Publié par (l.peltier) le 11 septembre 2008 | En savoir plus |
15 03 1933
Proclamation du III° Reich.
L’instauration d’une dictature ouvertement fasciste, qui détruira les illusions démocratiques des masses et les libérera de l’influence des sociaux-démocrates, lancera l’Allemagne sur la voie de la révolution prolétarienne.
L’Internationale communiste du 1° avril 1933 [non, ce n’est pas un poisson d’avril]
21 03 1933
Adolf Hitler se rend à la Garnisonkirche de Potsdam, la capitale du Brandebourg – une trentaine de km au sud-ouest de Berlin, accompagné du président du Reich, le maréchal Paul von Hindenburg, pour la séance inaugurale du Reichstag, issu des dernières élections législatives. [Le Reichstag ayant brûlé moins d’un mois plus tôt, c’est au Krolloper – Opéra Kroll – que se tiennent les séances]. Cette église de la Garnison, construite entre 1733 et 1735 sur ordre de Frédéric I° de Prusse, le roi-sergent, abrite son tombeau et celui de son fils, Frédéric II. D’autre part, ce 21 mars est le soixante-deuxième anniversaire de l’inauguration du premier Reichstag par Bismarck : c’est dire le poids symbolique de la manifestation : Hitler assure la suite des rois de Prusse quand la haute hiérarchie militaire le considère encore comme un petit caporal autrichien.
L’inoubliable et historique journée de Potsdam est un tohu-bohu inouï. Nous manquons d’être étouffés entre l’église Saint-Nicolas et celle de la Garnison. Hindenburg arrive avec Hitler. Le Vieux Monsieur est comme un monument de marbre. Il lit sa déclaration. Succincte, impérieuse. Puis Hitler prend la parole. Son meilleur discours. À la fin, tout le monde est ébranlé. Les larmes me viennent aux yeux. C’est ainsi qu’on fait l’histoire. Lorsque le Vieux Monsieur arrive près du cercueil du grand Frédéric, les canons se mettent à tonner. Dehors résonnent les trompettes. (…) Une ivresse sans pareil. (…) La grandeur du temps passé.
Goebbels, ministre de la propagande. Journal.
Le temps passera, les bombes aussi douze ans plus tard qui n’en laisseront que quelques vestiges, rasés à la fin des années 1960 à la demande des autorités est-allemandes. Après la réunification, dans les années 2010, les autorités décideront de la reconstruction de l’église de la Garnison, ce qui déclenchera un fameux tollé, voire même une levée de boucliers : plus de soixante-dix ans après la fin de la guerre, les divisions resteront vives sur le sens à donner à cette volonté de ne plus vivre au milieu des ruines.
22 03 1933
Aux États-Unis, le Volstead Act met fin à la prohibition de l’alcool : c’est le 21 ° amendement de la Constitution. Mais, sans lien apparent, l’année suivante sera appliqué pour le cinéma le code Hays, établi dès 1930, du nom du sénateur qui le rédigea : William Hays, président de la Motion Picture Producers and Distributors Association, qui avait préféré s’autoréguler plutôt que de voir une censure imposée par l’État Fédéral après quelques retentissants scandales sur la vie des stars à Hollywood, ignorant manifestement tout de la prohibition. L’imagination se mettait en quatre pour contourner les règles imposées par la pudibonderie : C’est un pistolet que tu as dans ta poche ? demande Mae West à son partenaire dans Laly Lou, ou c’est juste que tu es content de me voir ? Mais le scénariste n’avait peut-être qu’adapté un trait venu un bon siècle plus tôt, quand avec l’arrivée de pantalons masculins qui prenaient de l’ampleur, on entendit des femmes se plaindre : avec ces nouveaux pantalons, on ne sait plus ce que pensent les hommes.
31 03 1933
Aux États-Unis, création du Civilian Conservation Corps -, financée par des bons du Trésor. Il permit, grâce à des travaux de reboisement, de lutte contre l’érosion et les inondations, l’embauche de milliers de jeunes chômeurs dans tout le pays : 250 000 emplois furent créés pour les 18-25 ans, et en huit ans, le CCC garantit un salaire mensuel de 30 dollars à près de deux millions de jeunes hommes.
5 04 1933
Quelle serait l’attitude de Barrès en face de Hitler ? Il l’approuverait, je pense. Car enfin le hitlérisme, c’est un boulangisme qui réussit.
André Gide Journal.
24 04 1933
Élise et Célestin Freinet, – ce dernier instituteur à Saint Paul de Vence – jouent leur avenir pistolet au poing (pour Célestin) dans la cour de l’école, contre une manifestation d’habitants venus protester contre ce couple de bolchevistes venus endoctriner leurs enfants. Célestin n’hésite pas à dénoncer, plutôt deux fois qu’une, les erreurs pédagogiques de l’Éducation nationale, à dénoncer aussi sa pseudo neutralité. La manifestation n’a pas rencontré d’entraves à la mairie, tenu par un sympathisant d’extrême droite. Les Freinet iront ouvrir ailleurs une école privée et verront leur pédagogie reconnue plutôt largement avec l’arrivée au pouvoir du Front Populaire trois ans plus tard, et de Jean Zay à l’Éducation nationale.
26 04 1933
Sigmund Freud a reçu la fille de Giovacchino Forzano, ami personnel de Mussolini. Il la charge de lui faire remettre son essai Pourquoi la guerre ? ainsi dédicacé : À Benito Mussolini, avec le salut respectueux d’un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture. Vienne, le 26 avril 1933
avril 1933
Hitler crée la Gestapo, sa police politique : Geheime Staats Polizei. Il ordonne aux 28 Églises luthériennes de s’unir pour former une Reichkirsche, dirigée par un évêque d’Empire (Reichbischof). Ludwig Müller, candidat des chrétiens allemands regroupement ultra nationaliste, est élu au mépris des règles démocratiques, 27 des 28 Églises ayant voté pour Friedrich von Bodelschwingh. Dans les années 1920, l’Allemagne comptait 65 millions d’habitants, dont 21 de catholiques, soit 32 % de la population encadrée par 20 000 prêtres et 41 millions de protestants, soit 62 %, encadrée par 16 000 pasteurs. On comptait aussi 500 000 juifs (0,8 %) et 2,7 millions de personnes n’ayant déclaré aucune appartenance confessionnelle. Cette volonté de contrôle des hommes d’influence que sont les gens d’Église – catholique comme protestante – marquait bien la volonté des nazis d’imprimer sa marque à toute une jeunesse, dont la formation a toujours été l’une des priorités de l’Église.
Je soupirai, me fis violence pour ne plus penser. Je compris que mon moi tout entier était piégé. Jamais je n’aurais dû me rendre dans ce camp. J’étais pris au piège de la camaraderie.
Pendant la journée, on n’avait jamais le temps de penser, jamais l’occasion d’être un moi. Pendant la journée, la camaraderie était un bonheur. Aucun doute : une espèce de bonheur s’épanouit dans ces camps, qui est le bonheur de la camaraderie. Bonheur matinal de courir ensemble en plein air, bonheur de se retrouver ensemble nus comme des vers sous la douche chaude, de partager ensemble les paquets que tantôt l’un, tantôt l’autre recevait de sa famille, de partager ensemble la responsabilité d’une bévue commise par l’un ou l’autre, de se prêter mutuellement aide et assistance pour mille détails, de se faire une confiance mutuelle absolue dans toutes les occasions de la vie quotidienne, de se battre et de se colleter ensemble comme des gamins, de ne plus se distinguer les uns des autres, de se laisser porter par un grand fleuve tranquille de confiance et de rude familiarité… Qui niera que tout cela est un bonheur ? Qui niera qu’il existe dans la nature humaine une aspiration. à ce bonheur que la vie civile, normale et pacifique ne peut combler ?
Moi, en tout cas, je ne le nierai pas, et j’affirme avec force que c’est précisément ce bonheur, précisément cette camaraderie qui peut devenir un des plus terribles instruments de la déshumanisation, et qu’ils le sont devenus entre les mains des nazis. C’est là le grand appeau, l’appât majeur dont ils se servent. Ils ont submergé les Allemands de cet alcool de la camaraderie auquel aspirait un trait de leur caractère, ils les y ont noyés jusqu’au delirium tremens. Partout, ils ont transformé les Allemands en camarades, les accoutumant à cette drogue depuis l’âge le plus malléable : dans les Jeunesses hitlériennes, la SA, la Reichswehr, dans des milliers de camps et d’associations – et ils ont, ce faisant, éradiqué quelque chose d’irremplaçable que le bonheur de la camaraderie est à jamais impuissant à compenser -.
La camaraderie est partie intégrante de la guerre. Comme l’alcool, elle soutient et réconforte les hommes soumis à des conditions de vie inhumaines. Elle rend supportable l’insupportable. Elle aide à surmonter la mort, la souffrance, la désolation. Elle anesthésie. Supposant l’anéantissement de tous les biens qu’apporte la civilisation, elle console de leur perte. Elle est sanctifiée par de terrifiantes nécessités et d’amers sacrifices. Mais séparée de tout cela, recherchée et cultivée pour elle-même, pour le plaisir et l’oubli, elle devient un vice. Et qu’elle rende heureux pour un moment n’y change absolument rien. Elle corrompt l’homme, elle le déprave plus que ne le font l’alcool et l’opium. Elle le rend inapte à une vie personnelle, responsable et civilisée. Elle est proprement un instrument de décivilisation. À force de camaraderie putassière, les nazis ont dévoyé les Allemands ; elle les a avilis plus que nulle autre chose.
