22 novembre 1963 au 18 août 1966. Assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Tunnel du Mont Blanc. Clochemerle s’invite aux Drus. 26010
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Publié par (l.peltier) le 27 août 2008 En savoir plus

22 11 1963  

Assassinat de John Kennedy à Dallas, grande ville du sud, conservatrice et opposée aux démocrates. Il n’y avait pas de policiers sur les toits. Le service de sécurité a été déployé au minimum. Les règles de sécurité exigent que le cortège n’emprunte pas de parcours comportant des angles supérieurs à 90°. Or, il y avait sur ce parcours un angle à 120°. À l’approche du cortège, un homme ouvre un parapluie, alors qu’il fait très beau. Un  spectateur est pris d’une crise d’épilepsie, mobilisant ainsi les policiers locaux : on ne retrouvera jamais aucune trace de ce malade dans les hôpitaux environnants. Sur le parcours, un immeuble consacré au stockage de livres scolaires. Les coups de feu qui tuent Kennedy partent de là, dira la commission Warren. Les deux premiers ne sont pas mortels. Au lieu d’accélérer, la limousine de Kennedy ralentit, et allume ses feux pour n’accélérer qu’à la fin des tirs. Le chauffeur, membre du FBI sera tué trois semaines plus tard. Une troisième balle emporte le bas du crâne du président : elle n’a pas pu être tirée du même endroit que les deux premières, car elle a projetée Kennedy sur la gauche : elle venait donc de droite, provoquant le recul de la tête de Kennedy vers l’arrière. La position d’Oswald le mettait en face de Kennedy et ses tirs ne pouvaient donc provoquer ce mouvement vers l’arrière de la tête du président. Une quinzaine d’hommes se trouvent dans l’immeuble de stockage de livres. Les policiers qui fouillent l’immeuble, dont en premier Tippit, laissent partir le premier présent : Lee Harvey Oswald, qui est sans doute passé en force. On retrouve Oswald une heure et demi plus tard près d’un cinéma et il est incarcéré. Quelques heures plus tard, l’agent Tippit est tué.  L’arme du crime ne sera jamais correctement identifiée car il semble bien qu’il y en ait eu deux dans l’immeuble. L’une d’elles a disparu. Un panneau routier ayant reçu un impact de balle sera démonté et disparaîtra. Les photos de la scène disparaîtront toutes du rapport Warren, nom du président de la commission qui sera chargée de l’enquête. Le film d’amateur qui a été tourné ne sera jamais rendu public par la commission Warren. Oswald semble avoir été manipulé de bout en bout pour porter le chapeau et être liquidé rapidement après : lors de ses premiers interrogatoires, la police lui posera des questions montrant qu’elle connaissait déjà très bien son passé, dont plusieurs mois passés à Moscou suivis d’un retour aux États-Unis sans problème aucun ! Il n’y aura jamais de procès verbal de l’interrogatoire d’Oswald. Il faudra attendre quelques semaines pour que la disparition d’Oswald soit rendue possible, en faisant appel à Ruby, directeur d’une boite de nuit, ayant des contacts avec la Mafia, qui parviendra à tuer Oswald dans le couloir de sa prison.

Lee Harvey Oswald ne savait pas tirer, son fusil était le pire au monde et il se l’était fait livrer par la poste. Pourquoi, cinquante ans après les faits, continue-t-on de défendre la thèse du tueur solitaire ? 

Marc Dugain

Le corps de Kennedy sera pratiquement enlevé par le Secret Service pour être emmené directement à Washington, où l’autopsie sera effectuée par des médecins qui ne sont pas des médecins légistes, faisant état de blessures qui de sont pas celles constatées par les témoins de Dallas.

Les questions sont pléthore. À commencer par l’autopsie elle-même. Fait aberrant, c’est sous la menace des armes des agents du Secret Service [en charge de la sécurité du président depuis 1901, date de l’assassinat du président Mac Kinley) que le docteur Earl Rose se voit contraint de laisser partir le corps du défunt à Washington. L’autopsie en question est pratiquée à l’hôpital naval de Bethesda le soir-même de l’assassinat. Elle conclut à la présence de deux blessures à la tête. La plus impressionnante est sans conteste une plaie de treize centimètres de diamètre située à l’arrière du crâne. D’aucuns s’interrogent sur l’authenticité de cette autopsie. D’après William Reymond, on aurait substitué un mannequin en cire à la dépouille de Kennedy. Il mentionne aussi des détails étranges à l’exemple de la délimitation même du cuir chevelu de Kennedu. La blessure à la gorge apparaît ainsi comme une vaste plaie alors qu’il ne s’agissait au départ que d’une légère incision. L’auteur commente ainsi les faits: quelqu’un à l’hôpital militaire de Bethesda a maquillé cet impact d’entrée en explosion de sortie. De même, un curieux rectangle noir apparaît à la naissance du cuir chevelu de la victime. Il obstrue en fait une entrée de balle en haut à droite, impact correspondant à un tir depuis le Grassy Knoll. Ainsi a-t-on procédé au maquillage de certains impacts pour en créer d’autres. Mais à quoi peut rimer toute cette mise en scène ? la raison en est simple: il s’agit d’accréditer la thèse du tireur unique et exclure ainsi toute idée de conspiration.

Luc Mary Les Grands assassinats. Éditions TrajectoirE.

