13 février 1689 au 19 07 1709. Bill of rights. Les sorcières de Salem. Glorieuse rentrée des Vaudois. Guerre des camisards. Fénelon écrit au roi. Saint Pétersbourg. 23346
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Publié par (l.peltier) le 7 novembre 2008 En savoir plus

13 02 1689

Avec le Bill of Rights, les Anglais se dotent d’un ensemble de règles de gouvernement qui limitent les prérogatives royales et définissent leurs libertés fondamentales.

En 1688, après l’éviction de l’autoritaire [et catholique] Jacques II, la noblesse anglaise assure la continuité dynastique en faisant appel à Guilhaume d’Orange [protestant] qui, pour se concilier le Parlement, jure de respecter le Bill of Rights. Cette déclaration renforce le pouvoir des assemblées parlementaires et assure un certain équilibre des pouvoirs. Par limitation du pouvoir royal, elle apporte une garantie de liberté politique même si le Parlement, périodiquement réélu, est peu représentatif et les élections manipulées. Les progrès du parlementarisme et du libéralisme politique se produisent dans un pays qui a abrogé tous les privilèges fiscaux féodaux.

Yves Carsalade. Les grandes étapes de l’histoire économique. Les éditions de l’École polytechnique.2009

8 08 1689

La Glorieuse Rentrée des Vaudois : un trail avant l’heure… À partir des années 1640, les rapports se durcissent entre les deux religions. Dès 1664 on démolit les temples non expressément autorisés par l’Édit de Nantes. En 1685, à la révocation de l’Édit de Nantes, on compte environ 50 000 Réformés en Provence et Dauphiné. Victor Amédée II de Savoie a épousé Marie, nièce de Louis XIV, et se doit de déloger des vallées piémontaises les Barbets des Alpes – protestants – : en 1686, 3 500 d’entre eux sont exilés de force en Suisse où ils s’installent sur les bords du Léman. Mais le duc avait par la suite renversé ses alliances et était passé avec armes et bagages du côté de la Ligue d’Augsbourg.

Ils ne s’y plaisent guère et, en août 1689, 972 d’entre eux décident de rentrer chez eux, quoiqu’il en coûte : pensée par Josué Janavel, stratège des vaudois dans les vallées savoyardes, sous la conduite du pasteur Henri Arnaud, du Diois,  ils prendront en otage des notables et se tiendront écartés le plus possible des grands axes de circulation, où les rencontres avec les forces armées sont plus probables : et cela va les faire passer par Sallanches [1], Combloux, le val Montjoie, le col du Joly, col de la Fenêtre, col du Bonhomme, col de la Croix du Bonhomme, les Chapieux, Bourg St Maurice, Val d’Isère, le Mont Cenis, col du Clapier (comme Hannibal, ou presque, car, entre les deux événements, la topographie des lieux avait changé) ; au pont de la Doire, près de Prajelas, ils tuent 400 soldats… Sept jours de marche forcée, avec armes et bagages : ce raid entra dans la légende avec le nom de Glorieuse Rentrée, pour laquelle Napoléon professera la plus grande admiration. Aujourd’hui, l’église vaudoise compte encore en Italie 30 000 membres, appréciée des donateurs, très souvent extérieurs à l’église. Très active dans l’enseignement, elle accepte les pasteurs homosexuels, bénit les couples homosexuels. Elle anime un centre culturel à Torre Pellice, 60 km. au sud ouest de Turin.

Pendant ce temps-là, plus au nord, dans le Palatinat, Louis XIV, engagé dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg,  se livrait à la politique de la terre brûlée en la revisitant pour en faire une politique de la ville rasée ; elles se nomment Mannheim, Heidelberg, Pforzheim, Spire, Worms, Oppenheim, Bingen, Alzey, Frankenthal, Kreuznach, Stuttgart, Esslingen, Tübingen, Heilbronn, Durlach.

Tandis que vous n’êtes pas inquiétés et que vous êtes les maîtres, ruinez, démolissez, et mettez-vous par là en état d’être absolument maîtres du Rhin.

Chamlay à Louis XIV et Louvois

Sa Majesté vous recommande de faire bien ruiner tous les lieus que vous quitterez, tant sur la hauteur du Neckar que sur le bas, afin que les ennemis n’y trouvant aucuns fourrages ni vivres, ne soient pas tentés d’en approcher.

Louvois à Montclar

Je ressens une telle horreur de tout ce qu’on a fait sauter que toutes les nuits, à peine endormie, il me semble être à Heidelberg ou à Mannheim, et voir toute la désolation. […] Je me représente alors comment tout était de mon temps et dans quel état on l’a mis maintenant […] et je ne puis m’empêcher de pleurer à chaudes larmes.

Madame Palatine, sœur de l’électeur palatin, épouse de Monsieur, frère de Louis XIV, à sa tante, l’électrice Sophie de Hanovre, le 20 mars 1689

On commence la guerre en pleine paix. On prend Philippsburg, on s’empare de Heidelberg, de Mannheim, de tout le Palatinat, de Worms, de Spire, de Mayence § de tout le pays du Rhin ; on traite avec ces villes, on les reçoit à capitulation, § ensuite on les brûle, on les rase, on les réduit tout en cendre § en solitude, sans avoir égard ni aux lois de Dieu, ni à celles de la guerre, ni aux promesses, ni aux serments solennels. Et l’on continue à agir sur ce pied-là. En vérité la réputation des Français est si perdue qu’on ne les regarde dans le Christianisme pas autrement que des Mahométans § des gens sans foi. La puissance absolue de notre monarque qu’on croit être la source de la réputation de notre monarchie est donc une source de honte qui ne s’épuisera jamais. Nous passions autrefois pour une nation honnête, humaine, civile, d’un esprit opposé aux barbaries. Mais aujourd’hui un Français § un Cannibale c’est à peu près la même chose dans l’esprit des voisins.

Libelle anonyme : Les soupirs de la France esclave, qui aspire après la liberté. 1689

6 09 1689 

Traité de Nertchinsk, une ville russe à l’est de Tchita, elle-même à l’est du lac Baïkal. [Nertchinsk deviendra l’un des plus grands centre de déportation en Sibérie à partir de la fin du XIX° siècle]. Dans ces années-là les Russes achèvent leur conquête de l’est et arrivent sur les rives du Pacifique, et c’est donc la première fois que les Chinois se trouvent voisins sur leur frontière nord avec un empire puissant et organisé. Et la région ne manque pas de ressources, dont les fameuses zibelines auxquelles tiennent beaucoup les Russes. Tout cela donne des contentieux autour du fleuve Amour et sont organisées des négociations en vue de régler les différends et de légaliser la situation. Mais c’est la première fois que ces deux puissances engagent des négociations et les Russes ne parlent pas ni le mandchou ni le chinois de même que les Chinois ne parlent pas le russe. Que faire ? Voilà quatre ans que le père jésuite et français, mathématicien et astronome Jean-François Gerbillon a fondé la Mission française de Chine. Mais le favori de l’empereur Kangxi, est le père Jésuite et portugais Thomas Pereira, musicien très doué, en place à Pékin depuis 1673. L’empereur lui demande de se joindre à la délégation chinoise en s’adjoignant un autre jésuite, qui sera donc le père Gerbillon. Et ce sont les deux Jésuites qui, grâce à leur maitrise du latin vont être les interprètes de ces négociations !

Le 20 août, le jour se passa encore en allées et venues comme le jour précédent, pour traiter des Préliminaires, et enfin on convint de part et d’autre que la première Conférence se ferait le vingt-deux ; que nos Ambassadeurs passeraient la rivière accompagnés de quarante des Mandarins de leur suite, et de sept cent soixante Soldats, dont cinq cents demeureraient avec leur armes rangés en bataille sur le rivage, au lieu même où demeureraient nos barques ; que cet endroit serait aussi également distant du lieu des Conférences et qu’ils demeureraient debout derrière eux à une certaine distance ; que les Moscovites se rangeraient aussi en bataille devant la Forteresse au nombre de cinq cents hommes, armés à égale distance, et que le Plénipotentiaire moscovite serait suivi de quarante Officiers de sa suite, et de deux cent soixante Soldats qui demeureraient aussi debout à égale distance que ceux de nos Ambassadeurs ; que ces deux cent soixante Soldats de part et d’autre ne porteraient point d’autre arme que l’épée, et afin qu’il n’y eut point de supercherie, et qu’on ne portât point d’armes cachées, nos gens visiteraient les Soldats moscovites, et les Moscovites visiteraient aussi nos Soldats ; que nous posterions une garde de dix hommes du coté de nos barques, afin que tout fût égal ; que les Ambassadeurs s’assembleraient chacun sous leurs tentes, lesquelles seraient mises l’une contre l’autre, comme si les deux n’en faisaient qu’une, et qu’ils seraient assis sous ces tentes vis-à-vis l’un de l’autre, sans aucune supériorité de part ni d’autre.

Nous n’aidâmes pas peu à rassurer l’esprit de quelques-uns de nos Ambassadeurs, qui traitant pour la première fois de ces sortes d’affaires, manquaient d’expérience et avaient de la peine à se fier à la bonne foi des Moscovites, appréhendant toujours qu’on ne leur dressât quelque embûche. Nous leur expliquâmes ce que c’était que le droit des gens, et nous leur fîmes entendre que le Plénipotentiaire n’avait fait de la difficulté au commencement, que parce qu’il avait lui-même peine à croire qu’on vint avec un aussi grand appareil de guerre, lorsqu’on n’avait d’autre intention que de traiter de la paix.

[…] Ainsi, ils nous firent prier d’aller trouver les Plénipotentiaires moscovites, et d’obtenir d’eux la permission de laisser leurs Soldats en bataille sur le rivage, ce que les Plénipotentiaires moscovites nous accordèrent, après que nous leur eûmes représenté que nos Ambassadeurs n’ayant aucune connaissance ni des coutumes des autres Nations, ni du droit des gens, et n’ayant jamais fait aucun traité semblable à celui-ci, on devait se prêter à leur peu d’expérience, si on ne voulait s’exposer à rompre la négociation, avant même qu’elle fût commencée. Les Plénipotentiaires moscovites voulurent cependant qu’on leur promit qu’il ne passerait pas davantage de Soldats, et qu’on n’en mettrait point d’autre en bataille.

Avec tout cela nous eûmes bien de la peine à déterminer nos Ambassadeurs à passer la rivière, à cause des défiances que leur inspirait particulièrement le Général des Troupes de l’Empereur dans la Tartarie orientale, qui avait été souvent trompé, lorsqu’il avait eu affaire aux Moscovites ; mais nous leur apportâmes tant de raison, qu’enfin ils se laissèrent persuader, et se déterminèrent à passer la rivière, et à entrer en Conférence.

[…] Le 6 septembre, nous achevâmes enfin de régler de part et d’autre la Formule du Traité de paix : nous le dressâmes, l’Interprète des Moscovites et moi, selon la pensée de nos Ambassadeurs, et nous convînmes de la manière dont il serait signé, et juré par les Ambassadeurs des deux partis.

Le temps fut fort serein tout le jour.

Le 7, nous fûmes presque depuis le grand matin jusqu’au soir avec les Plénipotentiaires moscovites, et leur Interprète, pour écrire les deux exemplaires Latins du Traité de paix, parce qu’il fallut encore disputer le terrain, et passer une partie de la journée en allées et venues pour convenir de quelques formalités, sur lesquelles les Moscovites formaient à tout propos des chicanes.

Enfin nous achevâmes de mettre au net ces deux exemplaires Latins du Traité de paix, conçus presque dans les mêmes termes : toute la différence consistait, en ce que dans l’exemplaire que je dressai pour nos Ambassadeurs, l’Empereur de la Chine était nommé avant les Grands Ducs de Moscovie, et nos Ambassadeurs avant leurs Plénipotentiaires ; au lieu que, dans l’exemplaire des Moscovites, ils avaient mis leurs Grands Ducs en premier lieu, et s’étaient mis eux-mêmes avant nos Ambassadeurs.

Jean-Baptiste du Halde. Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de la Chine et de la Tartarie chinoise. Paris, Le Mercier, 1735

Cet emploi du latin n’est pas une exception : on en retrouve l’existence dans plusieurs récits de voyages en Asie centrale, et ce, jusqu’au XIX° siècle, à l’occasion d’échanges diplomatiques.

1689

John Child, représentant de la Compagnie des Indes à Bombay, a dépassé ses prérogatives et s’est mis en tête d’arraisonner des navires indiens. Aureng Zeb, le Grand Moghol, ne l’entend pas ainsi et envoie ses troupes mettre les Anglais à la raison : enfermés et assiégés dans une forteresse, ils ne doivent leur libération qu’au versement d’une forte amende. Le pouvoir des Moghol va s’affaiblissant, mais il est encore à même de faire respecter ses droits. Mais, cinquante ans plus tard, les Anglais seront les maîtres.

18 08 1690   

À Staffarde, le maréchal Nicolas de Catinat bat les armées espagnoles et savoyardes et conquiert ainsi la Savoie. Ses troupes y resteront jusqu’en 1696. À cette époque, le souverain de Savoie, Victor Amédée II, adhérait à des coalitions formées contre Louis XIV.

1690  

Mise en service du canal de Pierrelatte, qui dérive une partie des eaux du Rhône pour faire tourner les moulins de la Garde Adhémar, Pierrelatte et Lapalud, et irriguer les plaines mises en culture aux alentours. Imitant les Anglais, on commence à manger le ros de bif (bœuf). À Angoulême, James Rondinaud invente la pantoufle charentaise.

Parlant plus clairement à nos neurones du XXI° siècle, le symbole @ [2] est utilisé comme abréviation latine… Elle fût employée dès le XVII° siècle, et peut-être même avant, dans le latin dit de chancellerie, et cela dans toute l’Europe. Elle correspond à la préposition latine ad avec l’idée de direction, à l’origine d’ailleurs de à en français et de at en anglais, exactement comme & remplace et. Elle constitue assez souvent la première ligne de l’adresse de documents internationaux. Par exemple : @SSMM Ludov.& Marg. R & R Francae se lit à Leurs Majestés Louis et Marguerite Roi et Reine de France. Par conséquent, ce petit symbole doit être lu et appelé ad et non pas at ou n’importe quel autre barbarisme.

Quant à son appellation graphique, elle est, elle, très française ! Ce sont des imprimeurs bien de chez nous qui ont tout simplement désigné ce caractère par ses éléments descriptifs évidents a-rond bas (de casse), bas de casse signifiant minuscule. Ce terme est devenu une désignation typographique internationale. Il ne faut pas oublier en effet que le français fut la langue de référence en Europe pendant au moins deux siècles et que les typographes étaient, par définition, des ouvriers cultivés.

Les concepteurs d’Internet ont donc gardé ce signe qui continue à être utilisé dans les pays anglo-saxons pour indiquer une adresse de destinataire. Et grâce à Internet, le latin et le français redeviennent des langues d’usage international.

Bernard Paragon. École Nationale Vétérinaire d’Alfort

Automne 1691  

La France commence à subir un dérèglement des températures et des précipitations : les récoltes à venir seront maigres, voire catastrophiques dans certaines régions. En 1694, la mortalité aura doublé sur la moitié du pays.

Après la bataille de la Boyne en 1690 et la chute de Limerick fin 1691, l’Irlande est perdue pour le roi catholique Jacques II qui se réfugie en France, suivi par les soldats qui ont combattu pour sa cause comprenant une grande majorité d’Irlandais. Par dérision, cet épisode est appelé Flight of the Wild Geese (Vol ou Fuite des oies sauvages) par les Anglais. Patrick Sarsfield, premier comte de Lucan, défenseur de Limerick obtint une capitulation honorable en octobre 1691. Cet accord permettait aux soldats jacobites d’émigrer ; 5 000 Irlandais embarquèrent immédiatement sur une flotte de secours française ; ils furent rejoints par 5 000 autres amenés par des bateaux anglais. Les émigrés irlandais ont constitué des régiments de mercenaires dans de nombreux pays, catholiques ou non. Le principal contingent est celui qui s’est mis au service de la France en 1691 sous Louis XIV, alors que la Cour Jacobite de Saint Germain en Laye rassemble des milliers d’émigrés. Sous Louis XV les Irlandais se sont illustrés en particulier à la bataille de Fontenoy. Ils ont pris part également pour le compte de la France sous Louis XVI à la guerre d’indépendance américaine avec les deux régiments Dillon et Berwick. C’est l’Assemblée nationale française qui a prononcé la dissolution des régiments irlandais, suspects d’être fidèles au Roi, en 1791. Le service des émigrés irlandais aura donc duré une centaine d’années de 1692 à 1792. Le comte de Provence, futur Louis XVIII, a prononcé en 1792 un discours de remerciement pour honorer la très longue fidélité des émigrés irlandais.

Un Patrick McCartan, chef du clan Mac Cartan de Kinelarty, fait partie de ces Irlandais. Il épousera une Française et eut une fille, Marie-Anne, qui se maria avec un Delannoy. Leur petite-fille Julia Delannoy sera la grand-mère de Charles de Gaulle. De Gaulle était donc par sa mère l’arrière-arrière-petit-fils de Patrick McCartan.

1691

Antoine Rossignol, puis son fils Bonaventure élaborent pour le roi le grand chiffre, un code qui resta opérationnel jusqu’à la fin du XIX° siècle, protégeant entre autres les messages relatifs à l’Homme au Masque de Fer. Ils laisseront leur nom à la postérité puisque aujourd’hui, un rossignol est un outil qui permet de forcer les serrures.

Un boulanger de Reims se creuse les méninges pour savoir ce qu’il pourrait bien faire de la chaleur résiduelle de son four une fois celui-ci éteint après la dernière fournée : c’est la naissance du biscuit rosé de Reims.

printemps 1692  

Des jeunes femmes du village puritain de Salem, dans le Massachusetts, sont victimes d’étranges convulsions. Le révérend Samuel Paris, alerte les autorités de Boston qui confient l’affaire à un tribunal spécial, lequel torture des dizaines de personnes et en fait pendre dix-neuf, dont six hommes.  Seul, Giles Corey, 80 ans, résiste et refuse d’avouer quoi que ce soit : il va être étouffé doucement sous un empilement progressif de pierres !  Il faudra attendre l’automne pour que prenne fin la chasse aux sorcières. On ne sait toujours pas précisément ce qui a bien pu se passer. Certains parlent de la maladie de Huntington, d’autres d’hystérie provoquée par l’angoisse des attaques d’Amérindiens. Le puritanisme qui régentait les consciences n’arrangeait rien.

salem

C’est pendant l’hiver glacial de 1961 et 1962, que Betty Parris et Abigail Williams commencent à agir de manière très étrange. Les deux jeunes filles parlent une langue totalement inconnue, trainent des pieds quand elles marchent… Les médecins ne comprennent pas ce qui se passe. Ne parvenant pas à identifier leur maladie, un d’entre eux conclut la chose suivante : Betty et Abigail sont possédées ! Par la suite, d’autres filles sont atteintes des mêmes symptômes… Le révérend Samuel Parris et d’autres notables de Salem demandent aux filles de dénoncer les personnes qui les ont maudites !

