 4 000 livres et 15 000 de livres le mètre carré, détaille Khaled El-Husseini.

En décembre 2018, l’ACUD annonçait que 70 % des terrains de la phase 1 avaient été vendus. La réalité est moins reluisante. Les promoteurs égyptiens ont été mis sous pression, remarque un diplomate étranger. En fait, ils ont été rackettés : On va te filer des contrats à condition que tu nous achètes des terrains. Cela a amorcé le projet, mais comme celui-ci est démentiel, les financements sont de plus en plus difficiles à trouver. Le projet tourne au ralenti ; ils sont à court de cash.

Signe de ces besoins en liquidités, indique un autre diplomate, les prix de réservation à l’aveugle de terrains pour les stations d’essence ont, en un an, fait la culbute.

Si le rôle incontournable de l’armée dans la nouvelle capitale égyptienne a rendu frileux les bailleurs internationaux, qui préfèrent se tenir à distance, des entreprises étrangères se montrent intéressées. Le chantier du quartier des affaires et ses vingt et une tours a été confié au géant China State Construction Engineering Corporation. Après des divergences sur la question du partage des profits dans un projet de développement immobilier de 20 milliards de dollars, les discussions ont été en revanche suspendues avec la China Fortune Land Development, fin décembre 2018.

Le manque de garanties sur le financement paralyse la signature de contrats potentiels. Ainsi, le mémorandum d’accord, signé fin janvier entre EDF et l’ACUD en marge de la visite du président français, Emmanuel Macron, en Égypte, pour opérer le service d’alimentation en électricité de la phase 1, n’a pas encore été confirmé.

Que cette capitale ait ou non un avenir, il y a des opportunités d’affaires, mais il ne faut pas les surestimer, relativise un diplomate. Un ouvrage de cette ampleur donne lieu à des problèmes d’ampleur, a reconnu le général Ahmad Zaki Abdine, dans un entretien à l’agence Reuters, mi-mai. Outre le manque de main-d’œuvre spécialisée, le directeur de l’ACUD notait la difficulté à lever les fonds nécessaires. Nous avons besoin d’un financement extensif, et l’État n’a pas d’argent à me donner, expliquait-il, précisant que seuls 20 % des investissements venaient de l’étranger.

Les travaux de construction déjà entamés sont conduits par des entrepreneurs égyptiens, sous la houlette de l’Autorité pour l’ingénierie des forces armées. La phase 1, lancée en 2016 et qui concerne une superficie de 40 000 feddans (168 km²), doit durer cinq à six ans pour un coût estimé de 20 à 25 milliards $.

Les principales autoroutes, un quartier résidentiel (sur les huit prévus), l’hôtel de l’armée Al-Masah avec 900 chambres, ainsi que la mosquée et la cathédrale ont été achevés, mais demeurent vides – hormis quelques cérémonies organisées pour les caméras de télévision.

Le Noël oriental en images

Depuis son inauguration, la cathédrale copte Naissance-du-Christ, la plus grande d’Egypte, est peu fréquentée.

Le palais présidentiel, inaccessible pour raisons de sécurité, serait quant à lui achevé. Les bâtiments du complexe gouvernemental, dont le Parlement, le cabinet et une trentaine de ministères – à l’exception de ceux de la défense et de l’intérieur construits hors de la juridiction de la ville -, prennent peu à peu forme.

Le déménagement des fonctionnaires, prévu pour la mi-2019, a officiellement été reporté pour la fin 2020. Nous misons sur le transfert de 51 000 employés. Tous les ministères vont être informatisés, ce qui requiert donc des compétences. Les critères de transfert seront définis par le ministère de la planification, explicite le porte-parole de l’ACUD. Il donne pour exemple 5 000 employés du ministère des finances, 3 000 à 4 000 à la santé… au total, une infime partie des 5,7 millions de fonctionnaires que compte l’État.

La nouvelle capitale se veut aussi le siège des grandes banques et sociétés, ainsi que des chancelleries étrangères. Il y a une forte pression sur l’ensemble des ambassades pour transférer les représentations dans une zone qui sera un futur quartier diplomatique, confie un diplomate. La vraie question est celle de notre liberté dans une zone hypersécurisée, où les entrées et les sorties seront contrôlées. La relation bilatérale ne se résume pas à des contacts avec les officiels. Autrement dit, les échanges avec les acteurs culturels, économiques et, surtout, avec la société civile et l’opposition, muselés et réprimés par les autorités, vont devenir très complexes dans cette capitale forteresse, placée sous haute surveillance des autorités égyptiennes.

À l’ACUD, on se défend de vouloir forcer la main. Cinquante ambassades ont déjà demandé à déménager. Quant aux autres, la décision leur appartient. On ne peut pas leur demander de s’y installer, mais on peut leur montrer les bénéfices à le faire : ce sera un endroit sûr, propre, durable et dans le respect de la convention de Vienne [sur les relations consulaires], assure son porte-parole. Avant d’établir un parallèle qui n’est pas de nature à dissiper les inquiétudes des diplomates : C’est comme à Pékin : toutes les ambassades seront dans un même quartier !

Le défi lancé par le raïs de faire de sa capitale une ville à part entière avec 6,5 millions d’habitants, dont 1,5 million dès la phase 1, se révèle tout aussi périlleux. Sur le papier, des logements sont prévus, destinés pour 35 % d’entre eux aux classes aisées, 50 % à la classe moyenne et 15 % aux bas revenus. Pourtant, les prix affichés par les promoteurs restent hors de portée de la vaste majorité des budgets : 1,3 million de livres (69 000 €) pour un appartement de 120 m² – petit, selon les standards égyptiens. Nous construisons 20 000 unités résidentielles avec des appartements de 115 m², dont le prix moyen est de 500 000 livres, pour les gens des classes moyennes et aisées. Et ils pourront contracter des prêts sur quinze à vingt ans, promet Khaled Al-Husseini.

Même à ces conditions, rares sont ceux qui pourront investir dans un bien. Les mesures d’austérité introduites depuis fin 2016 ont rogné l’épargne des classes moyennes et supérieures. Certains fonctionnaires, dont le salaire moyen annuel est de 81 000 livres (4 300 €), pourront se rabattre sur 10 000 unités de logements prévues dans la ville voisine de Badr, pour lesquelles un protocole d’accord a été signé entre le ministère du logement et des entreprises égyptiennes, selon un employé de l’ACUD.

Pour les foyers à bas revenus et les classes moyennes, obligés de jongler avec un deuxième voire un troisième emploi pour joindre les deux bouts, un autre obstacle se pose. Les gens ne pourront pas vivre dans cette ville où l’informel est interdit, quand la majorité de l’économie du pays est informelle, résume l’urbaniste David Sims.

Résultat, le risque est de voir apparaître une bulle spéculative, en créant plus d’offre que de demande, et de n’avoir pour acheteurs que de riches Égyptiens intéressés par un placement immobilier qu’ils n’occupent pas. Il aurait fallu commencer par un centre, élargi progressivement. L’espace est immense et cela fait mourir le projet, poursuit David Sims.

À défaut de pouvoir y habiter, les employés de la nouvelle capitale seront donc contraints de voyager sur de longues distances pour se rendre au travail. De la place Tahrir, au centre du Caire, il faudra compter de 60 à 70 km à parcourir en voiture, pour un coût devenu exorbitant depuis les coupes dans les subventions à l’énergie et la hausse du prix des carburants.

Un monorail électrique doit être construit par deux compagnies publiques chinoises, AVIC international et China Railway Group, d’ici à la fin 2020, pour rallier le bout de la ligne 3 du métro du Caire, à Al-Salam, jusqu’à la nouvelle capitale, avec onze stations. Un appel à projet a été lancé pour la première ligne de train à grande vitesse qui doit relier Aïn Sukhna, sur la mer Rouge, à New El-Alamein sur la Méditerranée, en passant par la nouvelle capitale, le sud du Caire et Alexandrie. C’est un projet à 7 milliards $, mais sans flux de passagers estimé pour le moment car la plupart des villes qui doivent être desservies n’existent pas encore. Quelles banques vont mettre cette somme sans garanties opérationnelles ? s’interroge un diplomate.

À l’intérieur de Sissi City, rien n’est encore envisagé pour le réseau de transports en commun. Or, poursuit ce diplomate, sans voiture, vous êtes mort. Ils sont en train de reproduire la même erreur qu’à Madinat Masr Al-Gedida (la nouvelle ville du Caire), un nouveau faubourg de la capitale dont la construction avait été lancée en 2000 et qui ne dispose toujours pas de transports publics pour ses 300 000 habitants.

Les projets de réseaux d’eau et d’électricité et d’évacuation laissent encore à désirer. Quand on a visité le site en 2017, il n’y avait aucun système d’assainissement, de traitement des déchets, de transports… J’ai proposé un schéma de mobilité urbaine durable au ministre du logement ; il m’a répondu : Pour quoi faire ? On n’a jamais eu de réponse. Ils n’ont aucun plan à ce sujet, s’étonne un acteur économique français.

Des projets de villes nouvelles existent depuis l’indépendance du pays, ils se sont multipliés à partir des années 1970, sans jamais réussir à décongestionner la capitale.

Des échecs que n’hésitent pas à invoquer les voix critiques, selon lesquelles les milliards $ dépensés dans la capitale flambant neuve du président-maréchal auraient pu être investis dans l’économie chancelante du pays ou pour réhabiliter la capitale historique.

On ne sait pas d’où vient l’argent, il n’y a aucune transparence, critique le politologue Hassan Nafaa. Il aurait fallu un grand débat dans le pays. C’est incroyable de foncer sans étude de faisabilité. C’est un projet absurde, surtout dans une période de crise où chaque piastre est nécessaire ! D’autant que le gigantisme du site, calqué sur le modèle des cités-États du Golfe, ne plaît pas à tout le monde. Pourquoi construire la plus grande tour d’Afrique ? La plus grande cathédrale ? Ça marche pour Dubaï, un petit État sans histoire et une cité d’affaires, mais en Égypte, ça n’a aucun sens ! déplore Hesham Ouf, un homme d’affaires.

Ceux qui critiquent le projet estiment qu’il a été pensé pour éviter que se reproduise le scénario de la révolution de 2011, en mettant tous les ministères à l’écart, sous protection de l’armée, poursuit M. Ouf. Ce projet a été façonné avec une vision sécuritaire, non pour le bien du peuple. Certains le comparent à la zone verte de Bagdad, qui, depuis l’invasion américaine de 2003, abrite ambassades étrangères et bâtiments gouvernementaux : un cocon ultrasécurisé destiné à éloigner le centre du pouvoir des masses et de la menace djihadiste. Cette nouvelle capitale égyptienne à l’accès contrôlé est une métaphore de la principale réalisation de Sissi : la reconstruction du mur de la peur qui sépare les citoyens de l’État, estime Michele Dunne, chercheuse au think tank américain Carnegie.

Au final, la question est de savoir si cette ville sera terminée un jour. La plupart des cités imaginées par des présidents ont périclité à leur mort. Les villes nouvelles prennent beaucoup de temps pour décoller, remarque Hesham Ouf. Un avis que partage l’urbaniste David Sims, auteur d’Egypt’s Desert Dreams (AUC Press, 2015, non traduit), consacré à l’échec de la vingtaine de villes nouvelles égyptiennes pensées depuis les années 1970. En 2017, elles accueillaient un total de 1,6 million d’habitants – l’objectif affiché était de 20,5 millions. Ces dernières années, un accroissement démographique de 14 % a été enregistré dans les villes nouvelles, tandis que Le Caire a gagné 5 millions d’habitants en dix ans, note M. Sims.

La nouvelle capitale administrative porte aussi en creux des interrogations sur l’avenir du Caire et de son possible abandon par le pouvoir.

Un scénario écarté par l’ACUD, qui a encore d’autres projets dans la capitale historique. Pour compenser ses investissements dans le futur quartier des ministères, l’ACUD a en effet prévu de s’approprier les ministères au Caire, une fois qu’ils seront vidés. Certains questionnent la légalité de cet échange. Nous n’avons pas encore de plan pour la réutilisation de ces immeubles. Des biens patrimoniaux comme le Parlement pourraient être transférés au ministère de la culture… Les autres, nous pourrions les gérer comme des hôtels, ou les vendre, suggère son porte-parole, Khaled Al-Husseini.

Sissi City fera-t-elle un jour de l’ombre à la mégalopole millénaire ? Le Caire est la capitale historique, les Egyptiens l’appellent Masr [Égypte, en arabe]. Dans un État aussi centralisé que le nôtre, elle est incontournable, estime l’homme d’affaires Hesham Ouf. Une majorité des services de l’État, l’ensemble du tissu économique qui la fait vivre, ainsi que ses millions d’habitants devraient y rester.