Des années après que la commission Warren ait rendu ses conclusions – Oswald est l’assassin, et il a agit seul -, une autre commission émanant de la Chambre des représentants rendra ses conclusions, qui seront très différentes de celle de la commission Warren, assurant qu’il y a eu des tirs provenant d’autres tireurs qu’Oswald. Le nom du vice président Johnson sera avancé, représentant les forces conservatrices du sud. On pourrait en rester à la seule Mafia qui avait suffisamment de motifs pour organiser le coup, furieuse d’avoir eu Robert Kennedy sur le dos après avoir assuré la victoire de John. Mais le déroulement de l’assassinat est trop sophistiqué pour être l’œuvre de la seule Mafia.

L'assassinat de John Fitzgerald Kennedy en cinq faits étonnants - Redon.maville.com

une poignée de secondes plus tôt

L'assassinat de John Fitzgerald Kennedy : podcast 2000 ans d'Histoire

Du complot comme genre littéraire

11 1963  

Le poète grec Georges Séféris reçoit le Nobel de poésie à Stockholm : J’appartiens à un petit pays. C’est un promontoire rocheux dans la Méditerranée, qui n’a pour lui que l’effort de son peuple, la mer et la lumière du soleil. C’est un petit pays, mais sa tradition est immense. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle s’est transmise à nous sans interruption. La langue grecque n’a jamais cessée d’être parlée. Elle a subi les altérations que subit toute chose vivante. Mais elle n’est marquée d’aucune faille. Ce qui caractérise encore cette tradition, c’est l’amour de l’humain ; la justice est sa règle. Dans l’organisation si précise de la tragédie classique, l’homme qui dépasse la mesure doit être puni par les Erinnyes. Bien plus, la même règle vaut pour les lois naturelles. Le soleil ne peut pas dépasser la mesure, dit Héraclite, sinon, les Erinnyes, servantes de la justice, sauront le ramener à l’ordre… […]    Cette voix qui court à tout moment le danger de s’éteindre faute d’amour et qui sans cesse renaît. Menacée, elle sait toujours où trouver un refuge ; reniée, elle a toujours l’instinct de reprendre racine dans des régions inattendues. Pour elle, il n’existe pas de grandes et de petites parties du monde. Son domaine est dans le cœur de tous les hommes de la terre. Elle a le charme de fuir l’industrie de l’habitude. Je dois ma reconnaissance à l’Académie suédoise d’avoir senti ces faits, d’avoir senti que les langues dites d’usage restreint ne doivent pas devenir des barrières derrière lesquelles le battement du cœur humain peut être étouffé. […]  Dans ce monde qui va se rétrécissant, chacun de nous a besoin de tous les autres. Nous devons chercher l’homme partout où il se trouve.

Georges Séféris

20 12 1963  

Fritz Bauer, procureur, Juif, social démocrate, interné en 1933 au camp de Heuberg, a fui le nazisme et trouvé refuge au Danemark. De retour d’exil en 1949, il est effaré par les non-dits de la société allemande et par le nombre d’anciens nazis en activité à des postes importants. À telle enseigne que, lorsqu’un juif exilé en Argentine lui signale la présence d’Adolf Eichmann à Buenos Aires, il choisit de transmettre l’information au Mossad plutôt qu’à une justice allemande infestée d’anciens sympathisants hitlériens. Mais il reste convaincu qu’il faut confronter l’Allemagne à son passé, si l’on veut que naisse une véritable démocratie.

En janvier 1959, un journaliste lui a remis un document exceptionnel, sauvé des flammes du camp d’Auschwitz : une longue liste de noms de personnes exécutées mais aussi les noms et grades de SS ayant participé aux massacres, à différents degrés. Grâce à ce document, Bauer peut enfin demander que l’ensemble des cas de criminels de guerre allemands soit centralisé sous son autorité à Francfort : il veut que les nazis allemands soient jugés par des Allemands et pas seulement par des magistrats étrangers comme à Nuremberg, juste après la guerre. Il retiendra une liste de 22 prévenus qui seront jugés pour crimes d’initiative et non pour meurtres commis en application des ordres reçus, ce que la législation allemande considère être de la complicité de meurtre, non suffisante pour établir une responsabilité au premier degré. Il verra s’opposer à lui sur ce point un jeune membre de la CDU, Helmut Kohl. Au final, en août 1965, le tribunal prononcera six condamnations à vie, d’autres recevront la peine maximale en regard des charges pesant sur eux. Cinq seront acquittés et relaxés.

Un procureur dépité par la grande clémence du verdict, lâchera : Eichmann aurait été ravi d’être jugé en Allemagne. Il n’aurait écopé que de quelques années de prison !

12 1963 

Des exilés tutsis lancent une offensive contre le Rwanda à partir du Burundi : ils parviennent au pont de de Kanzenze, à 20 kilomètres à peine de Kigali : la répression va être sanglante : 10 000 à 14 000 morts, parmi lesquels l’ensemble des leaders tutsis.

1963 

Inauguration de la maison de la Radio, construite par Henry Bernard. Henri Filipacchi lance Le livre de poche, dont le succès ne se démentira pas. Lou Ottens, directeur de Philips Audio, après plusieurs années de recherche et développement lance la K7 audio, que l’on estimera, 60 ans plus tard avoir été vendue à 100 milliards d’exemplaires.

Le principe : quatre canaux (pistes) sont écrits en parallèle sur la bande. Deux sont enregistrés lorsque la bande se trouve sur un côté dans l’enregistreur et deux autres lorsqu’elle est retournée. Certains lecteurs de cassette peuvent lire successivement les deux côtés de la cassette sans obliger l’utilisateur à retourner la cassette manuellement : on parle d’auto-reverse. Généralement, cela est possible grâce à une tête de lecture double ou pivotante, et par l’inversion du sens de défilement de la bande, mais certains lecteurs retournent réellement la cassette.