Witches of Massachusetts – U-Z – Legends of America

par Howard Pyle

La chasse aux sorcières

Les sorcières de Salem sont mortes sur le bûcher

29 05 1692

La marine de Louis XIV affronte une flotte anglo-hollandaise au large de la pointe de Barfleur, au nord-est de la presqu’île du Cotentin. Dans la guerre de la ligue d’Augsbourg, Louis XIV avait décidé d’apporter son soutien à Jacques II, ex-roi  d’Angleterre déchu par son gendre Guillaume d’Orange-Nassau, stathouder des Provines-Unies de Hollande, roi d’Angleterre depuis 1689. Seignelay, secrétaire d’état à la Marine, était mort le 3 novembre 1690 à 39 ans.

Au début de mai 15692, Brest ne compte que 39 vaisseaux susceptibles d’appareiller. Une vingtaine ne peuvent l’être faute d’équipages, tandis que 12 autres sont attendus de Rochefort et autant de Toulon. Contraint d’obéir au ordres royaux, Tourville prend finalement la mer le 12 mai. Des vaisseaux espérés, 5 seulement, en provenance de Rochefort, rejoindront la flotte la veille de la bataille. À cette insuffisance logistique (44navires), il faut ajouter la méprise des espions royaux: les Anglo-Hollandais ont réussi à armer 99 bâtiments alors que les Français estimaient la puissance de la flotte ennemie à 60 vaisseaux seulement. Mais en dépit de sa faiblesse numérique, Tourville n’hésite pas à se porter à leur rencontre le 29 amis, à 7 lieues au large de Barfleur.

D’emblée, la lutte semble inégale : 21 000 marins français, armés de 3 114 canons, vont se trouver confrontés à 42 647 marins coalisés, forts de 7 154 pièces d’artillerie. Ceux-ci sont commandés par l’amiral anglais Edward Russell, dont l’idée est simple : profiter de sa supériorité pour prendre les navires de Louis XIV entre deux feux. Mais ces dispositions se heurtent à la tactique choisie par le comte de Tourville, qui fait combattre son escadre en ligne de file, c’est-à-dire en disposant ses bateaux sur une même ligne. Russell est alors obligé de changer de tactique. Il ordonne à son avant-garde et à son arrière-garde d’envelopper les attaquants, poussés par un vent favorable, tandis que lui-même se charge de briser le centre de la ligne et d’affronter son rival.

Le combat s’engage vers 10 heures. Le Soleil-Royal, le navire amiral de Tourville, expédie par le fond 5 brûlots – ces petits navires bourrés d’explosifs que l’on envoyait à l’ennemi- tout en livrant bataille à 4 puis 5 vaisseaux anglais. Puis, ses voiles étant criblées de trous, il donne l’ordre de mettre les chaloupes à la mer pour remonter au vent et mieux faire porter l’artillerie, manœuvre que les autres navires français imitent.

Cependant, au début de l’après-midi, la tactique de l’amiral britannique semble sur le point de réussir. Mais Alain de Coëtlogon, chef d’escadre de Tourville, vient de son propre chef renforcer le centre du dispositif. Les Français profitent de ce soutien pour se défendre avec acharnement et, lorsque la bataille s’achève à la tombée de la nuit, Russell est contraint de sonner la retraite. Les Anglo-Hollandais ont perdu 2 navires, 2 000 hommes d’équipage et 2 amiraux, et comptent 3 000 blessés. Bien qu’endommagés, les vaisseaux français, eux, peuvent encore naviguer. 1 700 morts eu blessés graves y sont à déplorer, chiffre nettement inférieur à celui de leurs adversaires et qui fera dire aux historiens anglo-américains Clowes et Mahan que Barfleur est la plus éclatante victoire française du XVII° siècle.

Patrick Villiers. La Hougue : le Trafalgar de Louis XIV ? La Mer, 5 000 ans d’Histoire. Les Arènes – L’Histoire 2022

31 05 au 3 06 1692

Un peu plus loin, suite de la bataille navale :

Tourville, à bord de l’Ambitieux, se réfugie à Saint Vaast la Hougue, à l’est de Cherbourg. Il pense y trouver la protection des troupes de Jacques II et du maréchal de Belle fonds. Il ordonne donc de faire échouer ses navires, 6 derrière la pointe de la Hougue, 6 sous l’îlot voisin de Tatihou, et fait installer à terre les batteries de fortune. Le 2 juin, les Anglo-Hollandais attaquent et incendient les 6 vaisseaux de Tatihou sans la moindre intervention de la garnison. Ils tentent la même manœuvre à Saint Vaast le lendemain : Tourville et ses officiers mobilisent alors leurs marins et un combat confus s’engage sur la plage. Mais, en dépit de leurs pertes, les Anglais détruisent les 6 navires échoués.

Loin d’être le glorieux combat naval célébré par les pamphlétaires hollandais, la Hougue n’est donc que la poursuite et la destruction de 15 navires français délabrés par plus de 100 vaisseaux de haut bord. Les équipages français n’ont pas été capturés ; l’artillerie et les ancres furent ultérieurement récupérées par les Français.

Patrick Villiers. La Hougue : le Trafalgar de Louis XIV ? La mer, 5 000 ans d’Histoire Les Arènes – L’Histoire

J’ai eu plus de joie d’apprendre que 44 de mes vaisseaux ont battu 99 de mes ennemis que je ne me sens chagrin des pertes que j’ai faites…

Louis XIV

7 06 1692

Un sévère tremblement de terre suivi d’un raz-de-marée d’une amplitude de 7.5 sur l’échelle de Richter engloutit dans la Jamaïque la ville de Port Royal, fief de pirates. On parle de 2 000 morts dans les minutes suivantes et de milliers d’autres dans les jours suivants.

En l’espace de trois minutes […] Port Royal, plus belle ville de toutes les colonies anglaises, meilleur emporium et marché de cette partie du monde, exceptionnelle dans ses richesses, abondante en toutes bonnes choses, fut secouée et pulvérisée. 

Le recteur

La richesse générée par le commerce légal s’était accumulée et des pirates tels que Henry Morgan avaient fait de Port Royal l’un des ports les plus prospères des Caraïbes, avec des maisons en briques de deux à quatre étages, des conduites d’eau, et d’innombrables maisons closes, tripots et tavernes. L’Église catholique avait condamné Port Royal, ville la plus perverse de la chrétienté en raison de ses pirates licites et de sa tolérance du vice humain.

Shaky ground

Port Royal, au sud-est de la Jamaïque

Sunken town

Pirate treasures

Des pirates se répartissent un butin après s’être réfugiés à Port Royal, par Howard Pyle. PHOTOGRAPHIE DE Delaware Art Museum, Howard Pyle Collection, Bridgeman

Ripe for plundering

Les galions espagnols étaient fréquemment la cible des pirates, par Howard Pyle, artiste du 19e siècle. PHOTOGRAPHIE DE Nawrocki, ClassicStock, Getty

06 à 09 1692  

Victor Amédée, duc de Piémont Savoie, entreprend un raid dévastateur en Haut Dauphiné, sur Guillestre, Gap, Embrun. Louis XIV s’inquiète et envoie Vauban renforcer Briançon et Fort Barraux, trop fragiles face à la grande citadelle savoyarde de Montmélian, et bâtir une borne, une place forte : ce sera Mont Dauphin.

Je ne sais point de poste en Dauphiné, pas même  en France, qui lui puisse être comparé pour l’utilité […] C’est l’endroit de montagne où il y a le plus de soleil et de terre cultivée, il y a même des vignes dans son territoire, des bois, de la pierre de taille, du tuf excellent pour les voûtes, de la pierre ardoisine, de bon plâtre, de fort bonne chaux et tout cela dans la distance d’une lieue et demi, pas plus […]. Et quand Dieu l’aurait fait exprès, il ne pouvait être mieux.

On découvrira le revers de la médaille au cours des travaux, le budget initial sera largement dépassé, mais la forteresse sera construite : elle ne verra jamais aucun ennemi, car en 1713, le traité d’Utrecht  éloignera la frontière italienne, en donnant à la France la vallée de l’Ubaye, avec Barcelonnette. La poursuite de l’effort de défense se reportera alors sur Briançon qui connaîtra jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale d’incessants travaux de fortifications, ces dernières s’éloignant du centre au fur et à mesure de l’allongement de la portée des canons.

11 01 1693    

La terre tremble en Sicile : 58 villes, villages sont touchées, dont Syracuse, Catane et surtout de Val di Noto, au sud-est. On parle de 60 000 victimes. De quelque coté que l’on se tourne, Catane est sans doute la ville du monde qui aura connu le plus d’épreuves :

  • vers le passé : la déportation de ses habitants par le tyran de Syracuse en ~ 476, son saccage par un autre tyran de Syracuse en ~ 403, destruction par une éruption de l’Etna en 121, destruction par un tremblement de terre le 4 février 1169 [près de 15 000 morts], la peste en 1423 et en 1576, l’éruption de l’Etna, mentionnée plus haut, le 11 mars 1669.
  • vers le futur, un tremblement de terre en 1818, des bombardements terribles en 1943

3 06 1693

Au camp de Thieusies, Jean Racine se soucie de la culture de son fils, sans aucun zeste de démagogie, se plaisant à appeler un chat un chat : Vous me faites plaisir de me rendre compte des lectures que vous faites ; mais je vous exhorte à ne pas donner toute votre attention aux poètes français. Songez qu’ils ne doivent servir qu’à votre récréation, et non pas faire votre véritable étude. Ainsi je souhaiterais que vous prissiez quelquefois plaisir à m’entretenir d’Homère, de Quintilien et des autres auteurs de cette nature. Quant à votre épigramme, je voudrais que vous ne l’eussiez point faite. Outre qu’elle est assez médiocre, je ne saurais trop vous recommander de ne vous point laisser aller à la tentation de  faire des vers français, qui ne serviraient qu’à vous dissiper l’esprit. Surtout il n’en faut faire contre personne. […] Je vous dirais aussi que vous me feriez plaisir de vous attacher à votre écriture. Je veux croire que vous avez écrit fort vite les deux lettres que j’ai reçues de vous, car le caractère en paraît beaucoup négligé.

Que tout ce que je vous dis ne vous chagrine point ; car du reste je suis très content de vous, et je ne vous donne ces petits avis que pour vous exciter à faire de votre mieux en toute choses. Votre mère vous fera part des nouvelles que je lui mande. Adieu, mon cher fils : je ne sais pas bien si je serais en état d’écrire ni à vous ni à personne de plus de quatre jours ; mais continuez à me mander de vos nouvelles. Parlez-moi aussi un peu de vos sœurs, que vous me ferez plaisir d’embrasser pour moi. Je suis tout à vous.

12 1693

La gravité de la situation sociale n’échappe pas à la police : Tous les marchés ont été aujourd’hui si difficiles qu’il est, ce semble, impossible d’empêcher qu’il n’arrive quelque grand désordre, si les choses subsistent encore un peu de temps sur le même pied… La multitude renouvelle ses menaces, et on y entend dire, sans qu’il soit possible d’y remédier, qu’il faut aller piller et saccager les riches

Lieutenant de police La Reynie

… suivront un hiver rigoureux, un printemps sans pluie.

1693

Premier régiment de hussard, une cavalerie légère chargée de harceler l’ennemi sur ses arrières : le mot vient du huszar hongrois qui désigne un groupe de vingt cavaliers.

Fénelon dit son fait au roi. [Il n’y a pas de certitude quant à la date : 1693 ? 1695 ?] :

La personne, Sire, qui prend la liberté de vous écrire cette lettre, n’a aucun intérêt en ce monde. Elle ne l’écrit ni par chagrin, ni par ambition, ni par envie de se mêler des grandes affaires. Elle vous aime sans être connue de vous ; elle regarde Dieu en votre personne. Avec toute votre puissance vous ne pouvez lui donner aucun bien qu’elle désire, et il n’y a aucun mal qu’elle ne souffrît de bon cœur pour vous faire connaître les vérités nécessaires à votre salut.

Si elle vous parle fortement, n’en soyez pas étonné, c’est que la vérité est libre et forte. Vous n’êtes guère accoutumé à l’entendre. Les gens accoutumés à être flattés prennent aisément pour chagrin, pour âpreté et pour excès, ce qui n’est que la vérité toute pure. C’est la trahir que de ne vous la montrer pas dans toute son étendue. Dieu est témoin que la personne qui vous parle le fait avec un cœur plein de zèle, de respect, de fidélité et d’attendrissement sur tout ce qui regarde votre véritable intérêt.

Vous êtes né, Sire, avec un cœur droit et équitable ; mais ceux qui vous ont élevé ne vous ont donné pour science de gouverner que la défiance, la jalousie, l’éloignement de la vertu, la crainte de tout mérite éclatant, le goût des hommes souples et rampants, la hauteur, et l’attention à votre seul intérêt.

Depuis environ trente  ans, vos principaux ministres ont ébranlé et renversé toutes les anciennes maximes de l’État, pour faire monter jusqu’au comble votre autorité, qui était devenue la leur parce qu’elle était dans leurs mains. On n’a plus parlé de l’État ni des règles ; on n’a parlé que du Roi et de son bon plaisir. On a poussé vos revenus et vos dépenses à l’infini. On vous a élevé jusqu’au ciel pour avoir effacé, disait-on, la grandeur de tous vos prédécesseurs ensemble, c’est-à-dire pour avoir appauvri la France entière, afin d’introduire à la cour un luxe monstrueux et incurable. Ils ont voulu vous élever sur les ruines de toutes les conditions de l’État : comme si vous pouviez être grand en ruinant tous vos sujets sur qui votre grandeur est fondée. Il est vrai que vous avez été jaloux de l’autorité peut-être même trop dans les choses extérieures ; mais pour le fond, chaque Ministre a été le maître dans l’étendue de son administration.

Vous avez cru gouverner parce que vous avez réglé les limites entre ceux qui gouvernaient. Ils ont bien montré au public leur puissance et on ne l’a que trop sentie. Ils ont été durs, hautains, injustes, violens, de mauvaise foi. Ils n’ont connu d’autre règle, ni pour l’administration du dedans de l’État, ni pour les négociations étrangères, que de menacer, que d’écraser, que d’anéantir tout ce qui leur résistait. Ils ne vous ont parlé, que pour écarter de vous tout mérite qui pourrait leur faire ombrage. Ils vous ont accoutumé à recevoir sans cesse des louanges outrées qui vont jusqu’à l’idolâtrie, et que vous auriez dû, pour votre honneur, rejeter avec indignation.

On a rendu votre nom odieux et toute la nation française insupportable à nos voisins. On n’a conservé aucun ancien allié, parce qu’on a voulu que des esclaves. On a causé depuis plus de vingt ans des guerres sanglantes. Par exemple, Sire, on fit entreprendre à votre Majesté, en 1672, la guerre de Hollande pour votre gloire et pour punir les Hollandais qui avaient fait quelques raillerie, dans le chagrin où on les avait mis en troublant les règles du commerce établies par le Cardinal de Richelieu. Je cite en particulier cette guerre, parce qu’elle a été la source de toutes les autres. Elle n’a eu pour fondement qu’un motif de gloire et de vengeance, ce qui ne peut jamais rendre une guerre juste ; d’où il s’ensuit que toutes les frontières que vous avez étendues par cette guerre sont injustement acquises dans l’origine. Il est vrai, Sire, que les traités de paix subséquens semblent couvrir et réparer cette injustice puisqu’ils vous ont donné les places conquises : mais une guerre injuste n’en est pas moins injuste pour être heureuse. Les traités de paix signés par les vaincus ne sont point signés librement. On signe le couteau sous la gorge : on signe malgré soi pour éviter de plus grandes pertes : on signe comme on donne sa bourse, quand il la faut donner ou mourir. Il faut donc, Sire, remonter jusqu’à cette origine de la guerre de Hollande, pour examiner devant Dieu toutes vos conquêtes.

Il est inutile de dire qu’elle étaient nécessaires à votre État : le bien d’autrui ne nous est jamais nécessaire. Ce qui nous est véritablement nécessaire, c’est d’observer une exacte justice.

Il ne faut pas même prétendre que vous soyez en droit de retenir toujours certaines places parce qu’elles servent à la sûreté de vos frontières. C’est à vous à chercher cette sûreté par de bonnes alliances, par votre modération, ou par les places que vous pourrez fortifier derrière ; mais enfin, le besoin de veiller à notre sûreté ne nous donne jamais un titre de prendre la terre de notre voisin. Consultez là-dessus des gens instruits et droits ; ils vous diront que ce que j’avance est clair comme le jour.

En voilà assez Sire, pour reconnaître que vous avez passé votre vie entière hors du chemin de la vérité et de la justice, et par conséquent hors de celui de l’Évangile. Tant de troubles affreux qui ont désolé toute l’Europe depuis plus de vingt ans, tant de sang répandu, tant de scandales commis, tant de provinces saccagées, tant de villes et de villages mis en cendres, sont les funestes suites de cette guerre de 1672, entreprises pour votre gloire et pour la confusion des faiseurs de gazettes et de médailles de Hollande. Examinez, sans vous flatter, avec des gens de bien, si vous pouvez garder tout ce que vous possédez en conséquence des traités auxquels vous avez réduit vos ennemis par une guerre si mal fondée.