Les villes nouvelles dans le désert ont, en quelque sorte, sauvé Le Caire, dans la mesure où tous les investissements idiots sont allés ailleurs, souligne l’urbaniste David Sims. Il y a un avenir pour Le Caire, peut-être meilleur que cette façon de penser mégalomaniaque. 

Hélène Sallon. Le Monde 30 06 2019

7 07 2019  

Les élections législatives en Grèce donnent une majorité au parti de droite Nouvelle  Démocratie, situé sur l’échiquier à gauche d’Aube dorée, partie d’extrême droite fascisant ; Alexis Tsipras cède son fauteuil de Premier ministre à Kyriakos Mitsotakis. Le pays va mieux, mais à quel prix ! Il est sorti des plans d’aide financière depuis à peu près un an. Mais le taux de chômage est de 18.5 % ; pour les seuls jeunes : 40 %. Ce qui explique leur émigration massive : le pays compte 10.7 millions d’habitants et ce sont 350 000 à 400 000 jeunes qui ont émigré depuis 2015.

Mais quatre ans plus tard, en grande partie grâce à un tourisme revenu à ses meilleurs niveaux, la situation générale connaîtra une amélioration que personne n’aurait osé espérer :

Le taux de l’emprunt d’État grec à dix ans est désormais inférieur à celui du Treasury Bond américain de même durée : 3.4 % pour le premier, 4.3 % pour le second. Il faut se pincer pour y croire, car cela signifie que les investisseurs internationaux jugent moins risqué de prêter à long terme de l’argent à la Grèce qu’aux États-Unis. Un miracle, quand on se souvient que les taux grecs à dix ans avaient atteint le niveau exorbitant de 27 % au plus fort de la crise, en mai 2012.

Un tel appétit pour la dette de la Grèce n’a, au fond, rien de très surprenant lorsqu’on sait qu’elle a été désignée, ces deux dernières années, par l’hebdomadaire The Economist comme le pays représentant les meilleures performances économiques parmi les 35 membres de l’OCDE. Le cancre est devenu premier de la classe. Après 8.4 % en 2021 et 5.6 % en 2022, la Grèce a connu en 2023 une croissance de 2.4 % quatre fois plus élevée que celle de la zone euro, grâce notamment au retour en force des touristes (32.7 millions en 2023) permettant à ce secteur, qui pèse 25 % du PIB, d’engranger des résultats records. Conséquence de ce dynamisme économique, le taux de chômage, qui était monté jusqu’à 28 % en 2013, vient de repasser sous la barre symbolique des 10 % pour s’établir à 9.4 %.

Le redressement des finances publiques grecques est plus impressionnant encore. Après un pic de 212 % en 2020, son ratio de dette rapporté au PIB devrait refluer fin 2024 à moins de 150 %, une décrue d’une rapidité jamais vue dans l’histoire financière mondiale. Mieux, la Grèce devrait afficher cette année un déficit de seulement 0.9 % (4.4 % en France) et surtout dégager, meilleure preuve de sa remarquable vertu budgétaire, un large excédent primaire (hors charge de la dette) de 2.5 %.

Les Grecs se voient enfin récompensés des immenses sacrifices consentis pour surmonter une crise interminable provoquée par les délires dépensiers de leurs gouvernements des années 2000 et la découverte de leurs trucages statistiques sur fond de corruption, de travail au noir  et de fraude fiscale généralisée. Remède de cheval relève de l’euphémisme pour qualifier des mesures de redressement mises en œuvre consistant, entre autres, à relever de 13 % à 23 % la TVA sur les denrées non périssables et la restauration, à baisser de 22 % le salaire minimum ou encore à reporter de cinq ans l’âge de départ à la retraite.  

Pierre-Antoine Delhommais. Le Point n° 2691 du 29 février 2024

11 07 2019   

Mort de Vincent Lambert, après avoir été maintenu en vie pendant 11 ans de façon complètement artificielle. Il avait été au départ victime d’un accident de voiture en 2008. Les médecins sont confrontés quotidiennement à ce genre de situation, et comme la plupart du temps, ils sont d’accord avec la famille de l’intéressé, les choses se passent selon le vœu commun, la loi Leonetti venant leur dire qu’ils étaient bien dans les clous. Dans le cas de Vincent Lambert, il s’est trouvé que son épouse et son frère étaient en désaccord total avec ses parents : les médias se sont jetés sur cette belle proie, propre à faire exploser les tirages et les audiences, la justice a été prise à partie aussi et cela a duré 11 ans !

12 07 2019 

Lancement du sous-marin nucléaire Suffren.

SNA Suffren (Barracuda) class submarine - Specifications

Série Barracuda

 

16 07 2019 

La démission de François de Rugy de son poste de ministre de l’environnement est tout à fait révélatrice du mode de fonctionnement du monde mediatico-politique : que des ministres en croquent sur le dos des contribuables – lesquels contribuables ne sont pas seulement ceux qui paient des impôts sur le revenu, mais tous ceux qui abondent les 60 % du budget de l’Etat que représentent la TVA et l’impôt sur les carburants – TICPE  Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques, l’ancienne TIPP – cela existe de toujours et cela continuera. Et il n’est pas inutile de rappeler encore et encore que tout le monde paye des impôts, puisque l’on paye un impôt dès que l’on achète une baguette de pain ! Mais à qui voudrait-on faire croire que pareilles agapes sont restées ignorées du tout Paris, quand on sait que parmi les invités il y avait par exemple un Jean-Michel Apathie, incorrigible bavard, incapable de rester plus de 5 minutes sans nous imposer sa jactance ; il est évident que tout le monde savait cela, en se disant : tant que Médiapart ou le Canard ne soulèvent pas le lièvre, nous on ne dit rien. Donc, tous ces gens finalement se moquent bien que l’un des leurs se gave en se moquant  des contribuables, la règle en la matière étant pas vu pas pris. Sans vouloir en revenir à un de Gaulle qui refusait de voir au Conseil des ministres un divorcé, on aurait pu espérer qu’Emmanuel Macron intervienne de façon parfaitement informelle en téléphonant à François de Rugy, quand il était président de l’Assemblée nationale, dès le troisième ou quatrième gueuleton, pour exiger qu’il lève de pied sur ces raouts indécents. Eh bien non, cela ne se fait pas et on préfère laisser couler jusqu’à ce que le vase déborde, en provoquant un énième scandale, le tout Paris feignant la vertu outragée, quand le tout Paris était au courant depuis longtemps !

Qu’Edwy Plenel, indécrottable léniniste, patron de Médiapart, [le seul journal qui ne peut-être acheté que par ses lecteurs…] exsude sa haine du libéralisme par tous les pores de sa peau et ignore tout de ce que peut-être l’empathie, qu’il préfère le vraisemblable au vrai, le soupçon au fait, nombreux sont ceux qui en conviennent. Mais que diable, si ces messieurs dames les député[e]s estiment qu’il dépasse les bornes de la déontologie du journalisme, eh bien, qu’ils portent plainte et la justice tranchera, mais arrêtez donc de pleurnicher, messieurs dames ! Et si vous préférez une presse aux ordres, dites-le clairement !

19 07 2019 

19 bisons d’Europe – dont 2 tout jeunes -, achetés en Normandie des dizaines d’années plus tôt se sont échappés deux jours plus tôt de la Sasse, le domaine de Dominique Muffat Méridol, sur les flancs du Mont Joly à Megève, Haute Savoie. Ce n’est pas la première fois, et jusqu’alors cela n’a posé aucun problème. On les retrouve et on les ramène ou même ils reviennent tout seuls. Mais le préfet de la Haute Savoie n’en juge pas ainsi, les estime dangereux et les fait abattre, estimant que l’endormissement par seringue ou balle n’est pas suffisamment efficace. Un  massacre de sale crétin. On sait depuis longtemps que les bisons sont futés, dès lors pourquoi jouer au con ?

MEGÈVE. Bisons abattus en Haute-Savoie

Megève : des bisons en divagation abattus ce matin

22 07 2019  

L’Inde lance son second satellite vers la lune. Le premier, Chandrayaan 1 avait été lancé le 22 octobre 2008, mais, prévu pour durer deux ans, le contact avait été perdu au bout de neuf mois, qui donneront tout de même une belle moisson d’informations sur la lune. Chandrayaan 2 est plus ambitieux : avec une masse totale est de 3 800 kg au décollage, il a trois composants :

  • l’orbiteur d’une masse d’environ 1 400 kg doit se placer en orbite autour de la Lune, ce qui sera fait le 20 août 2019 ;
  • l’atterrisseur Vikram qui doit déposer sur le sol le rover lunaire a une masse à sec (sans ergols) de 1 350 kg avec celui-ci ;
  • le rover Pragyan d’une masse de 25 kilogrammes est équipé de panneaux solaires. Il embarque des instruments scientifiques pour l’étude du sol lunaire. Il devrait opérer en surface pendant un mois.

Hélas, le 7 septembre, le contact avec Vikram sera perdu 20′ avant qu’il n’alunisse, quand celui-ci avait déjà ralenti jusqu’à 7 km/h. L’orbiteur, lui, continuera à tourner.

Le cercle des pays dont l’ambition spatiale est de plus en plus avérée s’agrandit : la Chine, bien sûr, qui a lancé ses Lapins de Jade en 2013 et janvier 2019, mais encore Israël, qui a vu son Bereshit se crasher le 11 avril 2019, et donc, aujourd’hui, l’Inde.

31 07 2019 

Depuis plusieurs mois, la Sibérie brûle : aujourd’hui, on en est à 131 000 km², à peu près la surface de la Grèce [la France fait 450 000 km²]. Poutine ne se décidera à envoyer avions et hélicoptères de l’armée que lorsque les récriminations menaceront de devenir manifestations. L’Amazonie suivra, et pas seulement elle en Amérique du sud, mais aussi la Bolivie où sont déjà partis en fumée 750 000 hectares [7 500 km²] . Au Groenland, on verra en un jour, la glace fondre de 11 milliards de tonnes, et là, personne ne pourra rien faire. De l’eau de pluie récoltée sur les sommets des Pyrénées se révèle contenir du plastique, aussi fin qu’un cheveu. Dans les environs de Saint Brieuc, une usine de traitement des algues vertes doit fermer, dépassée par l’augmentation du stock de ces algues, résultat de l’excès de nitrate dans les sols, c’est à dire résultat des trop nombreux et trop intensifs élevages de cochon : elle n’est pas de taille à traiter cela… les stocks empuantissaient les environs et pourrissaient. Mais ça ne fait rien, puisque tout va très bien madame la Marquise…

6 08 2019

Au milieu d’une quantité de courses envahies de sponsors, de coureurs couverts de publicités, de battage médiatique jusqu’à la nausée, de caravane qui distribue par milliers des maillots Leclerc à pois rouges – le meilleur grimpeur – des spectateurs qui laissent des déchets à la tonne, s’est glissée une épreuve bien sympathique en vélo, dès 2013 : la Transcontinentale Race, 4 000 km à parcourir en complète autonomie et sans assistance pour raviver l’âge d’or du cyclisme, avec les moyens du XXI° siècle : hormis quatre passages obligatoires [Buzendzha en Bulgarie, Vranisca Benica en Serbie, Passo Gardena 2 121 m, à l’ouest de Cortina d’Ampezzo, dans les Alpes de l’Ötztal italien, et l’Alpe d’Huez en France], chaque participant  choisit lui-même l’itinéraire qui lui convient le mieux ; pas de voiture suiveuse, pas de soigneur, pas de cirque, pas de tintamarre, pas de route interdite à la circulation. À ce jeu paisible et silencieux c’est une Allemande de Heidelberg, Fiona Kolbinger, 24 ans, tout juste diplômée de médecine, qui va faire une spécialisation en chirurgie, qui est gagnante en dix jours, deux heures et quarante-huit minutes : elle devance ses 263 concurrents : 223 hommes et 40 femmes, en s’étant offert – cerise sur le gâteau – le col du Galibier à 2 649 m en France. Le second est à 200 km derrière… Son jour le plus long aura été le quatrième : 475 km à 26.9 km/h de moyenne. Ils sont partis de Burgas, sur la côte bulgare de la Mer Noire pour arriver à Brest. Elle a dormi au maximum quatre heures par nuit, soit entre 15 et 17 heures par jour sur son vélo. Dormir ? Quelques fois dans un lit, mais aussi dans les fossés, les abribus … C’est la première fois qu’elle participe à pareille affaire.