Il faut surtout bien voir que la camaraderie agit comme un poison sur des centres terriblement vitaux. (Encore une fois : certains poisons peuvent procurer le bonheur, le corps et l’âme peuvent désirer le poison, et les poisons bien employés peuvent être bénéfiques et indispensables. Ils n’en restent pas moins des poisons.) Pour commencer par le plus vital de ces centres, la camaraderie annihile le sentiment de la responsabilité personnelle, qu’elle soit civique ou, plus grave encore, religieuse. L’homme qui vit en camaraderie est soustrait aux soucis de l’existence, aux durs combats pour la vie. Il loge à la caserne, il a ses repas, son uniforme. Son emploi du temps quotidien lui est prescrit. Il n’a pas le moindre souci à se faire. Il n’est plus soumis à la loi impitoyable du chacun pour soi mais à celle, douce et généreuse, du tous pour un. Prétendre que les lois de la camaraderie sont plus dures que celle de la vie civile et individuelle est un mensonge des plus déplaisants. Elles sont d’un laxisme tout à fait amollissant, et ne se justifient que pour les soldats pris dans une guerre véritable, pour l’homme qui doit mourir : seule, la tragédie de la mort autorise et légitime cette monstrueuse exemption de responsabilité. Et on sait que même de courageux guerriers, quand ils ont reposé trop longtemps sur le mol oreiller de la camaraderie, se montrent souvent incapables plus tard d’affronter les durs combats de la vie civile.
Beaucoup plus grave encore, la camaraderie dispense l’homme de toute responsabilité pour lui-même, devant Dieu et sa conscience. Il fait ce que tous font. Il n’a pas le choix. Il n’a pas le temps de réfléchir (à moins que, par malheur, il ne se réveille seul en pleine nuit). Sa conscience, ce sont ses camarades : elle l’absout de tout, tant qu’il fait ce que font tous les autres.
Puis les amis prirent le vase
Et tout en déplorant les tristes voies du monde
Et ses amères lois
Ils jetèrent l’enfant au pied de la falaise.
Pied contre pied, soudés, ils se tenaient ainsi
Sur le bord de l’abîme
Et en fermant les yeux ils le précipitèrent.
Plus que son voisin nul n’était coupable.
Ils jetèrent de la terre
Et des Pierres
Dessus.
Ces vers sont signés de l’écrivain communiste Bertolt Brecht, – Celui qui dit oui/Celui qui dit non. 1930 – et ils se veulent élogieux. Là comme sur bien des points, communistes et nazis sont d’accord. Nous étions quand même des magistrats stagiaires, des universitaires intellectuellement formés, futurs juges, et certainement pas une bande de couards dépourvus de caractère et de convictions. Si quelques semaines de Jüterbog avaient fait de nous un magma décérébré dont on pouvait mesurer le niveau mental à l’aune des déclarations que j’ai citées sur Paris ou sur les incendiaires du Reichstag, lesquelles ne suscitaient aucune contradiction, cela était l’ouvrage de la camaraderie. Car la camaraderie implique inévitablement la stabilisation du niveau intellectuel sur l’échelon inférieur, celui que le moins doué peut encore atteindre. La camaraderie ne souffre pas la discussion : c’est une solution chimique dans laquelle la discussion vire aussitôt à la chicane et au conflit, et devient un péché mortel. C’est un terrain fatal à la pensée, favorable aux seuls schémas collectifs de l’espèce la plus triviale et auxquels nul ne peut échapper, car vouloir s’y soustraire reviendrait à se mettre au ban de la camaraderie. Je les reconnaissais bien, ces schémas qui, au bout de quelques semaines, dominaient sans partage et sans issue notre camaraderie ! Ce n’était pas à proprement parler les conceptions officielles des nazis, et pourtant, c’étaient des conceptions nazies. C’étaient les idées des enfants de la Grande Guerre, celles du Rennbund Altpreussen et des clubs sportifs de l’époque Stresemann. Quelques traits spécifiques de la doctrine nazie ne s’étaient pas encore vraiment enracinés. C’est ainsi que nous n’étions pas violemment antisémites. Mais nous n’étions pas non plus disposés à en faire un cheval de bataille. On ne se laissait pas émouvoir par les détails. Nous étions un être collectif, et d’instinct, avec toute la lâcheté, toute l’hypocrisie intellectuelle de l’être collectif, nous ignorions ou refusions de prendre au sérieux ce qui aurait pu menacer notre euphorie collective. Un Troisième Reich en réduction.
Il était frappant de voir la camaraderie décomposer activement tous les éléments d’individualité et de civilisation. Le premier domaine de la vie individuelle qui ne se laisse pas si facilement réduire à la camaraderie, c’est l’amour. Or, la camaraderie dispose contre lui d’une arme : l’obscénité. Chaque soir, au lit, après la dernière ronde, on lâchait des obscénités, c’était une sorte de rituel. Cela figure inévitablement au programme de toute communauté masculine. Et rien n’est plus aberrant que l’opinion de certains auteurs qui y voient un exutoire pour la sexualité frustrée, une compensation et je ne sais quoi encore. Loin de susciter désir et plaisir, ces obscénités visaient à rendre l’amour aussi repoussant que possible, à le rapprocher des fonctions digestives, à en faire un objet de dérision. Ces hommes qui débitaient leurs blagues de rouliers, usant de termes grossiers pour désigner certaines parties du corps féminin, niaient par là même qu’ils eussent jamais été tendres, amoureux, fervents ; qu’ils se fussent jamais montrés sous un jour aimable et flatteur ; que ces mêmes parties leur eussent jamais inspiré des mots très doux… Ils étaient virilement très au-dessus de ces fadaises de la civilisation.
Conformément à la tendance générale, il allait de soi que la politesse et les bonnes manières étaient des proies faciles pour la camaraderie. Il était bien loin, le temps où rougissant, maladroit, on s’inclinait dans les salons pour montrer sa bonne éducation. Merde était ici l’expression normale de la désapprobation, alors, bande de cons une apostrophe amicale et le Scbinkenkloppen, – variante de la main chaude : les yeux bandés, le joueur doit deviner qui lui a tapé sur les fesses – un passe-temps apprécié. L’obligation d’être adulte était suspendue, remplacée il est vrai par l’obligation de se conduire en gamins. C’est ainsi qu’on assaillait nuitamment la chambrée voisine à coups de bombe à eau, des gobelets remplis que l’on vidait dans les lits des victimes. Une bagarre s’ensuivait, à grand renfort de oh ! et de ah !, de piaillements et d’éclats de rire…
[…] Cela nous amène à certaines coutumes primitives obscures et sanglantes forcément respectées elles aussi. Quiconque péchait contre la camaraderie, surtout les snobs ou les bêcheurs, quiconque se montrait plus individualiste que ne l’autorisaient les lois du groupe, était condamné à des représailles nocturnes. Pour des péchés véniels, on était traîné sous la pompe…
[…] On le voit : cette belle camaraderie virile, inoffensive, tant vantée, est un abîme diabolique des plus périlleux. Les nazis savaient bien ce qu’ils faisaient en l’imposant à un peuple entier comme forme normale d’existence… Et les Allemands, si peu doués pour la vie individuelle et le bonheur individuel, étaient terriblement prêts à l’accepter, à échanger les fruits haut perchés, délicats et parfumés de la dangereuse liberté, contre cet autre fruit qui, juteux et luxuriant, pend à portée de leur main : le fruit hallucinogène d’une camaraderie généralisée, globale, avilissante. On dit que les Allemands sont asservis. Ce n’est qu’une demi-vérité. Ils sont aussi quelque chose d’autre, quelque chose de pire, pour quoi il n’existe pas de mot. Ils sont encamaradés. C’est un état terriblement dangereux. On y vit comme sous l’emprise d’un charme. Dans un monde de rêve et d’ivresse.
On y est si heureux, et pourtant on n’y a plus aucune valeur. On est si content de soi, et pourtant d’une laideur sans bornes. Si fier, et d’une abjection infra-humaine, On croit évoluer sur les sommets alors qu’on rampe dans la boue. Aussi longtemps que le charme opère, il est pratiquement sans remède.
Sebastian Haffner. Histoire d’un allemand. Souvenirs (1914-1933) Actes Sud 2004
Ce texte de Sebastian Haffner laisse entendre que l’encamaradement pourrait être une spécificité de l’Allemagne nazie. Mais bien évidemment il n’en est rien : c’est même le propre de la vie de bon nombre de groupes en France, dès l’adolescence avec tous ces chants, refrains, gueulés jusqu’à l’abrutissement, du merci chauffeur au de profundis morpionibus, ou encore l’Homme de Cro, l’Homme de ma, l’Homme de gnon, l’Homme de Cromagnon, pin pon, Étoile des neiges, Il est des nôtres, il a bu son petit coup comme les autres etc, etc, etc… Avec, au départ l’a priori qu’il n’y a de vie que de groupe, que l’individualisme n’est finalement qu’une perversion. Les plus forts en gueule ont toujours le dessus et au final, c’est toujours la connerie qui l’emporte. Il n’y a certes pas de lien de cause à effet entre le groupe et cette entreprise d’abrutissement, – le scoutisme a été la première ouverture à la vie sociale de nombre de nos meilleurs hommes politiques -, mais il est vrai aussi qu’on ne voit jamais se déchaîner la bêtise avec autant de puissance que dans un club de supporter de foot comme celui du PSG. Et l’alcool n’est pas toujours nécessaire… On peut penser qu’il s’agit de préparer le citoyen à ce qui le définit au mieux, le vote, avec comme objectif la fabrication de troupeaux de moutons bien bêlants particulièrement réceptifs aux messages publicitaires, et à la démagogie, qui est à la politique ce que la pub est au commerce.