Elle est encore la vraie source de tous les maux que la France souffre. Depuis cette guerre, vous avez toujours voulu donner la paix en maître, et imposer les conditions, au lieu de les régler avec équité et modération. Voilà qui fait que la paix n’a pu durer. Vos ennemis, honteusement accablés, n’ont songé qu’à se relever, et qu’à se réunir contre vous. Faut-il s’en étonner ? vous n’avez même pas demeuré dans les termes de cette paix que vous aviez donnée avec tant de hauteur. En pleine paix, vous avez fait la guerre et des conquêtes prodigieuses. Vous avez établi une chambre des réunions, pour être tout ensemble juge et partie : c’était ajouter l’insulte et la dérision à l’usurpation et à la violence. Vous avez cherché, dans le trait de Westphalie, des termes équivoques pour surprendre Strasbourg. Jamais aucun de vos ministres n’avait osé, depuis tant d’années, alléguer ces termes dans aucune négociation pour montrer que vous eussiez la moindre prétention sur cette ville. Une telle conduite a réuni et animé toute l’Europe contre vous. Ceux même qui n’ont pas osé se déclarer ouvertement, souhaitent du moins avec impatience votre affaiblissement et votre humiliation, comme la seule ressource pour la liberté et pour le repos de toutes les nations chrétiennes. Vous qui pouviez, Sire, acquérir tant de gloire solide et paisible à être le père de vos sujets et l’arbitre de vos voisins, on vous a rendu l’ennemi commun de vos voisins et on vous expose à passer pour un maître dur dans votre royaume.

Le plus étrange effet de ces mauvais conseils, est la durée de la ligue formulée contre vous. Les alliés aiment mieux faire la guerre avec perte, que de conclure la paix avec vous, parce qu’ils sont persuadés, sur leur propre expérience, que cette paix ne serait point une paix véritable, que vous ne la tiendriez non plus que les autres, et que vous vous en serviriez pour accabler séparément sans peine chacun de vos voisins, dès qu’ils seraient désunis. Ainsi plus vous êtes victorieux, plus ils vous craignent et se réunissent pour éviter l’esclavage dont ils se croient menacés. Ne pouvant vous vaincre, ils prétendent du moins vous épuiser à la longue. Enfin, ils n’espèrent plus de sûreté avec vous, qu’en vous mettant dans l’impuissance de leur nuire. Mettez-vous Sire, un moment en leur place, et voyez ce que c’est que d’avoir préféré son avantage à la justice et à la bonne foi.

Cependant vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfans, et qui ont été jusqu’ici, passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée ; les villes et la campagne se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent vous avez détruit la moitié des forces réelles de votre État, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au dehors. Au lieu de tirer de l’argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l’aumône et le nourrir. La France entière n’’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provision. Les magistrats sont avilis et épuisés. La noblesse, dont tout le bien est en décret, ne vit que de lettres d’État. Vous êtes importuné de la foule des gens qui demandent  et qui murmurent. C’est vous-même, Sire, qui vous êtes attiré tous ces embarras ; car, tout le royaume ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons. Voilà ce grand royaume si florissant sous un Roi qu’on nous dépeint tous les jours comme les délices du peuple, et qui le serait en effet si les conseils flatteurs ne l’avaient point empoisonné. Le peuple même (il faut tout dire), qui vous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous, commence à perdre l’amitié, la confiance et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus ; il est plein d’aigreur et de désespoir. La sédition s’allume peu à peu de toutes parts. Ils croient que vous n’avez aucune pitié de leurs maux, que vous n’aimez que votre autorité et votre gloire. Si le Roi, dit-on, avait un cœur de père pour son peuple, ne mettrait-il pas plutôt sa gloire à leur donner du pain et à les faire respirer après tant de maux, qu’à garder quelques places de la frontière, qui causent la guerre ? Quelle réponse à cela, Sire ? Les émotions populaires, qui étaient inconnues depuis si longtemps, deviennent fréquentes. Paris même, si près de vous, n’en est pas exempt. Les magistrats sont contraints de tolérer l’insolence des mutins et de faire couler sous main quelque monnaie pour les apaiser ; ainsi on paie ceux qu’il faudrait punir. Vous êtes réduit à la honteuse et déplorable extrémité, ou de laisser la sédition impunie, et de l’accroître par cette impunité, ou de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir, en leur arrachant, par vos impôts pour cette guerre, le pain qu’ils tâchent de gagner à la sueur de leur visage.

Mais, pendant qu’ils manquent de pain, vous manquez vous-même d’argent, et vous ne voulez pas voir l’extrémité à laquelle vous êtes réduit. Parce que vous avez toujours été heureux, vous ne pouvez vous imaginer que vous ne cessiez jamais de l’être. Vous craignez d’ouvrir les yeux ; vous craignez qu’on ne vous les ouvre ; vous craignez d’être réduit à rabattre quelque chose de votre gloire. Cette gloire, qui endurcit votre cœur, vous est plus chère que la justice, que votre propre repos, que la conservation de vos peuples qui périssent tous les jours des maladies causées par la famine, enfin que votre salut éternel incompatible avec cette idole de gloire.

Voilà Sire, l’état où vous êtes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux ; vous vous flattez sur les succès journaliers qui ne décident rien, et vous n’envisagez point d’une vue générale le gros des affaires qui tombe insensiblement sans ressource. Pendant que vous prenez, dans un rude combat le champ de bataille et le canon de l’ennemi, pendant que vous forcez les places, vous ne songez pas que vous combattez sur un terrain qui s’enfonce sous vos pieds, et que vous allez tomber malgré vos victoires.

Tout le monde le voit, et personne n’ose vous le faire voir [et au premier rang, l’auteur de cette lettre. ndlr]. Vous le verrez peut-être trop tard. Le vrai courage consiste à ne se point flatter, et à prendre un parti ferme sur la nécessité. Vous ne prêtez volontiers l’oreille, Sire, qu’à ceux qui vous flattent de vaines espérances. Les gens que vous estimez les plus solides sont ceux que vous craignez et que vous évitez le plus. Il faudrait aller au-devant de la vérité puisque vous êtes roi, presser les gens de vous la dire sans adoucissement, et encourager ceux qui sont trop timides. Tout au contraire, vous ne cherchez qu’à ne point approfondir ; mais Dieu saura bien enfin lever le voile qui vous couvre les yeux, et vous montrer ce que vous évitez de voir. Il y a longtemps qu’il tient son bras levé pour vous : mais il est lent à vous frapper, parce qu’il a pitié d’un prince qui a été toute sa vie obsédé de flatteurs, et parce que, d’ailleurs, vos ennemis sont aussi les siens. Mais il saura bien séparer sa cause juste d’avec la vôtre qui ne l’est pas, et vous humilier pour vous convertir ; car vous ne serez chrétien que dans l’humiliation.

Vous n’aimez point Dieu, vous ne le craignez même que d’une crainte d’esclave ; c’est l’enfer et non pas Dieu que vous craignez. Votre religion ne consiste qu’en superstitions, en petites pratiques superficielles. Vous êtes comme les Juifs dont Dieu dit : Pendant qu’ils m’honorent des lèvres, leur cœur est loin de moi. Vous êtes scrupuleux sur des bagatelles, et endurci sur des maux terribles. Vous n’aimez que votre gloire et votre commodité. Vous rapportez tout à vous comme si vous étiez le Dieu de la terre, et que tout le reste n’eut été crée que pour vous être sacrifié. C’est, au contraire, vous que Dieu n’a mis au monde que pour votre peuple. Mais hélas ! vous ne comprenez point ces vérités. Comment les goûteriez-vous ? Vous ne connaissez point Dieu, vous ne l’aimez point, vous ne le priez point du cœur, et vous ne faites rien pour le connoître.

Vous avez un archevêque [Harlay de Chanvallon, archevêque de Paris, mort en 1695] corrompu, scandaleux, incorrigible, faux, malin, artificieux, ennemi de toute vertu, et qui fait gémir tous les gens de bien. Vous vous en accommodez parce que qu’il ne songe qu’à vous plaire par ses flatteries. Il y a plus de vingt ans qu’en prostituant son honneur, il jouit de votre confiance. Vous lui livrez les gens de bien, vous le laissez tyranniser l’Église, et nul prélat vertueux n’est traité aussi bien que lui.

Pour votre confesseur [le jésuite La Chaise], il n’est pas vicieux, mais il craint la solide vertu, et il n’aime que les gens profanes et relâchés : il est jaloux de son autorité que vous avez poussé au-delà de toutes les bornes. Jamais confesseurs des rois n’avoient fait seuls les évêques, et décidé de toutes les affaires de conscience. Vous êtes seul en France, Sire, à ignorer qu’il ne sait rien, que son esprit est court et grossier, et qu’il ne se laisse pas d’avoir son artifice avec cette grossièreté d’esprit. Les Jésuites mêmes le méprisent, et sont indignés de le voir si facile à l’ambition ridicule de sa famille. Vous avez fait d’un religieux un ministre d’État ; il ne se connoît point en hommes, non plus qu’en autre chose. Il est la dupe de tous ceux qui le flattent et lui font de petits présents. Il ne doute ni n’hésite sur aucune position difficile. Un autre très droit et très éclairé n’oseroît décider seul. Pour lui, il ne craint que d’avoir à délibérer avec des gens qui sachent les règles. Il va toujours hardiment sans craindre de vous égarer ; il penchera toujours au relâchement, et à vous entretenir dans l’ignorance. Du moins il ne penchera aux partis conformes aux règles, que quand il craindra de vous scandaliser. Ainsi, c’est un aveugle qui en conduit un autre, et, comme dit Jésus-Christ, ils tomberont tous deux dans la fosse.

Votre archevêque et votre confesseur vous ont jeté dans les difficultés de l’affaire de la régale, dans les mauvaises affaires de Rome ; ils vous ont laissé engager par M. de Louvois dans celle de Saint Lazare, et vous auraient laissé mourir dans cette injustice, si M. de Louvois eut vécu plus que vous.

On avait espéré, Sire, que votre conseil vous tirerait de ce chemin si égaré ; mais votre conseil n’a ni force ni vigueur pour le bien. Du moins madame de Maintenon et monsieur le Duc de Beauvillers devraient-ils se servir de votre confiance en eux pour vous détromper ; mais leur faiblesse et leur timidité les déshonorent et scandalisent tout le monde. La France est aux abois ; qu’attendent-ils pour vous parler franchement ? que tout soit perdu ? Craignent-ils de vous déplaire ? ils ne vous aiment donc pas ; car il faut être prêt à fâcher ceux qu’on aime plutôt que de les flatter ou de les trahir par son silence. À quoi sont-ils bons, s’ils ne vous montrent pas que vous devez restituer les pays qui ne sont pas à vous, préférer la vie de vos peuples à une fausse gloire, réparer les maux que vous avez faits à l’Église, et songer à devenir un vrai chrétien avant que la mort vous surprenne ? je sais bien  que, quand on parle avec cette liberté chrétienne on court le  risque de perdre la faveur des rois. Mais votre faveur leur est-elle plus chère que votre salut ? Je sais bien aussi qu’on doit vous plaindre, vous consoler, vous soulager, vous parler avec zèle, douceur et respect ; mais enfin, il faut dire la vérité. Malheur, malheur à eux s’ils ne la disent pas ; et malheur à vous si vous n’êtes pas digne de l’entendre ! Il est honteux qu’ils aient votre confiance sans fruit depuis tant de temps. C’est à eux à se retirer si vous êtes trop ombrageux, et si vous ne voulez que des flatteurs autour de vous.

Vous demanderez peut-être, Sire, qu’est-ce qu’ils doivent vous dire ; le voici ; ils doivent vous représenter qu’il faut vous humilier sous la puissante main de Dieu, si vous ne voulez qu’il vous humilie ; qu’il faut demander la paix et expier par cette honte toute la gloire dont vous avez fait votre idole ; qu’il faut rejeter les conseils injustes des politiques flatteurs ; qu’enfin il faut rendre au plus tôt à vos ennemis, pour sauver l’État, des conquêtes que vous ne pouvez d’ailleurs retenir sans injustice. N’êtes-vous pas trop heureux dans vos malheurs, que Dieu fasse finir les prospérités qui vous ont aveuglé, et qu’il vous contraigne de faire des restitutions essentielles à votre salut, que vous n’auriez jamais pu vous résoudre à faire dans un état paisible et triomphant ? La personne qui vous dit ces vérités, Sire, bien loin d’être contraire à vos intérêts, donnerait sa vie pour vous voir tel que Dieu vous veut, et elle ne cesse de prier pour vous.

Très belle et affectueuse volée de bois vert ! Mais il faut deux choses pour qu’une lettre pèse de tout son poids : un expéditeur et un destinataire. L’original a été perdu, Voltaire, D’Alembert en ont eu une copie en main, mettant en doute l’identité de Fénelon comme étant l’auteur. En fait il existe des éléments pour avérer cette identité de Fénelon. Le destinataire : le roi. A-t-il reçu et lu la lettre ?  Rien n’est moins sur. Les partisans du oui se sont appuyés sur deux courriers de Madame de Maintenon, qui iraient dans ce sens. Mais elle ne mentionne pas avec précision de quelle lettre elle parle… Ceci pour la forme et pour le fond, il paraît suicidaire de la part de Fénelon, qu’il ait été déjà en charge de l’éducation des enfants royaux ou non, d’envoyer un texte aussi violent, d’où est exclue toute prudence, lui qui en est tellement coutumier ! L’eut-il envoyé ? Il serait allé rapidement rejoindre l’inconnu que l’on cachait sous un masque de fer.

Il n’existe aucune preuve qui ressemble, de près comme de loin, à un accusé de réception : donc on est fondé à croire qu’il ne s’agit malheureusement que d’un projet de lettre, qui n’a jamais été envoyé. Il garde le mérite de nous donner un bon état des lieux de la France.

Fichier:Louis XIV, King of France, after Lefebvre - Les collections du château de Versailles.jpg — Wikipédia

Louis XIV, d’après Claude Lefebvre. Date inconnue. Les collections du château de Versailles. Estimez ceux qui, pour le bien, hasarderont de vous déplaire, ce sont vos véritables amis.

1694

Le Roi confie à Vauban la défense de Brest contre les Anglais : Je m’en remets à vous, de placer les troupes où vous le jugerez à propos, soit pour empêcher la descente, soit que les ennemis fassent le siège de la place. L’emploi que je vous donne est un des plus considérables par rapport au bien de mon service et de mon royaume, c’est pourquoi je ne doute point que vous ne voyez avec plaisir que je vous y destine et ne m’y donniez des marques de votre zèle et de votre capacité comme vous m’en faites en toutes rencontres.

Louis XIV

Le froid sévit, le printemps est sec et donc les récoltes sont mauvaises : le setier de blé, qui se vendait 34 livres le 3 avril, atteint 52 livres le 1°mai. On pille les boulangeries car la famine s’étend sur tout le territoire : les pertes humaines provoquées par la faim, la maladie et les épidémies (typhoïde, scorbut, ergotisme…) qui se sont abattues sur des corps affaiblis ont été chiffrés essentiellement à partir des registres paroissiaux.

L’on ne voit plus à Beauvais qu’un nombre infini de pauvres, que la faim et la misère font languir, et qui meurent dans les places et dans les rues […] N’ayant point d’occupation et de travail, ils n’ont pas d’argent pour acheter du pain, et ainsi, ils se voient mourir misérablement par la faim. […] La plupart de ces pauvres, pour prolonger un peu leur vie et apaiser un peu leur faim, par défaut de pain mangent des choses immondes et corrompues, comme des chats, de la chair de chevaux écorchés et jetés à la voirie, le sang qui coule dans le ruisseau des bœufs et des vaches qu’on écorche, les tripailles, boyaux, intestins et autres choses semblables que les rôtisseurs jettent dans la rue. Une autre partie de ces pauvres mangent des racines d’herbes et des herbes qu’ils font bouillir dans de l’eau, comme sont des orties et les autres semblables herbes.

Un agent d’affaires de Roubaix, en avril 1694, dans Pierre Goubert. Cent mille provinciaux au XVII° siècle. Paris Flammarion 1968

Des scènes semblables se déroulaient dans la France entière. Le mauvais temps avait ruiné les récoltes à travers tout le royaume au cours des deux années précédentes, si bien qu’au printemps 1694, les greniers étaient complètement vides. Les riches demandaient des prix exorbitants pour les vivres qu’ils parvenaient à mettre de côté, et les pauvres mouraient en masse… Autour de 2.8 millions de Français – 15 % de la population -, devaient mourir de faim entre 1692 et 1694, tandis que le Roi Soleil, Louis XIV, batifolait à Versailles avec ses maîtresses. L’année suivante, en 1695, la famine frappa l’Estonie, tuant un cinquième de sa population. En 1696, ce fut le tour de la Finlande, qui perdit entre le quart et le tiers de ses habitants. L’Écosse souffrit d’une grave famine entre 1695 et 1698, certaines régions perdant jusqu’à 20 % de leurs habitants.

Yuval Noah Harari. Homo deus Une brève histoire de l’avenir. Albin Michel 2017

Marcel Lachiver décompte 2 837 000 morts en 2 ans, soit plus du double de deux années moyennes dans une France qui compte alors 20 millions d’habitants. Cela fait presque autant de morts que la première guerre mondiale, mais en deux ans et dans un pays deux fois moins peuplé.

Au risque de paraître iconoclaste, on peut affirmer que la France n’a jamais connu, depuis trois siècles, de catastrophe démographique analogue à celle de la fin du XVII° siècle. Ni les guerres de la Révolution et de l’Empire (1 350 000 morts en vingt trois ans, dans une France de 30 millions d’habitants), ni évidemment la guerre de 1870, ni celle de 1939-1945, n’ont provoqué autant de morts en si peu de temps.

Marcel Lachiver. Première édition du Dictionnaire de l’Académie Française.

Les jésuites de Chine ont obtenu deux ans plus tôt un décret protégeant leurs activités. Certains d’entre eux, installés à Pékin guérissent l’empereur atteint de la malaria en lui donnant de la quinine : en guise de récompense, ce dernier leur accorde un terrain au voisinage de la Cité interdite, où ils construisent une église : le Pei t’ang (sanctuaire du nord). L’empereur offre trois inscriptions, de sa main, destinées à être gravées au portail :

  • En haut, Au vrai, principe de toutes choses
  • Sur la colonne de gauche, Il est infiniment bon et infiniment juste, Il éclaire, Il soutient, Il règle tout avec une suprême autorité et une souveraine justice.
  • Sur la colonne de droite : Il n’a point eu de commencement, Il n’aura point de fin. Il a produit toutes choses dès le commencement. C’est Lui qui les gouverne et en est le véritable Seigneur.

On croirait tous ces Credo tirés de la Bible !

D’Iberville offre Terre Neuve à la France.

7 09 1695

L’Angleterre règne sur les mers, mais c’est aussi bien pour asseoir sa puissance que pour accroître celle de ses pirates, lesquels, pour l’heure, sévissent dans l’Océan Indien.