Les grottes de Lascaux sont fermées au public : le gaz carbonique attaque les pigments des peintures. Création du Parc National de la Vanoise – le 6 juillet – et de Port-Cros, le 14 décembre. La famille va s’agrandir tant en frères et sœurs qu’en cousins :

  • Pyrénées 1967
  • Cévennes 1970
  • Écrins 1973
  • Mercantour 1979
  • Guadeloupe 1989
  • Réunion 2007
  • Guyane 2007
  • Calanques de Marseille 2012
  • Forêts de Champagne-Bourgogne 2019

Soit, pour les dix premiers, 2 511 100 ha de surface terrestre. Le parc des calanques s’étend aussi sur 43 500 ha de mer. Les parc naturels régionaux suivront, avec une réglementation moins contraignante laissant plus de place à une activité économique classique : Forêt d’Orient, Landes, Gascogne, volcans d’Auvergne, Corse, Luberon, Alpilles, Vercors, monts d’Ardèche, Morvan, Haut-Languedoc, Vosges, Lorraine, Saint-Amand. L’Île de France en compte 4 : Haute vallée de Chevreuse, 1985, Vexin, 1995, Gâtinais, 1999, Oise, 2004.

Le Parc National  de Port-Cros  qui était bien mal en point au XIX° siècle – une usine de soude l’avait presqu’entièrement déboisé -, avait ensuite connu comme principale propriétaire Paule Desmarais, et comme animatrice culturelle Marcelline Henry, qui s’y était installée avec son mari en 1921 et avait intéressé André Malraux au sort de cette perle ; ainsi était née l’idée d’un Parc National ; en ce temps là, les propriétaires fonciers savaient encore donner sa part au bien public. Port-Cros s’agrandira de 80 % de l’île de Porquerolles en 1971, couvrant alors 1 700 ha de terres émergées et 2 900 ha de surfaces marines, où les grands bénéficiaires de cette protection seront le mérou brun, quasiment disparu en 1963, mais aussi le barracuda, et en végétal, les herbiers de posidonie, qui s’étagent de la surface à une profondeur de 40 mètres, grands producteurs d’oxygène : 1 m² de posidonie produit 10 l/j d’oxygène, beaucoup plus que n’importe quel végétal terrestre : de vrais puits de carbone.

Fred Vine, Drummond Matthews et Larry Morley confortent la théorie du double tapis roulant de Harry Hess sur les dorsales océaniques en mesurant la polarité des roches à leur proximité. Les roches issues du magma, donc à très haute température, fixent la polarité magnétique au moment de leur éruption et il se trouve que ces polarités sont inversées de part et d’autre de ces dorsales, selon une configuration dite en peau de zèbre. Ils prouvent que l’échelle chronologique des inversions périodiques concorde avec les bandes d’anomalies et en concluent que les basaltes formant le plancher océanique n’ont pas le même âge puisqu’ils fossilisent le champ magnétique contemporain de leur formation. L’étude de l’âge de sédiments océaniques effectuée en 1968 démontrera l’hypothèse de formation des océans de manière incontestable : l’âge des sédiments et par conséquent celui des basaltes qui les supportent, augmente avec la distance depuis la dorsale. C’est un très grand pas vers la théorie de la tectoniques des plaques.

L’âge de la scolarité obligatoire passe de 14 à 16 ans. Philips lance le magnétophone à cassettes. Le Commissariat à l’Énergie Atomique met en service à Grenoble Siloé, réacteur nucléaire expérimental : le ralentissement du programme nucléaire français entraînera son arrêt en 1997 et sa déconstruction commencera en 1999 pour se terminer en 2007.

La CIA trempe dans un coup d’État en Irak, visant à asseoir le parti Baas et à anéantir l’opposition communiste : des milliers de communistes sont sommairement exécutés.

Dick Fosbury, un jeune américain de 16 ans, de l’Oregon, se voit sommé par l’entraîneur d’athlétisme de son collège de renoncer à adopter la technique du ciseau au saut en hauteur pour adopter celle du ventral. Et patatras, il fait 15 cm de moins ! Des radiographies ultérieures révéleront une malformation de la colonne vertébrale ; enfant, il avait eu un accident de travail sur une machine agricole. Il décide alors de ne plus en faire qu’à sa tête, ce qu’accepte l’intelligent entraîneur, et la séance suivante, il se présente dos à la barre et l’enroule : record personnel amélioré de 15 cm, et rebelote la semaine suivante. Les journalistes locaux affluents : goguenard, Dick nomme son saut Fosbury flop. Il passe 2.01 m et décroche ainsi une bourse universitaire. Réformé de justesse à la mi-juin 1968, il participe aux sélections américaines pour les JO de Mexico, et décroche l’or avec 2.24 m. S’il reconnaît avoir été celui par qui la technique a gagné ses galons, il dit aussi avoir vu d’autres sauteurs faire de même à la même époque.