Le scoutisme a largement contribué à enrichir le répertoire de nos chansons de groupe, avec le risque bien entendu de le voir défiguré par le chauvinisme décomplexé de l’entre deux guerres, s’inscrivant dans les propos de Gustave Flaubert, Honoré de Balzac, Prosper Mérimée, Jules Michelet et de tant d’autres pour casser du sucre sur le dos des Bretons :
Faites crever tous les ploucs de Bretagne,
Mais par pitié conservez-nous
Toulon, Ollioules, la Seyne et La Valette
Le beau pays que nous aimons tant, tous
Le beau pays où poussent les cailloux.
Quand le refrain original disait :
Ciel, ciel (ciel, ciel) protège-nous
Toulon, Ollioules, Sanary et Saint Cyr
Ciel, ciel (ciel, ciel) protège-nous
Ce beau pays que nous aimons tant tous,
Ce beau pays où poussent les cailloux.
mais on pouvait en trouver qui disaient tout de même :
S’il faut Seigneur pour que la France vive
Crever demain, alors nous crèverons
Faites crever les enfants de Bretagne
Mais par pitié épargnez nous Toulon.
Oh ciel, Oh ciel protégez-nous
Toulon, Ollioules, La Seyne et la Valette
Oh ciel, Oh ciel protégez-nous
Ce beau pays que nous aimons tant tous,
Ce beau pays où poussent les cailloux.
*****
Patrick Leigh Fermor est un jeune anglais qui a entrepris depuis quelques mois un voyage à pied, de Londres à Constantinople. Il en fera un merveilleux récit de voyages, sous la forme de deux livres : Le Temps des offrandes et Entre fleuve et forêt. Le charme tient à une grande culture historique et littéraire, contée avec un humour toujours teinté de gentillesse et surtout qui n’est pas so british. Tout embrigadement, toute dictature a ses failles et il peut rester quelques îlots de libertés et de coutumes sympathiques, surtout si elles ne représentent aucune menace pour le pouvoir :
Me souvenant du conseil que le maire de Bruchsal m’avait donné, je m’étais enquis du Bürgermeister dès mon arrivée dans ce petit village. Je l’avais trouvé dans le Gemeindeamt où il m’avait rempli un petit formulaire. Je le présentai à l’auberge : il me donnait droit à un dîner, une chope de bière, un lit pour la nuit, du pain et un bol de café au matin ; tout cela aux frais de la paroisse. Cela me paraît incroyable aujourd’hui mais c’est bien ainsi que les choses se passaient, sans qu’il y eût d’ailleurs la moindre honte à profiter de ces avantages ; on avait toujours droit à un accueil amical. Je ne sais plus très bien combien de fois je me servis de cette coutume généreuse et apparemment fort ancienne. Elle avait cours dans l’Allemagne et l’Autriche tout entières [1], survivance peut-être, de quelque antique aumône faite aux vagants et aux pèlerins désormais étendue à tous les voyageurs pauvres.
Patrick Leigh Fermor. Le temps des offrandes. [voyage dans l’Europe de 1934] Payot.
Tandis que Patrick Leigh Fermor quitte son île natale, Paul Morand met la dernière main à son livre de 240 pages (y compris l’actualisation qu’il écrira en 1962) : Londres 1933. Fall in love of London, Paul Morand chante cet art de construire une ville en bâtissant des maisons, des palais, des édifices religieux à l’instinct sans souci rationalisé d’urbanisme, sans vision globale :
Londres est le résultat d’un compromis, d’un compromis entre la terre et l’eau, entre les Germains et les Latins, entre l’État et l’individu, entre la surprise et l’habitude, entre le soleil et le brouillard.
Voltaire, qui aimait Londres, comme Genève, parce qu’il y pouvait vivre à l’abri des prêtres et des nobles (tout en logeant d’ailleurs chez lord Bolingbroke), souhaitait que Paris adoptât les idées anglaises et s’efforçait de les introduire chez nous, sans comprendre que les Français n’étaient faits pour supporter ni les pairs et leurs perruques, ni les maîtres d’école et leur fouet (dont on se sert encore), ni les mille sectes religieuses, leurs hymnes et leur intransigeance, ni cette franc-maçonnerie insulaire, accueillante aux évêques et aux rois. Diderot voyait dans Londres la capitale de la vertu et de la raison : nous l’aimons, aujourd’hui, d’être la cité de l’illogique et de l’exceptionnel ; un musée d’anomalies, disait Emerson. La beauté de Londres, c’est son naturel ; tout y est simple, même l’extraordinaire ; son ordre n’est pas administratif c’est un ordre moral. Sous des profils et des plans indécis, c’est la plus permanente des réalités. Mais un étranger a quelque peine à découvrir cette réalité dans les brumes, au cours d’une année faite de trois mois d’hiver et de neuf mois de mauvais temps.
Pour nos pères, Londres était la ville du lucre et des appétits grossiers, la ville privée d’esprit ; et en effet, il pèse lourd sur la terre ; mais il a une âme ; ses maisons basses ne cachent pas le ciel. Il rend un son mat, mais plein ; ses couleurs sont amorties, mais fines. Il s’élève en plein luxe et en plein brouillard, écrit magnifiquement Vigny. Une ville où Blake évoqua Satan ; où Milton chantait le Paradis, où Gainsborough peignait les plus purs visages, où Hogarth lisait dans les cœurs, où Chateaubriand et Voltaire sentirent tressaillir en eux le génie, où Louis-Napoléon rêva au statut de l’Europe moderne, où Verlaine pleurait, où Sheridan, Wilde et Shaw tiraient leurs feux d’artifice, une ville qui nourrit toute l’œuvre de Shakespeare, est-elle privée d’esprit ? Londres ou l’anti-Paris.
Ils sont nés à la même époque, mais que de différences dans leurs destinées ! Londres s’est développé à tâtons, comme une grosse bête aveugle qui ne se heurte à aucune barrière. Paris a dû faire craquer sciemment, une à une, les enceintes dont il s’est successivement fortifié, depuis les tours de Philippe-Auguste jusqu’aux forts de Joffre. Paris c’est la barricade et Londres, l’ordre social. Londres dégoutte d’eau et Paris, de sang – sang des Armagnacs et des Bourguignons, des Huguenots, de la Fronde, des aristocrates de 93, des ouvriers de 48, des Versaillais, des communards, des apaches, des drames passionnels -; Paris c’est le bistrot et Londres, c’est le club ; Paris c’est la concierge et Londres, c’est la clef sur la porte. À Londres, les choses sont belles à cause des gens, à Paris, malgré eux. Paris c’est la méfiance et Londres, le crédit ; Paris c’est la raison raisonnante et l’humanité ; Londres c’est le hasard et c’est l’univers. Les lumières de ces deux villes ne se confondront jamais.
Londres a la sensibilité la plus vive. C’est un extraordinaire poste d’écoute. C’est le seul point du globe où l’on puisse rencontrer, dans une même journée, un banquier qui débarque de New York, un journaliste qui arrive d’URSS, un chasseur de fauves qui rentre du Congo, un prospecteur qui descend de l’avion Cap-au-Caire ; où l’on a, à sa disposition, les câbles les plus rapides, les meilleurs correspondants de journaux, les diplomates étrangers les plus alertes, et en général la documentation la plus sûre. Mais cette information, il la livre à voix basse ; on doit se taire pour l’entendre : Londres ne crie jamais.
Il s’étend à l’infini, sans se perdre dans l’abstrait, comme Moscou, ou sans vouloir étonner comme Berlin. Il n’est pas écrasant ; ce n’est qu’à Taine qu’il apparaît énorme. (Depuis lors, nous avons vu New York prendre sur soi tout le colossal du monde moderne, et en débarrasser l’Europe.)
Sa géographie, il se l’est faite à son usage ; nous devons l’apprendre tout entière. Par cet enseignement singulier, nous saurons bientôt que Montréal est à dix secondes de Piccadilly, Singapour à portée de voix du Strand, alors que Toulouse en est à six mois, et Varsovie, à un an. L’univers britannique est un vase clos qui se suffit à lui-même et ne se prêtera jamais à aucun autre jeu terrestre.
Bâti sur des marais, Londres en a la vie grouillante, la fécondité, les végétaux pleins de suc, le sens de la vie élémentaire et, quand vient la nuit, l’irréalité, les feux follets. Il ne repose pas sur des civilisations superposées comme des matelas ; tout y est mêlé. Est-on au XII°, au XVIII°, au XX° siècle, on ne le sait pas plus qu’on ne sait, en regardant le ciel, s’il est midi ou huit heures du matin. Ce n’est pas une plante grimpante, c’est un fraisier qui étend à l’infini ses gourmands. C’est un phénomène naturel et non pas, comme d’autres capitales, un officiel ensemble de techniques, de politiques, de poisons ou de luxures. Il est possible que Chicago remplace un jour New York ; il est possible d’imaginer Lyon ou Rouen capitales de la France, mais une destinée très profonde a fixé une fois pour toutes la capitale britannique au croisement des routes nordiques et de la grande diagonale européenne.
C’est à Londres que j’ai acquis ma première expérience des chemins du monde, que j’ai deviné les secrets que les livres et les professeurs ne m’avaient jamais laissé entrevoir. J’y appris, peu à peu, ce qui aujourd’hui court les rues : le sens de la terre. Au sein de ses brumes, je fus initié à l’Italie, à la Flandre, aux Tropiques, aux antipodes. J’y ai vu, pour la première fois, de grandes misères ; et aussi le vrai luxe, c’est-à-dire, en toutes choses matérielles, la meilleure qualité.