À la fin du XVII° siècle, l’Empire moghol connait un âge d’or. Sous le règne du sixième Grand Moghol Muhi-ud-Din Muhammad (1618-1707), également appelé Aurangzeb, l’Empire englobe le sous-continent indien (à l’exception des provinces modernes de Kerala et Tamil Nadu) et l’Afghanistan pour une population avoisinant les 160 millions d’habitants. L’Empereur perçoit un revenu annuel équivalant à 450 millions de dollars actuels, dix fois plus que son contemporain Louis XIV ; l’économie moghole est la première du monde, accaparant près d’un quart du commerce global.  Aurangzeb entretient des relations diplomatiques avec la plupart des grandes puissances de son temps, notamment la Perse safavide, l’Empire ottoman, le royaume de France et la Couronne britannique.

À la même époque, l’âge d’or de la piraterie bat son plein. En Méditerranée, sur les côtes caribéennes, africaines et jusque dans l’Océan indien, des marins mécontents de leur sort se mutinent, élisent un nouveau capitaine et s’en prennent aux navires marchands. Ces pirates ne reculent devant aucune méthode pour s’enrichir rapidement, s’alliant parfois pour s’en prendre à de plus gros navires, voire des villes, quelles que soient leur allégeance. Bien que sévèrement réprimé par les différentes flottes nationales, ce mouvement n’a rien perdu de son importance lorsqu’Henry Avery et ses hommes décident de s’y adonner.

Né en 1659 dans la périphérie de Plymouth, ville de la région anglaise du Devon, Henry Avery fait ses armes dans la flotte britannique. En 1690, il est congédié de la marine royale et se reconvertit brièvement dans le commerce des esclaves sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Au printemps 1693, Avery rejoint en tant que second le Charles II, navire faisant partie d’une expédition à destination de l’Espagne puis des Caraïbes pour revitaliser le commerce et s’attaquer aux navires français. Cependant, les marins sont retenus dans le port de La Corogne sans être payés pendant plusieurs mois ; face au refus des dirigeants de la flotte d’accéder à ses demandes, l’équipage organise une mutinerie. Au début de mai 1694, le Charles II quitte l’Espagne avec Avery pour nouveau capitaine, qui le rebaptise le Fancy.

Henry Avery convainc son équipage de partir pour l’Océan indien ; longeant la côte africaine, il commet ses premiers actes de piraterie. À l’été 1695, le Fancya rejoint le détroit de Bab el-Mandeb, au large de Djibouti. Avery a entretemps entendu parler du pèlerinage annuel des musulmans de l’Empire moghol : ceux-ci se déplacent en un large convoi, qu’il décide d’attaquer. Il recrute cinq autres équipages pirates anglais croisant dans la zone, dont celui de Thomas Tew (1649-1695), déjà célèbre pour ses actes de piraterie dans la région depuis plusieurs années.

Début septembre 1695, le convoi maritime moghol est repéré au large du détroit. Parmi les 25 navires, le Ganj-i-Sawai(le Trésor débordant) ou Gunsway, navire marchand de 1 600 tonnes, quatre-vingts canons, avec à son bord mille passagers dont quatre cents mousquetaires. Face à cette armada, Avery ne possède que cinq navires et un peu plus de 400 hommes ; certains sont perdus dès le début de la chasse, dont Thomas Tew et son équipage après que le capitaine du Amity ait été fauché par un canon.

Pourtant, Avery et ses hommes s’emparent d’abord du Fateh Mohammed, un navire de 600 tonnes et 46 canons, avant de rattraper le Gunsway à huit jours de voyage des côtes indiennes. Avec le soutien de deux des navires pirates restants et le reste du convoi moghol laissé loin derrière, Avery joue d’emblée de chance dans l’engagement avec son adversaire : sa bordée initiale immobilise le Gunsway et fait exploser l’un des canons principaux. Galvanisés, les pirates anglais abordent le navire moghol qui résiste plusieurs heures avant de déposer les armes.

 

 

Capture du Gunsway par Avery, 1837

"Avery Chasing the Great Mogul's Ship", gravure en couleurs, vers 1890.

Avery Chasing the Great Mogul’s Ship, gravure en couleurs, vers 1890. Photo de Illustration via Peter Newark Historical Pictures, Bridgeman Images

Entre le Fateh Muhammed et le Gunsway, les assaillants capturent plus de 500 000 pièces d’or et d’argent ; en plus des pierres précieuses et du reste du butin, la fortune acquise est estimée à plus de 650 000 livres sterling de l’époque, soit environ 400 millions de dollars actuels. L’équipage et les passagers survivants du Gunsway sont ensuite soumis à la cruauté des vainqueurs pendant plusieurs jours, avant que ces derniers ne se retirent avec leur butin.

Les conséquences du raid d’Avery sont désastreuses pour les relations entre l’Angleterre et l’Empire moghol : Aurangzeb se retient de peu d’ordonner le siège de Bombay, sous contrôle britannique, où des ressortissants anglais échappent de justesse à des émeutes populaires. La Compagnie des Indes britanniques accepte de dédommager l’Empire, et organise sur demande de l’empereur la première chasse à l’homme mondiale de l’histoire.

De son côté, Henry Avery parvient à s’échapper avec l’intégralité du butin moghol sans le partager avec les autres équipages pirates, avant de rejoindre l’île de la Réunion. Là-bas, chacun des marins du Fancy reçoit une part équivalente à 1 000 £. Par la suite, le destin de ces pirates varie : certains sont capturés et exécutés, d’autres quittent l’Océan indien pour les Amériques ou pour revenir en Europe. Le sort du capitaine Avery lui-même est incertain : certains affirment qu’il aurait fondé la colonie pirate de Libertalia à Madagascar, d’autres qu’il serait mort dans le dénuement en Angleterre, et d’autres encore qu’il aurait profité de sa fortune mal acquise jusqu’à la fin de ses jours.

Cédric Legentil Linkedin

22 09 1695

Montauban, flibustier de son état, est parti en chasse sur les côtes d’Afrique.

Au large de l’Angola, il prend en chasse un vaisseau hollandais transportant huit cents esclaves noirs. Tout semblait se dérouler comme à l’habitude. Le navire négrier n’arrivant pas à distancer Montauban, l’abordage n’était plus qu’une question de minutes. Les deux vaisseaux étaient presque bord à bord. D’un coté on se préparait à monter à l’assaut, épées affûtées et pistolet à la ceinture. De l’autre, on attendait la ruée des flibustiers, priant pour en réchapper ou, au pire, vendre chèrement sa vie. À cet instant, personne ne pouvait imaginer que le capitaine hollandais était descendu dans la soute à poudre. Désespéré par la capture prévisible de son bâtiment, le malheureux mit le feu aux barils. La déflagration fut terrible. Les deux navires furent ravagés, les corps déchiquetés. En quelques instants, les flots engloutissaient les épaves enflammées. Miraculeusement, Montauban fut l’un des rares survivants. Accroché à une épave flottante, après un périple harassant, il réussit à gagner le terre ferme et trouva quelques secours auprès d’alliés africains.

[…] Mais il en resta tout chose : Je ne sais si je dirai adieu à la mer, tant mon dernier malheur m’a épouvanté ou si je remonterai pour me venger des maux que les Anglais m’ont fait souffrir ou si j’irai recourir les mers pour ramasser un peu de bien ou si je demeurerai en repos en mangeant celui que mes parents m’ont laissé.

Jean Pierre Moreau. Une histoire des pirates. Tallandier Point 2007

Ces gens étaient encouragés en haut lieu : Depuis sept ans que la guerre dure, nous n’avons tiré aucun avantage de la mer. Tous les grands armements ont été fort à charge. Il faut donc donner un autre tour à la guerre de mer, et la rendre dure et incommode aux ennemis.

Vauban. Mémoire concernant la caprerie, la course et les privilèges dont elle a besoin pour se pouvoir établir.

1695 

Dès sa naissance, l’Eau de Cologne, alors nommée Aqua Mirabilis, rencontre un franc succès ; la cour de Louis XV s’en entichera, Napoléon en consommera plus de 40 litres par mois ! On la boit, on s’en asperge, on l’inhale !

29 06 1696

Traité secret entre la France et la Savoie : Victor Amédée s’engage à obtenir la neutralité des princes d’Italie auprès de l’empereur d’Autriche et du Roi d’Espagne et récupère ainsi le comté de Nice.

30 10 1697

Louis XIV veut assurer la couronne d’Espagne pour son petit-fils Philippe, duc d’Anjou. Il faut des contreparties à ceux que cela indispose, et c’est ainsi que, par le traité de Ryswick, il accepte de restaurer la suzeraineté impériale sur les duchés de Lorraine et de Bar, jusqu’alors occupés par ses armées. Et c’est ainsi que Léopold à 18 ans, déjà duc de Lorraine sur le papier arrive dans les faits à la tête du duché : les Lorrains ne cesseront de s’en louer : Il est à souhaiter que la dernière postérité apprenne qu’un des moins grands souverains de l’Europe a été celui qui a fait le plus de bien à son peuple. Il trouva la Lorraine désolée et déserte : il la repeupla, il l’enrichit. Il l’a conservée toujours en paix pendant que le reste de l’Europe a été ravagé par la guerre. Il a eu la prudence d’être toujours bien avec la France, et d’être aimé dans l’Empire. […] Sa noblesse, réduite à la dernière misère, a été mise dans l’opulence par ses seuls bienfaits. Il mettait dans ses dons la magnificence d’un prince et la délicatesse d’un ami. Sa cour était formée sur celle de France. On ne croyait presque pas avoir changé de lieu quand on passait de Versailles à Lunéville. […] Aussi a-t-il goûté le bonheur d’être aimé, et j’ai vu, longtemps après sa mort [en 1729], ses sujets verser des larmes en prononçant son nom.

Voltaire. Le siècle de Louis XIV. 1751

7 12 1697 

Marie Adélaïde de Savoie épouse le duc de Bourgogne petit fils de Louis XIV ; elle mourra le 12 02 1712.

1697 

À l’instar de bien d’autres villes, les officiers municipaux de Montpellier, ne voulant pas subir le logement des gens de guerre, leur construisent une caserne, précédés en cela par Strasbourg en 1681. En 1768, une ordonnance prescrira que dans toutes les villes, les maisons soient numérotées rue par rue, pour ainsi faciliter le logement de la troupe. Jusqu’alors cette charge était assumée par le bon peuple, moyennant une rétribution appelée ustensile. L’éclairage des rues à la lanterne avait été rendu obligatoire pour Paris 30 ans plus tôt : l’obligation en est maintenant faite à tout le royaume.

Charles Perrault publie les Histoires, ou Contes du temps passé : on y trouve Le Petit Chaperon Rouge, La Belle au bois dormant, Le Chat Botté, Cendrillon et bien d’autres.

Michel Sarrazin, chirurgien des armées, en poste au Canada, envoie au Jardin des Plantes quatre variétés de bouleau, et Roland Michel de la Galissonière, toujours du Canada, enverra le magnolia grandiflora

13 05 1698  

Un arrêt reconnaît aux propriétaires de terrains la libre exploitation des sous-sols. Mais cette législation va faire du yoyo pendant plus d’un siècle, jusqu’à se stabiliser sous Napoléon qui tranchera en faveur d’une propriété du sous-sol à l’État.

  • Un texte du 14 janvier 1744, leur a retiré ce droit.

Pour exploiter le sous-sol, le possesseur d’une terre doit obtenir une autorisation et verser une redevance. Surtout, l’État peut attribuer une telle concession à un tiers sans l’accord du propriétaire, qui doit alors accepter une indemnisation à dires d’expert.

Cet arrêt est motivé par la négligence des propriétaires à faire la recherche et l’exploitation des mines, mais aussi parce que la liberté indéfinie avait fait naître en plusieurs occasions une concurrence entre eux, également nuisible à leurs entreprises respectives.

  • Turgot (1727-1781), contrôleur général des finances de 1774 à 1776, a milité contre ces dispositions, arguant du droit naturel du propriétaire. En 1791, une loi en cohérence avec l’affirmation selon laquelle la propriété est un droit de l’homme inviolable et sacré a redonné la pleine propriété du sous-sol au possesseur du terrain.
  • En 1810, Napoléon retournera à l’usage précédent. Les règles alors adoptées resteront en vigueur jusqu’en 1956, quand le pétrole imposera quelques modifications.

Aujourd’hui, ce code minier doit à nouveau être modifié et un projet de réforme est attendu pour la fin de l’année 2014, au vu de l’intérêt que représente l’exploitation du gaz de schiste.

13 12 1698 

Une déclaration royale ordonne d’établir autant qu’il sera possible des maîtres et des maîtresses dans toutes les paroisses où il n’y en a point pour instruire tous les enfants. Les parents doivent envoyer leurs enfants à l’école jusqu’à l’âge de quatorze ans. La mesure ne fût que très inégalement appliquée, faute de moyens financiers ou de désir de scolarisation de la part des communautés paroissiales. Cet enseignement sera essentiellement le fait du clergé : Jésuites, Oratoriens, Bénédictins, Pères de la doctrine chrétienne, et, bien sur, les Frères des écoles chrétiennes. Mais, on sait tout de même qu’en 1688, 29 % des hommes et 14 % des femmes pouvaient signer leur acte de mariage, et que ces chiffres seront passés respectivement à 47 % et 27 % en 1788.

1698    

Instauration du régime de retraite de l’Opéra de Paris.

Pierre de Lannion, seigneur de Quinipily, met fin à une très ancienne querelle locale entre le clergé évidemment allié à la noblesse et le peuple sur le sort qui doit être fait à la Vénus de Quinipily, ainsi aujourd’hui nommée, en la sortant des eaux du Blavet. Quinipily, c’est à coté de Baud, dans le Morbihan. Cette Vénus, localement nommée Ar groareg Houarn, était primitivement édifiée à Castennec, près de Saint-Nicolas-des-Eaux, une quinzaine de kilomètres plus au nord. Un manuscrit de 1668, écrit par un moine de Saint Gildas de Rhuys, la mentionne : Proche du timbre, il y avait, sur une petit butte élevée, une statue de pierre de grain, qui représentait une femme debout, toute nue, haute de sept pieds, qui était certainement l’ydole de la Déesse Vénus. Cette figure était plantée là, de temps immémorial, et la populace l’appelait communément la Vieille de la Couart, ou Couarde, et y avait duré jusqu’en 1660, car en 1661, objet d’un culte païen de la fertilité condamné par l’Église, elle avait été jetée dans le Blavet, à la demande de Charles de Rosmadec évêque de Vannes. Mais, les locaux, qui tenaient à leur Vénus, la sortiront de son bain forcé en 1664. Las, en 1670, elle sera mutilée, puis jetée à nouveau dans la rivière.

Cependant, la statue mutilée ne peut être décemment présentée, et ses origines incertaines (romaine, étrusque ou égyptienne ; les inscriptions sur son socle la présentent comme Vénus victorieuse), permettent de penser qu’elle aurait été sculptée au début du XVII° siècle, sur ordre du comte de Lannion, à l’image des cariatides qui ornaient la façade de son château de Quinipily, aujourd’hui détruit, pour remplacer une statue antique trop dégradée.

Un autre manuscrit, aujourd’hui disparu, disait : Dans la paroisse de Bieuzy, il y a une petite montagne qui est presque entourée de la rivière de Blavet. Il y avait, sur cette montagne, une statue antique, grossièrement taillée, qui représentait une grosse femme d’environ sept pieds de hauteur [2.2 m]. Le vulgaire l’appelait, en breton, Groa Hoart, qui veut dire, en français la vieille gardienne. Il y avait auprès de cette statue une fort belle pierre, ou bassin qui peut contenir près de deux pipes d’eau …/… Les filles qui avaient envie de se marier faisaient aussi leurs offrandes d’une manière indécente, pour obtenir leurs souhaits. 

Prosper Mérimée s’est rendu à Baud en 1835 et aurait pu s’en inspirer pour écrire sa nouvelle La Vénus d’Ille où apparaît le Si tu m’aimes, prends garde à toi qu’il resservira dans Carmen. Elle est monument historique depuis le 18 novembre 1943.

File:La "Vénus de Quinipily" - Vue rapprochée 01- Morbihan - Mai 2014.jpg - Wikimedia Commons

Un esclave vole un diamant dans la mine du grand Moghol dans le Parteal, une mine de la ville de Golkonda, dans l’Inde du Sud. Un matelot anglais tue l’esclave pour s’emparer du diamant. Thomas Pitt, gouverneur de Madras achète 20 400 £ le diamant au matelot : de 426 carats brut, il le fait passer à 140 carats par la taille effectuée par le sieur Harris pendant deux ans. Il le nomme le Grand Pitt. En 1717, le Grand Pitt est racheté par le duc d’Orléans, alors régent et prend ce nom. Tour à tour porté par Louis XV, Marie-Antoinette, Bonaparte, par Charles X, l’impératrice Eugénie, il traversera donc la Révolution sans encombre ; il est aujourd’hui dans la galerie d’Apollon, au Louvre.

26 01 1699     

La Sainte Ligue, au sein de laquelle on trouve l’Autriche, la Transylvanie, la Pologne-Lituanie, Venise et la Russie signe avec l’empire ottoman le traité de Karlowitz par lequel celui-ci cède ou rend :

  • à la Pologne, la Podolie, dont ils s’étaient emparés en 1672
  • à l’Autriche, la plus grande partie de la Hongrie, la Slavonie et de la Transylvanie tributaire ;
  • aux vénitiens, de menus territoires en Dalmatie, leurs droits de suzeraineté sur la République de Raguse tributaire [l’actuelle Dubrovnik], l’île de Sassos et surtout la Morée (péninsule du Péloponnèse).

Le traité de Karlowitz marque le début du déclin de l’Empire ottoman en Europe orientale et fait de la monarchie habsbourgeoise la puissance dominante dans le centre de l’Europe.

15 02 1699      

Un acte notarié du Villaret, en Savoie, fait mention pour la première fois du reblochon produit au Chinaillon Grand Bornand, dans l’actuelle Haute Savoie. Reblochon vient du patois Blochon voulant dire Traite, le Re, signifiant qu’il s’agissait d’une deuxième traite, faite après le départ du propriétaire, lesté de la première : il s’agissait donc bien d’une fraude puisque c’est l’intégralité de la traite qui aurait dû être remise au propriétaire.

Ça, c’est de la fraude sur la quantité, mais il y a aussi la fraude sur la qualité, au spectre large : pour le vin, l’additif le plus courant est la litarge, un dérivé du plomb pour diminuer la verdeur d’une cuvée trop aigre, mais on use aussi de colle de poisson pour le clarifier, de bois de l’Inde, en provenance du Brésil, pour le colorer. Pâtissiers et confiseurs usent aussi de toute une panoplie pour donner couleur naturelle  à leurs produits, le plus souvent composants de la peinture : minium, orpiment (sulfate d’arsenic), massicot (peroxyde de plomb), cendre de chaux, vermillon, bleu d’azur : tout cela dument recensé dans l’ordonnance de police du 10 octobre 1741.