Les récentes  indépendances africaines sont une chose, la réalité des forces à l’œuvre en est une autre, et ce serait une grave erreur que d’ignorer la création de la Ligie islamique mondiale :

La confrérie Tidjaniya qu’avait présidé El Hadj Omar existe toujours. C’est ainsi que le dirigeant des Mourides du Sénégal participait en 1963 à la fondation de la Ligue islamique dont Cheikh Ibrahim Niasse, le chef de la confrérie, devenait aussitôt le vice-président. C’est à partir de ce moment-là, par le canal des ONG caritatives qu’allaient se déverser sur l’Islam ouest-africain les pétrodollars wahhabites. Cinquante ans plus tard, la vie quotidienne des Sénégalais en est modifiée, alors même que cette conception rigoureuse de la religion était totalement étrangère à ces populations. Plus au sud du Sénégal, au nord du Nigéria ex-colonie britannique, l’émir actuel de Kano, Sanusi Lamido Sanusi, est également un grand dignitaire de la confrérie Tidjaniya. Ancien gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, il a aussi un diplôme en loi islamique de l’université de Khartoum. La compréhension de la géopolitique de l’ouest africain nous impose donc de considérer les frontières étatiques pour ce qu’elle sont, des héritages fragiles et superficiels de la courte période coloniale. Une autre réalité les accompagne, sans les renier, mais en s’y accommodant. En l’occurrence, celle des confréries est au moins aussi importante que toutes les entités politiques institutionnelles. Cela échappe les plus souvent à l’observateur européen héritier lui d’une autre histoire et d’un autre mode de pensée, plus cartésien. Mais aux peuples de la région, tout cela est évident et ils vivent concrètement la superposition de ces structures. S’agissant de la confrérie Tidjaniya, on a vu que l’Arabie saoudite se sert de ce canal pour diffuser sa conception d’un Islam rigoriste. Son seul rival sérieux est le Maroc qui utilise la Tidjaniya comme un outil diplomatique majeur au service de son influence en Afrique. Car la tombe du fondateur de la confrérie est au Maroc. Et son mausolée est l’objet d’un pèlerinage respecté de tous, presque aussi important que celui de La Mecque. Une zaouïa lui est naturellement attachée.

Des gens qui croient sincèrement et profondément en Dieu se sentent ainsi un devoir sacré de répandre leur foi, grâce à l’argent du pétrole dont ils pensent qu’il leur a été donné par Dieu à cette fin. Évidemment, pour les Européens, ce sont là des incongruités, voir des signes évidents de pathologie mentale. Que les Européens ne croient plus guère au divin, c’est leur affaire. Plus exactement c’est leur histoire. Une belle histoire d’ailleurs. Depuis les Grecs de l’Antiquité, les Romains, jusqu’à la Renaissance, les grandes découvertes, la Réforme, les Lumières et la démocratie. Mais dénier aux autres la puissance d’une motivation fondée sur une croyance métaphysique, c’est encore une fois faire preuve d’arrogance et c’est surtout s’exposer à de grands dangers. Car une guerre nous est déclarée qu’il est futile de rejeter comme un anachronisme. Elle est là, sous nos yeux, depuis des décennies. Mais pouvons-nous seulement accepter de la voir ? 

Philippe San Marco. Sortir de l’impasse coloniale. Mon petit éditeur 2016

27 01 1964  

La France est le 49° état à reconnaître la Chine communiste ; ce qui entraîne une rupture avec Formose, la Chine nationaliste de Tchang Kaï Chek, et un refroidissement avec les États-Unis, qui attendront 1972 pour le faire, avec Richard Nixon. Mais entre anciens militaires, on fait le nécessaire pour que les divorces se passent à l’amiable : et de Gaulle avait  envoyé auprès de Tchang Kai Chek deux très bons connaisseurs de la Chine : Zinovi Pechkoff (adopté par Maxime Gorki à l’âge de 12 ans) et Jacques Guillermaz, porteurs d’un courrier qui donnait au maréchal le dernier salut d’un autre soldat dont l’intérêt d’État allait le séparer.

Le 27 janvier 1964, la reconnaissance diplomatique entre Paris et Pékin est établie. Le ministère chinois des Affaires étrangères en informe aussitôt Mao Zedong. À cette époque, celui-ci est quelque peu tenu à l’écart du pouvoir pour avoir, en 1959 et 1960, mené la politique du Grand Bond en avant, qui a entraîné un véritable désastre économique. Mao Zedong a donc du temps pour étudier l’anglais avec une diplomate anglophone, Zhang Hanzi. Celle-ci racontera bien plus tard que Mao s’ennuyait, c’est pour ça qu’il [lui] avait demandé de lui donner des cours d’anglais. [Ils] travaillai[en]t sur la version anglaise de ses écrits. Ce 27 janvier 1964, Mao Zedong déclare à Zhang Hanzi que la France a fait un geste très important.

De son côté, Charles de Gaulle commente cette reconnaissance diplomatique quatre jours plus tard, le 31 janvier, au cours d’une des deux conférences de presse qu’il organise chaque année. Il passe vingt minutes à expliquer que le poids de l’évidence et de la raison pesant chaque jour d’avantage, la République française a décidé de placer ses rapports avec la République populaire de Chine sur un plan normal, autrement dit diplomatique. Il présente cet État plus ancien que l’histoire, […] constamment résolu à l’indépendance, s’efforçant sans relâche à la centralisation, replié d’instinct sur lui-même et dédaigneux des étrangers, mais conscient et orgueilleux d’une immuable pérennité, telle est la Chine de toujours !

De Gaulle parle aussi de la place stratégique de la Chine et des espoirs que la France place dans une coopération technique et culturelle avec ce pays. À l’attention de tous ceux, notamment aux États-Unis, qui désapprouvent avec virulence cette initiative française, il précise : Il n’y a évidemment là rien qui implique aucune sorte d’approbation à l’égard du régime qui domine actuellement la Chine.

Très vite, un petit groupe de diplomates français part pour Pékin afin de préparer l’installation d’une ambassade de France Claude Chayet mène cette délégation. Il a vécu enfant en Chine où, autour de 1930, son père était diplomate. Avant de quitter Paris, il est reçu à l’Elysée par le général de Gaulle et racontera plus tard lui avoir demandé s'[il] devait exiger de récupérer l’ambassade d’avant l’arrivée des communistes en 1949. Celle-ci se situait dans l’ancien quartier des concessions et, précisait Claude Chayet, pour les Chinois, les concessions sont une tache dans l’histoire. Il n’y a pas de pays qui n’a pas de tache dans son histoire, répond le général. Vous réclamerez une ambassade.