Londres est ma mascotte ; tout ce que j’en ai reçu m’a porté bonheur.
Ce que cette ville sera demain ?
Elle va changer : basse, elle va s’élever, grâce à l’acier et au béton armé ; dans son besoin de respirer un air pur, elle va gagner de plus en plus la campagne (bien que H. G. Wells prétende que Londres, étant arrivé à son apogée comme Paris, les deux capitales ne pourront plus que décroître). Bientôt ses faubourgs se trouveront à l’entrée du tunnel sous la Manche. Plus rapproché de Paris que ne le sont Lyon ou Bordeaux, Londres subira alors l’influence directe d’un continent dont il croyait s’être détaché définitivement, dès la Renaissance ; il la subira de toute façon, même sans tunnel, lorsque les omnibus aériens fondront de toutes parts, et heure par heure, sur sa ceinture d’aérodromes.
Sera-t-il centre d’un Grand Empire ou sa succursale ? Nos fils verront-ils une capitale dénationalisée où le Premier ministre sera canadien, la presse australienne, le roman néo-zélandais, la musique rhodésienne, la langue afrikander ? (Déjà les Africains bilingues du Cap parlent un patois hollandais qui tend à expulser la langue anglaise.) Ou bien ces grands fruits mûrs que sont les Dominions s’étant détachés de l’arbre, Londres deviendra-t-il une maison de retraite, une paisible Hollande de traditions et de musées, endormie à côté de son abbaye de Westminster ? La houille et le pétrole ayant disparu d’un monde mû par l’électricité, reverrons-nous les moutons paître au bord d’une Tamise sans fumées, comme au temps des Plantagenêts ?
Ivre de soleil, de kultur et de miel attique, Renan a écrit une Prière sur l’Acropole. Pourquoi, ivre de brouillard, assis dans cette taverne de George et le Vautour – si ancienne que les premiers francs-maçons s’y réunissaient vers 1600, et que M. Pickwick, y déposant sa garde-robe en tapisserie, la trouvait déjà bien désuète, – n’adresserais-je pas, à mon tour, aux mânes de Pepys et de Dickens, du cœur de la Cité, une Prière sur la Tamise, afin que tout ce que nous venons de voir et de décrire continue d’exister ?
Comment ne pas remercier l’Éternel de ce que l’Angleterre n’ait jamais cessé d’être un club très fermé ; de ce que la bonté l’emporte sur l’égalité ; de ce que le ricanement de Voltaire y soit devenu le sourire de Mr. Punch ; de ce que le solide et le simple aient vaincu la rhétorique, le pathos, et le prétentieux ; de ce qu’on y sélectionne les semences, les étalons, et les hommes d’État ; de ce que l’hypocrisie soit respectée suivant ses mérites ; de ce qu’il existe au moins un peuple en Occident qui n’exalte pas le travail !
Quand on a vu le vieux cuisinier du George et le Vautour à moustaches de Viking, le visage rougi par les charbons, le bonnet blanc éclairé par un papillon de gaz, retourner (et jamais plus d’une fois) la côtelette sur le gril, comment ne pas prier, les mains jointes pour que les Anglais continuent à laisser à toutes choses et même aux plus bizarres leur autonomie ; pour qu’ils persistent dans leur délicate habitude, déjà notée par Froissart, de s’amuser tristement ; pour qu’ils se refusent à tout expliquer, sinon à tout comprendre ; pour qu’il me soit donné de revoir cette scène dont je fus déjà témoin : en pleine Cité, en plein trafic, deux longues files de voitures s’arrêtant spontanément pour permettre à un chat, qui attendait sur le trottoir, de traverser la rue, tandis que, sur le trottoir opposé, une vieille dame en manteau chinois, mantille espagnole et vieux souliers dorés lui faisait des signes d’amitié avec son parapluie, sans provoquer le moindre sourire.
Je veux une dernière fois rendre grâces à Dieu : de ce que les Anglais ont su se servir de l’argent, sans que l’argent se serve d’eux ; de ce qu’ils n’ont pas la main sur le cœur, mais le cœur sur la main ; de ce qu’ils vieillissent sans rides, avec des yeux d’enfants, avec cette souplesse que donne le sport et sans cette contraction que donne l’athlétisme ; de ce qu’ils sont les plus anciens hommes libres de l’univers et que, pourtant, ils savent dire merci ; de ce qu’ils font peu de politesses, mais jamais de mufleries ; de ce qu’il leur est bien égal de n’être plus à la mode ; de ce qu’il leur faut dix ans pour fabriquer un technicien, mais dix siècles pour faire un gentleman ; de ce qu’ils ne cherchent pas à transformer les chiens en grandes personnes ni les jardins en salons ; de ce qu’ils ont réussi ce chef-d’œuvre qui s’appelle Londres.
Paul Morand. Londres 1933
1 05 1933
Martin Heidegger a intégré depuis le mois de mars la Communauté de travail politico-culturel des professeurs de l’Université allemande. En avril son maître Edmund Husserl a été destitué, humilié et il l’a remplacé comme recteur de l’Université de Fribourg, poste dont il démissionnera un an plus tard le 27 avril 1934. Maintenant il devient membre du NSDAP – National sozialistische Deutsche Arbeiter partei – Parti national socialiste allemand des Travailleurs. Le terme nazi n’est que l’abréviation de National Sozialistisch. Il paiera régulièrement ses cotisations jusqu’en 1945. On l’entendra déclarer en novembre 1933 que la révolution national-socialiste apporte le bouleversement total de notre existence… et quelques jours plus tard Le Führer lui-même et lui seul est la réalité d’aujourd’hui et de l’avenir. Karl Jaspers reprochera à Heidegger de soutenir un homme aussi peu cultivé et s’entendra répondre : La culture est complètement indifférente, voyez plutôt les jolies mains qu’il a.
On peut bien sur acquiescer au propos de Jaspers, mais les Américains découvriront en 1946 avec étonnement les livres personnels d’Hitler dans une mine de sel, près de Berchtesgaden, au nombre de 3 000 – ils étaient initialement plus de 16 000 – : Hitler était en fait un lecteur vorace, un bibliophile qui appréciait les éditions anciennes ; son ouvrage préféré : Magie : Geschichte, Theorie, Praxis, 1923 d’Ernst Schertel dont il avait souligné : Celui qui ne porte pas en lui les semences du démoniaque ne donnera jamais naissance à un monde nouveau.
Le Japon reconnaît l’indépendance de façade du Mandchouoko – le nord de la Mandchourie – en y installant comme souverain fantoche Pu-Yi, le dernier empereur de Chine destitué en 1912. Dans les mois qui suivent se formera un groupe redoutable de guérilleros menant la vie dure aux troupes japonaises : à sa tête, Kim Il-sung, celui-là même qui deviendra le premier dirigeant de la Corée du Nord, en 1948. On a pris l’habitude en Occident de circonscrire la guerre de Corée aux années 1950-1953, quand en fait, elle a commencée en 1931 et n’est toujours pas terminée puisqu’un même peuple est toujours partagé en deux : Corée du Nord et Corée du Sud.
10 05 1933
À Berlin, sur une place d’Unter den Linden, juste devant l’Université, débuts des autodafés et de la discrimination contre les Juifs : L’ère extrémiste de l’intellectualisme juif est arrivée à son terme et la révolution de l’Allemagne a rouvert les portes à un mode de vie qui permet d’atteindre la véritable essence de l’être allemand. Cette révolution ne vient pas d’en haut, elle vient d’en bas, et elle monte. C’est pourquoi elle est, au meilleur sens du terme, l’expression authentique de la volonté du peuple […].
Au cours des quatorze dernières années, vous, étudiants, vous avez subi dans un honteux silence l’humiliation de la République de novembre, vos bibliothèques ont été inondées par les immondices et la corruption du caniveau littéraire juif. Les disciplines culturelles étaient coupées de la vie réelle, mais la jeunesse allemande a désormais rétabli de nouvelles conditions dans notre système légal et rendu notre vie à la normalité […]. Les véritables révolutions ne s’arrêtent devant rien. Aucun domaine ne doit demeurer intouchable […].
Vous faites donc une chose juste en livrant aux flammes, en cette heure du milieu de la nuit, l’esprit diabolique du passé […]. Le passé antérieur périt dans les flammes ; les temps nouveaux renaissent de ces flammes qui brûlent dans nos cœurs […]. Brûler en public des livres d’auteurs tels que Heinrich Mann, Stefan Zweig, Freud, Zola, Proust, Gide, Helen Keller et H.G. Wells permet à l’âme du peuple allemand de s’exprimer à nouveau. Ces flammes n’illuminent pas seulement l’acte final d’une ère révolue ; elles éclairent aussi la nouvelle.
Dr Joseph Goebbels
Les chants se poursuivent et à la fin de chaque strophe, les livres des auteurs cités sont jetés au feu :
Contre la décadence et tout particulièrement la décadence morale. Pour la discipline, la décence dans la famille et la propriété. – Heinrich Mann, Ernst Glaeser, Erich Kaestner !
Contre la pensée sans principes et la félonie politique. Pour le service du peuple et de l’État. – F.W. Foerster !
Contre l’émiettement de l’âme et l’accent mis sur les instincts sexuels. Pour la noblesse de l’âme humaine. – École de Freud !
Contre les distorsions de notre histoire et la sous-estimation des grandes figures historiques. Pour le respect dû à notre passé. – Emil Ludwig, Werner Hegemann !