Son créateur, en 2011, l’Anglais Mike Hall, inspiré par le cyrénaïsme, école de philosophie hédoniste et éthique, a fait le premier tour du monde en 107 jours, en pédalant quatre-vingt-onze jours et dix-huit heures. Sa victoire en 2014 sur la Trans Am Bike, d’ouest en est aux États-Unis, sur 6 900 kilomètres, a été l’objet d’un film, Inspired to Ride. Mike Hall est mort en 2017, fauché par une voiture alors qu’il était en tête de l’inaugurale Indian Pacific Wheel Race, en Australie.

https://www.lequipe.fr/_medias/img-photo-jpg/le-trace-de-fiona-kolbinger-lors-de-cette-folle-course-a-travers-l-europe-capture-d-ecran-tracklea/1500000001196271/0:0,783:595-828-627-75/47ac9.jpg

Fiona Kolbinger

Fiona Kolbinger

08 2019

Décision est prise de ne pas poursuivre le projet ASTRID, initié en 2012 : Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration. C’était un projet de prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération, de type réacteur rapide refroidi au sodium, porté par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), faisant suite à l’arrêt du surgénérateur de Creys-Malville, en moins puissant, et à l’accident de Fukushima. Wikipedia en donne un comte rendu complet.

4 09 2019 

La gare du Nord de Paris, la plus grande d’Europe, ne doit pas devenir un mall.

Quand un collectif d’architectes, d’historiens et d’enseignants dit NON ; un Non qui n’est pas, pour l’essentiel le rejet d’un projet architectural, mais un Non à la primauté de la loi du fric sur l’intérêt général, en l’occurrence l’intérêt de l’usager de la gare du Nord à Paris, un Non à la primauté du consommateur sur le citoyen, en l’occurrence le voyageur. NON, une gare ne doit pas devenir un Mall. Un Mall, on y va si on le veut, mais il ne doit pas d’imposer sur le parcours de quelqu’un qui ne souhaite pas y aller ; ce projet a été pensé comme un magasin Ikea, où le consommateur est pris en otage. Et comment se fait-il donc qu’il ait fallu attendre le coup de gueule d’architectes, d’historiens et d’enseignants de renom pour tenter de barrer la route à cette abdication de la défense de l’intérêt général ? Si le projet est suffisamment avancé pour que la demande de permis de construire vienne d’être déposée, c’est bien qu’il a déjà reçu l’assentiment de nombreux décideurs : direction de la SNCF, mairie d’arrondissement, mairie de Paris, ministère des transports, etc… : et il n’y aurait personne parmi eux pour dire haut et fort : ça suffit ! tous ces gens ont acquiescé à ce projet dément sont irresponsables et imbéciles.

La SNCF, associée à Auchan [2] (par le biais de sa filiale Ceetrus), publie depuis quelques mois des dessins et des discours lénifiants sur son projet de transformation de la gare du Nord, qui créerait plus de 50 000 m² de surfaces construites nouvelles, dont un immense centre commercial de près de 20 000 m² et des bureaux, le tout rebaptisé pour la circonstance lieu de vie. Ce projet est inacceptable, et nous demandons qu’il soit repensé de fond en comble.

Il s’agit d’abord d’une grave offense aux usagers du transport. La gare du Nord est le principal pôle d’échanges de France et d’Europe : 700 000 voyageurs par jour, dont 500 000 pour le seul trafic de banlieue. Le premier objectif d’une réorganisation de la gare doit être de leur offrir un lieu et un moment d’échanges aussi confortables que possible, dans des parcours quotidiens souvent harassants. Obliger des centaines de milliers de personnes à traverser des espaces commerciaux devient insupportable lorsque ce cadeau au commerce se paie de parcours allongés et inutilement compliqués. Or le projet prévoit d’interdire l’accès direct aux quais tel qu’il se pratique aujourd’hui. Qu’il aille à Soissons (Aisne) ou à Bruxelles, le voyageur devra d’abord monter à 6 mètres de hauteur dans le centre commercial, tout à l’est de la gare, puis accéder aux quais par des passerelles, des escaliers et des ascenseurs. Cela veut dire : plus de distance à parcourir, des temps d’accès nettement augmentés. Indécent.

Ce projet est aussi une grave erreur urbaine. Implanter une telle masse de commerces et d’activités à la gare du Nord, dans un ensemble fermé sur lui-même, dans une zone déjà saturée de trafic, à une station de RER de Saint Denis, cœur de l’agglomération des neuf villes de Plaine Commune, est une atteinte à la volonté de rééquilibrer les activités dans Paris, et plus encore dans l’espace du Grand Paris. Faut-il rappeler que les centres commerciaux récents sont à la peine partout : Le Millénaire, à Aubervilliers (Seine Saint Denis), végète, comme Aéroville, à Roissy (Val d’Oise). On comprend l’attrait que représente pour Auchan l’énorme flux de la gare du Nord, mais cette captation se fera au détriment des territoires desservis par la gare. Absurde.

Ce projet est inacceptable sur le plan patrimonial. La gare du Nord est l’une des six gares mythiques de Paris, sans doute la plus illustre et la plus belle. Chef d’œuvre de l’architecte Jacques Ignace Hittorff, qui la conçut en 1864, elle figure à l’inventaire des Monuments historiques. Outre qu’il prévoit de raser purement et  simplement la lumineuse gare d’échanges créée en 2001 par l’architecte ingénieur Jean-Marie Duthilleul (moins de vingt ans après sa construction : apprécions le coût économique et écologique !), le projet dénature complètement le volume magique des halles d’Hittorff. La mise en place de passerelles et la construction de dalles générales au-dessus même de l’actuelle plateforme transversale se surimposent brutalement aux espaces existants, sans respect pour leurs qualités architecturales. La majestueuse façade nord composée par Hittorff pour faire face au boulevard de la Chapelle est elle-même barrée par une immense passerelle couverte. Inacceptable.

Enfin, ce projet met en péril la gare des Jeux olympiques de Paris en 2024. La gare du Nord est la plaque tournante des transports d’accès aux grands sites du nord de Paris et au village olympique. Il est ridicule d’affirmer que les travaux envisagés pourraient être terminés à cette échéance, alors même qu’un permis de construire vient seulement d’être déposé et que les travaux devraient être conduits sans arrêter les flux considérables de voyageurs quotidiens passant par la gare, flux qui vont augmenter encore en 2022 avec la mise en service de la branche ouest du RER E. Si ce projet n’était pas stoppé, la France risquerait de se trouver privée d’un instrument essentiel de la desserte des sites. La gare du Nord n’a pas besoin de ce projet pharaonique. Des transformations aussi efficaces, beaucoup plus légères en coût et en temps, peuvent lui être apportées pour qu’elle remplisse son rôle premier, celui d’une gare, en commençant par dégager la grande plateforme transversale et le hall du Transilien des kiosques commerciaux qui, depuis quelques années, ont pris la place des voyageurs et compriment l’espace laissé à ceux-ci. Il faut arrêter ce projet et s’attacher à composer en ce lieu, dans le respect de son histoire, un espace civilisé de mouvement et de rencontre.

Marc Barani, architecte, Grand Prix national de l’architecture 2013 ; Barry Bergdoll, historien de l’art et de l’architecture, Columbia University et Musée d’art moderne de New York ; Patrick Bouchain, architecte, Grand Prix de l’urbanisme 2019 ; Karen Bowie, historienne de l’architecture ; Roland Castro, architecte ; Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture et de l’urbanisme, professeur invité au Collège de France ; Bruno Fortier, architecte et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2002 ; Michael Kiene, historien de l’architecture, université de Cologne ; François Loyer, historien de l’art et de l’architecture ; Jacques Lucan, architecte, historien, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de  Lausanne ; Ariella Masboungi, architecte et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2016 ; Jean Nouvel, architecte, Praemium Imperiale 2001, Pritzker 2008 ; Dominique Perrault, architecte, Praemium Imperiale 2015 ; Philippe Prost, architecte ; Andrew Saint, historien de l’architecture, professeur émérite à l’université de Cambridge et à l’University College de Londres ; Nathan Starkman, ingénieur et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 1999 ; Jean-Louis Subileau, urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2001 ; Laurent Théry, économiste, urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2010 ; Pierre Veltz, ingénieur, sociologue, Grand Prix de l’urbanisme 2017

Le Monde du 4 septembre 2019

Projet Valode et Pistre architectes

Projet Valode et Pistre architectes

Transformation de la gare du Nord : la concertation ...

Projet Valode et Pistre architectes

La Mairie de Paris se mettra à l’unisson de cette protestation le 1° octobre 2019. Il faut noter qu’en l’occurrence, c’est l’État qui délivre le permis de construire, via la CNAC – Commission Nationale d’Aménagement Commercial – qui délivrera un avis favorable le 11 octobre 2019. Trois mois plus tard, on retrouvera la même situation conflictuelle à l’Hôtel Dieu, dont le projet de rénovation fait une part belle aux requins.

Mais, pour finir, le Ça suffit finira par l’emporter : ce sera le 21 septembre 2021 par un communiqué de SNCF- Gares et Connexion qui déclare :  mettre fin au contrat de la Gare du Nord conclu avec Ceetrus en 2019. Et pan sur le bec de la famille Mulliez ! avec cet « Allez donc voir ailleurs pour faire vos profits ». Des 600 millions annoncés en 2018, on était passé à 1.5 milliard en 2021 etc … Les grands gouffres à dépassement de budget que sont l’EPR de Flamanville, les travaux du Grand Paris sentiront probablement passer le souffle du boulet et se mettront à devenir raisonnables… mais rien n’est moins sur : quand on est fou …

23 09 2019

FM Global assure l’usine Lubrizol (chimie) de Rouen. Il remet un rapport, compte-rendu des expertises menées les jours précédents : Lors d’un incendie, les conteneurs intermédiaires en plastique (IBC) fondraient rapidement et le liquide combustible et/ou inflammable se répandrait sur le sol, créant comme un grand feu de piscine. En raison de l’insuffisance de l’espace de séparation et du manque de système de confinement et de drainage adéquats, ce feu se propagerait rapidement à l’ensemble du bâtiment A5, entraînant sa destruction totale, et pourrait même s’étendre aux bâtiments environnants. [..] Ce qui pourrait conduire à l’arrêt des activités d’enfûtage du site pendant plusieurs semaines ou mois avant qu’une solution temporaire ne soit trouvée.

26 09 2019

Mort de Jacques Chirac. Avec lui s’en va le dernier représentant des dernières ramifications du gaullisme. Il aura eu l’intelligence et le courage de prendre les bonnes décisions en politique étrangère – renversement des alliances dans l’ex Yougoslavie, refus de suivre les États-Unis dans leur guerre criminelle et d’origine mensongère contre l’Irak – et il aura en même temps manqué de flair politique en dissolvant l’Assemblée nationale pour se retrouver avec Lionel Jospin premier ministre socialiste, en supprimant le service militaire obligatoire, le meilleur garant d’un noyau de consensus national, à même de contenir la fracture sociale. Persona non grata, Marine Le Pen n’assistera pas aux obsèques ; Claudia Cardinale non plus d’ailleurs, et Fabienne Burgeat Boulin, 64 ans, fille de Robert Boulin assassiné en 1979, de même.

La citation du dimanche [n°144] - Jacques Chirac

Sur un site Seveso, au sein de l’usine Lubrizol, 5 253 tonnes de produits chimiques prennent feu ; il sera bien difficile au gouvernement de ne pas tomber dans le ridicule du nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière de notre pays, tout en cherchant à minimiser auprès de la population la gravité de cette énorme pollution : dans cette gamme de produits, certains étaient un vrai danger pour la fertilité, d’autres étaient cancérigènes…. À coté de Lubrizol, une autre entreprise, Normandie Logistique dont les stocks se montent à 9 050 tonnes dont on ignore combien ont été gagnées par l’incendie du voisin.

3 10 2019 

Mickaël Harpon, 45 ans, originaire de Fort de France en Martinique, seize ans de service en catégorie C comme informaticien à la DRPP – Direction du Renseignement de la Préfecture de Police -, habilité secret défense, tue au couteau (en céramique, indétectable au portail) quatre de ses collègues avant d’être abattu. Consternation, incantations, as usual, mais personne n’osera pointer du doigt le fait qu’en septembre 2015, cet homme avait fait l’apologie de l’attentat contre Charlie Hebdo d’un c’est bien fait et cela n’avait été suivi d’aucune mesure : c’est un déni du climat de dénonciation du terrorisme ; François Hollande avait parlé de guerre … elle est devenue drôle la guerre, ce n’est plus qu’une drôle de guerre. Le relâchement de tous aura coûté la vie à Brice Le Mescam, Damien Ernest, Anthony Lancelot, Aurelia Trifiro. Emmanuel Macron fera un discours bien sur martial mais le chef du service concerné à la DRPP restera en place. Surtout pas d’actes… des paroles. Cette schizophrénie française – côté pile, le domaine de la parole : le discours officiel, les commentaires des médias, le conformisme qui avale volontiers l’anticonformisme, côté face, le vécu quotidien, les habitudes corporatistes, la philosophie de café de commerce, les petites arrangements au quotidien entre la règle et ses applications, le faut bien vivre, le faut être cool, merde, quoi, toute cette horreur épidermique de la rigueur -, fait souvent de nous la risée des étrangers..