1 04 1699 

Jules Hardouin-Mansart travaille à la création de la place Louis le Grand, qui deviendra la place Vendôme.

14 09 1699  

Neuf navires portugais arrivent de Rio de Janeiro en vue des côtes portugaises. Ils ont dans leurs soutes quelques centaines de kilos d’or. Ce n’est pas l’El Dorado, mais presque son annonce et, dans les années à venir, ce sont des tonnes que ramèneront les navires, de 4 à 6 tonnes par navire. Il vient du Minas Gerais, à la jonction des capitaineries de Rio de Janeiro, de São Polo et de Bahia. Ce nouveau boom économique va réactiver la traite des Noirs et nombre de marchands portugais vont s’installer à Luanda, en Angola pour acheter des esclaves… avec du coton des Indes. Au XVIII° siècle, ce sont environ 1.7 millions de Noirs, pour la plupart angolais,  qui seront déportés au Brésil. Cette richesse va attirer les convoitises ; le plus souvent, les Portugais pourront repousser les attaques de leurs navires, mais en 1711, Duguay Trouin mettra Rio à sac.

1699

Les Espagnols s’emparent de Tayasal, sur le lac Petén, dans le Yucatan, dernier bastion maya. Les treize colonies anglaises d’Amérique se voient interdire par la loi sur la laine, d’exporter autre chose que des matières premières non transformées, pour que les manufacturiers anglais puissent garder le monopole de fabrication de produits de consommation.

16 11 1700 

Louis XIV accepte le testament de Charles II d’Espagne, frère cadet de son épouse Marie-Thérèse, et proclame le duc d’Anjou, son petit fils, roi d’Espagne sous le nom de Philippe V : le reste de l’Europe ne peut tolérer une telle puissance : ce sera l’origine de la guerre de succession d’Espagne. En attendant, on échange de belle paroles : Soyez bon Espagnol, c’est présentement votre premier devoir ; mais souvenez-vous que vous êtes né français pour entretenir l’union entre les deux nations.

Louis XIV au duc d’Anjou

Quelle joie, Sire, il n’y a plus de Pyrénées.

Marquis de Castelldosrius, ambassadeur d’Espagne en France

1700

Fondation de l’Académie des Sciences de Berlin.

Charles XII, roi de Suède, a 18 ans : ses 9 000 hommes lui suffisent pour disperser en une demi-heure les 40 000 Russes occupés au siège de Varna, en Livonie suédoise ! Le jeune homme s’est couronné deux ans plus tôt, enlevant la couronne des mains de l’archevêque d’Uppsala, et depuis lors est entré en guerre comme d’autres entrent en religion, ne connaissant plus ni magnificence, ni jeux, ni délassements ; il réduisit sa table à la frugalité la plus grande. Il avait aimé le faste dans ses habits. Il ne fût plus vêtu depuis que comme un simple soldat, dixit Voltaire. Les deux grandes puissances régionales étaient alors la Russie qui avait perdu tout accès à la Baltique par le traité de Stolbovo en 1617 et la Suède qui avait acquis la quasi-totalité des territoires ceinturant la mer Baltique : elle formait un énorme chapeau coiffant le golfe de Finlande et le seul point de faiblesse restait le contrôle de l’Øresund, le détroit qui sépare le Danemark de la Suède. Cette bataille allait marquer le début de la grande guerre du nord, imposante coalition aux participants variables, se retirant des combats pendant quelques années, les reprenant parfois dans le même camp, parfois dans le camp adverse, tout cela pendant plus de vingt ans, qui verront finalement la Suède perdre sa puissance dominante au profit de la Russie de Pierre le Grand.

La météorite de Caille, au début des années 1800,  sert de banc public devant l’église du village. Selon des témoignages recueillis à cette époque, elle provient de la montagne de l’Audibergue, à quelques kilomètres au sud-est du village, en Provence Alpes Côte d’Azur, où elle a été découverte par un berger vers 1650-1700, traînée jusqu’en plaine par un attelage de bœufs, puis récupérée par un maréchal ferrant du village qui en aurait tiré deux fers à mulets avant de l’abandonner en raison de la piètre qualité du métal. Elle sera identifiée comme telle en 1828, et alors transférée au Jardin du Roy – l’actuel Museum national d’Histoire naturelle – à la suite de nombreuses péripéties. C’est une octaédrite à grain moyen (Om), avec des bandes de kamacite de 1,1 mm de largeur, en moyenne. Elle est non groupée, mais pourrait constituer un grouplet – mini-groupe – avec la météorite de Lazarev trouvée en Antarctique en 1961. Ce qu’il en reste pèse 625 kg, fait d’elle la météorite la plus massive jamais découverte en France.

1701 

Création des chambres de commerce dans les villes de province. On compte 798 relais de poste. Au Canada, les Iroquois, alliés des Anglais contre les Français subissent une défaite qui aboutit à la Grande Paix de Montréal. L’agriculture évolue : on invente, on change d’habitudes, on produit des nouveaux socs de charrue parce que les fontes, les aciers s’améliorent : Le monde de l’agriculture fut, plus que tout autre, profondément transformé par une série de changements qui affectèrent les méthodes agricoles elles-mêmes. De nouvelles techniques, de nouvelles méthodes remirent en question les techniques, les outils et les cultures du passé. L’ancienne domination du blé et du riz, du maïs et de la pomme de terre dut s’adapter à d’autres conditions.

Certains de ces changements apportèrent de réelles améliorations. Par exemple, dans la plupart des pays d’Europe, on avait l’habitude, dans le passé, de faire pousser les haricots, les pois, l’orge, l’avoine, les vesces, le chanvre et le trèfle dans les champs de blé de printemps, parfois pour assurer le fourrage d’hiver du bétail. On y faisait aussi pousser l’orge pour la bière. L’ancien système de rotation en trois temps, typique de l’agriculture européenne (blé d’hiver, blé de printemps, jachère), avait déjà été abandonné dans certaines régions au début du Moyen Âge. Les Hollandais, par exemple, avaient adopté au XV° siècle un cycle complexe de cultures sur neuf ans, avec de fréquents apports d’engrais pour enrichir les sols (chaux, guano de pigeon, sang de bœuf, suie et os). Ils préféraient importer leur blé et vendaient en échange des légumes, des fruits, des bulbes, du houblon et, à partir du XVII° siècle, du tabac. Leur agriculture dépendait de la gestion parfaite de lopins à la surface limitée. Cela fit naître l’idée de gagner des terres sur la mer en construisant des digues pour retenir les flots et des moulins à vent pour faciliter le drainage des terres. En 1650, les Hollandais avaient si bien réussi leurs diverses expériences que, pour la première fois dans l’histoire de l’agriculture en Europe, ils purent se passer de laisser leurs champs en jachère – une victoire qui devait avoir d’immenses conséquences.

La culture du trèfle (importé d’Italie) accrut les ressources en fourrage pour l’hiver; en outre, il avait le mérite de fixer l’azote atmosphérique. La fertilité du sol en fut miraculeusement améliorée. Le sainfoin, la luzerne et les navets jouèrent aussi un rôle important. La culture du navet avait le mérite, indirect, de nécessiter le sarclage de la terre. On prit l’habitude de nettoyer les champs, comme on le faisait déjà pour l’horticulture. Les méthodes du jardinier prirent la relève du labourage. Bêcher devint plus facile après l’invention de la fourche à trois dents, au XV° siècle. Les fermiers des Pays-Bas commencèrent aussi à mettre de temps en temps leurs champs en pâturage, et non en jachère, système qui contribua à la bonification des sols. Le bétail, de son côté, profita d’une meilleure alimentation.

Les idées des Hollandais gagnèrent l’Angleterre, où les sept cultures des Flamands devinrent le système de Norfolk à quatre temps (blé, navets, orge, trèfle), puis la Prusse et la plaine de Lombardie. Les Flandres elles-mêmes passèrent bientôt à une rotation de onze cultures : blé, navets, avoine, trèfle, blé, chanvre, colza, lin, blé, haricots et blé. Ce nouveau système de culture par rotation provoqua une véritable révolution dans l’agriculture européenne. Née dans les Flandres, elle fut portée à son plein développement en Angleterre où les propriétaires terriens du XVIII° siècle, esprits curieux, libres des liens féodaux et pouvant passer contrat avec les travailleurs au lieu d’exiger les journées de travail dues en raison de leur statut ou de la coutume, se passionnèrent pour le progrès de l’agriculture. Le pivot de cette révolution fut la diffusion d’idées neuves sur la rotation des cultures, ce qui améliora le fourrage et permit à la terre de nourrir plus de bétail qui, en retour, enrichit la terre d’un supplément d’engrais. Ces conceptions ne se répandirent pas aussi vite dans les pays où les rapports féodaux étaient encore très vivants, comme en France. Les méthodes agricoles qui prévalaient encore en France au milieu du XIX° siècle auraient paru tout à fait familières à un visiteur du XIII° siècle. Il faut toutefois leur rendre cette justice que le même visiteur aurait considéré comme tout simplement barbares les méthodes pratiquées au XIX° siècle, aux États-Unis, par les fermiers du Midwest : une seule culture (le blé), sans engrais ni rotation des cultures.

Ces améliorations dans les méthodes furent complétées par différentes innovations technologiques. La plus importante fut le semoir à traction animale, mis au point par l’Anglais Jethro Tull, [1674-1741] et qui permettait de semer en suivant les sillons (vers 1730). Ce semoir était supérieur aux deux méthodes utilisées jusque-là pour semer, à la volée ou en déposant les graines l’une après l’autre dans des trous pratiqués avec un plantoir. Tull, un juriste du Berkshire, travaillait lui-même la terre dont il avait hérité ; il imagina de faire tirer une herse par le cheval déjà attelé au semoir, pour recouvrir immédiatement les graines. Ce semoir mécanique, dans un premier temps, ne servit que pour les fèves, les pois et les navets, à l’exclusion du blé. Il encouragea la culture de plantes fourragères, de prairies artificielles, l’abandon total de la jachère au bénéfice de l’assolement triennal, la fumure, les labours multiples et profonds, donnant ainsi à l’agriculture de son pays une impulsion sans précédent. Au même moment, les Hollandais inventaient une charrue légère avec un versoir en fer incurvé. Environ quarante ans plus tard, Robert Ransome fondeur de cuivre à Norwich, fabriqua une charrue munie d’un soc en fonte auto-aiguisant puis, en 1789, la première charrue entièrement en fer. Vers 1750, on avait aussi inventé la batteuse qui entra en usage dans toutes les bonnes fermes, en Angleterre vers 1815, et en France vers 1830. En 1784, Andrew Meikle, un ancien constructeur de moulins de Dunbar, inventa un fléau mécanique séparant la paille du grain – les fermes des Lothians étant, à l’époque, probablement les mieux gérées du monde. Après l’invention de la machine à vapeur de Watt, le duc de Bedford commanda une machine à vapeur capable de battre et moudre le grain. Ces diverses innovations dépendaient, en fait, des progrès réalisés dans d’autres domaines. Par exemple, la production en série des fourches et des bêches eut des conséquences aussi profondes que celle d’autres objets, tels les fourchettes et les couteaux. Mais tout cela était devenu possible seulement depuis que l’on disposait de fer facilement fondu et vendu à bas prix.

Hugh Thomas. Histoire inachevée du monde. Robert Laffont. 1986

Frédéric, duc de Prusse, et grand électeur pour le Saint Empire Romain germanique, a des ambitions pour son duché, qu’il ne peut satisfaire qu’en étant couronné : il a de l’argent et l’empereur Léopold, lui, en manque énormément : Frédéric lui achète la couronne de Prusse, à condition que le titre ne porte que sur une terre hors du Saint Empire, qui ne connaît que des princes : Frédéric est ainsi couronné roi en Prusse. On n’a pas fini d’en entendre parler.

7 06 1702 

Joseph Pitton de Tournefort est de retour d’un voyage de deux ans au Levant où il a été envoyé par le roi pour y découvrir la botanique… Grèce, Turquie, Géorgie : il en rapporte 1 356 plantes nouvelles ; son adjoint Aubriet a dessiné des chefs d’œuvre. Son Voyage au Levant sera publié en 1717. Il y parle aussi de moines.

Nous leurs apprîmes l’usage de l’herbe aux poux pour la faire mourir. Le Seigneur y a bien pourvu car la plante est commune dans tout le pays. Les caloyers mêmes [moines de l’ordre grec de Saint Basile] sont malpropres et crasseux, ainsi que les autres ecclésiastiques. Ils laissent croître leurs cheveux et leurs barbes d’une manière fort négligée. D’ailleurs, tous ces religieux gagnent leur vie à la sueur de leur corps et s’appliquent à toutes sortes d’ouvrages, surtout à labourer la terre et à cultiver la vigne. Ils ont pour devise les paroles de Saint Paul Qui non laborat nec manducet. Les frères laïcs qui sont d’une figure à peu près semblable à ceux que nous appelons donnez, sont les plus mal troussés. Ce sont de bons paysans qui après la mort de leur femme donnent leur biens au couvent et s’y retirent pour le reste de leur vie qu’ils passent à travailler la terre. Tous ces religieux vivent de quelques poissons, de légumes, d’olives, de figues sèches. Leur réfectoire ne vaut guère mieux que celui de la Trappe, mais ils boivent de très bons vins, et même le plus méchant vin de Grèce vaut incomparablement mieux que le meilleur cidre du Perche. Les étrangers mangent gras chez les caloyers. Leurs olives salées et vertes sont ragoutantes. Les noires, quoiqu’elles paraissent d’abord comme pourries, sont encore meilleures. On les met par couches avec du sel dans de grandes cruches où elles se conservent sans eau pendant plus d’une année. J’en ai fait préparer en Provence de cette manière mais cela n’a pas réussi.

Toutes les portions sont égales dans les monastères grecs. Le supérieur n’est pas mieux nourri que le dernier de la maison. Il en est de même pour ce qui regarde les autres besoins de la vie. Quand le supérieur sort de charge, il n’est dépouillé que de son autorité, et lorsqu’il est en charge, il n’oserait en abuser, surtout par rapport aux châtiments et aux pénitences que mériteraient les fautes de ses religieux, car la moindre sévérité leur ferait quelquefois prendre le turban au lieu du bonnet de Monte Santo. Les pénitences sont donc volontaires dans les cloîtres. La soumission et l’humilité sont des vertus que l’on y connaît guère. Il n’y a que les cuisiniers qui les pratiquent, car ils viennent se prosterner à la porte du réfectoire lorsque les religieux en sortent pour recevoir leur bénédiction. Comme il y a trois états de perfection dans la vie monastique chez les Grecs, on distingue aussi les religieux par trois sortes d’habits. Les novices n’ont qu’une simple tunique du plus grossier de tous les draps. Ceux qui ont fait leur vœu ont une tunique plus ample et plus propre. S’ils vivent régulièrement et qu’ils aspirent à la perfection de leur état, on les appelle les religieux du petit habit pour les distinguer de ceux qui ne sont pas si fervents. Enfin, on donne la caculle à ceux que l’on croit avoir atteint le dernier degré de perfection et que l’on ne fait pas difficulté de comparer aux anges. Ils portent aussi une espèce de scopulaire mais ce n’est que pendant sept jours ainsi que la caculle. On les enterre avec ces ornements.

Il y a des endroits dans la Grèce où les caloyers sont distingué en anachorètes et ascétiques ou hermites. Les anachorètes vivent trois ou quatre ensemble dans une maison dépendante du couvent duquel ils la louent à vie. Ils ont leurs chapelles et s’appliquent après leurs prières à cultiver des légumes, la vigne, des oliviers, des figuiers et d’autres arbres qui leur fournissent des fruits pour leur année. Ils ne diffèrent des conventuels que parce qu’ils communiquent moins avec le monde et sont en petit nombre dans leur retraite.

Les instructions diplomatiques donnés aux consuls étaient nettes : Enjoignons aux consuls et vice-consuls de la nation française établis dans les ports et échelles du Levant de favoriser de tout leur pouvoir le Patriarche et tous les chrétiens maronites du Mont Liban.

24 07 1702 

Les protestants avec à leur tête Abraham Mazel et Gédéon Laporte, parviennent à capturer l’abbé François de Langlade du Chayla, qui a fui sa maison en feu de leurs fait. Il révoque l’Édit de Nantes avec un zèle intempestif au Pont de Montvert, dans les Cévennes où il cumule les fonctions de prédicateur, policier, juge et geôlier. Ils l’assassinent en libérant en même temps quatre jeunes qui étaient enfermés dans sa maison, pour avoir voulu se réfugier en Suisse : c’est le début de la guerre des Camisards (en occitan camisa, c’est la chemise) : nombre de protestants qui n’ont pas voulu, ou pas pu fuir à l’étranger, ont trouvé là refuge, sur un terrain qui se prête très mal au déploiement des troupes royales et très bien aux embuscades. Gédéon Laporte, 46 ans, sera tué en octobre 1702, Abraham Mazel en 1710. Ils ne seront soutenus par les nobles protestants qu’avec réticence : les communes doivent déjà financer le quotidien des dragons du roi.

Pont de Montvert […] est une localité fameuse dans l’histoire des camisards. C’est ici que commença la guerre ; ici que ces convenantaires du Midi égorgèrent leur archevêque Sharp. La persécution, d’une part, le fébrile enthousiasme d’autre part, sont presque aussi difficiles à comprendre en nos tranquilles temps modernes et selon nos croyances et nos incrédulités modernes. En outre, les protestants étaient individuellement et collectivement des esprits sincères, dans le zèle ou la douleur. Tous étaient prophètes et prophétesses. Des enfants à la mamelle auraient exhorté leurs parents aux bonnes œuvres. Un gosse de quinze mois à Quissac parla à haute et intelligible voix, des bras maternels, secoués de frissons et de sanglots. Le maréchal Villars avait vu une ville où toutes les femmes semblaient possédées du diable, avaient des crises d’épilepsie et rendaient des oracles en public dans les rues. Une prophétesse du Vivarais avait été pendue à Montpellier, parce que du sang lui coulait des yeux et du nez et qu’elle déclara qu’elle versait des larmes de sang sur les malheurs des protestants. Et il n’y avait pas que des femmes et des enfants. De dangereux sectateurs de Stalwart, accoutumés à brandir la faucille et à manier la cognée, étaient de même agités de bizarres accès et prophétisaient au milieu des soupirs et de ruisseaux de larmes. Une persécution d’une violence inouïe avait duré près d’une vingtaine d’années et c’était là le résultat de son action sur les martyrs : pendaison, bucher, écartèlement sur la roue avaient été inutiles. Les dragons avaient laissé les empreintes des sabots de leurs chevaux sur toute la contrée ; il y avait des hommes ramant aux galères et des femmes internées dans les prisons ecclésiastiques, et pas une pensée n’était changée au cœur d’un protestant révolté.