Mais une fois à Pékin, les autorités chinoises font savoir à Claude Chayet qu’il sera très difficile de rendre à Paris son ancienne ambassade. Ce qui signifie que c’est un non définitif. Il est proposé à la France de choisir entre deux bâtiments à peu près semblables dans le quartier de Sanlitun, dans l’est de la capitale. J’ai choisi celui où le salon était au rez-de-chaussée, en me disant qu’il n’y aurait pas de jambes cassées dans l’escalier lors des réceptions du 14-Juillet, explique Claude Chayet, qui occupera les fonctions de premier conseiller jusqu’en 1966. Quant à l’ambassade de France, elle restera au même endroit jusqu’en 2011, année durant laquelle un autre bâtiment sort de terre pour l’accueillir.

En mai 1964, le premier ambassadeur de France dans la Chine communiste prend ses fonctions à Pékin. Il s’agit de Lucien Paye, un diplomate gaulliste qui a notamment été ministre de l’Éducation nationale en 1961. Il est très favorablement accueilli par les autorités chinoises. La France est alors bien vue à Pékin pour avoir condamné l’intervention américaine au Vietnam et refusé de signer, en 1963, un accord proposé par Moscou en vue de limiter l’expérimentation des bombes nucléaires. Dans ce domaine, la France est prévenue avant tout autre pays lorsque la Chine, en octobre 1964, devient la cinquième puissance nucléaire au monde en faisant exploser sa première bombe atomique sur le site du Lob Nor, dans la région du Xinjiang.

L’ambassadeur a de bons contacts avec Chen Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères. Il est l’un des très rares diplomates autorisés à voyager dans de lointaines provinces, comme le Sichuan ou le Yunnan. Et Lucien Paye est aussi aux côtés d’ André Malraux – alors ministre de la Culture –  lorsque celui-ci rencontre Mao Zedong au cours d’un dîner au Palais du peuple en 1965.

Curieusement, dans ses Antimémoires, publiées en 1967, André Malraux ne relate pas que le dirigeant chinois lui a fait part de son désir de bousculer le mode de direction de la Chine. Cette annonce de la Révolution culturelle est en revanche remarquée par les quelques autres Français qui accompagnent le ministre. Parmi eux, se trouvent André Bettencourt qui, de retour à Paris raconte ses impressions sur Mao Zedong en disant : C’est à la fois un grand homme d’État, c’est incontestable, c’est aussi un philosophe, on pourrait même dire que c’est un sage.

Sur le plan commercial, les retombées de la reconnaissance diplomatique sont limitées même si, en 1965, une exposition de produits industriels français est organisée à Pékin. En matière aéronautique, la Chine semble avoir été intéressée par l’achat de Caravelle. Mais la présence, dans les moteurs de cet avion, de plusieurs éléments américains empêchera toute vente par la France. En revanche, Berliet parviendra à fournir à la Chine des exemplaires de son camion 100 tonnes en les exportant à partir d’une usine située en Algérie. Quant au procédé de télévision Sécam, il ne sera pas acheté mais copié par des techniciens chinois. Ce seront finalement le blé et les céréales qui seront les principales exportations françaises vers la Chine.

Parallèlement, Huang Zhen, ancien compagnon de Mao Zedong lors de la Longue Marche, a été nommé ambassadeur à Paris, où il arrive en juin 1964. En février, un chargé d’affaires, Song Zhiguang, l’a précédé en compagnie de cinq diplomates parmi lesquels Wang Hua, 26 ans, parfait francophone. Venus de Genève, ils sont attendus gare de Lyon par une centaine de journalistes.

Logiquement, ils auraient dû s’installer dans l’ambassade de Chine, avenue George-V, dans le VIII° arrondissement de Paris, mais les Taïwanais ont fait de ce lieu leur ambassade auprès de l’Unesco. Les six diplomates venus de Pékin logent donc à l’hôtel Intercontinental. Ce qu’on mangeait au restaurant était détaillé dans les journaux du lendemain. Mais quand on sortait en veste grise à col Mao, les gens nous faisaient des signes d’amitié, se souviendra Wang Hua.

Au bout de deux mois, les diplomates chinois louent un immeuble à Neuilly. Wang Hua repère une villa en vente qui convient comme résidence pour l’ambassadeur. La propriétaire est américaine; l’ambassade des États-Unis à Paris lui déconseille de conclure. Les Chinois la persuadent que, dans une économie de marché, chacun est libre de vendre à qui il veut.

En janvier 1965, lors des vœux au corps diplomatique à l’Élysée, Charles de Gaulle demande à Huang Zhen si son installation à Paris se passe bien. L’ambassadeur s’enhardit à répondre que ce serait sans doute mieux si la Chine populaire pouvait s’installer dans le bâtiment de l’avenue George-V. Dans les jours qui suivent, les diplomates taïwanais sont vivement invités à laisser la place aux Chinois de Pékin. L’ordre est venu du cabinet du général.

Mais à partir du printemps 1966, le déclenchement de la Révolution culturelle change totalement l’atmosphère politique à Pékin. Les contacts avec l’ambassade de France s’arrêtent. Dans le but de reprendre totalement le pouvoir, Mao Zedong commence par provoquer un climat de désordre maximum en appelant à la révolte des masses contre les dirigeants et les élites. Tout est bon pour critiquer l’ordre établi, y compris dans le domaine international. En 1967, des Gardes rouges manifestent devant l’ambassade de France pour protester contre des incidents survenus à Paris lorsque la police a empêché des étudiants chinois de s’attaquer à l’ambassade soviétique.