6 10 2019       

Michel Barnier est l’invité du Monde Festival au théâtre des Bouffes du Nord pour dire, une heure et demi durant, sa conception, de la négociation du Brexit au nom de l’Europe. Applaudi à son arrivée, il termine sur une standing ovation :

Le Royaume Uni a choisi d’être solitaire plutôt que solidaire. […] Avec les évolutions du monde actuel, les pays européens, individuellement, ne seront plus à la table des grand pays de ce monde en 2050. Si nous voulons participer au nouvel ordre mondial, il faut être autour de la table. Le seul moyen, c’est d’être ensemble, à vingt-sept.

Cet homme-là a les épaules, l’étoffe d’un président de la République.

15 10 2019 

Contrairement aux autres peuples du Moyen Orient, les Kurdes n’ont jamais trouvé de puissance occidentale pour les soutenir franchement : ce qu’avait tricoté le traité de Sèvres : une quasi indépendance pour l’Arménie et le Kurdistan avait été détricoté par le traité de Lausanne en 1923 ; il n’y avait plus d’Arménie indépendante et les Kurdes, avaient vu leurs espoirs s’évanouir devant la volonté de fer de Mustafa Kemal qui avait fait taire les faibles voix occidentales. Les Kurdes étaient partis pour des dizaines d’années d’intégration forcée et ratée entre Turquie, Syrie, Irak et Iran. Et aujourd’hui Erdogan envahit le nord de la Syrie pour en chasser les Kurdes et y installer les réfugiés que la Turquie reçoit depuis des dizaines d’années.

Les seuls amis des Kurdes sont les montagnes.

Proverbe kurde

Il existe un gros mot, qui commence par un G et que l’on n’a pas le droit de prononcer en ces heures en Turquie, il s’agit du mot guerre. Au mépris de toute vérité, M. Erdogan [le président turc] et ceux qui le soutiennent attaquent des civils kurdes, et qualifient cette invasion militaire d’opération : opération Source de paix, en fait. En Turquie, parler de guerre revient à se désigner comme traître. Les quelques voix libres qui s’élèvent dans le pays doivent s’attendre à des représailles atroces : prison, diffamation, mise au ban de la société. La dissidence n’est guère permise. Le carnage des Kurdes, la négation de leur indépendance, de leurs droits, de leurs rêves, sont selon Erdogan une nécessité vitale pour le peuple turc.

Face à tout cela, et afin de faire échec à ce récit mensonger de la réalité, l’Europe doit faire preuve d’unité, de détermination et de cohésion. Nous n’avons pas le droit d’abandonner les Kurdes à leur sort. Après la trahison de M. Trump, leur dernier recours est de faire appel à l’Europe. La cause des Kurdes nous concerne parce que des guerres sont menées avec des armes que nous fabriquons et que nous vendons (la décision des ministres européens d’interdire les ventes d’armes à la Turquie était une mesure nécessaire, quoique tardive), elle nous concerne aussi parce que les Kurdes étaient le seul groupe capable de contenir la pression de Daech [l’organisation État islamique], et elle nous concerne enfin tous, car la Turquie reçoit de l’argent de l’Europe pour retenir sur son territoire les migrants syriens. Tout cela nous concerne parce que l’Europe, que certains voudraient voir éclater, doit maintenant montrer qu’elle existe en tant qu’entité politique, territoriale, économique et, surtout, culturelle. Elle doit montrer à tous que chez elle la démocratie existe et que même si elle est menacée, elle résiste.

Traduit de l’anglais par Lazare Bitoun. Svetlana Alexievitch, romancière biélorusse, Prix Nobel de littérature en 2015 ; Fernando Aramburu, écrivain espagnol ; Marc Augé, anthropologue français ; Martin Caparros, écrivain argentin ; Annie Ernaux, écrivaine française ; Elena Ferrante, écrivaine italienne ; Hanif Kureishi, écrivain britannique ; Bernard-Henri Lévy, écrivain et essayiste français ; Herta Müller, Prix Nobel de littérature en 2009, écrivaine allemande ; Salman Rushdie, écrivain britannique ; Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien ; Roberto Saviano, écrivain Italien.

La Republica 16 octobre 2019

La revendication d’un territoire enclavé, sans accès à la mer, pourrait être envisageable et rencontrer le soutien de nombreuses nations. Mais dès lors que les Kurdes ne peuvent envisager qu’un territoire avec un accès à la mer – par Dürtyol, Osmanye, sur la Méditerranée – cette demande devient irrecevable pour l’ensemble des nations.

Alain Juillet, ancien directeur de la branche Action du SDEC, sur Thinkerview en 2018

17 10 2019

Les Jeux militaires mondiaux d’été débutent à Wuhan, en Chine : ils doivent durer jusqu’au 27 octobre. Ils rassemblent près de 10 000 athlètes, dont 402 pour la délégation française. Il y a 21 disciplines : équitation, escrime, athlétisme, basket, boxe, course d’orientation, cyclisme, football, golf, judo, lutte, natation, parachutisme, pentathlon militaire et pentathlon moderne, taekwondo, tir, tir à l’arc, triathlon, voile, volley-ball. Plusieurs d’entre eux seront malades à leur retour sans que qui que ce soit puisse dire de quoi il s’agit… il en va de même dans les autres délégations.

23 10 2019

Dans une zone industrielle proche de Londres, un chauffeur nord-irlandais ouvre la porte arrière de son camion réfrigéré : il se trouve face à 39 corps de Vietnamiens tous morts asphyxiés. En janvier 2021, il sera condamné en Angleterre à treize ans et quatre mois de prison pour homicide et à six ans pour trafic d’être humains, aux côtés de six autres personnes. Mais l’affaire va traverser la Manche et le 6 avril 2021, le parquet de Paris demandera le renvoi devant le tribunal correctionnel de 19 hommes de nationalité vietnamienne, française, marocaine, algérienne et chinoise, dont 4 pour homicide involontaire.

29 10 2019 

Nirmal Purja, 36 ans, – Nims Dai pour ses proches – est originaire du Népal, 36 ans , est, pour le petit monde de l’alpinisme, très majoritairement occidental, un parfait inconnu, et il en termine avec l’ascension des 14 plus hauts sommets du monde, les plus de 8 000 m. Il avait commencé le 23 avril 2019, soit six mois et sept jours. Le premier à effectuer cet enchaînement avait été Reinhold Messner, mais il y avait mis plus de dix ans.  Le Polonais Jerzy Kukuczka avait accompli ces ascensions en 7 ans, 11 mois et 14 jours dans les années 1980. Le dernier record était à Kim Shang Ho, un Coréen qui avait eu besoin lui aussi de sept ans. Ses détracteurs lui reprocheront d’avoir utilisé de l’oxygène, d’avoir une logistique lourde : équipes le précédant pour installer des cordes fixes, hélicoptères transportant l’équipement d’un camp de base à l’autre etc… Ces arguments ne sont pas à jeter par la fenêtre. Mais au nom de quoi exiger d’un homme né au Népal, à l’économie fragile, avec une importante mortalité infantile, de la misère en ville comme dans les champs, qu’il ait la même sensibilité de la montagne qu’un occidental qui s’offre une belle âme avec l’argent des très nombreux sponsors. Il s’agit bien d’un fabuleux exploit, et Reinhold Messner saura le dire.

Il n’est probablement pas souhaitable de voir érigées des règles pour que tout le monde soit sur un pied d’égalité… pas souhaitable et pas réaliste. Mais, et c’est là une question qui concerne le monde de la communication, il est souhaitable de mettre un bémol sur la manie des records, car on ne peut  comparer que des choses comparables et en l’occurrence, il n’y a rien de comparable entre celui qui fait une longue marche d’approche à pied, en partant de 2000 m, 2 500 mètres d’altitude et celui que se fait déposer en hélicoptère à 4 000 voire 5 000 mètres d’altitude ; il n’y a rien de comparable entre celui qui monte sans oxygène et celui qui monte avec oxygène…. Donc, que chacun commence par dire ce qu’il a réellement fait, de quelle altitude il est parti, à pied, comment a été transporté le matériel… et les choses seront plus claires.

14 himalajskich szczytów w 7 miesięcy. Nepalczyk pobił rekord Kukuczki ...

Camps de base Dénivelé
1 Annapurna 8091 m Népal 4130 m 3961  23 avril 2019
2 Dhaulaghiri 8167 m Népal 4740m 3427  12 mai 2019
3 Kanchenjunga cristal clair 8586 m Népal / Inde 5140 m 3446  15 mai 2019
4 Everest En tibétain Chomolungma ou Qomolangma  litt : Mère du Monde.               En Chinois Zhūmùlngm Fēng ou Shèngm Fēng 8848 m Népal / Chine 5364 m 3484  22 mai 2019
5 Lothse 8514 m Népal / Chine 5364 m 3150  22 mai 2019
6 Makalu 8485 m Népal / Chine 4870 m 3615  24 mai 2019
7 Nanga Parbat 8124 m Pakistan 3300 m 4824    3 juillet 2019
8 Gasherbrum I 8068 m Pakistan / Chine 5150 m 2918  15 juillet 2009
9 Gasherbrum II 8035 m Pakistan / Chine 5150 m 2885  18 juillet 2019
10 K 2 8611 m Pakistan / Chine 5135 m 3461   24 juillet 2019
11 Broad Peak 8047 m Pakistan / Chine 5135 m 2912   26 juillet 2019
12 Cho Oyu 8201 m Pakistan / Chine 4900 m 3301 23 septembre 2019
13 Manaslu montagne de l’Esprit 8163 m Népal 3690 m 4203   27 septembre 2019
14 Shishapangma 8027 m Chine 5700 m 2327   29 octobre 2019
Total dénivelé 47 914

En 2023, la Norvégienne Kristin Harila, née en 1986, et le guide népalais Tenjin Sherpa iront plus vite : trois mois et un jour – 92 jours -. Mais de quelle altitude sont-ils partis à pied ? on ne le sait pas vraiment. Quelle a été la logistique de leurs ascensions ? Quel a été le prix de la location des hélicoptères qui acheminaient dans les camps supérieurs vivres et matériel ? On lira d’inqualifiables inepties sur les réseaux sociaux, l’accusant d’avoir enjambé le corps de Muhammad Hassan pour aller plus vite, sans se soucier de lui porter secours,  quand elle laissa son cameraman lui tenir compagnie pendant une heure en le réconfortant de son oxygène. Et, impardonnable confusion mentale  : ce Mohammad Hassan n’était pas en solo, il faisait partie d’un groupe, et c’est ce groupe qui l’a abandonné sous la pente sommitale du K2 ; il faut que cela soit dit ! À bas le crétinisme véhiculé par ces réseaux sociaux !

3 11 2019   

Quatre maxi trimarans de la Classe Ultim 32/3 (32 pour la longueur, 23 pour la largeur, le mât pouvant atteindre 35 mètres) prennent le départ de la Brest Atlantiques au départ de Brest, pour faire un grand huit qui les emmène dans l’Atlantique Sud. Sur Macif, François Gabart terminera deuxième, derrière Frank Cammas ; puis la Macif dénoncera son sponsoring avec François Gabart et revendra son trimaran à Actuel Leader avec Yves Le Blevec comme skipper. François Gabart continuera néanmoins à construire son futur trimaran à Lorient avec les 57 employés de sa société MerConcept.

Il est bien possible que ce soit le chant du cygne de ce genre de course au large, le coronavirus se chargeant de faire des ravages dans tout ce qui va du loisir à la restauration en passant par le culturel et les manifestations sportives.

11 11 2019, 11 h 52′

Un séisme de magnitude 5.4 frappe le village du Teil près de Montélimar . 4 blessés, 900 maisons et bâtiments sont endommagés dans les villages du Teil, Saint Thomé, Viviers, pour un montant de 50 millions €. La secousse provoque le déclenchement d’une alerte sur l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas, à 12 km de là.

La Turquie plante 11 millions d’arbres : trois mois plus tard, 90 % de ces pins et sapins seront morts de soif : de la com et rien d’autre… plus con que ça, tu meurs.

23 11 2019   

Un cocasubmarine de 20 mètres de long est arraisonné au large de la Galice, porteur de 3 tonnes de cocaïne. Il sera acheminé au port d’Aldan. On savait que cela se faisait déjà depuis 2005 en Amérique du sud, mais pour l’Europe c’est une première. Le mot est mis entre italique car, fabriqué en forêt équatoriale, il ne peut guère plonger au-delà de 30 mètres : pour ne pas être repéré par les sonars, il est construit en polyester : avec ce genre de matériau, on peut aller loin, mais pas profond. Mais il a tout de même traversé l’Atlantique ! Et dans la rubrique on n’arrête pas le progrès, la marine colombienne en arraisonnera un autre en mai 2023 : 30 mètres de long, 3 mètres de large, transportant 3 tonnes de cocaïne, d’une valeur estimée à 103 millions $. En Colombie la coca est cultivée sur 204 000 ha et la production de chlorhydrate de cocaïne s’élève à 1 400 tonnes, selon l’Onu.