Contre les journalistes juifs démocrates, ennemis du peuple. Pour une coopération responsable en vue de reconstruire la nation. – Theodor Wolff, Georg Bernhard !
Contre la félonie littéraire perpétrée contre les soldats de la Guerre mondiale. Pour l’éducation de la nation dans l’esprit du pouvoir militaire. – E. M. Remarque !
Contre l’arrogance qui sape la langue allemande. Pour la conservation du bien du peuple le plus précieux. – Alfred Kerr !
Contre l’impudicité et la présomption. Pour le respect et la révérence dus à l’éternel esprit allemand. – Toucholsky, Ossietzky !
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Ceux qui brûlent les livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes.
Heinrich Heine. (1797-1856). Almanzor 1821
Thomas Mann s’accrochera rudement avec le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler :
L’écrit ne sera pas seul à subir la dictature de la bêtise : la peinture sera elle aussi touchée : 20 000 œuvres seront bannies des musées allemands, au premier rang desquelles Kandinsky, Munch, Klee. Pareil climat ne peut que provoquer la fuite et c’est une bonne partie de l’intelligentsia allemande qui va émigrer, surtout aux États-Unis : Fritz Lang, Marlene Dietrich, Walter Gropius, Thomas et Heinrich Mann, Bertolt Brecht, Albert Einstein, Otto Klemperer…
Ça sent la bière de Londres à Berlin, chantait Jacques Brel, mais à Munich sans doute encore plus qu’à Berlin : Il faut avoir voyagé à cent quatre-vingt milles vers l’est à partir du Haut Rhin, et à soixante-dix milles au nord de la ligne de partage des eaux alpestres pour se faire une petite idée de la métamorphose que la bière, jointe à une alimentation abondante et incessante – les repas se suivant à si court intervalle que c’est à peine s’il est une heure de la journée où l’on ne mange pas -, peut infliger à la charpente humaine. Les dérangements intestinaux et le conflit permanent de la consommation et de la digestion ruinent de nombreux Allemands, les incitent à froncer les sourcils et à multiplier les paroles et les actes violents.
Les troncs de ces bourgeois festoyants étaient larges comme des tonneaux. Leur arrière-train étalé sur des bancs n’était pas loin de couvrir un mètre. Ils se divisaient à l’entrejambe en cuisses aussi épaisses que des torses d’enfants de dix ans ; quant à leurs bras, ils tendaient la serge de leur veste comme des traversins. Menton et poitrine formaient une seule colonne et chaque nuque boursouflée portait trois sourires trompeurs. Il ne restait plus un cheveu sur leurs crânes noueux et rasés. Sauf à cinq heures où la tombée de la nuit les volait d’ombres, c’étaient des sphères aussi luisantes que des œufs d’autruche qui réfléchissaient la lumière. Les cheveux floconneux de leurs femmes, ramenés en arrière et dégagés d’un cou rougeoyant, serrés dans des barrettes, étaient coiffées de trielbies vert bavarois et de petites étoiles de renard tâchaient d’enserrer leurs épaules éléphantesques. La plus jeune du groupe, telle une idole de matinée frappée d’un mauvais sort, était aussi la plus colossale. Sous une avalanche de boucles blondes, ses yeux de porcelaine bleue pointaient au-dessus de joues qu’on aurait pu croire gonflées par une pompe à bicyclette et ses lèvres cerise découvraient le genre de dents qui font hurler les enfants de terreur. Les yeux n’avaient rien de brouillé ni de vitreux. Il se peut que le contexte en ait réduit la taille mais ils gagnaient en acuité. Des mains boudinées volaient avec légèreté, entassant bouchée après bouchée de jambon, de salami, de saucisses de Francfort, de Krenwurst, et de Blutwurst, ensuite elles levaient des chopes de bière pour de longues lampées de liquide rejaillissant instantanément sur les joues et les fronts. On pouvait se demander s’ils faisaient la course avec des chronomètres : leurs voix, à moitié bâillonnées seulement par les bouchées englouties, gagnaient en intensité cependant que leurs rires à gorge déployée faisait vibrer l’atmosphère. Entre deux plats, des Pumpernickels, des pains à l’anis et des bretzels remplissaient les temps creux mais de nouvelles provisions arrivaient toujours avant qu’un véritable temps mort ne s’installe. D’énormes assiettes ovales, chargées de Schweinebraten, de pommes de terre, de choucroute, de chou rouge et de boulettes étaient déposées face à chaque convive. D’énormes rôtis les suivaient – d’origine mystérieuse car leurs os une fois rongés et reposés sur les assiettes récurées brillaient comme des hanches de veau ou des os d’éléphant. Des serveuses bâties comme des haltérophiles ou des lutteurs de foire, faisaient tournoyer cette provende et les visages dégoulinaient et luisaient comme le feraient des visages d’ogres à un banquet. Mais, très vite, la table n’était plus qu’un cimetière d’os à nouveau, les voix faiblissaient, une ombre de déréliction ennuageait ces petits yeux et il y avait une vague odeur de chagrin dans l’air. Les remèdes n’étaient pas loin ; des viragos se ruaient à la rescousse au triple galop, chargées de nouvelles brassées de chopes et de plats ; et les sourcils humides des Lestrygons se dénouaient dans un regain de clameurs et de goinfreries.
Je m’égarai par erreur dans une pièce pleine d’officiers SS, de Gruppenfühers et de Sturmbannführers, noirs depuis leurs cols étincelants jusqu’à la forêt de bottes sous la table. Dans l’embrasure de la fenêtre, on pouvait apercevoir la haute pile de leurs casquettes avec leurs insignes : une tête de mort et des tibias entrecroisés. Je n’avais pas encore trouvé la pièce de cette Bastille que je cherchais ; enfin, un bruit semblable au cours impétueux d’une rivière me poussa à redescendre.
Les voûtes de la grande salle se perdaient dans les couches de fumée bleue. Des chaussures cloutées raclaient les dalles, les chopes s’entrechoquaient et le nouveau venu était saisi à la gorge par une odeur mêlée de bière, de sueur, de vieux habits et de cour de ferme. Je me glissai sur un banc plein de paysans et ne tardai pas à lever l’une de ces Masskrugs à mes lèvres. Elle était plus lourde qu’une paire d’haltères, mais la bière blonde était fraîche et merveilleuse, un litre rêveur et cylindrique de mythe germanique. C’était là le combustible qui avait transformé les goinfres fous de l’étage en zeppelins en les repoussant si loin du désir de leur cœur. Les cylindres couleur gris métal portaient un chiffre bleu, HB, sous la couronne de Bavière, comme la marque du fondeur sur un canon.
[…] Les paysans, les fermiers et les artisans munichois qui remplissaient les bancs étaient beaucoup plus sympathiques que les voraces bourgeois de l’étage. Comparées aux silhouettes nettes et impeccables des quelques soldats qui se trouvaient ici, les troupes d’assaut avaient l’air de paquets de papier brun mal ficelés.
[…] Mes compagnons de tablée venaient de la campagne, hommes forts aux mains calleuses, escortés d’une femme ou deux. Certains des plus âgés portaient des vestes en loden gris ou vert à boutons de corne avec des touffes de blaireau ou des plumes de coq de bruyère passées dans la bande de leur chapeau. Les embouts de corne de leur longue pipe en cerisier se perdaient dans leur barbe, et, sur les fourneaux de porcelaine vernie, on voyait luire gaiement des châteaux, des bois de pins et des chamois et la fumée s’échapper par les ouvertures des couvercles de métal. Certains, noueux et momifiés, fumaient des cigarillos traversés de brins de paille pour qu’ils tirent mieux.
Patrick Leigh Fermor. Le temps des offrandes. [voyage dans l’Europe de 1934] Payot.
12 05 1933
Aux États-Unis, entrée en vigueur de l’Agricultural Adjustment Act et de l’Emergency Farm Mortgage Act et encore le Federal Emergnecy Relief Act : réduction de la production pour faire remonter les cours agricoles selon le schéma simple de la loi de l’offre et de la demande. Pour cela une grande partie des récoltes et des réserves furent détruites ou laissées en friche, et la réduction des surfaces cultivées fut encouragée par une politique d’indemnisation, financée notamment par l’ajout de taxes appliquées au circuit de traitement de la nourriture. Les premiers résultats, observés au bout de trois ans, furent encourageants, puisque le revenu des agriculteurs augmenta. Aussi, l’interventionnisme étatique dans le secteur primaire fut amorcé. Mais malgré cette mesure, les prix agricoles n’augmentèrent que très légèrement, et la hausse constatée des revenus des agriculteurs ne résulta pour une large part que des subventions accordées par le gouvernement fédéral.
18 05 1933
Création de la Tennessee Valley Authority – TVA – avec pour but de produire de l’électricité, assurer la navigabilité du fleuve limiter les inondations de façon à attirer les industries (notamment les industries de transformation d’alumine pour l’entreprise Alcoa), restaurer l’équilibre écologique de la vallée, améliorer la productivité agricole, etc. Le projet nécessitait une importante main d’œuvre.
15 barrages hydroélectriques seront construits sur le Tennessee et ses affluents, l’effort de guerre augmentant la demande en énergie. À la fin de la guerre, la TVA sera le premier producteur d’électricité du pays. 1 050 km de voies navigables auront été aménagées. Les forêts auront été replantées, les méthodes de culture améliorées. Ce programme aura concerné pour finir sept États.