Or, le chef et le principal acteur de la persécution – après Lamoignon de Baville – était François de Langlade du Chayla, archiprêtre des Cévennes et inspecteur des missions dans la même région. Il possédait une maison, où il habitait parfois, à Pont-de-Montvert. C’était un personnage consciencieux qui semble avoir été prédestiné par la nature à devenir un forban. Il avait maintenant cinquante-cinq ans, âge auquel un homme connaît toutes les modérations dont il est capable. Missionnaire dans sa jeunesse, il avait souffert le martyre en Chine, y avait été laissé pour mort, secouru et ramené seulement à la vie par la charité d’un paria. Il est permis de supposer ce paria doté de seconde vue et n’ayant pas agi de la sorte par malice de propos délibéré. Une telle expérience, pourrait-on croire, aurait pu guérir un individu de l’envie de persécuter autrui. Mais l’esprit humain est de nature singulièrement complexe. Après avoir été un martyr chrétien, du Chayla devint un persécuteur chrétien. L’Œuvre de la propagation de la foi y allait rondement entre ses mains. Sa maison de Pont-de-Montvert lui servait de prison. Il y brûlait les mains de ses détenus avec des charbons ardents, y arrachait les poils de leur barbe, afin de les convaincre qu’ils étaient dans l’erreur. Et pourtant n’avait-il pas lui-même éprouvé et démontré l’inefficacité de ces arguments physiques chez les bouddhistes chinois ? 

Non seulement la vie était rendue intolérable en Languedoc, mais la fuite y était rigoureusement interdite. Un certain Massip, un muletier bien renseigné sur la topographie et les sentiers de la montagne, avait déjà mené plusieurs convois de fugitifs en sécurité à Genève. Lors d’un nouvel exode, composé principalement de femmes déguisées en hommes, du Chayla, dans une heure pour lui néfaste, appréhenda le conducteur. Le dimanche suivant, il y eut conventicule de protestants dans les forêts d’Altifage sur le mont Boudès. Là se rendit incognito un certain Séguier, Esprit Séguier comme l’appelaient ses compagnons – un foulon géant, au visage émacié, édenté, mais rempli du souffle prophétique. Il déclara au nom de Dieu que le temps de la soumission était révolu, qu’on devait courir aux armes pour la délivrance des frères brimés et l’anéantissement des prêtres.

La nuit suivante, 24 juillet 1702, une rumeur inquiéta l’inspecteur des missions, alors qu’il se reposait dans sa demeure de Pont-de-Montvert : les voix d’une foule d’individus qui, chantant des psalmodies à travers la ville, se rapprochaient de plus en plus. Il était dix heures du soir. Du Chayla avait sa petite cour autour de lui : prêtres, soldats et domestiques, au nombre de douze ou quinze. Or, maintenant, comme il redoutait l’insolence d’une manifestation jusque sous ses fenêtres, il dépêcha ses hommes d’armes avec ordre de lui rendre compte de ce qui se passait. Mais les chanteurs de psaumes étaient déjà à la porte : cinquante costauds, conduits par Séguier l’inspiré, et respirant le carnage. À leur sommations, l’archiprêtre répondit en bon vieux persécuteur : il ordonna à la garnison de faire feu sur la populace. Un camisard (car, selon certains, c’est de cette tenue nocturne qu’ils ont tiré leur nom) tomba sous la décharge de la mousqueterie. Ses camarades se ruèrent contre la porte, armés de haches et de poutres, parcoururent le rez-de-chaussée de la maison, libérèrent les prisonniers et trouvant l’un d’eux dans la vigne, une sorte de fille de Scavenger de l’époque et de l’endroit, redoublèrent de fureur contre du Chayla et par des assauts répétés tentèrent d’emporter l’étage. Lui, de son côté, avait donné l’absolution à ses partisans et ils avaient courageusement défendu l’escalier.

Enfants de Dieu, arrêtez, s’écria le prophète. Brûlons la maison avec le prêtre et les acolytes de Baal !

L’incendie se propagea rapidement. par une lucarne du grenier, du Chayla et ses hommes, au moyen de draps de lit noués bout à bout, descendirent dans le jardin. Quelques uns s’échappèrent en traversant la rivière à la nage, sous les balles des insurgés. mais l’archiprêtre tomba, se cassa une jambe et ne put que ramper jusqu’à une haie. Quelles furent ses réflexions à l’approche de ce second martyre ? Pauvre homme courageux, affolé, haineux qui, selon son point de vue, avait fait courageusement son devoir dans les Cévennes et en Chine ! Du moins trouva-t-il quelques paroles pour sa défense. Car lorsque la toiture de son habitation s’écroula à l’intérieur et que l’incendie ravivant de hautes flammes découvrit sa retraite, tandis que ses adversaires furieux accouraient l’en tirer pour le mener sur la place de la ville et l’appelaient damné, il répliqua : Si je suis damné, pourquoi vous damneriez-vous aussi à votre tour ? 

C’était là du moins un excellent argument. Hélas ! au cours de son inspectorat, il en avait fourni d’autres beaucoup plus violents qui plaidaient contre lui dans un sens opposé. Et ceux-là, il allait maintenant les entendre. Un à un, les camisards, Séguier en tête, s’approchèrent de lui et le frappèrent de coups de poignard. Voilà, disaient-ils, pour mon père écartelé sur la roue ! Voilà pour mon frère expédié aux galères ! Ceci pour ma mère ou ma sœur emprisonnée dans tes couvents maudits ! Chacun portait son coup et l’expliquait. Puis tous s’agenouillèrent et chantèrent des psaumes autour du cadavre jusqu’à l’aube. À l’aurore, toujours psalmodiant, ils se dirigèrent vers Frugères, plus haut sur le Tarn, achever leur œuvre de vengeance, laissant en ruine l’hôtellerie et sur la place publique un cadavre percé de cinquante-deux blessures.

Ce fur une sauvage équipée nocturne, avec accompagnement perpétuel de psaumes. Il semble que le chant d’un psaume garde toujours dans cette ville sur le Tarn un accent de menace. Toutefois, l’aventure ne s’achève point, même en ce qui concerne Pont-de -Montvert, par le départ des camisards. La carrière de Séguier fut brève et sanguinaire. Deux prêtres encore et une famille entière de Ladevèze, du père aux domestiques, tombèrent entre ses mains ou furent appréhendés par son ordre. Pourtant, il ne fut que quelques jours en liberté et maintenu en respect, tout ce temps-là, par la troupe. Capturé enfin par un célèbre soldat de fortune, le capitaine Poul, il comparut impassible devant ses juges.

  • Votre nom ? demandèrent-ils.
  • Pierre Séguier
  • Pourquoi êtes-vous appelé Esprit ?
  • Parce que l’Esprit du Seigneur habite en moi
  • Votre domicile ?
  • En dernier lieu au désert et, bientôt, au ciel.
  • N’avez-vous point remords de vox crimes ?
  • Je n’en ai commis aucun. Mon âme ressemble à un jardin plein de gloriettes et de fontaines.

À Pont-de Montvert, le 12 août, on lui trancha la main droite et il fut brulé vif. Et son âme ressemblait à un jardin ! Ainsi peut-être était aussi l’âme de du Chayla, le martyr du Christ. […] 

La maison de du Chayla est toujours debout, sous une toiture neuve, à proximité de l’un des ponts de la ville. Et les curieux peuvent visiter le jardin en terrasse dans lequel l’archiprêtre se laissa choir.

Robert Louis Stevenson. Voyage avec un âne dans les Cévennes.1879

1702    

Le Danois Arni Magnusson apprend que les habitants de l’Islande, affamés et nus sous la botte danoise, ont pillé les vénérables bibliothèques de leurs pays où étaient conservée depuis plus de 600 ans les Edda, [des poèmes] pour s’en faire des vêtements d’hiver. Sur ordre du roi Frederik IV, il se mit en quête de reprendre ce qu’il pouvait en rester : l’affaire lui prit 10 ans ; les morceaux récupérés furent précieusement conservés à Copenhague où ils vécurent encore 14 ans, après quoi ils vinrent alimenter un incendie.

12 01 1703    

Les camisards battent les troupes du comte de Broglie au Val de Barre, près de Nîmes. Dans les Hautes Cévennes, c’est Nicolas Jouany qui règne sur le Mont Lozère, avec ses 300 à 400 combattants, collaborant avec la centaine d’hommes d’Abraham Mazel et de Salomon Couderc. Dans les Basses Cévennes, autour de Ganges et Lassale, Pierre Laporte dit Rolland, est à la tête d’un contingent de plus de 300 insurgés.

20 10 1703

Emmenés par Jean Cavalier, les quelques 700 Camisards qui tiennent la plaine d’Anduze attaquent Sommières : les Cévennes sont à feu et à sang.

Dans ce labyrinthe inextricable de montagnes, une guerre de bandits, une guerre de bêtes féroces fit rage pendant deux années entre le Grand Roi avec toutes ces troupes et ses maréchaux d’une part, et quelques milliers de montagnards protestants, d’autre part. […] Ils avaient une organisation, des arsenaux, une hiérarchie militaire et religieuse. Leurs affaires faisaient le sujet de toutes les conversations de café de Londres. L’Angleterre envoyait des flottes les soutenir. Leurs meneurs prophétisaient et massacraient. Derrière des bannières et des tambours, au chant de vieux psaumes français, leurs bandes affrontaient parfois la lumière du jour, marchaient à l’assaut de cités ceintes de remparts et mettaient en fuite les généraux du roi. Et parfois, de nuit, ou masquées, elles occupaient des châteaux forts et tiraient vengeance de la trahison de leurs alliés ou exerçaient de cruelles représailles sur leur ennemis. Là était établi, il y a cent quatre vingt ans, le chevaleresque Roland, le comte et seigneur Roland, généralissime des protestants de France, sévère, taciturne, autoritaire, ex-dragon, troué de petite vérole, qu’une femme suivait par amour dans ses allées et venues vagabondes. Il y avait Cavalier, un garçon boulanger doué du génie de la guerre, nommé brigadier des camisards à seize ans, pour mourir, à cinquante-cinq, gouverneur anglais de Jersey. Il y avait encore Castanet, un chef partisan, sous sa volumineuse perruque et passionné de controverse théologique. Étranges généraux qui se retiraient à l’écart pour tenir conseil avec le Dieu des armées et refuser ou accepter le combat, posaient des sentinelles ou dormaient dans un bivouac sans gardiens, selon que l’Esprit inspirait leur cœur. Et il y avait pour les suivre, ainsi que d’autres meneurs, des ribambelles et des kyrielles de prophètes et de disciples, hardis, patients, infatigables, braves à courir dans les montagnes, charmant leur rude existence avec des psaumes, prompts au combat, prompts à la prière, écoutant pieusement les oracles d’enfants à demi fous et qui déposaient mystiquement un grain de blé parmi les balles d’étain avec lesquelles ils chargeaient leurs mousquets.

Robert Louis Stevenson. Voyage avec un âne dans les Cévennes.1880

19 11 1703   

L’homme enfermé dans un masque de fer meurt à la Bastille. Il va redevenir poussière comme tous les autres, mais son masque de fer va devenir inoxydable, constamment au hit-parade des mystères de l’Histoire de France : QUI était-ce? Longtemps après les lignes qui suivent, Voltaire dira qu’il s’agissait d’un frère aîné de Louis XIV, ce qui ne pouvait être vrai. La question est encore disputée aujourd’hui, sans représenter un intérêt majeur.

Quelques mois après la mort de Mazarin, il arriva un événement qui n’a point d’exemple : et ce qui est non moins étrange, c’est que tous les historiens l’ont ignoré. On envoya dans le plus grand secret au château de l’île Sainte-Marguerite, dans la mer de Provence, un prisonnier inconnu, d’une taille au-dessus de l’ordinaire, jeune et de la figure la plus belle et la plus noble. Ce prisonnier dans la route portait un masque dont la mentonnière avait des ressorts d’acier, qui lui laissaient la liberté de manger avec le masque sur son visage. On avait ordre de le tuer s’il se découvrait. Il resta dans l’île jusqu’à ce qu’un officier de confiance, nommé Saint-Mars, gouverneur de Pignerol, ayant été fait gouverneur de la Bastille, l’an 1690, l’alla prendre à l’île Sainte-Marguerite et le conduisit à la Bastille, toujours masqué. Le marquis de Louvois alla le voir dans cette île avant la translation. Cet inconnu fut mené à la Bastille, où il fut logé aussi bien qu’on peut l’être dans ce château. On ne lui refusait rien de ce qu’il demandait. Son plus grand coût était pour le linge d’une finesse extraordinaire et pour les dentelles. Il jouait de la guitare. On lui faisait la plus grande chère et le gouverneur s’asseyait rarement devant lui…

Voltaire

fin 1703

Les troupes emmenées par le maréchal Julien mettent le feu aux Hautes Cévennes – (l’actuelle Lozère) -: 446 villages et hameaux sont détruits ou brûlés. Une Saint Barthélémy des maisons, écrira Michelet, Un Oradour à l’échelle du Roi Soleil pour Jean-Pierre Chabrol, Le Grand Brûlement pour les contemporains du massacre.

1703   

Les troupes de Louis XIV occupent à nouveau la Savoie, et ce, jusqu’en 1713. Les habitants se plaignent au roi de voir leurs terres constamment traversées soit par des brigands affamés soit par des soldats.

Le tzar Pierre Le Grand s’empare de la place forte suédoise de Nienschantz, à l’embouchure de la Néva : il y fonde les bases d’un port fortifié qu’il va nommer Peterburg, prenant le plus grand soin de ses chantiers navals : la ville va devenir la nouvelle capitale de la Russie : Saint Petersburg, dont les plans sont confiés à l’architecte français Jean Baptiste Alexandre Leblond, avec mission d’en faire un port opulent comme Amsterdam, et splendide comme Versailles : 40 000 paysans vont être mobilisés pendant pratiquement dix ans pour endiguer le fleuve par de gigantesques terrassements : on y meurt facilement des fièvres des marais quand ce n’est des coups de knout des gardes : on parle de 150 000 morts !  La construction du Palais d’Été est confiée à l’Italien Domenico Trezzini et les principales sculptures sont exécutées par le florentin Bartolomeo Carlo, comte Rastrelli. Les 350 plus grands propriétaires nobles et les 300 commerçants les plus riches du pays vont être obligés de s’y faire bâtir une maison.

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Palais IOUSSOUPOV : c’est un Ioussoupov – Félix – qui montera l’opération de l’assassinat de Raspoutine en 1917

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Cathédrale Saint Sauveur sur le Sang Versé ou Cathédrale de la Résurrection du Christ

Cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé à Saint Petersbourg - Photo d'Andrey Wi

la même… en été

Pierre Le Grand mettra encore en œuvre tout un train de réformes qui témoignent de son autocratie telle la création du Saint Synode en 1721 – un collège ecclésiastique dirigé par un laïc nommé par le tzar à la place du patriarcat de Moscou -, et encore la réforme de la succession patrimoniale, celle du calendrier, et la plus impopulaire de toutes, l’impôt sur la barbe !

En Russie, Alexis Michaliowitz réforma les mœurs de la nation, abaissa l’orgueil du patriarche de Moscou, dispersa les bandes d’anarchistes qui, sous la conduite d’un nommé Razzin, désoloient les provinces voisines du Volga, et fît écarteler en 1650 leur chef. Cet habile souverain, protecteur des arts et des sciences, créateur de la marine russe, respecté de ses sujets et des puissances du nord, après avoir établi des relations commerciales entre la Russie et la Chine, laissa, par sa mort en 1676, le sceptre à son fils Fédor III, âgé de dix-neuf ans. Des victoires, sur les Turcs, accrurent les possessions de l’empire ; le jeune czar, attentif au bien de ses sujets, ne consulta que le mérite pour accorder les emplois de l’État, et tenta les plus grands efforts pour les tirer de l’ignorance profonde dans laquelle ils étoient engourdis, mais avec des moyens bien dignes d’une nation sauvage, moyens de rigueur et de tyrannie, plus propres à dégoûter les Russes de l’étude des lettres, qu’à la leur faire chérir. Fédor mourut à l’âge de vingt-huit ans, en 1682, et la nation plaça sur le trône son frère Pierre, au préjudice d’Ivan V, qui étoit l’aîné. Les Strélitz, mécontens et stimulés par Sophie, sœur du czar, proclament les deux princes souverains en même temps, massacrent les ennemis d’Ivan, déclarent cette princesse régente, l’investissent de l’autorité suprême, et cette milice exerce une tyrannie cruelle, que l’impératrice n’osa d’abord réprimer. Sophie s’armant enfin de fermeté, en imposa à ces soldats rebelles et punit leur chef du dernier supplice : deux campagnes glorieuses contre les Turcs, sembloient avoir affermi son pouvoir ; aidée des conseils du sage Galilzin, elle fit prendre à la Russie un aspect nouveau : ce ministre médita la grande idée de réformer entièrement les Moscovites, et de les mettre au niveau des autres nations européennes. Pierre, impatient de régner, ne pouvant supporter le joug de Sophie, l’éloigna du gouvernement en 1689, la fit renfermer dans un monastère, puis obligea son frère Ivan de descendre du trône, et de vivre dans une retraite obscure : dès-lors, maître absolu de ses sujets, le czar donna un libre essor à ses talens ainsi qu’à son génie. C’est à cette époque que commence, à proprement parler, l’histoire de Russie ; un seul homme changea tout à coup les destinées de cet empire : jusqu’alors de farouches souverains, de turbulens boyards , un peuple superstitieux, une milice indisciplinée avoient rendu la Russie inaccessible aux étrangers. […]

Le hasard, qui d’ordinaire préside aux destinées des empires, servit merveilleusement le czar Pierre : sans le voyage du Genevois Lefort, vraisemblablement l‘honneur de civiliser les Russes eût échappé au fils de Michaliovitz, et le voile de la barbarie seroit encore étendu sur la vaste contrée qu’ils habitent. Pierre descendit volontairement du trône, pour aller travailler en Hollande : cet ouvrier extraordinaire, de sa baraque de Sardam, expédioit les affaires politiques les plus importantes, régloit la conduite de ses généraux, de ses ministres, en même temps qu’il manioit le compas, et qu’il apprenoit la coupe des vaisseaux.