Le « narco sous-marin » découvert cette semaine en Galice.

Afficher l’image source

On le croirait sorti d’une BD de Jules Verne… mais qu’il est laid !

25 11 2019       

Lancés dans une opération de capture de terroristes dans la vallée d’Eranga, au sud d’Indelimane, au sud-est de Gao dans le Liptako, une province du nord du Mali, deux hélicoptères militaires français entrent en collision : treize militaires français, six officiers, six sous-officiers, un caporal-chef y laissent la vie. Ces hélicoptères sont récents : un hélicoptère de combat Tigre et un hélicoptère de manœuvre et d’assaut Cougar. Les pays concernés – Burkina Faso, Mali, Niger, Côte d’ivoire, Cameroun (le Tchad fait exception) – étant rigoureusement incapables de lutter avec efficacité contre le terrorisme, c’est la France qui fait le boulot, pendant que ministres et généraux locaux détournent l’argent du budget des armées.

27 11 2019 

Aidan Jacobson, 26 ans et Brad Cobright, 31 ans, grimpeurs américains en ont terminé d’El Sendero Luminoso, au Mexique , une longue voie de 900 mètres de dénivelé. Brad Cobright est un as de l’escalade : il a détenu un temps le record de vitesse du Nose une voie très difficile d’El Capitan, dans le Yosemite. Ils redescendent en rappel par la voie de montée. Et c’est l’accident : tous deux chutent, Aidan se reçoit sur une corniche, sur laquelle Brad ne fait que rebondir et meurt de la chute suivante, 300 mètres plus bas. Comment cela a-t-il pu arriver ? Un rappel, c’est une corde passée à son milieu dans un mousqueton au sommet de la voie et jetée vers le bas. Ce sont donc deux brins qu’empoigne celui qui fait le rappel. Le premier descend sur les deux brins et, arrivé en bas, le second prend la suite. Cela s’appelle rappel, car le dernier descendu, récupère la corde et tirant sur un brin jusqu’à ce que l’autre brin passe le mousqueton du départ, et ainsi, chute jusqu’au sol … si rien ne l’en empêche. Mais si on est pressé d’être en bas, eh bien, les deux grimpeurs descendent en même temps, mais chacun sur un seul brin : c’est évidemment deux fois plus rapide, mais c’est de la pure folie : la corde supporte un poids double : personne ne localise précisément les points de frottement de la corde sur la paroi : elle peut très bien frotter sur une arête vive et ainsi aller jusqu’à la rupture. Seule une telle manœuvre ultra dangereuse peut expliquer cet accident.

20 12 2019 

La justice n’est donc pas toujours soumise à la loi des puissants : pour ses options en matière d’objectifs fixés à ses employés dans les années 2000 – il faut que 20 000 employés quittent France Télécom dans les 10 années qui viennent, que ce soit par la porte ou par la fenêtre – disait alors la direction, l’entreprise est lourdement condamnée pour harcèlement moral visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail. Enfin, serait-on tenté de dire, ce n’est pas trop tôt ! Outre l’entreprise, qui devra payer 75 000 €, l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard, l’ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès et l’ex-DRH Olivier Barberot ont été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15 000 € d’amende. Ceux-ci ont fait appel.

23 12 2019   

Vladimir Poutine inaugure le plus long pont ferroviaire d’Europe et de Russie, entre la Crimée et la Russie : 19 km. Parallèle, le pont routier avait été inauguré en mai 2018 .

Sans frontières - Moscou : un pont pour relier la Crimée et la Russie - YouTube

 

CRIMEE CAUCASSE CIRCASSIE - les villes du Pont Taman Kerch ...

Poutine inaugure le plus grand pont d'Europe reliant la ...

2019 

Les vingt dernières années ont vu quantité de découvertes de gisements de gaz off-shore en Méditerranée orientale. Comme le solaire et l’éolien ne sont pas près de remplacer le pétrole, c’est le gaz seul qui pourra le faire. Par ordre chronologique :

  • 1999 Gaza Marine, dans les eaux de la Bande de Gaza, 40 Mds (milliards) de m³, jamais mis en production en raison du blocus israélien.
  • 2009 Tamar, dans les eaux israéliennes. 240 Mds m³, en production depuis 2013.
  • 2010 Leviathan, dans les eaux israéliennes, 450 Mds m³, en production fin 2019
  • 2011 Aphrodite, dans les eaux de Chypre, 130 Mds m³.
  • 2015 Zohr, dans les eaux égyptiennes, 850 Mds m³, en production depuis 2017
  • 2018 Calypso, dans les eaux internationales, de 170 à 230 Mds m³.
  • 2019, dans les eaux internationales, en cours d’évaluation.

Soit, au total, une quantité qui approche celle du seul gisement algérien d’Hassi R’mel. Un gazoduc approvisionne la Grèce, via Chypre. La condition sine qua non pour que ces multiples gisements proposent du gaz à un prix compétitif serait la mutualisation des structures de transformation, mais est-il raisonnable d’espérer voir réunis autour d’une table pour en discuter des Israéliens et des Palestiniens ? On peut toujours rêver… Plus concrètement, des difficultés sérieuses apparaîtront fin 2019 entre Chypre et la Turquie : deux États se partagent l’île de Chypre : la partie sud est la République de Chypre, reconnue internationalement, proche de la Grèce, et la partie nord, rattachée à la Turquie et reconnue  par cette seule Turquie. La Turquie revendique la propriété de 44 % des très importants gisements [à peu près ceux de la mer du Nord] de gaz découverts en mer au large de l’île quand la République de Chypre s’apprête à les mettre en totalité en exploitation … problèmes, d’autant que Grèce comme Turquie ne sont jamais parvenues à se mettre d’accord sur la délimitation de leur eaux territoriales.

1 01 2020

Pour illustrer le dicton selon lequel il ne faut pas se moquer des riches car on ne sait jamais ce qui peut vous arriver, un moment d’harmonie en guise de bons vœux, par petite brise, dans la baie de Saint Tropez :

Mais vous préférez peut-être la haute mer et les kite-surf qui jouent les dauphins en accompagnant un grand : là encore la poésie est au cœur du jeu :

Et encore, des Classe Ultime, seuls en mer, sans commentaire, sans musique : juste la caresse, parfois rude, de l’eau et du vent sur le beau bateau :

Et, à plusieurs avec du plaisir pour tous :

et encore, vers – 120 m de profondeur, en saturation, avec un mélange hélium-oxygène, le très beau film de Laurent Ballesta : Planète Méditerranée, au large de la côte française, de Marseille à Menton. Laurent admet que la Méditerranée soit malade, mais pas qu’elle soit morte et il en donne la preuve, et on se prend à paraphraser Prévert : Notre Père, qui êtes aux cieux, restez-y, et nous nous resterons en la mer, qui est, quelquefois, si jolie.

et encore, des arpenteurs de la mer, en charge d’établir un cadastre  sous-marin :

2 01 2020 

Donald Trump ordonne la mort du général  Ghassem Soleimani, stratège iranien, maître des opérations militaires iraniennes en Irak : un drone s’en charge, tuant dix personnes, près de l’aéroport de Bagdad. C’est peut-être la faute de trop, car c’est toujours une faute que de fabriquer un martyr. Six jours plus tard, deux missiles iraniens abattront par erreur un Boeing 737 d’une compagnie ukrainienne, faisant 176 morts. Vous avez dit une erreur ? Vous avez dit : Après la frappe sur une base américaine en Irak, nous étions en état d’alerte maximum. Mais c’est précisément quand on est en alerte maximum qu’il faut faire preuve d’un maximum de sang-froid ! On comprend mieux l’opposition farouche des pays détenteurs de la bombe atomique à voir entrer dans leur club pareil partenaire à même de commettre un tel carnage et de demander ensuite pardon car c’était une erreur.

Le Consentement de Vanessa Springora, est annoncé pour ce jour en librairie. Vanessa Springora, aujourd’hui directrice des Éditions Julliard, a été il y a quelques dizaines d’année la proie de Gabriel Matzneff et elle raconte. Mais avant même la sortie du livre, on assiste à un tir groupé de soutien : Christine Ango, Sylvie Brunel, Christine Clerc, Laure Murat se livrent à un réquisitoire impitoyable contre Gabriel Matzneff, dont il n’est pas sûr du tout que celui-ci parvienne à se relever ; on verra aussi Gallimard retirer certains titres de Matzneff, tel un marchand de fruits et légumes qui retire de son étalage fruits et légumes pourris ; c’est tout de même bien embêtant que Gallimard, au départ, ait estimé normal de mettre des fruits pourris sur ses étals….

*****

Gabriel Matzneff, en réaction au livre de Vanessa Springora Le Consentement [Grasset, 216 pages, 18 euros], écrit dans L’Obs : Apprendre que le livre que Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant n’est nullement le récit de nos lumineuses et brûlantes amours, mais un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d’un psychanalyste, provoque en moi une tristesse qui me suffoque.

Apprendre que le livre que Vanessa… Vous l’appelez Vanessa ? Vous pensez pouvoir vous autoriser à l’appeler par son prénom, alors qu’elle vient de publier ce livre ? Vous prétendez encore à cette intimité ? Vous pensez avoir ce genre de droits ? Elle est toujours, pour vous, la petite fille que vous avez rencontrée dans un dîner où elle accompagnait sa mère, attachée de presse dans l’édition ? À l’époque, vous étiez important dans ce milieu. Vous comptiez. Vous vendiez des livres. Vous aviez des fans. J’en ai fait partie quelque temps. J’avais une vingtaine d’années. Je vous lisais. Je n’avais pas encore été dans le cabinet d’un psychanalyste. Je commençais à avoir des insomnies, des difficultés dans ma sexualité, mais je n’étais pas encore prête à me dire, à admettre, que mon père s’était autorisé à commettre un inceste sur moi parce qu’il ne m’avait jamais aimée, qu’il n’avait aimé que lui-même, son bon plaisir, sa propre autorité, au mépris total de mon avenir, de ma vie amoureuse future, de ma vie sexuelle, notamment. Je ne le voyais plus à l’époque où je vous lisais. J’avais réussi à couper, à dire à ma mère. Mais je continuais à me raconter qu’il m’avait aimée, comme vous disiez aimer les jeunes filles dont vous parliez dans vos livres. Je voulais continuer de croire à un amour de sa part, certes hors norme, mais un amour, sinon c’était insupportable. Je n’étais pas prête à ce moment­-là à prendre la mesure de la haine, notamment sociale, qui avait été à l’œuvre.

Vous appelez lumineuses et brûlantes vos amours avec les moins de seize ans. C’est vrai, l’humiliation peut aller avec des flambées de passion. La perversion n’est faite que de ça. En fait, la jeune fille, vous ne faites que l’humilier, la dégrader, profiter de la difficulté qu’a une adolescente à se séparer de sa mère, à s’en distinguer, de la rivalité possible, de toute cette toile de sentiments qui se déchire au passage de l’enfant à la femme adulte, avant de se retisser autrement. Vous la catapultez au firmament des objets sensuels, elle sort de l’école, mais non, pas du tout, vous la décrétez femme, bien plus désirable que sa mère, ah mais oui c’est toi que je préfère, tes seins fermes, tes fesses, etc. Ce que vous aimez avec elle, en réalité, être son maître, son professeur, jouer à l’esclave que vous n’êtes pas, puisque c’était elle. Qu’elle ne sache rien, pouvoir tout lui apprendre, tout lui montrer. Voir le choc que faisait la réalité physique sur elle.

Plus tard, j’ai commencé à écrire. Un jour, j’avais vingt-cinq ans, j’étais à Paris pour quelques jours. Je vous vois traverser le boulevard Saint­Michel, mon cœur se met à battre, je cours derrière vous, je vous aborde. Je dis j’aime vos livres, ou un truc dans ce style. Je ne les aimais déjà plus, mais ça ne se fait pas de dire à quelqu’un j’ai aimé vos livres. Ce que j’aimais, c’était écrire, l’écriture, le traitement du réel par l’écrit. Voilà ce que j’aimais. J’ai confondu avec vous. J’ai été impressionnée, c’était la première fois que je voyais un écrivain en vrai dans la rue. Quelqu’un qui essayait d’écrire le réel. Génial. Sauf que vous n’écriviez pas le réel en fait. Vous êtes, comme on dit, un bon écrivain, mais limité, puisque vous ne compreniez pas ce qui se passait dans la tête de la jeune fille. Obnubilé que vous étiez par votre propre image, combien de pages dans vos livres sur vos yeux clairs et votre minceur.