19 05 1933
René Benjamin, écrivain pilier de l’Action Française, très lié à Léon Daudet, avait acquis suffisamment de notoriété pour être invité à droite à gauche pour donner des conférences à thème littéraire. Il avait été ainsi invité en 1930 à Nevers pour y parler de deux acteurs comiques : Courteline et Sacha Guitry, sujet qui, a priori ne devrait pas déclencher de révolution. Cependant le maire, qui ne partageait pas ses convictions, avait fait interdire la manifestation, poussé par des enseignants qui en avaient assez d’être ridiculisés à chacune de ses conférences. Et l’affaire finit par se régler au Conseil d’État qui annule les arrêtés du maire, les jugeant entachés d’excès de pouvoir, au motif que le trouble à l’ordre public n’était pas avéré. C’est l’arrêt Benjamin.
27 05 1933
Le Securities Act limite la spéculation boursière.
7 06 1933
Georges Simenon interview Trotski sur l’île de Büyükada [anciennement Prinkipio] pour Paris-Soir. Trotski a exigé de ne répondre qu’à trois questions, et uniquement par écrit. Donc la langue de bois est garantie, la spontanéité, non. Elle paraîtra les 15 et 16 juin. Trotski a entrepris depuis longtemps des démarches pour être accueilli en France et elles vont finir par aboutir.
16 06 1933
Aux États-Unis, entrée en vigueur du Farm Credit Act : 15 millions d’agriculteurs américains étaient proches de la ruine. Les dettes des farmers seront ainsi rééchelonnées, ce qui permettra de donner du pouvoir d’achat à environ 30 millions d’Américains.
Et aussi, en même temps, entrée en vigueur du NIRA : le National Industrial Recovery Act – loi de redressement industriel national -. D’une part, il encourage les industriels à signer des codes de concurrence loyale, et d’autre part, il accorda aux ouvriers la liberté de se syndiquer et de négocier des conventions collectives. La loi crée en même temps un organisme de régulation, la National Recovery Act ou NRA, qui encouragea l’adhésion des sociétés. Les firmes qui sont d’accord avec cette loi ont la possibilité d’afficher un logo en forme d’aigle bleu (Blue Eagle), symbole de leur adhésion au programme. La NRA va engendrer aussi des créations d’emploi. Le NIRA aura ses zélateurs mais aussi ses détracteurs dont Henry Ford.
Le Glass-Steagall Act est le nom sous lequel est généralement connu le Banking Act de 1933 par lequel sont instaurés :
Cette loi du Congrès est votée sous majorité démocrate, puis signée par le président Franklin D. Roosevelt. Battu en brèche depuis le milieu des année 1970 et largement contourné par l’ensemble de la profession bancaire, il sera finalement abrogé sous l’administration Clinton le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit Gramm-Leach-Bliley Act, juste à temps pour permettre la fusion constitutive de Citigroup.
Wikipedia
La National Recovery Administration avait pour mission de stabiliser les prix et les salaires en coopérant avec les entreprises et les syndicats. Ensuite, elle créa la Public Works Administration (PWA), qui devait contrôler la mise en œuvre de la politique de grands travaux publics. Toutes ces dispositions, populaires pour l’ensemble des Américains, furent saluées par le patronat et les syndicats. Les résultats seront au rendez-vous : 285 aéroports, 1 million de kilomètres de routes, 77 000 ponts, 122 000 bâtiments publics en l’espace de sept ans.
Le bilan de ces Cent Jours est en demi-teinte : fait essentiellement de mesures d’urgence, il visant à réaliser deux objectifs ambitieux : la reprise économique d’une part et un retour à la confiance de la population d’autre part. L’objectif de reprise économique n’a été que très sommairement atteint, du fait de résistances nombreuses de la part d’une partie du patronat ainsi que de certains fermiers en dépit des mesures qui leur ont été accordées. D’autre part, le chômage se maintint à un niveau très élevé et concernait toujours 24,9 % de la population en 1933. Mais ce premier New Deal fut une réussite sur le plan populaire et pour le retour de la confiance : l’assainissement de la situation bancaire permit aux Américains de déposer à nouveau leur épargne dans les banques. D’autre part Roosevelt bénéficia d’un véritable état de grâce, au Congrès d’une part, mais également auprès de la presse qui soutint son action.
20 07 1933
Signature d’un concordat entre l’Église catholique et le Reich : le protocole correspond à celui qui avait été préparé pour être signé avec la République de Weimar. Les évêques allemands sont partagés sur le compromis à faire avec ce régime.
24 07 1933
Trotski arrive en France, et pour éviter partisans et journalistes, au lieu de Marseille, débarque à Cassis. Il va se rendre à Saint Palais où André Malraux le rencontrera le 7 août. Ils ne referont pas le monde, se contentant de parler culture, art.
Nous devons reconnaître un des nôtres en chaque révolutionnaire menacé ; ce qu’on chasse en vous au nom du nationalisme, au moment où il n’y a pas assez de respect pour les rois d’Espagne protecteurs des sous-marins allemands, c’est la Révolution. Il y aura cet été à Deauville de quoi refaire le parterre des rois de Voltaire ; mais il y a hélas dans les bastions et les hôtels misérables de quoi faire une armée de révolutionnaires vaincus. Je sais, Trotski que votre pensée n’attend que de la destinée implacable du monde son propre triomphe. Puisse votre ombre clandestine qui, depuis presque dix ans, s’en va d’exil en exil, faire comprendre aux ouvriers de France et à tous ceux qu’anime cette obscure volonté de liberté rendue assez claire par les expulsions, que s’unir dans un camp de concentration, c’est s’unir un peu tard.
André Malraux, dans Marianne
L’affrontement entre les deux egos seront pour plus tard. Après Saint Palais, il séjournera un temps à Barbizon, puis à Domène, dans la banlieue de Grenoble. Aux ordres de Staline, l’Humanité va sortir la grosse artillerie : le 25 juillet, on parle du boyard contre-révolutionnaire voyageant avec sa valetaille ; une légende le montre entouré de ses domestiques … P. Laurent-Darnar, a parlé du repaire du nouveau garde blanc, tandis qu’un communiqué du bureau politique a appelé toutes les organisations du parti à prendre toutes dispositions pour exprimer leur mépris pour le renégat en réplique à sa provocation. Parlant de l’arrivée à Marseille, Laurent-Darnar assure : M. Trotski, couvé par la flicaille de France, s’avère agent méprisable du gouvernement.
Mais le séjour en France ne durera pas longtemps : l’évolution des rapports entre la France et l’URSS va être telle que Trotski va devenir personna non grata et qu’il quittera le pays le 10 juin 1935 pour la Norvège, où, là encore, il finira par être assigné à résidence après avoir été condamné à mort par contumace en Russie le 24 août 1936.
Mais, de l’autre côté de l’Atlantique, au Mexique, le peintre muraliste qu’il aimait, Diego Rivera s’activait auprès du président Lázaro Cárdenas pour lui obtenir l’asile politique : comme le personnage de Trotski entrait bien dans son échiquier – accueil des républicains espagnols, opposition au capitalisme américain -, la démarche finit par aboutir et les Trotski arriveront au Mexique le 9 janvier 1937.
2 08 1933
France, terre d’asile ? Oui, mais…
Il m’a été signalé qu’un assez grand nombre d’étrangers venant d’Allemagne se présentent à notre frontière et, s’autorisant à tort de la qualité de réfugiés politiques, demandent l’accès de notre territoire et le droit d’y séjourner. Il importe de ne pas céder à de pareilles sollicitations. L’introduction en France des Israélites chassés d’Allemagne doit se poursuivre avec une extrême circonspection.
Camille Chautemps, ministre de l’Intérieur du gouvernement Daladier.
Les réticences à l’ouverture des frontières aux immigrés a de profondes racines : Paul Morand en est sans doute l’un des porte-paroles les plus explicites, tout habité par l’indispensable pureté du sang que ne peut qu’avilir le métissage.. Marine le Pen peut aller y puiser ses arguments, sure de faire toujours bonne pêche :
L’Amérique nous montre comment l’on assainit, comment l’on défend une race : n’oublions pas cet exemple. Entrer aux États-Unis est un privilège. Ayons nous aussi une surveillance de frontières et non pas cette fiction des passeports que n’importe quel frontalier peut déjouer ( connaissez-vous le tramway d’Hendaye, les grand-routes de Charleroi, le coup de l’autobus de Menton ?). Créons, sans souci des économies, une forte police des étrangers à l’intérieur, et non plus ces malheureux gendarmes, incapables de distinguer un Esquimau d’un Arabe. Non seulement les États-Unis, mais l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, devraient nous être des exemples. Quant à la Russie, c’est le modèle du genre. Cette self défense, la France, sous des prétextes sentimentaux et périmés, tels que le droit d’asile, la libre entrée et résidence de n’importe quel étranger, les protections politiques, les besoins à courte vue des intérêts agricoles, hôteliers ou touristiques, est la dernière à la pratiquer ; aussi est-elle devenue une cour des Miracles. Dans cent ans, que sera notre sang ? Toute la vie française est une question d’équilibre entre le Midi et le Nord. Depuis un siècle cet équilibre est rompu. Nous avons besoin de sang celte, de sang saxon et germanique, de sang nordique. Or, il entre chez nous des Levantins, des Sémites, des Berbères, des Latins du Sud, races de trafiquants et de politiciens futurs.
Les instructions confidentielles données aux consuls américains recommandent de n’accepter, dans le contingent français, que des hommes nés au nord de la Loire. Ce dosage des races n’est pas une utopie ; tous les pays d’Amérique latine, qui sont cependant des pays d’immigration, le pratiquent, à l’instar de l’Amérique du Nord. Un ministre chilien me disait récemment : En l’année 1925, nous n’avons laissé entrer au Chili que des Scandinaves. C’est de sang lourd, sérieux, travailleur, que nous avons besoin pour le Sud surtout.