De retour en Russie, il cassa la milice des Slrélitz qui s’étoient révoltés, et que ses généraux, durant l’absence du czar, avoient vaincus, en 1698 ; lui-même assista au supplice de ces soldats ; lui-même en décapita un grand nombre, et força les principaux seigneurs de la cour à l’imiter : durant cinq mois entiers, les têtes de plus de neuf cents de ces victimes restèrent placées à côté de leurs cadavres. Il outragea, dans la personne de sa sœur Sophie, un sexe que les hommes les plus féroces ont coutume de ménager, et fit pendre, sous la fenêtre de cette infortunée princesse, deux Strélitz qui tenoient à la main des lettres qu’on la soupçonnoit de leur avoir écrites : mauvais mari, il fit fouetter, et ensuite renfermer dans un monastère, son épouse Eudoxie.

Le même siècle vit naître deux chefs-d’œuvre de l’art : Louis XIV avoit joint la Méditerranée à l’Océan, le czar Pierre joignit, par un canal qui lie la Msta au Téver, la mer Caspienue à la mer Baltique ; ouvrage moins étonnant, comme nous l’avons dit, que le canal du Languedoc, puisqu’en Russie la nature avoit fait les frais de l’entreprise, et qu’une très-petite distance séparoit les deux rivières.

Vaincu par les Suédois, abandonné de son allié le roi Auguste, il se roidit contre la fortune, surtout, lorsqu’après avoir demandé la paix à Charles XII en 1707, il reçut pour réponse, que le roi de Suède iroit traiter de la paix à Moscou. En apprenant cette insulte : Mon frère Charles, dit le czar, veut faire Alexandre, mais il ne trouvera pas en moi un Darius. La victoire de Pultawa couronna enfin les efforts surnaturels de Pierre, et les Russes aguerris, ne craignirent plus de combattre de pied ferme contre leurs ennemis. Je vois bien, dit Charles XII, en voyant la bonne contenance de leur armée, que nous avons appris aux Russes l’art de la guerre. Le czar, vainqueur, triompha dans Moscou, avec tout le faste et tout l’orgueil des anciens Romains : on connoît les opérations malheureuses de la campagne de Pruth en 1712 contre les Turcs, l’ingénieux stratagème de Catherine qui sauva l’armée russe, et le mariage de Pierre avec cette femme célèbre, que la fortune se plut à tirer de la plus basse extraction pour l’élever au faîte des grandeurs.

Une marine formidable, créée par le génie du czar, sortit des chantiers de la Baltique ; la flotte russe battit la flotte suédoise.

Pierre se ressemble peu à lui-même, c’est à la fois un objet d’admiration et d’horreur ; une action louable est immédiatement suivie d’une action criminelle : quelle différence entre ce Pierre qui égorge les Strélitz dans une partie de débauche, qui casse la tête à quatre-vingt-quatre chefs des rebelles d’Azow, et ce Pierre qui, l’épée à la main, plein d’une généreuse indignation, protège les habitans de Narva, et, monté à l’hôtel de ville, dit en leur montrant cette épée : Elle n’est pas teinte du sang des habitans, mais de celui de mes soldats, que j’ai versé pour votre défense. Tout est surprenant dans la vie du czar, ses défaites, ses victoires, ses mariages, ses goûts, ses vices, ainsi que toute sa conduite ; ce qui l’entoura n’excite pas moins notre surprise : son bras droit, dans les combats, Mentzicoff, Pierre le trouve dans la boutique d’un pâtissier ; une pauvre orpheline livonienne, Catherine, partage son lit et son trône ; la fortune se plut à justifier ce double choix.

Il faut en convenir, l’homme dans Pierre, ne présente qu’un objet horrible ; mais son génie admirable fit prendre à la Russie une face nouvelle ; des usages barbares furent abolis, des loix sages promulguées, et l’État se vit des ressources qu’on n’auroit pu espérer : des ports furent creusés ; une cité florissante sortit, par une espèce d’enchantement, du fond d’un marais ; des prodiges de tous les genres éclatèrent sur tous les points de l’empire ; et Pierre lui-même, le plus grand prodige que l’on puisse citer, toujours actif, toujours infatigable, obéit, commande, combat, conclut des alliances, police une nation sauvage, détruit des préjugés grossiers, sans que le génie de ce souverain soit embarrassé de cette diversité de rôles.

Si le czar Pierre étonna l’Europe par ces changemens, il ne l’épouvanta pas moins par de sacrilèges vengeances, au commencement, au milieu, ainsi qu’à la fin de son règne.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

14 03 1704

Avec 400 hommes, Cavalier tend une embuscade aux troupes royales au Devois-de-Martignargues, près de Vézénobres.

600 fantassins et 50 cavaliers des régiments de la marine, les meilleurs du Languedoc, traquent dans les collines bordant le Gardon, à une dizaine de kilomètres au sud d’Alès, 400 camisards et leur jeune chef, Jean Cavalier, qui décide de leur tendre une embuscade. Le terrain, une ravine près du hameau de Martignargues, est soigneusement choisi. Cavalier se tient au centre, bien visible, avec une centaine de ses hommes. Les meilleurs tireurs sont couchés, dissimulés, de chaque côté du chemin par lequel arrivent les troupes royales. Leurrées, celles-ci se précipitent, déchargent une salve de trop loin et n’ont pas le temps de recharger : entonnant un psaume, les camisards ripostent et fondent sur eux de tous côtés. La panique est immédiate. Nombre de soldats en fuite sont assommés ou tués à coups de fourche. Le butin (armes et équipements) est formidable. Arrivés des heures plus tard, les renforts royaux ne pourront qu’enterrer les 300 cadavres jonchant le sol. Ce désastre décide le roi Louis XIV à envoyer le maréchal de Villars [pour remplacer le général de Montrevel. ndlr] pour terminer à tout prix cette incroyable guerre. Ce désastre poussera Louis XIV à envoyer le Maréchal de Villars pour mettre fin à cette révolte.

Encyclopédie Universalis Jeune

16 04 1704

Le maréchal de Villars prend sa revanche sur Cavalier à Nages, près de Nîmes ; quelques jours plus tard, il s’empare de son repaire dans les grottes d’Euzet : Cavalier sait qu’il ne pourra plus se ravitailler auprès des populations, exsangues, et le lendemain, signe une reddition pratiquement sans conditions – il est bien meilleur soldat que diplomate – qui autorise les protestants à s’expatrier, surtout en Suisse, Angleterre et Pays-Bas. Colère de ses lieutenants et même de ses hommes puisque ce sont seulement 100 hommes de Cavalier qui intégreront l’armée du roi ; craignant ensuite pour ses jours, il se mettra au service du duc de Savoie, puis du roi d’Angleterre.

Pendant la négociation de Cavalier, Rolland et sa troupe tendent une embuscade victorieuse au Plan-de-Fontmort dans les Hautes-Cévennes. Apprenant la reddition de Cavalier, il hésite à suivre son exemple. Suite à une promesse d’aide des puissances alliées contre Louis XIV dans la guerre de succession d’Espagne, Rolland décide de poursuivre le combat. Mais il sera trahi – les troupes royales offraient une prime pour la capture des chefs – et tué au château de Castelnau-les-Valence près d’Uzès, le 13 août 1704.

WEEK-END HISTOIRE. Combattants décapités, villages brûlés, femmes ...

Mort de Rolland par Eugène Berthier-Lagarde

13 09 1704

Le lieutenant de Cavalier, Laurent Ravanel, est battu à la bataille de Saint-Bénezet (au Sud d’Alès), où 100 à 200 camisards sont tués. C’est la dernière grande bataille des camisards.

Après cette défaite qui suit la mort de Rolland, les groupes camisards se disloquent et se rendent peu à peu, traqués par les troupes royales qui accentuent leur pression. Le chef camisard Élie Marion et ses amis sont les derniers à signer leur reddition en octobre. Après avoir rencontré Villars, Marion s’exile en Suisse puis à Londres. La plupart des camisards partent à l’étranger. Quelques-uns restent sur place, comme Abraham Mazel qui sera arrêté en janvier 1705 et enfermé à la Tour de Constance à Aigues-Mortes, d’où il s’évadera en juillet et partira en Suisse.

1704 

L’Écossais Alexander Selkirk, s’est fait corsaire en embarquant sur la corvette Cinque Ports pour attaquer les colonies espagnoles d’Amérique ; les querelles incessantes – il refusait de franchir le cap Horn sur un navire qu’il jugeait en piètre état –  avec le capitaine Thomas Stradling se terminent par un débarquement sur l’une des îles de l’archipel Juan Fernandez ou Mas-a-Tierra, dans le Pacifique, 667 km. à l’ouest de Santiago du Chili. Une fois débarqué, quand il verra repartir le canot, il s’écrira :
Pardon, j’ai changé d’avis !
Pas moi, lui répondit le capitaine.
Peut-être que si le capitaine avait lui aussi changé d’avis, il n’aurait pas fait naufrage : mais il ne changea pas d’avis et fera naufrage un mois plus tard ; les rares survivants seront capturés par les Espagnols et Thomas Stradling passera quatre ans dans une prison de Lima.

L’île mesure vingt-deux kilomètres de long pour sept kilomètres trois cent de large. Elle est peuplée de quelques moutons et chèvres redevenues sauvages après que Juan Fernandez les y aient laissés en 1574, des oiseaux, des otaries, des chats et des rats. Alexandre Selkirk lui, est muni d’un mousquet, d’une livre de poudre, une hache, un couteau, une marmite, une bible, des vêtements et quelques instruments de navigation.

Des navires espagnols approcheront par deux fois mais le bonhomme préférera sa liberté aux mines de cuivre de Bolivie et du Pérou. Ce n’est que le 1° février 1709 que mouilleront les goélettes corsaires anglaises Duc et Duchesse, – commandant Woodes Rogers -, qui le recueilleront. Il avait commencé par vivre sur la plage – les eaux y sont très poissonneuses, et on y trouve aussi des crustacés, des mollusques et des tortues de mer –  en guettant l’horizon. Mais l’accouplement des lions de mer agressifs l’en avait chassé et il s’était replié sur l’intérieur. Bien lui en prit, il se mit à chasser la chèvre qu’il agrémenta avec des navets, des feuilles de chou sauvage ; il construira deux cabanes – une cuisine, une chambre -. Quand les munitions viendront à manquer, il chassera la chèvre à la course à pied : rien de tel pour retrouver une forme olympique.

Daniel Defoe en fera en 1719 son Robinson Crusoé, faisant passer le séjour à vingt-huit ans, et Michel Tournier de même avec son Vendredi ou les limbes du Pacifique. Tous deux ont voulu lui trouver un compagnon, Vendredi, mais en vérité ce furent bien quatre ans et quatre mois de solitude totale pour Alexandre Selkirk, qui finalement mourut de la fièvre jaune lors d’une mission de la Royal Navy… contre la piraterie.

Je suis roi de tout ce que je contemple
Mon droit ici n’est pas à discuter

William Cooper

Les Chiliens rebaptisèrent rapidement l’île du nom du héros de Defoe. L’archipel a la plus forte densité mondiale d’espèces végétales, due à son isolement ; mais ce dernier est de plus en plus battu en brèche et l’écosystème est aujourd’hui gravement menacé. Les chèvres laissées par les Espagnols dès la découverte de l’île comme les rats et les souris sont les premiers responsables, mais encore par la suite, les vaches, brebis et chevaux d’élevage, puis le lapin, introduit en 1935 par le conservateur du parc national, d’abord chasseur avant que d’être conservateur. Autres nuisances, mais végétales : le maquis, un arbre qui produit des ronces, qui envahissent tout – avec des diamètres qui peuvent aller jusqu’à 15 cm. de diamètre -. La forêt endémique se réfugie actuellement sur les hauteurs : parmi les raretés, un Lactoris fernandeziana, vieux de 100 millions d’années et qui n’a survécu que là.

Le premier journal de l’Amérique anglaise est publié à Boston, alors la ville la plus importante de la colonie d’Amérique, avec 20 000 habitants. Jean Martin Wendel achète les forges de Hayange, marquant ainsi les débuts de la sidérurgie lorraine. Les Anglais squattent Gibraltar : on leur remettra les clefs de la maison 9 ans plus tard, lors du traité d’Utrecht.

1705 

Un été caniculaire fait 500 000 morts. Jean Marius invente le parapluie pliant, qui ne trouvera du service qu’au retour de la pluie. La cuillère fait son apparition à la cour, où la fourchette avait été introduite dès 1324, en restant d’un usage très limité, puis à nouveau par Henri III en 1574, de retour de Venise. En fait, Louis XIV ne l’utilisera qu’à la fin de sa vie et ce n’est qu’alors que son  usage se généralisera. Pour le vin blanc, ce n’est ni en Bourgogne ni en Anjou que le roi fait approvisionner sa cave, mais en Tokaj-Hegyalja (francisé en Tokay), vignoble du nord-est de la Hongrie, qui donne le vin des rois et qui se dit le roi des vins. Le maréchal de Sénecterre introduit aussi à la cour le fromage de son Puy de Dôme : nul ne connait le pourquoi de sa sanctification en Saint Nectaire. Tour de passe-passe d’un ecclésiastique égayé à la fin d’un repas de fête ?

Rome s’émeut des concessions des Jésuites à la philosophie chinoise, envoie des blâmes : l’empereur K’ang-hi ferme la Chine à tout européen non muni de lettres diplomatiques ; son successeur expulsera les missionnaires et détruira les églises : le rideau tombe pour 200 ans.

Cent cinquante ans, les jésuites avaient admis que la notion confucéenne du T’ien (Ciel) pût correspondre à la conception chrétienne de Dieu, espérant se concilier les faveurs des Chinois, l’indulgence de Rome. Anxieux d’obtenir des immunités nécessaires, ils s’étaient faits linguistes, mathématiciens, astronomes, artisans, fondeurs de canons, musiciens, géomètres, géographes, médecins, peintres, architectes. Une si longue patience, tant de talents et de risques pour être expulsés, à jamais, semblait-il.

Roger Levy. La Chine et la Haute Asie. 1986

C’est un dominicain, G.B. Morales, qui, le premier, avait pris position contre les rites chinois. En 1643, il soulève le problème devant la Congrégation de la Foi. Cette évangélisation étrange ne constitue-t-elle pas une trahison par rapport au christianisme lui-même ? À l’époque, on ne l’écoute guère. Mais la question revient, en Sorbonne, quelques années plus tard. On décide l’ouverture d’un débat public. Un jésuite, le père Le Comte, défend l’expérience chinoise. Mais le nombre des adversaires augmente. Rome commence à tenir compte de leurs arguments. D’autant que les rapports expédiés par les dominicains et les franciscains installés en Chine confortent les arguments des adversaires. Ces nouveaux missionnaires ne sont pas installés à Pékin ; ils ne s’adressent pas aux milieux chinois cultivés, mais aux Chinois ordinaires. Ceux-là pratiquent une pseudo-religion confucéenne, qui constitue un ensemble de pratiques superstitieuses. Leur faire des concessions apparentes, c’est mettre le doigt dans un système de croyances vagues qui finira par gommer la foi chrétienne.

Rome est indécise. Les autorités sont tiraillées entre les résultats obtenus par les jésuites, et les arguments franchement conservateurs des opposants. Finalement, le 11 juillet 1742, Benoît XIV, par la bulle Ex quo singulari, condamne les rites chinois et exige que les missionnaires s’engagent, par serment, à ne plus tolérer les pratiques acceptées par les jésuites. Il faudra attendre la seconde moitié du XX° siècle pour que l’Église revienne sur sa décision ; c’est évidemment un peu tard : l’évangélisation commencée de la Chine s’est arrêtée d’un coup après la bulle de 1742.

La vraie question était la suivante : l’humanisme jésuite avait-il trop concédé aux us et coutumes chinois ? Y avait-il une place pour la grâce dans ce christianisme nouveau qui tentait d’absorber la sagesse confucéenne ? Pascal considérait que le pari des jésuites était insensé ; Leibniz [3] pensait exactement le contraire. L’intransigeance européenne a sans doute stoppé l’une des tentatives les plus audacieuses du christianisme moderne. Après tout, seize siècles auparavant, les pères d’Alexandrie et d’Antioche n’avaient pas hésité à se plonger dans la culture grecque pour enraciner l’Église naissante.

Georges Suffert. Tu es Pierre. Éditions de Fallois 2000

1706  

La course intéresse toujours le vieux VaubanSi j’estois moins vieux et dans un temps abondant comme celuy que j’ay veu du passé, il ne tiendroit qu’au Roy qu’on luy fist un bon port à Calais, un autre à Dieppe, un autre à Quineville sur le milieu de la rade de la Hougue, un très excellent à Saint Malo, où il y aurait un bassin capable de contenir trois ou quatre cens vaisseaux, encore un à Portrieux et deux à Brest, qui vaudroient mieux que celuy dont on se sert. Après quoy, renonceant à la vanité des grandes armées navalles, qui ne peuvent jamais nous convenir, et employant les vaisseaux du Roy partie à la Course et partie à Escadres pour la soutenir, on feroit tomber dans deux ou trois ans les Anglois et Hollandois de bien haut, à raison du grand commerce qu’ils ont dans toutes les parties du monde.

14 02 1707  

Le Conseil du Roi ordonne la confiscation et la mise au pilon d’un ouvrage anonyme qui s’intitule Projet d’une dime royale, recueil de suggestions faites à Sa Majesté pour améliorer le système fiscal du royaume. En fait l’ouvrage n’est anonyme pour que pour les sans-grade, car, à la cour, on sait bien que l’auteur n’en est autre que le vieux Vauban, devenu depuis peu maréchal. L’ouvrage circule sous le manteau, et son interdiction assurera son succès : il va être réédité 5 fois en 11 ans. Vauban ne propose ni plus ni moins au Roi que de supprimer les privilèges et d’instituer un impôt général et proportionnel sur tout ce qui porte revenu. Mais le seul fait de vouloir soumettre aristocratie et clergé à la même règle que le tiers état ne pouvait apparaître que subversif. L’idée lui en était venu à la lecture des ouvrages du Père Lecomte, missionnaire en Chine, qui notait avec étonnement que bonzes et mandarins contribuaient sans rechigner aux charges de l’État… En s’essayant à mesurer les revenus des plus petites entités économiques [4] – les ménages – Vauban jetait les bases des enquêtes statistiques, puis, plus tard, des grandes théories économiques.