Puis, en soutien à des manifestations survenues à Djibouti – qui était alors, sous le nom de Côte française des Somalis, un territoire d’outre-mer français -, il est écrit en idéogrammes sur un mur de l’ambassade de France à Pékin : À bas les têtes de chien français ! Sortez de Djibouti !

La municipalité de Pékin ne parviendra jamais à effacer ces phrases qui, au fil des années, réapparaîtront régulièrement les jours de pluies. Mais sur le moment, en août 1967, alors qu’il reçoit le général Jacques Guillermaz, brillant sinologue qui vient de quitter son poste d’attaché militaire à Pékin, Charles de Gaulle ironise en disant : Être traité de chiens par des Pékinois, voilà qui est cocasse. Avant d’estimer, devant son hôte, que les avantages immédiats de la reconnaissance de la Chine ne sont pas apparents. L’année suivante, Pékin approuve solennellement les révoltes de Mai 68  à Paris, au cours desquelles s’illustrent quelques groupes maoïstes.

Tout au long de cette période durant laquelle la Révolution culturelle bat son plein en Chine, l’ambassade à Paris se montre particulièrement discrète. Un groupe de diplomates qui se sont décrétés Gardes rouges veille à établir une parfaite égalité. Il est ainsi très probable que l’ambassadeur ait été obligé, certains jours, de se tenir au standard téléphonique.

Un voyage de Charles de Gaulle en Chine était en préparation pour le printemps 1971. Il n’aura pas lieu, le général étant mort en novembre 1970. [mais surtout, il n’était plus président de la République depuis le 28 avril 1969, et donc, n’avait plus aucun mandat politique à partir de cette date. ndlr]. C’est Maurice Couve de Murville, qui avait été ministre des Affaires étrangères puis Premier ministre du général, qui effectue une visite à Pékin et dans quelques autres villes chinoise en 1970. À son retour, comme des journalistes lui demandent ses impressions de voyage, il répond par cette phrase d’une parfaite banalité diplomatique : La Chine est un grand pays plein de contrastes.

Mais en ces débuts des années 1970, la Chine va décider de sortir de son isolement. Craignant une attaque soviétique, Mao Zedong et Zhou Enlai reçoivent secrètement le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Henry Kissinger, ce qui prépare la visite en Chine du président américain Richard Nixon de février. L’année suivante, Georges Pompidou effectue le premier voyage d’un président de la République française en Chine.

Après la mort de Mao en 1976 puis, deux ans plus tard, l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, la Chine entame des réformes qui vont l’amener à s’ouvrir économiquement au reste du monde. Dès lors, Paris est en concurrence avec les autres puissances occidentales, qui, les unes après les autres, ont reconnu Pékin. Tout au plus, Henry Kissinger et Richard Nixon diront-ils que le général de Gaulle leur a préparé le terrain. Et en Chine, citer Charles de Gaulle est resté une obligation dans tout discours officiel où il est question de la France.

Richard Arzt. – Édité par Natacha ZimmermannSlate

9 02 1964

Maria Callas, 41 ans, que l’on dit sur le déclin, avec une vie amoureuse envahissante, avec une voix qui n’est plus ce qu’elle était, revient sur scène après des années d’absence dans Tosca de Giacomo Puccini au Royal Albert Hall de Londres, dans une mise en scène de Franco Zeffirelli : et c’est un triomphe, probablement le sommet de sa carrière.

24 03 1964   

D’Alger, Louis Germain envoie les documents relatifs à Camus, son ancien élève, au Directeur de la Bibliothèque Nationale :

Monsieur le Directeur de la Bibliothèque nationale

58 rue de Richelieu

Dans ma carrière d’instituteur public, il m’a été donné d’avoir parmi mes élèves Albert Camus. Je lui ai, d’abord, appris à lire ; puis l’ai fait recevoir à l’examen des bourses du lycée.

Une affection durable est née entre nous et Camus ne l’a jamais oubliée.

J’ai retrouvé mon ancien élève à Paris en 1945 et nous sommes restés en relation jusqu’à sa dramatique disparition [le 4 janvier 1960. ndlr]. Il m’en reste des lettre (14 exactement) dont une qu’il m’a adressée après que le prix Nobel lui ait été décerné. De plus, il a eu la délicate attention de m’offrir, dédicacés (sauf un lors d’une grave maladie) tous ses livres.

J’estime que tout cela appartient d’abord à la mémoire de qui je le dois. Me voici à un âge [80 ans. ndlr] où on doit envisager un départ possible. Or je ne veux pas que soit livré au hasard, qui ne fait pas toujours bien les choses, ce que je considère comme un héritage sacré.

C’est pourquoi je suis prêt à vous remettre tout ce que je détiens venant de Camus ou le concernant.

Ces documents resteront ainsi à la disposition de ceux qu’ils intéresseront et sans risque possible.

À ce sujet, je dois vous dire que l’appartement à demi déménagé que je laissais (6 rue Rovigo Alger) a été occupé à mon insu et contre mon gré et que j’y ai perdu tout ce que j’avais laissé : meubles, objets, papiers personnels, etc. J’ai eu, heureusement et sans me douter de ce qui allait arriver, l’idée de grouper tous les documents Camus et d’en assurer moi-même le transport. Sans quoi tout était irrémédiablement perdu. Mes plaintes aux autorités compétentes sont restées lettres mortes.