Une frontière doit pouvoir s’ouvrir et se fermer comme un robinet. (dans Hiver Caraïbes 1929)
Le Nord s’avilit chaque fois qu’il s’allie au Midi. La ruée vers la Côte d’Azur est le prologue de l’engouement nègre. (dans Paris-Tombouctou 1928)
Aujourd’hui, pour le dixième de cela, on va en prison. Autres temps autres mœurs… Paul Morand ne fait d’ailleurs que refléter des opinions très largement partagées par une bonne part de la société française, surtout la bourgeoisie. Cet apartheid n’est pas lié chez lui à un nationalisme, pas plus qu’à un militarisme, sentiments qu’il exécrait : ce choléra moral, le nationalisme […] ma liberté, nom de Dieu ! J’ai la nostalgie de l’Univers, j’ai le mal de tous les pays – juin 1911 -. Comme de plus, il était un écrivain célèbre, unanimement reconnu, diplomate de surcroît, même s’il était en congé quasiment perpétuel, peut-être ces propos ont-ils provoqué quelques grincements de dents mais de la part de gens plutôt isolés et qui n’ont pas osé aller plus loin. Quand il s’adresse aux Africains, il leur demande expressément : surtout, ne changez pas, restez beaux et joyeux. Jouez le rôle qu’il me plait de vous attribuer. Point barre.
La beauté affreuse de notre époque, c’est que les races se sont mêlées sans se comprendre ni avoir eu le temps de se connaître et d’apprendre à se supporter.
[…] Afrique, continent extrême, plus encore que l’Asie, où l’on passe brusquement de la vie torréfiée aux marécages équatoriaux, dans lesquels des mondes de décomposition se forment et se défont à l’abri des rideaux de palétuviers. Afrique défendue par la barre, les bas-fonds, les côtes sablonneuses, comme le trésor par les dragons. Pays brut, terrien, non articulé, inintelligent. Pays sans nom.[…] L’Afrique est bien l’auge gigantesque qu’a décrite Livingstone. Qui n’y a bu ? Hier, les explorateurs y cherchaient l’oubli d’un ennui fin-de-siècle, les soldats s’y gorgeaient de gloire, les hommes d’affaires, d’or. Ce que nous demandons aujourd’hui à l’Afrique, – hâtons- nous de le lui demander, – c’est de nous faire comprendre ce que fut le monde au temps de son innocence, de sa fraiche férocité.
21 08 1933
Violette Nozière, parisienne de 18 ans, empoisonne ses parents – père chauffeur aux chemins de fer – avec une dose létale de somnifères. Elle s’est disputée avec eux car ils viennent de se rendre compte de sa vocation à la vie de voyou : cela a commencé par des vols d’argent à ses parents, des vols dans les magasins, puis, pour payer les toilettes de luxe, les chambres d’hôtel, des photos de nu et de la prostitution : cette vie de call-girl plutôt de haut vol lui a collé la syphilis qu’elle ne peut plus cacher à ses parents : elle est parvenue à baratiner son médecin qui a qualifié la maladie de familiale, d’où les médicaments pris en famille. Le père qui a pris toute la dose, meurt ; la mère, qui n’en a pris que la moitié, en réchappe, et Violette n’a rien du tout : le sien ne contenait qu’un dépuratif.
La police découvre vite que la version de Violette cloche, et elle est rapidement confondue. Procès il y aura, lors duquel elle affirmera que son père la violait depuis qu’elle avait douze ans… Vrai, faux ? Avec cette grande aptitude à vivre dans le mensonge, les juges se diront que la ficelle était trop grosse et elle sera condamnée le 12 octobre 1934, à peine de mort pour parricide. La presse s’était emparée de l’affaire, qui avait gonflé jusqu’à traverser l’Atlantique. Il y avait les pour, sublime, forcément sublime – on verra Paul Eluard, avide de marginalité célébrer l’audace de la parricide d’avoir brisé l’affreux nœud de serpent des liens du sang – et il y avait les contre. Violette sera graciée par le président Albert Lebrun le 24 décembre de la même année, sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Le 6 août 1942, le maréchal Pétain commuera la peine à 12 ans de travaux forcés à compter de sa date d’incarcération. Le 29 août 1945, elle retrouvera sa liberté. La même année, de Gaulle lèvera l’interdiction de séjour de vingt ans sur le territoire. Violette, 30 ans, reviendra vivre à Paris. Elle se mariera l’année suivante, aura cinq enfants et s’occupera fort bien de sa mère. Fait exceptionnel, elle sera réhabilitée le 13 mars 1963, première personne condamnée à la peine capitale à retrouver le plein exercice de ses droits civiques et un casier vierge. Elle n’en profitera pas : le cancer aura raison d’elle trois ans plus tard. Ce n’est qu’après sa mort que ses enfants apprendront l’histoire de leur mère. Claude Chabrol choisira Isabelle Huppert pour le rôle de Violette Nozière, en 1978.
09 1933
Jean-Paul Sartre, 28 ans, prend la suite de Raymond Aron à l’Institut Français de Berlin [c’est le service culturel de l’ambassade de France]. Il y restera jusqu’à l’année suivante. Sans autre commentaire qu’un R.A.S. – Rien À Signaler -, des vacances.
7 10 1933
Pierre Cot, ministre de l’Air, inaugure Air France, avec une flotte de 259 avions, venus de la fusion des quatre principaux transporteurs aériens français : Air Orient, Air Union, la Cidna et la SGTA et de l’Aéropostale, qui avait déposé son bilan depuis plus de 2 ans ; toutes dégageaient alors un lourd parfum de scandale, lequel avait fait dire à Painlevé : il faut limer les dents des constructeurs. Le logo de l’hippocampe a été emprunté à Air Orient.
10 10 1933
La SDN crée le Haut Commissariat pour les Réfugiés, à l’attention des premiers réfugiés politiques allemands.
29 10 1933
Copenhague s’équipe en feux de signalisation.
automne 1933
Il est des Russes pour dire ce qu’ils pensent, quelles qu’en puissent être les suites : Ossip Mandelstam sera arrêté pour cet épigramme avant même que son destinataire, Staline n’ait pu en prendre connaissance :
Le Montagnard du Kremlin
Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l’assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres.
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.
Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu’il jette à la tête, à l’œil, à l’aine.
Chaque mise à mort est une fête,
Et vaste est l’appétit de l’Ossète.
Ossip Mandelstam sera arrêté le 17 mai 1934, condamné à 3 ans de relégation à Tcherdyne, puis Voronej, dans l’Oural. Arrêté une seconde fois en 1938, il mourra de faim, de froid dans un camp aux portes de la Kolyma, près de Vladivostok. La Kolyma, c’est cette région d’extrême orient dont un dicton russe dit : Kolyma, Kolyma, ô planète enchantée, l’hiver a douze mois, tout le reste c’est l’été. Elle donne sur la baie de Nagaïev, dans laquelle se trouve le port de Magadan, plaque tournante du goulag de la Kolyma, riche des mines d’or qui se trouvent à 1 000 km de là. 80 000 détenus y creusent le sol, souvent gelé, pour en extraire l’or, avec des exigences de rendement de 1 m³/jour au début, puis jusqu’à 6 m³/jour. De 1937 à 1938, la mortalité y atteindra plus de 8 000 morts/an.
Staline téléphonera un jour à Boris Pasternak :
2 11 1933
Au Nietzsche-Archiv de Weimar, Elisabeth Förster, sœur de Friedrich Nietzsche reçoit Adolf Hitler. Elle avait épousé en 1885 l’antisémite Bernhard Förster et l’avait suivi au Paraguay pour y fonder une colonie qui traduirait ses thèses dans la réalité. Échec complet, suicide de son mari, et elle revient en Allemagne. Dès 1895, elle était devenue l’unique propriétaire des œuvres de son frère, qu’elle hébergea à Weimar pour les 3 dernières années de sa vie, après la mort de leur mère en 1897. Elle s’était dès lors livrée à une véritable entreprise de falsification de l’œuvre de son frère pour que fascisme italien et nazisme allemand se reconnaissent dans le surhomme nietzschéen. Hitler témoignera sa gratitude pour son maître spirituel en dotant les Archives Nietzsche de moyens colossaux.
Par un de ces paradoxes dont l’histoire est friande, le penseur le plus subversif et le plus iconoclaste du XIX° siècle se trouvait porté aux nues par un gouvernement nationaliste, socialiste et antisémite, les trois idéologies qu’il exécrait le plus. Une telle falsification, si elle devait peu à son œuvre, devait en revanche beaucoup à l’indomptable énergie, à l’ambition démesurée et surtout aux préjugés de sa sœur.
De 1900, année de la mort de son frère, à 1935, Élisabeth – maître d’œuvre des Archives Nietzsche – déploya tout son talent non seulement à diffuser la pensée nietzschéenne, mais également à s’en faire reconnaître comme la seule interprète autorisée. Cette femme redoutable, suffisamment intrigante pour subjuguer les hésitants et suffisamment forte pour briser ceux qui lui résistaient, parvint effectivement à faire de Weimar non seulement le lieu de pèlerinage de tous les fervents nietzschéens, mais aussi le lieu de rencontre de tout ce que l’Allemagne comptait d’artistes, de poètes et d’écrivains. Pas une célébrité qui ne vint la courtiser dans sa villa Silberblick, aménagée par l’architecte belge Henry Van de Velde, qu’elle avait imposé comme directeur de l’École des beaux-arts de Weimar. Cette arriviste, en effet, n’était point sotte et savait s’entourer : le comte Harry Kessler, Thomas Mann, Edvard Munch comptèrent parmi ses admirateurs. D’autres, comme le richissime banquier juif Ernst Thiel – qui révérait en Nietzsche le modèle du bon Européen – furent littéralement escroqués par Elisabeth.