Vanessa Springora a écrit un livre. Vous vous rendez compte que vous preniez vos désirs pour des réalités. Vous ne voulez pas l’admettre. Elle était là sans être là. Elle était dans votre lit sans y être. Elle ne savait pas où elle était. Elle avait quatorze ans. Elle venait tout juste d’avoir ses règles. Est-­ce qu’elle avait fait le deuil de ne plus être une petite fille ? Vous vous êtes posé la question ? Vous vous êtes pris pour le prince charmant, mais vous l’avez réveillée de la mauvaise manière. Vous la voyez dans ce dîner où elle accompagne sa mère, attachée de presse dans l’édition. Vous n’êtes pas n’importe qui. Vous décidez de la hisser plus haut que sa mère, de la sortir de l’ombre de cette femme, d’inverser les générations, de la faire vivre dans un interdit. Sauf pour vous. Dans le cabinet de l’amant. Vous ne comprenez pas que ce soit invivable ?

Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant… Vous pensez à votre vivant, à votre respectabilité. Vous déplorez un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à [vous] nuire. Ç’aurait été un tel pied de nez si elle avait fait un truc à votre gloire. Vous ne comprenez pas son hostilité. Et encore moins qu’en analyse elle ait pu découvrir peu à peu votre vrai visage. Vous trouvez ça triste. C’est gai au contraire.

Vous pensiez qu’il n’y avait qu’une version, la vôtre ? La perversion. La version du père comme disait un psychanalyste dans un autre cabinet. Elle vous a servi la soupe à quatorze ans, maintenant c’est fini. Maintenant elle dit ce qu’elle veut.

Dans mon tout premier manuscrit, qui n’a pas été publié, à la toute fin il y avait une vague allusion à l’inceste, que j’ai vécu entre treize et seize ans. Je l’ai fait lire à mon père. Je m’attendais à une réprimande. Pas du tout. Il m’encourageait à aller plus loin, à raconter, mais un peu à la manière de Robbe­ Grillet, qu’on ne sache pas si c’était vrai ou faux.

L’amour pour les enfants est souvent mêlé de haine. C’est tellement énervant ces êtres qui ne voient pas les choses comme nous. Qui vivent dans un autre monde. Qui rêvent. On a tellement envie parfois de leur mettre la réalité sous le nez, ou sa queue gonflée. C’est tellement marrant de voir la gueule qu’ils font quand ils découvrent que la vie ne va pas être comme prévu.

Le plus drôle, mais ça vous ne l’avez pas vu, c’est qu’ils dissimulent leur déception. Sinon ils ne tiennent pas. Ils ne savent pas exprimer leur angoisse. Ils ne peuvent pas. À la rigueur, une crise de sanglots, pour une bêtise. Ils veulent bien se raconter que c’est délicieux et brûlant pour vous faire plaisir. C’est ce qu’ils veulent vous faire plaisir. Vous en profitez ! Vous trouvez que c’est gentil ? Je vais vous apprendre quelque chose : ce qui sauve les enfants, dans ces situations, c’est qu’ils peuvent faire semblant. Sinon ils étoufferaient avec votre queue dans la bouche ou dans l’anus. Votre odeur d’adulte. Le bruit de vos ablutions dans la salle de bains. Ils font semblant. Ils se dédoublent. Ils disent qu’ils sont contents de vous voir. C’est vrai, mais pas seulement. Ce qu’ils veulent recueillir : votre approbation, être adoubé. Ils ont besoin de ça pour grandir. Vous représentez le savoir, le pouvoir, l’autorité. Tout ce que nos sociétés respectent. Le pouvoir de la culture, celui de l’argent, l’autorité symbolique. On veut être adoubé. Vous en profitez. Abus de pouvoir, classique.

Ça ne dure pas. Surtout si la personne va régulièrement dans le cabinet d’un psychanalyste. Vous trouvez ça triste. Peu à peu les pouvoirs qui se sont exercés contre elle s’évaporent. Elle a cru que vous l’adoubiez alors que vous la mettiez au ban. Son consentement était une fiction, un leurre pour se protéger, en attendant des jours meilleurs. Et vous, candide, aussi naïf que peut l’être un pervers, comme aurait dit Nabokov, vous y avez cru. Ivre, non pas du vin perdu, mais de vous­ même, de vivre une situation incestueuse sans avoir eu d’enfants. Vous réussissiez un bon coup. Maintenant, c’est fini. Le charme a dû se rompre dans le cabinet du psychanalyste. Et ça, ça provoque en vous une tristesse qui [vous] suffoque.

Ça provoque en moi une tristesse qui me suffoque. Vanessa, beaucoup d’autres, moi­-même, c’est exactement ce qu’on a ressenti, une tristesse qui suffoque, quand on avait la queue d’un père ou d’un homme qui aurait pu l’être dans la bouche. Pendant que nos copines vivaient leur adolescence. On se disait : j’ai pas de chance. Je le fais quand même, je fais tout bien comme il a dit. On pensait : ça ne va pas durer, en attendant, fais semblant. Ne lui montre pas que tu es triste.

Vous, vous ne vous gênez pas. Vous vous épanchez. Une tristesse vous suffoque. Ben oui, on ne peut pas jouir tout le temps. Ça s’arrête à un moment.

Au printemps 2018, le gouvernement réfléchissait à une loi qui aurait dit qu’un mineur de moins de quinze ans ne pouvait pas donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur. Mais ils ont abandonné l’idée. C’était pourtant tellement logique. On ne peut pas à la fois faire semblant, et donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur. Mais ils ont abandonné l’idée. C’était pourtant tellement logique. On ne peut pas à la fois faire semblant, et donner son consentement.

Christine Ango. Tribune libre du Monde du 2 janvier 2020

Je suis née en 1960. Dans les années 1980, je préparais l’agrégation de géographie à l’École nationale supérieure de Saint Cloud. Très souvent je croisais, rôdant dans le parc du même nom, l’écrivain Gabriel Matzneff, reconnaissable entre mille avec son allure de dandy et son crâne soigneusement rasé. Il errait en quête de proies, vous déshabillait du regard, pesait sa chance et poursuivait son chemin. Beaucoup trop vieille pour lui déjà ! Matzneff venait de publier Ivre du vin perdu (La Table ronde, 1981), une apologie de la pédophilie où, comme dans l’ensemble de son œuvre, les mères étaient systématiquement dépeintes comme des empêcheuses de baiser en rond, petits garçons comme très jeunes filles. D’ailleurs, toutes les femmes, dès qu’elles dépassaient l’âge nubile, devenaient répugnantes aux yeux de celui qui se qualifiait complaisamment de libertin, alors qu’il n’était qu’un prédateur sexuel, adoubé par une certaine élite parisienne. Cet entre-soi commis au nom de la littérature lui valait de participer à de multiples émissions, où il pouvait épandre sans retenue et sans honte son penchant, sous l’œil émoustillé de barbons persuadés de faire œuvre d’ouverture d’esprit. Et Pivot n’était pas le dernier à déguster la prétendue provocation de Matzneff, quoi qu’il prétende aujourd’hui. Ne croyez pas que l’époque était libertine ou tolérante. Cette complaisance ne reflétait absolument pas les mœurs de l’époque. La France profonde n’en pensait pas moins, mais n’avait pas voix au chapitre. La coupure entre une élite hors sol, totalement déconnectée des réalités quotidiennes et des valeurs de la société, qui est apparue clairement avec la crise dite des gilets jaunes, a été un des moteurs des révolutions sociales françaises.

L’indécence Matzneff choquait profondément déjà. Je tiens à le dire car l’histoire s’écrit souvent de façon biaisée, et laisser penser que les années 1980 étaient celles de l’acceptation de la pédophilie serait un mensonge. Les jeunes que nous étions alors ressentions ces écrits et ces paroles comme d’insupportables offenses. L’indécence avec laquelle cet homme, qui avait l’âge de nos parents, se complaisait dans l’étalage de sa débauche, de la façon dont il trompait la confiance des familles, séduisait et abusait des enfants qu’on lui confiait en toute naïveté – car justement les mères étaient loin d’imaginer pareille perversion – nous était simplement insupportable. Mais nous n’avions pas voix au chapitre, nous ne pouvions que subir. Aujourd’hui, je suis heureuse que les femmes qui  ont été des jeunes filles osent enfin prendre la parole, et que les jeunes femmes d’aujourd’hui se rebellent, dénoncent, racontent. Il est temps que la honte change de camp, résume ma fille, l’écrivaine Ariane Fornia. Le livre de Vanessa Springora, que je n’ai pas encore lu, remet sans doute enfin les pendules à l’heure : non, il n’est pas et il n’a jamais été acceptable  que des personnages abusent de leur position d’autorité pour saccager la jeunesse d’êtres vulnérables et sans défense, chez nous comme dans les pays pauvres, puisque le tourisme sexuel continue d’être assidûment  pratiqué.

Sylvie Brunel. Tribune libre du Monde du 2 janvier 2020

C’était votre bon vieux temps. On s’habillait en jean ou en dandy. Les uns rêvaient d’une révolution menée par les adorateurs de Mao. Les autres, comme vous, regrettaient les églises où l’on chantait en latin. Mais l’on respirait en tout cas un parfum du XVIII° siècle à la cour du Duc d’Orléans : tout était permis à l’élite intellectuelle –  ou supposée telle – à commencer par le viol des enfants. La littérature n’était elle pas, rappelait ce samedi un célèbre animateur d’émissions littéraires, au-dessus de la morale ? Or, vous étiez écrivain. Un écrivain sans best-seller, malgré votre prix Renaudot 2013, au point que la Ville de Paris et le Ministère de la Culture avaient dû vous loger et vous verser une pension, mais non sans talent et sans élégance. Jean d’Ormesson ne voyait-il pas en vous un séducteur intellectuel, et François Mitterrand un  séducteur impénitent, mélange de Dorian Gray et de Dracula, tandis qu’un grand journal du soir, publiait en 1977 une pétition contre une révision du Code Pénal qui aurait pu protéger les enfants des prédateurs sexuels, vous comparait à Gide et Casanova et vantait votre œuvre d’homme cultivé qui ose briser les tabous ? Un admirait votre charme slave hérité de parents russes, forcément princes plutôt que bourgeois. On admirait aussi votre audace : non seulement vous êtes capable de dépenser en une nuit avec une adolescente ou deux petits garçons toute la subvention de la République française dans un palace de Venise ou de Bangkok, mais au contraire de ces minables curés condamnés à assouvir leurs désirs en cachette, vous vous en vantiez. Sartre, Beauvoir, Sollers et bien d’autres adoraient ça. Et quand Denise Bombardier osait vous le reprocher, on la traitait de mal baisée Mais voilà, les temps ont changé. L’affaire d’Outreau nous a dévoilé en 1997 la hideuse vérité des pédophiles. L’une de vos anciennes proies, Vanessa Springora vous dénonce aujourd’hui en utilisant vos propres armes : un livre (Le Consentement Grasset) et le talent. Nous découvrons soudain que l’an dernier, 8 700 viols de mineurs – plus d’un par heure – ont été commis en France.

Et nous en sommes scandalisés. Ce grand retournement des mentalités, vous, l’artiste trop imbu de son talent, n’avez pas su le pressentir. Vous en voilà donc, à 83 ans, la victime expiatoire.

Christine Clerc. Le Midi Libre du 5 01 2020

Gabriel Matzneff est passé, depuis quelques jours, de sujet à objet. Lui, le sujet, le sujet désirant, tout puissant, sulfureux, le sujet écrivain, admiré, l’invité d’Apostrophes, récompensé, adoubé par le président de la République (François Mitterrand, à l’époque), gratifié de 12 000 euros puis de 6 000 euros par an par le Centre national du livre [le CNL, qui lui accordait une aide de l’État réservée aux écrivains en difficulté financière], décoré par Jacques Toubon (en 1995), logé par la Ville de Paris, est tombé de l’autre côté. Du côté de l’opprobre. De la chosification. Objet de la vindicte populaire, objet de haine, d’abjection. Il est tombé du côté de sa proie, du mauvais côté du manche : il est devenu la victime. Autrement dit, de prédateur, il est devenu l’objet d’une prédation. Le loup pris à son propre piège. Faut-il s’en réjouir ? La réponse est non.