Je vous demande donc, Monsieur le Directeur, de me dire le sort que vous voulez réserver à mon offre et, le cas échéant, le moyen le plus sur de vous faire parvenir ce que je vous destine c’est à dire

14 lettre autographes

15 livres neufs et dédicacés

1 photo d’école avec Camus (alors mon élève)

un résumé de mes souvenirs de Camus écolier qu’on m’a demandé à plusieurs reprises et dont le texte lui a été soumis.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, mes respectueuses salutations.

Germain Louis

28 03 1964  

Séisme sur le détroit du Prince William, en Alaska, de puissance 9,2 sur l’échelle de Richter : 122 morts.

03 1964  

Kitty Genovese, une jeune américaine, rentre chez elle, dans le Queens, à New-York. Elle est attaquée par un homme qui va s’acharner sur elle pendant trente cinq minutes, la labourant de coup de couteau, l’emmenant jusqu’au seuil de sa maison, prenant le temps de déplacer sa voiture. Trente huit personnes seront alertées par les appels au secours, les cris : personne ne bougera. L’assassin dira lors de son procès : j’étais certain de ne pas être dérangé. Didier Decoin en fera un livre en 2009 : Est-ce ainsi que les femmes meurent ?

9 04 1964    

1° émission de télévision d’Eliane Victor : Les femmes aussi.

22 04 1964  

Exposition universelle de New York.

11 05 1964  

Le supersonique North American’s B 70 Valkyrie, de 60 m. de long, vole à mach 3.

24 05 1964

Panique et bagarres sur la touche du terrain de foot de Lima, au Pérou, où se déroule le match Argentine Pérou : le dernier but, à la dernière minute a été refusé par l’arbitre : 365 morts, 800 blessés.

28 05 1964 

À Jérusalem, les États arabes fondent l’OLP – Organisation de Libération de la Palestine – et mettent à sa tête un dirigeant fantoche, Ahmed Choukairy. Mais, vu le poids croissant du Fatah au sein de ce nouvel organisme, Yasser Arafat en prendra rapidement la tête avec, toujours pour adjoint Abou Jihad, coordinateur des activités militaires.

1 06 1964 

Lettre de Pierre Peltier à M. Victor L. TAPIE Membre de l’Institut

Cher Maître,

Je vous félicite bien sincèrement du sauvetage que vous tentez en notre temps si peu sensible aux beautés dont il hérite. La plupart, pour ne pas dire toutes les églises des village de Haute Savoie et même les innombrables chapelles de hameau offrent un intérêt certain tant par leur architecture que par leur décor intérieur. Beaucoup de clochers sont à bulbe que venaient construire des charpentiers autrichiens. Le décor intérieur, peinture en trompe l’œil, retable polychrome et or est d’une facture sarde ou italienne. Nos montagnards devaient s’en inspirer en sculptant de naïves statuettes dans leur sapin, qu’ils coloriaient ensuite, pour meubler leurs plus modestes chapelles de hameau. Megève possède un calvaire composé de quatorze chapelles, chacune d’elle consacrée à une station du chemin de croix, avec statue de bois grandeur naturelle. Tout cela date des XVII° et XVIII° siècles. Si l’ordonnance des ordres est classique, il s’y ajoute mille fantaisies de détails souvent bien près du rococo. Les tableaux abondent, souvent masqués par un Sacré Cœur, cher au siècle dernier. L’Église St Nicolas possède même une petite tapisserie des Gobelins. Certaines églises ont été restaurées avec goût bien souvent, grâce à un archiviste départemental (Monsieur Oursel) très averti… Il vous  renseignerait plus savamment que je ne puis le faire. D’autres malheureusement laissées aux caprices de Curés d’avant garde, ont sérieusement pâti de leurs entreprises. On trouve chez les antiquaires locaux de curieuses lanternes de procession, des canons d’autel et même des tabernacles !!! Tous ces retables ont une importance telle qu’ils gagnent la voûte et débordent largement l’autel. Meublés de statues, plus rarement de tableaux, ceux-ci réservés aux autels latéraux ou du transept. Je serais heureux que vous puissiez venir sur place. Je ne connais pas de nomenclature à vous communiquer et je n’ai malheureusement ni le temps ni toute la compétence nécessaire pour vous être d’un grand secours. Je serais déjà très heureux d’avoir servi d’intermédiaire pour vos si intéressants travaux.

6 06 1964 

Américains, anglais, et leurs alliés sont venus sur les plages de Normandie célébrer le 20° anniversaire du débarquement : de Gaulle, lui, choisit délibérément de ne pas y participer ; il y enverra Jean Sainteny, ministre des Anciens Combattants et Raymond Triboulet, ministre de la Coopération et président du Comité du Débarquement.

12 06 1964

Nelson Mandela, à la tête de la branche armée de l’ANC, en prison depuis deux ans, est condamné à l’emprisonnement à vie pour sa responsabilité dans la campagne nationale de défiance contre les pass, cette fiche signalétique que chaque Noir doit porter sur lui, sous peine d’amende. Des manifestations ont lieu un peu partout. À Sharpeville, dans le sud du Transvaal, le 21 mars 1960, cela  a été la tuerie : 86 morts, tous Africains, dont trois policiers. L’état d’urgence est décrété le 30 mars. La veille, le gouvernement avait décrété que l’ANC et le PAC représentant une menace sérieuse pour la sécurité publique étaient désormais des organisations illégales.

Pour l’ANC, qui avait refusé sa participation à des actions sensationnelles et ne pouvant réussir, c’est un tournant capital. Reconnaissant l’échec des tactiques non violentes, elle crée, en 1961, Umkhonto we Sizwe (La lance de la nation), bras armé du mouvement dont Mandela est un des fondateurs.  Il entre alors dans la clandestinité et quitte le pays : au cours de dix-sept mois de pérégrinations, il effectue une tournée des capitales africaines, se rend également en Grande-Bretagne où il rencontre les leaders du Labour et du Parti libéral.