C’est la partie basse du peuple qui, par son travail et son commerce et par ce qu’elle paye au roi, l’enrichit et tout son royaume.

[…] Il m’arrive que trop souvent d’appeler les choses par leur nom, je suis bonhomme, incapable de faire tort à personne, à son honneur ni à ses biens, mais un peu têtu et opiniâtre quand je crois avoir raison. […] J’aime ma Patrie à la folie, étant persuadé que tout bon citoyen doit l’aimer et faire tout pour elle, ces deux raisons qui reviennent à la même.

[…] Je ne crains ni le roi, ni vous, ni tout le genre humain ensemble […] La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même soutenir l’imagination sans horreur.

Lettre à Louvois du 15 septembre 1671

Le Livre de Vauban fit grand bruit, goûté, loué, admiré du public, blâmé et détesté des financiers, abhorré des ministres dont il alluma la couleur. […] Les magistrats des finances tempêtèrent et l’orage fut porté jusqu’à un tel excès que, si on les avait crus, le maréchal aurait été mis à la Bastille et son livre entre les mains du bourreau.

Saint Simon

En d’autres temps, le même Saint Simon s’était montré beaucoup plus sot : Vauban ? Un petit gentilhomme de campagne, tout au plus !

Colbert lui aussi, a cherché, en vain, à réformer la Taille, impôt d’un rendement discutable. Un des métiers les plus dangereux était celui d’arpenteur, tant les grands propriétaires tenaient à dissimuler l’étendue de leurs richesses foncières aux fermiers généraux.

Olivier Zeller

Il mourra dans la disgrâce quelques mois après la condamnation de son essai par deux arrêts du conseil du roi. Quoique son emploi ne l’engageât qu’à travailler à la sûreté des frontières, son amour pour le bien public lui faisait porter des vues sur les moyens d’augmenter le bonheur du dedans du royaume. Dans tous ses voyages, il avait une curiosité, dont ceux qui sont en place ne sont communément que trop exempts. Il s’informait avec soin de la valeur des terres, de ce qu’elles rapportaient, de leur nombre, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que pouvait leur valoir en un jour le travail de leurs mains, détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand Art de gouverner.

Fontenelle

1 05 1707 

L’Acte d’Union officialise l’union de l’Écosse et de l’Angleterre qui deviennent la Grande Bretagne [5]. Un siècle plus tôt, le roi d’ Écosse était devenu Jacques VI  en montant sur le trône d’Angleterre. Un même monarque pour deux royaumes : cela ne peut que favoriser les rapprochements et le premier motif tenait à la guerre de succession d’Espagne où la France conservait des appuis en Écosse, qu’il était essentiel de neutraliser. Ensuite il suffira de convaincre les lords du parlement écossais de se rallier à cette Union, moyennant la concession du maintien de quelques avantages, et d’une certaine autonomie.

29 07 1707   

Toulon résiste héroïquement à l’armée du duc de Savoie Victor Amédée et du prince Eugène, pendant qu’une flotte anglo-hollandaise bloque le port. Le siège sera levé le 21 août.

1707  

Dans L’art de sucer les plaies sans se servir de la bouche d’un homme, le chirurgien Dominique Anel expose son invention de la seringue.

Pour la dernière fois, – jusqu’à ce jour –  le volcan Fuji Yama entre en éruption. Il le fait à peu près en même temps que le Vésuve, le Santorin dans les îles grecques et le piton de la Fournaise sur l’île de la Réunion : tout cela fait beaucoup de poussières, stationnant longtemps dans l’atmosphère au point de pouvoir diminuer considérablement l’impact du rayonnement solaire et ainsi être au moins en partie responsable de l’hiver le plus froid de mémoire d’homme, qui surviendra en 1709.

8 06 1708

La guerre de succession d’Espagne voit s’affronter l’Espagne contre l’Angleterre. Des navires de guerre britanniques stationnent dans les Caraïbes. Au large de la Colombie, au crépuscule, les Britanniques font feu sur la flotte espagnole ; le San José explose et coule, emportant avec lui plus de 200 tonnes d’argent, d’or et de pierres précieuses brutes, d’une valeur actuelle de quelques milliards à 18 milliards €, de quoi faire surgir de nulle part de nombreuses personnes physiques ou morales se disant les propriétaires : une société de sauvetage basée aux États-Unis, qui prétend avoir trouvé l’épave en 1982, à 17 km au large de Carthagène ; la Colombie, qui dit avoir trouvé l’épave à un endroit différent en 2015 ; l’Espagne, qui soutient être toujours propriétaire du navire,  et même des Boliviens, affirmant que leurs ancêtres avaient été contraints d’extraire des mines une grande partie de l’argent. De toutes façons quelle que soit la valeur du trésor, la loi colombienne dispose que les artefacts ne peuvent être vendus.

Le trésor du San José a été estimé sur la base de celui du San Joaquin, un navire jumeau. En 1991, l’historienne Carla Rahn Phillips écrit que le San José et le San Joaquin faisaient partie de la même flotte. Les navires, en partance de Portobelo au Panama, avaient pour mission de ramener à la Couronne d’Espagne les impôts et bénéfices qui lui étaient dûs. Les deux galions, équipés de plus de 60 canons chacun, figuraient parmi les navires de guerre les plus puissants de la flotte espagnole. Le San Joaquin, lui, est sorti indemne de la bataille, a poursuivi sa route, arrivant finalement à bon port en Espagne, et c’est grâce aux documents de ce navire que les historiens ont pu se faire une idée de la valeur du chargement qui a sombré avec le San José.

12 1708

Quinze ans après la famine de 1694, il recommence à faire très froid dans tout le royaume de France : c’est le grand hyver. Les arbres fruitiers gèlent et meurent en Provence, oliviers et châtaigniers périssent en Cévennes [6], le nord de l’Adriatique gèle, idem pour la Méditerranée dans les ports de Marseille et de Gênes le 11 janvier, le Rhône charrie des glaçons, la Seine est gelée, la banquise s’installe en mer du nord. Le malheur du vignoble du Bordelais, gelé, fera le bonheur de ceux du Languedoc, du Dauphiné et de la Provence, qui se développeront considérablement dans les année suivantes. L’alternance de grand froid et de dégel fait fondre la neige et quand arrive à nouveau le froid, il sévit souvent sur des sols nus : la fonction d’isolant qu’a la neige ne s’exerce plus pour garder en vie les semence : même encore en terre, les blés gèlent aussi.

Le soir du 6 janvier, il commença à faire froid, et ce froid fut si extraordinaire et si violent pendant cinq à six jours qu’on disait n’en avoir jamais vu un semblable. […] La cherté du blé commença au mois de janvier 1709 et alla toujours en augmentant de prix jusqu’au mois de juin […] Jamais on n’a vu autant de pauvres misérables, tant de larrons ni de fripons. La pauvreté […] inspirait à beaucoup de personnes à voler ou à dérober. […] On volait de nuit et de jour bœufs, vaches, moutons et meubles. On ne laissait rien dans les jardins. […] La famine a été si grande qu’on ne peut concevoir la quantité de personnes mortes de faim dans les chemins en allant simplement demander l’aumône. Il y en eut beaucoup de dévorés par les chiens et les loups ; enfin il est mort pour le moins la moitié des habitants de cette paroisse. Il est resté très peu d’enfants.

Le curé de Vougy, un village de la Loire

Cette gelée fut si forte que les chênes de cinquante ans fendaient par le milieu du tronc en deux ou trois… les volailles tombaient mortes dans leurs poulaillers, les bêtes dans leur tanières et les hommes avaient bien de la peine à se réchauffer, surtout la nuit…  Pour dire une messe basse, il fallait deux réchauds, un proche du calice, et l’autre des burettes ; de l’eau bien chaude pour faire l’eau bénite…

Le curé du village d’Ezy, près de Dreux

On a enregistré du – 25° en Beauce. La température ne monta pas au-dessus de – 20° en janvier et février, faisant dans le seul Paris 20 000 morts.

L’hiver avait été terrible… la violence fut telle que l’eau de la reine de Hongrie, les élixirs les plus forts, et les liqueurs les plus spiritueuses, cassèrent leurs bouteilles dans les armoires des chambres à feu, dans les appartements du château de Versailles, et soupant chez le duc de Villeroy, les glaçons tombaient dans nos verres.

Saint Simon

L’eau de la Reine de Hongrie ne devait son nom qu’à des considérations très marketing, plus de l’ordre de la légende que de l’histoire, s’appuyant sur le succès rencontré par L’eau de la Reine, lors du mariage de Catherine de Médicis avec Henri II. En fait L’eau de la Reine de Hongrie n’était que le nouveau nom de l’eau de Montpellier, créée par Arnaud de Villeneuve, à base de romarin. L’homme, né autour de 1240, enseignant, ambassadeur, médecin de papes et de rois, alchimiste et grand voyageur, parlant catalan, occitan et arabe réinventât le parfum en commençant par créer un vin de romarin ou alcoolat de romarin.

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Composition de ladite recette : de l’eau-de-vie distillée quatre fois, la quantité de trente onces (28.3 grammes) et vingt onces d’essence de fleur de romarin que l’on mettra tout ensemble dans un vase bouché l’espace de cinquante heures. Et puis mettez le tout dans l’alambic pour faire distiller au bain Marie.

[…]  L’on en prend une fois la semaine le poids d’une dragme (3.8 grammes) dans le boire ou le manger. Il s’en faut laver la face tous les matins, et cela emportera le mal des membres infirmes. Ce remède renouvelle les forces, nettoye les moêlles, fortifie les esprits vifs en leur naturelle opération, restitué la Veuë et la conserve

Les Nouveaux secrets rares et curieux, données charitablement au public par une personne de condition, 1660

Et l’Eau de la Reine de Hongrie devint fort appréciée à la cour du Roi Soleil : Louis XIV en fit usage : en décembre 1675, une douleur fort aigüe à la cuisse gauche, à trois doigts du genou, qui le pressait considérablement même assis et couché, fût apaisée à force de frictions avec l’esprit-de-sel, l’huile de jasmin et l’Eau de la Reine de Hongrie.

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Appliqué sur la nuque, aux tempes et aux poignets, il répare les esprits dissipés, débouche les nerfs obstrués, augmente la mémoire, donne du jugement, de la force et de la gaîté, tonifie les sens. Sa seule odeur soulage la migraine et les vapeurs. Mis dans les oreilles avec un peu de coton, il dissipe la pilule et les bourdonnements d’oreille. Appliqué sur le ventre, il apaise presque toutes les douleurs abdominales. Appliqué sur les paupières, il fortifie la vue. Appliqué sur tout le corps, il soigne merveilleusement l’apoplexie, la paralysie, la goutte, les rhumatismes.

Blegny, médecin du frère de Louis XIV.

Les ateliers de charité, ancêtres des nationaux, puis de la cohorte des TUC, CES, emplois jeunes, sont mis en sommeil pour un temps, après que la troupe ait tiré sur quelques dizaines de chômeurs, venus à 6 000 pour y travailler quand rien n’avait été prévu à cet effet.

La rareté du blé incita à avoir recours au pain de glands de chêne et, dixit Parmentier, quoique d’un goût détestable, la consommation ne laissa pas d’être considérable… Après avoir fait bouillir les glands pour les éplucher, on les mettait sécher, et réduits en farine, on en faisait des galettes.

Les moins pauvres mêlaient cette farine de glands dans la proportion d’un quart à celle de blé ou de seigle. À la veille de la Révolution, bien des paysans français n’avaient pas d’autre ressource quand le pain manquait.

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Jamais de mémoire d’homme on n’a connu un hiver aussi terrible. Survenant subitement à la veille des Rois, le froid a gelé en quatre jours toutes les rivières du royaume, jusqu’à l’embouchure. Fait encore plus incroyable, la mer est prise dans les glaces le long des côtes. Mais ce qui a transformé cette rude gelée en catastrophe nationale fut ce radoucissement de huit jours, suivi d’une seconde gelée de trois semaines aussi forte que la première. Le coup de froid, a, cette fois, tout brûlé sur son passager. Par tout le royaume il ne reste plus ni arbres fruitiers, ni oliviers, ni vignes. La récolte de blé pour cette année s’annonce nulle et les paysans ont replanté à la hâte des orges dans les champs où il y avait du blé, pour survivre.

À cette misère venue du ciel s’ajoute pour le peuple la misère créée par les hommes : spéculation, renchérissement du pain alors que le pays a dans ses greniers deux années entières de blé pour le nourrir tout entier indépendamment d’aucune moisson.

Ainsi ce coup du sort, assez fort pour ébranler un pays prospère, survient-il alors que le peuple vit dans une situation misérable, et il est à craindre que ne se renouvellent les scènes des grandes famines des années 1693, 1695, 1698, où l’on a pu voir les enfants de quatre à cinq ans se nourrir dans les prairies comme des moutons, les hommes manger l’écorce des arbres, la plupart des laboureurs mourir comme des mouches de pauvreté, et que la dixième partie du peuple en était réduite à vivre dans la mendicité.

Bossuet

À la fin de la décennie, on enregistrera un déficit démographique de 0.8 M. personnes, soit 0.630 M. morts en plus et 0.2 M. naissances en moins. 0.6 M., cela correspondrait à 1.8 M. décès dans la France d’aujourd’hui, une catastrophe comparable à celle du premier conflit mondial.

Emmanuel Le Roy Ladurie. L’Histoire. Février 2009

27 06 1709

Charles XII de Suède n’a connu pendant 6 ans que la victoire, mais le succès laisse place à la défaite et les 42 000 Russes de Pierre I° mettent en déroute ses régiments à Poltava. Blessé, il doit fuir en territoire ottoman, à Bender, au nord-ouest d’Odessa, d’où il administre tant bien que mal son lointain royaume. Cinq ans plus tard, il parviendra à regagner la Suède, d’où il envahira la Norvège, malgré l’épuisement de son pays. Il mourra en décembre 1718 au siège de Fredrikshald.

Le jeune prince n’avoit que des inclinations guerrières, et ne sembla régner que pour les satisfaire ; il communiqua facilement son ardeur et son enthousiasme pour la gloire, à des sujets encore éblouis de l’éclat des exploits de Gustave-Adolphe : renonçant tout à coup aux jouissances les plus agréables de la vie, il ne parut occupé que du soin de s’illustrer par la voie des armes, et de renverser l’empire des Russes. Charles XII , l’Alexandre un peu travesti des siècles modernes, débuta dans la carrière des armes avec des succès inouis ; ses conquêtes furent rapides, sa valeur étonnante, son activité incroyable. Faire trembler le Danemarck, désarmer ce pays, battre les Russes à Narva en 1701, détrôner Auguste, soumettre la Livonie et la Pologne, tous ces succès il les obtint en moins de trois campagnes. Les armées russes n’osoient plus tenir devant celle de ce conquérant ; mais un grand homme, le czar Pierre, réparoit, à force de génie, des revers si multipliés : ces Russes si barbares, si ignorans, s’aguerrissoient au milieu de leurs défaites mêmes, et prenoient de leurs ennemis des leçons de discipline, ainsi que de tactique militaire.

Le roi de Suède, résolu de détrôner le czar, pénétra dans la Russie, et plus opiniâtre que ferme, continua la campagne durant ce fameux hiver de 1709, qui devint si fatal à la France. Charles XII, entièrement défait à la journée de Pultawa, le vingt sept juin de cette même année, perdit tout le fruit de ses victoires, et s’enfuit à Bender, sur le territoire de l’empire ottoman où, durant quatre années, il se conduisit plutôt comme un héros de roman, que comme un souverain sage et prudent dans l’adversité. Son absence occasionna de nouveaux revers à la Suède ; les Russes s’emparèrent d’une partie de la Finlande et de la Livonie, tandis que sur mer, le roi de Danemarck attaquoit les vaisseaux suédois. Charles XII, dans sa retraite, conçut un moment l’espoir, en armant les Turcs contre son rival, de le faire succomber ; mais les Ottomans se laissèrent gagner par le czar qu’ils auroient pu forcer de se rendre prisonnier sur les bords du Prulh. Les Russes accablèrent la Suède, détruisirent sur mer une flotte suédoise, près des îles Aland, et semèrent l’épouvante dans tout le royaume : l’arrivée de Charles XII, sur la fin de 1714 à Stralsund, en Poméranie, ranima un peu le courage de ses malheureux sujets.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

19 07 1709 

Abraham Mazel, échappé de la Tour de Constance d’Aigues Mortes 4 ans plus tôt soulève les protestants du Vivarais : ils seront écrasés à Fontréal.

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[1] selon la légende, les Mégevans se seraient essayé à leur faire croire à la présence d’une importante troupe, ce qui était faux mais les aurait amené à contourner le bourg, en passant par le val Montjoie.

[2] On peut trouver d’autres interprétations dans http://www.arobase.org/  Dans ses Petites histoires de mots, publié chez Flammarion en 2003, Géraldine Faes soutient que le signe était utilisé au Moyen Age par les moines pour renvoyer d’un chapitre à l’autre.

[3] Leibniz qui, de 1672 à 1676, séjourna en France où il s’adonna à des activités d’espionnage tous azimuts pour le compte de l’évêque de Mayence, allant jusqu’à adresser un mémoire à Louis XIV : Mémoire sur la conquête de l’Égypte, pour détourner son attention de l’Europe…. Mais le roi ne le lut jamais. Il serait important de pêcher d’ici le fin et le délicat de leurs secrets, ce qu’on peut faire quelquefois avec adresse mêlée de quelque petite libéralité, confie-t-il à ses protecteurs, au sujet des soieries et manufactures.

[4] Par exemple, avec un mémoire intitulé très sérieusement Cochonnerie, ou calcul estimatif pour connaître jusqu’où peut aller la production d’une truie pendant dix années de temps.

[5] Angleterre, Royaume Uni, Grande Bretagne, Îles Britanniques… il y a de quoi y perdre son latin :

  • La Grande Bretagne est l’ensemble formé par l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse.
  • Les Îles Britanniques sont l’ensemble Grande Bretagne et République d’Irlande (du sud, capitale : Dublin)
  • Le Royaume Uni est l’ensemble Îles Britanniques et Irlande du nord.

[6] Les Cévenols sauront retourner la catastrophe à leur avantage, puisqu’il remplaceront le pain d’arbre – le châtaigner, introduit quelque 700 ans plus tôt à l’initiative des bénédictins -, par l’arbre d’or : le mûrier, dont les feuilles nourrissent si bien le ver à soie : l’industrie de la soie naît ainsi dans les Cévennes ; elle connaîtra son apogée en 1812.