Tomber à bras raccourcis sur un homme qui n’a jamais caché ses préférences et les a publiées noir sur blanc avec l’assentiment ravi et vaguement excité de ses pairs confine à la plus pure hypocrisie. Plutôt que de vouloir retirer à Matzneff sa pension du CNL ou l’insigne des Arts et Lettres qu’il reçut du gouvernement, je propose plus logiquement qu’on demande des comptes aux instances officielles qui l’accablent aujourd’hui et le  célébraient hier. Je propose le procès du ministère de la culture, l’examen de conscience de la société tout  entière, et le procès de la complicité de l’intelligentsia, mieux que celui d’un homme seul et aux abois, si   contestable soit-il. L’époque, qui aime la polarisation et porte aux nues le couple infernal du bourreau et de la victime, se divise en deux : d’une part, ceux qui le défendent ou l’excusent au nom d’une  contextualisation qui menace de tout relativiser, de l’autre ceux qui l’accablent et le vouent aux gémonies au risque de l’anachronisme. Double myopie antihistorique. Résultat ? La curée, l’épuration, les hurlements. Les deux camps ont tort, en ce qu’ils sont enfermés dans le jugement moral, libéral ou conservateur, dans une forme d’inquisition qui ne sert personne, et certainement pas la principale intéressée : Vanessa Springora, auteure du Consentement (Grasset, 216 p.), récit de sa relation avec G. Malors qu’elle avait à peine 14 ans et lui 50. La lente emprise de l’ogre.  Or ce que ce récit sans afféteries évite, précisément, c’est le manichéisme. Ce qu’il décrit, ce sont les manœuvres d’encerclement, l’emprise lente de celui qu’elle nomme bien un ogre tout en détaillant un système qui fait d’elle une proie consentante. La question que ce livre pose est celle de son titre : qu’est ce que le  consentement, a fortiori lorsque celui ci est non pas donné spontanément, mais supposé, subodoré, entendu, extorqué, exigé et, finalement, dénaturé ? Victime  consentante, voilà l’oxymore, si commodément accepté et même plébiscité par la société, qui rapporte les femmes à leur acception élémentaire : des putes qui veulent réussir. Ce que dénonce Vanessa Springora résonne de façon troublante avec les propos d’Adèle Haenel, harcelée adolescente par le metteur en scène Christophe Ruggia : la violence d’un système qui oblige l’enfant ou la très jeune fille à penser qu’elle désire ce qu’on lui impose. C’est un système très pervers et subtil, parfaitement huilé, celui de l’abus de pouvoir, dont la compréhension exige des années d’analyse, d’introspection et de bonne foi de chaque partie.

Le mouvement #metoo a ouvert le débat. Tant mieux. Les femmes parlent, on les écoute, c’est bien. Elles s’expriment, expliquent, témoignent. Elles passent, enfin, d’objets à sujets. Mais aucun homme n’a, jusqu’ici, en France, fait amende honorable. Et dit : Oui, j’ai violé/agressé/ harcelé/untel, une telle.  Comment est ce possible ? Polanski s’enferre, Matzneff persiste et signe, Besson fait le gros dos. Des millions de menteuses contre des artistes intouchables et innocents  ? Allons donc. 

Laure Murat, essayiste et historienne, enseigne la littérature à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) Tribune libre dans Le Monde du 9 01 2020

Ayant franchi la barre des soixante ans, je me souviens du climat ambiant des années 1980 concernant la complaisance plus ou moins générale vis à vis de la pédophilie, défendu […] par les milieux intellectuels, c’est à dire par ceux qui avaient la parole, puisque bien sûr ce sont eux qui font l’opinion et cela à toutes les époques, à tort ou à raison. C’était le temps ou Serge Gainsbourg pouvait écrire une chanson intitulée Lemon Incest et la chanter avec Charlotte, 13 ans, sans que personne ne formule d’objection. Pourtant, il y aurait eu matière à être choqué ! Aujourd’hui, les curseurs ont changé et voilà que l’on somme les interviewers de l’époque (Bernard Pivot) de se justifier. Il faut des coupables collatéraux, coupables de n’avoir pas, en 1980 adopté à l’avance le mode de pensée et la morale des années 2020. Curieux temps, pas forcément rassurant.

M. Charreyron , courriel à Téléprama  3653 du 18 au 24 janvier 2020

Tu récolteras ce que tu as semé.

La Bible. Ezéchiel 18, 1-32

8 01 2020 

Recep Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine inaugurent le TurkStream, un gazoduc à 2 tubes entre la Russie [Anapa] et La Turquie d’Europe [Lüleburgaz]. Le premier tube de 1 090 km de long acheminera 15.85 milliards de m³ vers l’Europe, le second, pour le seul usage de la Turquie, fait 930 km sous la Mer Noire et 65 km sur le sol de la Turquie : il approvisionnera le réseau turc déjà en place à raison de 15.75 milliards de m³ par an..

Image illustrative de l’article Turkish Stream

la mer Noire est … en blanc

11 01 2020   

Les autorités australiennes sont coupables de non-assistance à nature en danger :  leur pays brûle et ils regardent ailleurs : On croirait l’apocalypse. Une catastrophe nationale est en train de se produire, qui, chaque jour, crée de nouveaux chocs. Le ciel est en feu, Une telle rapidité et une telle furie, On dirait une zone de guerre. Voilà quelques unes des phrases employées pour saisir la violence des incendies par ceux qui les combattent. Cela fait maintenant trois mois que le feu ravage des terres déjà grillées par la sécheresse et des arbres assoiffés par des vagues de chaleur précoces [l’été débute en décembre dans  l’hémisphère Sud]. La surface de forêt rasée à ce jour est six fois supérieure à celle de la forêt amazonienne détruite pendant toute l’année 2019. Une superficie équivalente à celle d’un cercle de rayon Paris-Rouen a été réduite en cendres. Le sud du littoral de la Nouvelle Galles du Sud, à cette période de l’année plein à craquer de familles en vacances, est en train d’être évacué alors qu’une localité après l’autre disparaît sous les flammes. Dans l’État de Victoria, des milliers de personnes se sont retrouvées piégées sur une bande de terre coupée du continent par le feu et la marine a été mobilisée pour les secourir par bateau. Le nombre d’animaux qui ont déjà péri est estimé à 1 milliard. Des colonies entières de koalas ont été réduites à néant. Des renards et des chats errants attendent aux abords des fronts de flammes que de petits mammifères et reptiles en fuite leur courent tout droit dans la gueule. Et cela fait des semaines que Canberra, pour l’heure épargnée par les flammes, suffoque sous un épais manteau de fumée provenant des gigantesques incendies qui ravagent l’est et le sud-est de la capitale. Depuis des jours, la ville affiche l’indice de pollution le plus élevé de toutes les métropoles du monde, un indice plus élevé que celui de New Delhi ou de Pékin, avec des niveaux souvent dix à vingt fois supérieurs aux seuils jugés dangereux. La journée du samedi 4 janvier a été la plus chaude depuis l’existence des relevés de température, avec 44 °C à Canberra. À Penrith, dans la banlieue de Sydney, le thermomètre a atteint la température écrasante de 49 °C, une chaleur qui coupe le souffle rien qu’à y penser. Ces feux ont quelque chose de fou. Des pompiers chevronnés racontent n’avoir jamais rien vu de la sorte. Nous ne disposons pas des concepts ni de l’expérience qui nous permettraient de saisir ce qui est en train de se passer. Les Australiens qui ne combattent pas les feux et ne participent pas aux secours regardent les images médusés. Les incendies des étés précédents étaient un spectacle, un spectacle que l’on regardait en sécurité, de son salon, en ville. Mais pas cette fois. Le spectacle s’est métamorphosé en une bête qui sillonne le pays en détruisant tout sur son passage. Les incendies créent des phénomènes météorologiques alors qu’ils traversent les forêts. Les personnes qui restent pour défendre leur propriété contre le feu parlent de gigantesques murs de flammes qui projettent des pluies de braises, lesquelles enflamment tout alentour. Un rugissement de trains de marchandises se fait entendre, tandis que les animaux hurlent. Les Australiens, qui ne prêtaient jusque là pas attention aux discours des climatologues du monde entier, observent ces scènes avec horreur. Ce que nous redoutions est en train de se produire ; mais nous pensions que nous aurions encore deux ou trois décennies avant d’avoir l’impression de vivre l’apocalypse. Or, l’avenir est arrivé, et ce que les prochaines années ont à nous apporter nous remplit d’effroi. L’ampleur de la catastrophe est telle qu’il est impossible de nourrir un quelconque sentiment de satisfaction à l’idée d’avoir eu raison. Mais il est également impossible de faire taire la rage ressentie à l’encontre des responsables politiques et des lobbyistes du charbon [l’extraction de la houille est un secteur important en Australie] qui font semblant de prendre les avertissements des scientifiques au sérieux ou les traitent de chimères. Ces incendies nous envoient un message : Voilà ce que la Terre fait lorsque l’homme consomme des énergies fossiles à tout va et réchauffe la planète. Cela fait des années que l’on nous dit que, parmi les pays industrialisés, l’Australie est le plus exposé aux conséquences du réchauffement climatique. Or, le gouvernement australien est aux mains de climatosceptiques qui ne reconnaîtront pas que ces incendies infernaux surviennent plus souvent et avec plus de violence à cause du réchauffement mondial. Notre gouvernement s’oppose à des réductions plus massives des émissions mondiales de CO2 et encourage activement le développement de la colossale mine de charbon du groupe Adani dans le Queensland. Une vague de dégoût

Je pensais autrefois que des catastrophes manifestement causées par le changement climatique feraient tomber les murs psychologiques du déni. Mais je me trompais. Il est à présent clair que ceux qui sont dans le déni regarderaient le pays entier partir en fumée plutôt que d’admettre qu’ils avaient tort. Leurs maisons peuvent brûler, leurs familles finir calcinées qu’ils continueraient de trouver le moyen de nier les preuves du changement climatique. Le premier ministre conservateur, Scott Morrison, contraint par la colère des Australiens de rentrer des vacances qu’il passait à Hawaï tandis que le pays brûlait, déploie tous les talents qu’il a développés au cours de sa précédente carrière dans le marketing pour pointer du doigt des facteurs autres que le changement climatique. En 2019, 23 anciens responsables de services de gestion de situations d’urgence et d’incendies se sont regroupés et ont tenté d’obtenir un rendez vous avec le premier ministre pour l’avertir des catastrophes sur le point de se produire et de la nécessité de s’y préparer. Les catastrophes sont bien plus désastreuses qu’ils ne le pensaient et ils ont peur. Mais le premier ministre a ignoré leurs demandes de rendez vous. Et maintenant ? Difficile de savoir comment le traumatisme s’exprimera quand les feux se seront éteints et que le pays  commencera à se relever. Certes, il y aura la gratitude pour les pompiers qui se sont battus jusqu’à l’épuisement. Il y aura l’aide aux personnes traumatisées et la détermination de reconstruire les vies brisées. Mais on peut aussi s’attendre à une vague de dégoût envers ces responsables politiques qui nous ont si magistralement trahis, et à une poussée de militantisme en faveur d’un changement. Au-delà de tout cela, il y aura le deuil. Le deuil de ceux qui ont péri, des villes détruites, des magnifiques forêts carbonisées et désormais silencieuses, des innombrables oiseaux et autres animaux calcinés ou morts de faim parce que leur habitat a été détruit. Mais nous devrons aussi faire le deuil de quelque chose de plus difficile à définir : la mort de l’avenir. Ces incendies, comme les catastrophes causées à travers le monde par le changement climatique, font voler en éclats notre vision du monde. D’une façon ou d’une autre, nous devons commencer à imaginer un nouvel avenir sur une Terre de plus en plus chaude, une Terre de plus en plus hostile à la vie humaine. 

Clive Hamilton. Philosophe, professeur d’éthique publique à l’université Charles-Sturt à Canberra et ancien membre du Conseil australien sur le changement climatique. Il a notamment écrit Requiem pour l’espèce humaine (Presses de Sciences Po, 2013) et Apprentis sorciers du climat  (Seuil, 2013)  Traduit de l’anglais par Valentine Morizot

25 01 2020   

C’est le premier jour de la nouvelle année lunaire chinoise. Xi Jinping déclare l’état d’urgence sanitaire pour lutter contre le coronavirus nommé 2019-nCoV  dans un premier temps, puis SARS-CoV-2 ; le Covid-19 ne désignera pas le virus, mais la maladie qu’il provoque. – découvert à Wuhan, 11 millions d’habitants, sur les bords du Yangzi. Plus précisément, la bestiole se serait mise au contact des humains sur le marché d’animaux vivants, caché dans une chauve-souris ou dans un pangolin. Mais peut-être aussi serait-elle sortie d’un laboratoire au sein du Centre de contrôle et de prévention des maladies, tout proche – 280 mètres – de ce marché de fruits de mer. L’un de ses chercheurs serait parti plusieurs mois pour capturer des chauve-souris dans des grottes et aurait du rester confiné quelques semaines au retour… Il existe aussi à Wuhan un National High Level Biosafety Laboratory, laboratoire de niveau P4, dirigé par Shi Zhengli, à la création duquel a participé la France : Bernard Cazeneuve y est venu le 23 février 2017 pour l’inauguration et le consul de France à Wuhan, Olivier Guyonvarch y était le 24 janvier 2019. Mais il semble que la collaboration franco-chinoise se soit limitée au principe d’un versement d’un million d’€ par an, car il est certain qu’aujourd’hui ce laboratoire n’emploie aucun chercheur français, et sa directrice finira par disparaître. Il se trouve à 12 km du marché. Le rapport entre le nombre de contaminés déclarés (symptomatiques) et le nombre réel (asymptomatiques) est à peu de choses près celui de la partie émergée d’un iceberg et sa partie immergée.