Elle écrivit, en outre, une vie de son frère, en trois volumes, œuvre destinée à donner corps à la légende de mage et de saint qui commençait à se propager. Elle l’enveloppa dans un suaire mystique.
Elle nia toujours qu’il fût mort syphilitique, sa folie résultant, selon elle, du désespoir provoqué par l’incompréhension de ses contemporains. Outre l’art de réussir, elle connaissait celui de culpabiliser ! Elle dénonça enfin les commérages malveillants du docteur Möbius qui, dès 1902, dans son essai Les Syndromes pathologiques chez Nietzsche, avait risqué le mot syphilis ; il n’était pas possible qu’elle laissât ainsi calomnier un frère dont elle affirmait qu’il était chaste par nature.
Manipulatrice, dominatrice, machiavélique, rouée, Élisabeth Nietzsche ne trouva pour s’opposer à elle qu’un homme : Franz Overbeck, professeur de théologie à l’université de Bâle et ami de son frère. On voit souvent le monde désirer qu’on l’abuse, écrivit-il au début du siècle, et pourtant, rarement a-t-on dupé les lecteurs comme dans le livre de Madame Förster-Nietzsche. On pourrait croire à la lire qu’elle tient à prouver qu’elle est infiniment plus avisée que son frère. On lui donne maintenant le Bon Dieu sans confession. Mais cela ne durera pas. Un temps viendra où on la considérera comme l’exemple type d’une certaine catégorie : celle des sœurs abusives.
Il fallut attendre l’effondrement du Reich millénaire pour que les vues prophétiques d’Overbeck soient confirmées. D’abord grâce au philosophe allemand Karl Schlechta qui a, dans un remarquable essai, Le Cas Nietzsche (Gallimard, 1960), mis à jour les distorsions qu’Élisabeth avait fait subir à l’œuvre de son frère, notamment dans la publication de sa correspondance et dans La Volonté de puissance. Qui se déclare pour la sœur, écrivit-il,se déclare contre Nietzsche ; l’un ne va pas sans l’autre.
Roland Jaccard. Le Monde Hors série Friedrich Nietzsche. Juillet 2011
De toute façon, pour tout ce qui se rattachait à la culture, le ver était déjà dans le fruit : Hans Schemm, premier ministre de la culture à être nazi, en Bavière, déclarait : Nous ne sommes pas objectifs, nous sommes allemands.
8 11 1933
Aux États-Unis, création de la Civil Works Administration, avec pour objectif de fournir des emplois à quatre millions d’Américains, objectif atteint dès janvier 1934.
24 11 1933
Première loi sur la protection des animaux : c’est dans le Reich allemand. C’est à Goering, grand ami des animaux qu’on la doit ; il est de notoriété publique qu’il était de fait un des personnages les moins antipathiques du régime nazi.
27 11 1933
Journée paysanne dans tous les chefs lieu de département et à Paris : à la fin des années 1920, le blé se négociait à 180 francs ; il s’est mis à baisser à partir de l’automne 1932 et se négocie alors autour de 60 francs. Le parti agraire et paysan français a été crée en novembre 1927 : c’est lui qui anime les manifestations qui prennent pour cible les préfectures : la première aura lieu à Chartres en janvier 1933. Un autre mouvement lui fera bientôt concurrence : la Défense paysanne, avec Henri Dorgères et ses chemises vertes qui chantaient : bras nus, mains propres, nous irons nettoyer Paris.
12 12 1933
Clôture de l’exposition universelle de Chicago : 22 M. de visiteurs.
21 12 1933
Un jour Hitler sera installé à Vienne, et la France ne bougera pas, les meilleurs des Français n’étant pas d’avis qu’elle bouge. Un autre jour, Hitler s’établira dans le couloir polonais. Même immobilité de la France. Même cause morale de cette immobilité. Un autre jour, Hitler reprendra Eupen et Malmédy à nos amis belges. (…) Français ! Français ! Français ! Comprenez le piège que vous tend toute campagne d’accord, d’entente, de conversation avec ce voisin dont la satisfaction ne peut être trouvée, ni conçue, ni rêvée qu’à vos dépens. C’est un devoir de dire : ARMONS.
Charles Maurras. Action Française. 21 décembre 1933.
23 12 1933
Le train rapide Paris Strasbourg percute par l’arrière à plus de 110 km/h, l’express Paris Nancy, à la hauteur de Lagny, en Seine et Marne : les voitures, des caisses en bois sur châssis d’acier, volent en éclat : 200 morts, 120 blessés.
1933
Nouvelle famine en URSS, qui fera, de décembre 1932 à août 1933, six millions de morts, principalement en Ukraine, mais aussi dans la basse Volga, le Kazakhstan, sur fond de collectivisation particulièrement brutale et de réquisitions massives ; et dans le même temps, le gouvernement soviétique exportait 1,7 M de tonnes de céréales et en gardait en stock 3 M de tonnes, dans l’éventualité d’une guerre. En trois ans, 90 % du cheptel kazakh aura disparu : refusant la spoliation de leurs troupeaux, les éleveurs procédaient à des abattages massifs.
Et encore dans le même temps, Staline avait commencé à mettre en place un plan grandiose de déportation vers la Sibérie occidentale et le Kazakhstan d’éléments antisoviétiques des villes et des campagnes : cela va concerner 268 000 personnes, dont la plupart seront réduits à se nourrir de racines, de charognes et de chiens, parfois de cannibalisme, avant de mourir de faim sur l’île de Nazino – sur l’Ob -, à Arkhangelsk et ailleurs… l’île de Nazino : 3 km de long, 500 mètres de large : 6 114 déportés y arrivent fin mai 1933 ; 27 sont morts pendant le transport. Aucune nourriture n’y fut distribuée pendant 4 jours. Le premier soir, on dénombra 295 morts. Le seul ravitaillement fourni sera de la farine. Les Russes la surnommeront l’île de la mort, ou encore l’île des cannibales. Mais la chape de plomb du stalinisme couvrait tout cela et, indifférence occidentale aidant, la vérité n’arriva jamais jusqu’en place publique, se cantonnant à un petit cercle d’historiens isolés. Edouard Herriot, maire de Lyon, ministre des Affaires étrangères de juin à décembre 1932, ancien président du Conseil, traversera la Russie d’Odessa à la mer Baltique en quinze jours, dont cinq en Ukraine – du 26 au 31 août – et se fera enfumer comme un enfant de chœur, ne voulant rien voir de la misère et de la détresse de l’Ukraine : cathédrale orthodoxe de Kiev repeinte à la hâte, emplie de fidèles qui n’étaient autres que des couples de policiers, avec un archevêque qui venait de se faire coller une barbe, silos de blé approvisionnés à la hâte, hôtels repeints au dernier moment au point que l’odeur gênait les visiteurs etc etc… Staline n’avait pas oublié les démonstrations de Grégori Potemkine, au XVIII° siècle : l’urgence était à la réintégration de l’URSS dans le concert des nations occidentales, et en particulier de la SDN, ce qui sera fait l’année suivante.
Ce n’est pas le vent qui fait ployer les branches,
Ni le vert bosquet à travers lequel le vent hurle,
C’est mon cœur qui tremble et gémit comme une feuille.
Cela me fend le cœur de songer à mes soucis.
Brûle brindille, brûle, brindille de bouleau.
Si tu pars, j’en mourrai de chagrin.
Ramenez-moi dans mon pays d’origine, donnez-moi une tombe pour reposer en paix.
Faites de ma dernière demeure un doux foyer.
Mes chers et jeunes camarades, pouvez-vous régler mes notes de 25 roubles !
Ma chère brindille de bouleau,
Pourquoi brûles-tu si mal ? Probablement parce que tu ne t’es pas correctement desséchée.
Chant populaire russe.
César Augusto Sandino est parvenu à contrôler jusqu’à 32 000 km² du territoire du Nicaragua, près de la frontière du Honduras ; il ne demande qu’une chose : le départ des soldats américains de son pays ; l’ayant obtenu, il dépose les armes.
Avec une très confortable avance sur l’engouement pour les vêtements de sport, René Lacoste, le dernier des mousquetaires du tennis français d’avant guerre, lance la chemise Lacoste : le crocodile, en souvenir d’une valise en croco qu’il aurait bien voulu s’acheter du temps de sa jeunesse. Le succès ? une part de génie, une part héritée du sens des affaires de son père, président d’Hispano Suiza (des voitures de luxe) ; le secret de fabrication : le jersey petit piquet. Il aura fallu toute une coalition de pépins de santé pour emporter ce champion de 92 ans le 12 Octobre 1996 : fracture du col du fémur, cancer de la prostate, bronchite chronique.
En AOF, – Afrique Occidentale Française -, la France réorganise ses territoires et crée la Basse Côte d’Ivoire et la Haute Côte d’Ivoire, qui ne deviendra Haute Volta qu’en 1947 -, puis Burkina Faso en 1984.
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[1] Ce genre de coutume est tout de même plus facile à mettre en œuvre dans un pays où le clergé, protestant comme catholique est rémunéré par l’État que dans un pays où il l’est par l’Église.