Afficher l’image source

Laboratoire P 4 de Wu Han

De toutes façons, quelle que soit la nocivité de ce coronavirus, on connait aussi ses limites, car on sait qu’en aucun cas, il ne sera à même de faire disparaître la connerie et la cupidité, et cela impose aussi des limites au monde nouveau que l’on va essayer d’inventer à la sortie de crise,  à grands renforts d’effets de manche et d’incantation qui viendront se fracasser contre les murs de la connerie et de la cupidité qui seront restés debout.

Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.

Blaise Pascal

Bon… on est tout à fait en droit de dire que le jour où Pascal a écrit cela, il aurait mieux fait de rester au lit…

Disons que je suis fou et que je veux tuer un bébé : je ne lui fais rien, je le laisse seul dans une chambre, dans le silence, privé de la tendresse des siens  : il mourra, même bien nourri… Nous avons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un nez pour sentir, une bouche pour manger, boire et surtout parler, et un sexe pour faire l’amour : se refuser à faire fonctionner tout cela n’est que perversion, et croire que cela peut fonctionner dans l’espace confiné d’une chambre est pure sottise. L’homme est un être profondément social : les moines et moniales, reclus de tout poil, ne sont que l’exception qui vient confirmer la règle. Ne parlons pas des prisonniers à l’isolement : ce n’est pas leur choix, c’est celui de la société, ni des confinés qui se voient imposer la mesure comme le meilleur moyen de lutter contre le coronavirus, mais, c’est bien à contre cœur. Donc, il convient bien de dire le contraire de ce que disait Pascal :

Tout le bonheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre

Toutes et tous, sauf Monsieur Blaise Pascal

Marie Fontanel, conseillère Santé à L’Élysée en part le 31 janvier, pour aller à Strasbourg soutenir le candidat aux municipales de Strasbourg qui n’est autre que son mari et ce jusqu’à la fin février : ainsi donc, à la veille d’une crise majeure de santé, le président de la République a estimé qu’il était préférable pour elle d’aller apporter son soutien pour les municipales au candidat d’une grande ville de l’est, qu’elle connait bien pour y avoir dirigé [directrice adjointe] l’ARS – Agence Régionale de Santé – avant d’être nommée à l’Élysée. Est-ce donc cela le sens de l’État ?

Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé, puis candidate à la mairie de Paris à la mi-février a remplacé le pitoyable Benjamin Griveau qui s’est embourbé dans une sex-tape plus minable que ça, tu meurs ; elle fera un score qui ne lui laisse aucune chance au second tour ; mauvaise perdante, elle lâchera ce qu’elle a sur le cœur : Dès la fin janvier, j’ai averti le président de la République et le Premier ministre que le coronavirus allait provoquer une catastrophe en France. Avec le poste qu’elle occupait, elle-même étant médecin, entourée d’une kyrielle d’experts scientifiques tous plus compétents les uns que les autres, on serait très imprudent de contester ses affirmations. Dès lors que pas plus Emmanuel Macron qu’Édouard Philippe n’ont voulu tirer les conséquences de ces déclarations, il ne lui restait plus qu’à démissionner et dire publiquement ses raisons : ainsi la parole d’Agnès Buzyn aurait pris tout son poids  et ils auraient été mis devant leurs responsabilités ; au lieu de quoi, ils ont préféré la faire taire en lui offrant la place de Griveau, qu’elle a eu la naïveté d’accepter ; dans le cas présent, ce départ valait désertion de poste. S’ils l’avaient écoutée, fin janvier, ils auraient gagné six semaines dans cette guerre, le gain de ces six semaines étant capital en termes de vies humaines sauvées. Mais nos gouvernants ont du goût pour les drôles de guerre. Peut-être bien aussi que, quoiqu’on en dise, quoi qu’on en pense, une femme a encore beaucoup de mal à être entendue au sein d’un gouvernement.

La Chine ne nous a pas inquiété pendant plusieurs semaines. On a l’habitude de voir régulièrement des pathologies très graves dans la région de Wuhan qui n’atteignent jamais l’Europe ou très peu. Ça a été les cas du Sras et du H1N1 pour lequel on s’était affolé pour rien. Donc, on s’est dit, cette fois, que ce serait la même chose, qu’en contrôlant les arrivées d’aéroport en provenance de Chine, ça suffirait, comme d’habitude. On a vraiment commencé à avoir peur quand on a découvert les milliers de cas italiens, on ne comprenait pas pourquoi il y avait tant de malades en si peu de temps. On a alors compris qu’il y avait beaucoup de personnes atteintes mais asymptomatiques qui étaient contagieuses sans que personne ne le sache. Et puis, au même moment, on a vu quatre cas en Allemagne que l’on pouvait rattacher à une simple réunion en entreprise. Or, jusque là, la contagion semblait intra-familiale. Ces cas allemands montraient que le coronavirus était extrêmement contagieux, beaucoup plus qu’on ne l’imaginait. Ça a été le signal d’alarme.

Anonyme, haut-responsable dans les milieux ministériels. L’Obs 2890 du 26 mars au 1° avril 2020

27 01 2020

réalisation : les Gilets Jaunes d’Angoulême, le 21 12 2019

REPLAY. Grève du 19 janvier : 1,12 million de manifestants dans toute la France, nouvelle mobilisation le 31 janvier - ladepeche.fr

manifestation contre la réforme des retraites Janvier 2020

Dans la foulée, Robert Badinter, 91 ans, va donner du canon, à l’instar de de Gaulle en 1968 : LA CONTESTATION, OUI,  LA CHIENLIT, NON ! et d’un Beuve Méry titrant à la Une du Monde, fin mai 1968 : ÇA SUFFIT !

On ne pas admettre dans la République française, qu’on promène la tête de quelque homme ou femme politique que ce soit  au bout d’une pique avec ce que cela signifie, ce n’est pas admissible, je le dis du fond du cœur. […]

Rien n’excuse ce degré de violence, non pas encore physique mais verbale. La représentation d’une tête au bout d’une pique, qui n’est rien d’autre que la continuité de la guillotine, est à mes yeux absolument, totalement condamnable. Derrière le symbole il y a la pulsion, et s’il y a la pulsion il y a la haine, et la volonté de détruire physiquement l’adversaire. Vous avez tous les moyens, toutes libertés, l’expression, le défilé, la manifestation, le slogan, ce que vous voulez, mais pas la violence physique, pas l’agression des êtres humains, pas non plus la symbolique de la mort, parce que la mort n’est pas compatible avec nos idéaux.

Robert Badinter à C dans l’air sur France 5 le 27 janvier 2020

Il était grand temps qu’une grande voix s’élève… Voilà qui est fait. Monsieur Badinter, merci, merci, et encore merci.

Mais cet appel sera-t-il suivi d’effet… on peut en douter quand, trois ans plus tard on entendra Izïa Higelin, 32 ans lancer un appel au lynchage d’Emmanuel Macron, sur scène, à Beaulieu sur Mer, près de Nice, pour s’en défausser quelques heures plus tard, – plus faux cul que ça, tu meurs –  et en en découvrant l’aspect contre productif : la pauvre fille à la cervelle fracassée ne pensait pas qu’il était aussi facile que cela de se tirer une balle dans le pied.

30 01 2020 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme condamne la France pour les conditions de détention dégradantes et inhumaines des détenus. La surpopulation carcérale est chronique – parfois 3 détenus dans une cellule de 9 m², absence de tout recours judiciaire effectif à disposition des prisonniers. Un bon tiers des détenus souffre de troubles psychiatriques sans être soignés. Il y a plus de cinquante ans qu’aucun gouvernement n’est parvenu à améliorer de façon significative le sort des prisonniers.

02 2020 

Le Burkina Faso avance à vitesse grand V vers une des pires catastrophes humanitaires : au 10 février, on compte déjà plus de 600 000 déplacés, qui fuient les djihadistes fous, qui violent, tuent, les vieux, les enfants, les femmes et surtout n’oublient pas d’emporter le bétail. C’est le nord, quasiment désertique qui est touché, et le désert est le meilleur allié de ces barbares. 160 morts en un seul jour le 5 juin 2021 à Solhan, au nord-est. 53 morts, dont 49 gendarmes, à Inata, dans le nord le 14 novembre 2021. 31 morts, 17 blessés, près de Bandiagara, au Mali, le 3 décembre 2021.    1 400 morts de 2015 à 2021.

Avancement des travaux de reconstruction du pont Morandi de Gênes, 18 mois après la catastrophe. Ils sont effectués par l’entreprise PerGenova, consortium de deux géants italiens du TP : le groupe Salini et l’armateur Fincantieri. Architecte : Renzo Piano. Pareille rapidité et efficacité sont incroyables… dans le monde entier, mais encore plus en Italie : travail 7 j/7, 24 h/24, 12 chantiers menés de front. Le dynamitage des piles restant debout est de fin juin 2019. Et pourtant, il n’y a là aucun miracle : il a suffi de faire en sorte que la mafia ne puisse venir planter ses crocs sur ce pactole… c’est là le plus grand exploit, certes, mais ce n’est tout de même pas un miracle. Et le pont San Giorgio sera inauguré le 3 août 2020, 23 mois après la catastrophe – un ralentissement pendant la crise sanitaire, mais aucun arrêt -.  L’Italie a des problèmes, certes mais si pareille prouesse est possible, c’est bien que la maladie n’est pas incurable.

Destruction a l'explosif du pont de Gênes - Salon - Forum ...

fin juin 2019 dynamitage de ce qui restait

Il nuovo Ponte per Genova - Niiprogetti.it

Oggi alle 19,30 concerto per il Nuovo Ponte di Genova | Diretta

Per costruire il nuovo ponte sul Polcevera chiude la linea Acqui-Ovada- Genova - La Stampa

https://media.urbanpost.it/wp-content/uploads/2019/12/Schermata-2019-12-31-alle-10.21.34.png

https://www.ligurianotizie.it/wp-content/uploads/2019/08/pila-9-nuovo-ponte.jpg

 

Nuovo Ponte, Bucci: "Inaugurazione entro il 21 giugno" - Lavocedigenova.it

Ponte per Genova: focus su calcestruzzo e casseforme

Genova, il varo del nuovo ponte sul Polcevera. Il riscatto di una città

Dopo 22 mesi passa la prima auto sul nuovo ponte di Genova - IL PENDOLO

03 2020 

Les accords de Doha entre les Talibans afghans  et les États-Unis de Donald Trump, ont été signés deux jours plus tôt, mettant fin à la guerre que livrent les talibans au gouvernement afghan légalement en place. Les talibans n’auront donc pas attendu plus de deux jours pour reprendre les hostilités ? Et qu’y -a-t-il d’étonnant à cela ? La seule chose étonnante c’est d’avoir cru que cela pourrait marcher, d’avoir cru qu’un pays tiers pourrait négocier avec l’un des belligérants, à l’insu du pouvoir politique légal, lui imposant ainsi des mesures qu’il n’était pas du tout prêt à prendre. Comment peut-on être aussi naïf en même temps que stupide à en pleurer ?

Angus Campbell, chef d’état-major des armées d’Australie, Greg Moriarty, secrétaire à la Défense d’Australie, Michael Noonan, amiral, chef d’état-major de la marine d’Australie sont réunis autour de Scott Morrison, premier ministre, conservateur, d’Australie, qui lance : pourquoi pas de doter de sous-marins nucléaires ? Le ver était ainsi dans le fruit, qui aboutira, complicité aidante des États-Unis et de la Grande Bretagne, à la dénonciation du contrat passé avec la France quatre ans plus tôt pour la livraison de 12 sous-marins à propulsion diesel ; donc le changement de cap veut se dire technique au départ, mais c’est faux, car lorsque la France dira, dans les mois suivants : mais si vous voulez, on peut faire de la propulsion nucléaire, les Australiens feront la sourde oreille.

______________________________________________________________________________________

[1]  250 tonnes de plomb pour la flèche, mais il y en avait aussi 150 sur l’ensemble de la toiture, soit 400 tonnes de plomb qui ont fondu.

[2] Gérard Mulliez, actionnaire principal et fondateur d’Auchan [Hauts Champs] est une des premières fortunes de France. L’architecte de ce  projet est Valode et Pistre architectes.