Rentré secrètement au pays, déguisé pour échapper à la police, il est finalement appréhendé en août 1962, au cours d’un contrôle routier. Là s’arrête, à quarante-quatre ans, la vie d’homme libre de ce combattant de la liberté. L’année suivante, en août 1963, des policiers cachés dans une camionnette font irruption à la ferme de Liliesleaf, à Rivonia, dans les faubourgs de Johannesburg. Ils saisissent deux cent cinquante documents, certains ayant trait à la fabrication d’explosifs, d’autres relatant le périple de Mandela en Afrique et surtout un texte intitulé Opération Mayibuye (retour), plan détaillé, assure l’accusation, pour renverser le gouvernement par l’action militaire. Au total, dix personnes sont arrêtées dans cette ferme appartenant au Parti communiste.

Le procès dit de Rivonia débute en octobre 1963 et dure huit mois. Deux cent vingt-deux actes de sabotage sont reprochés à l’organisation La lance de la nation, mais vingt seulement peuvent être prouvés. Mandela dément farouchement être communiste et que l’ANC soit procommuniste. L’avocat qu’il est conduit brillamment sa défense :

Les Noirs veulent un salaire qui leur permette de vivre. Ils veulent le travail qu’ils sont capables de faire et non celui que le gouvernement leur assigne. Nous voulons pouvoir vivre où nous travaillons et non pas être rejetés d’un endroit parce que nous n’y sommes pas nés. Nous voulons pouvoir posséder la terre à l’endroit où nous travaillons. Nous voulons être partie intégrante de la population, et non pas être obligés de vivre dans des ghettos. Les Noirs veulent vivre avec leurs épouses et leurs enfants à l’endroit où ils travaillent, et n’être pas obligés de mener une existence contre nature dans des hôtels réservés aux hommes. Nos femmes veulent être avec leurs époux, et non pas abandonnées comme des veuves dans les réserves. Nous voulons pouvoir sortir après 11 heures du soir, et non pas être confinés dans nos chambres comme des enfants. Nous voulons pouvoir voyager dans notre propre pays et chercher du travail où nous voulons, et non pas où le bureau d’embauche nous dit d’aller. Nous voulons notre juste part en Afrique du Sud. Nous voulons la sécurité et une place dans la société.

[…] Je n’ai pas le droit de vote parce que le Parlement est contrôlé par les Blancs.

Je n’ai pas de terres parce que la minorité blanche a pris la part du lion… Je ne me considère ni moralement ni légalement obligé d’obéir à des lois votées par un Parlement où je ne suis pas représenté. Je suis un homme noir dans un tribunal de Blancs. Cela ne devrait pas être…

Democracy is an ideal which I hope to livre for and to achieve. But if needs me, it is an ideal for which I am prepared to die – La démocratie est un idéal pour lequel j’espère vivre et que je souhaite voir se réaliser. Mais c’est un idéal pour lequel, s’il le faut, je suis prêt à mourir.

Les huit inculpés sont condamnés à l’emprisonnement à vie.

Arrivé en tête à Newport, devant Francis Chichester, vainqueur de l’édition précédente, Eric Tabarly gagne la transatlantique anglaise en solitaire – Ostar – sur Pen-Duick II, un ketch de 13.6 mètres. Il va engendrer une kyrielle de marins bourrés de talent qui vont rafler la plupart de courses de voile au grand large dans les cinquante années à venir ; il est vrai que très souvent il ne s’agira que de courses entre français, redoutables en solitaire, les anglo-saxons manifestant plus de talent dans les courses en équipage.

http://www.ina.fr/themes/s    port/voile

7 07 1964  

14 alpinistes se font prendre par une plaque à vent, près du sommet de l’Aiguille Verte, dont Charles Bozon, champion du monde de slalom spécial en 1962 à Chamonix. Une plaque à vent, c’est une étendue assez importante de neige amenée là par le vent, plus tassée qu’habituellement, formant une croute résistante et dont l’adhésion avec la couche en-dessous est fragile, d’où une aptitude à décrocher si on lui impose des poids importants comme celui d’une cordée d’alpinistes.

12 07 1964   

À Saint Paul de Vence, inauguration de la Fondation Maeght, de l’architecte espagnol Jose Luis Sert.

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13 07 1964  

François Mitterrand est amoureux d’Anne Pingeot, lui à la fin de l’été, né au milieu de la première guerre mondiale, elle à la fin du printemps, née au milieu de la seconde.

Pourquoi il faut aimer Anne

Je le sais aujourd’hui plus que jamais.
J’ai reçu sa lettre anxieusement attendue
Anne est ma joie
ma grâce,
mon espérance
Parfois je m’étonne de la place
qu’elle occupe dans ma vie.
Surprise de l’âme qui doute du bonheur.
Anne est semblable
A cette vague
Violente et pure.
Elle donne et prend
Mais elle sait qu’elle donne
Et ne sait pas qu’elle prend.
Quand elle se brise
elle n’est pas écume
mais lumière

François Mitterrand. Journal de 1964 à 1970. Confié à Anne Pingeot

Et elle, qu’en dira-telle, une fois parti son grand homme ?

Les gens supérieurs vous multiplient la vie par leur savoirAdmirer la personne qu’on aime, c’est un immense bonheur. Admirer tellement, ne jamais s’ennuyer, avoir tous les centres d’intérêt… C’était… le renouvellement permanent. Trente-deux ans de vie intense de bonheur… et de malheur ! Parce que c’était dur… François avait une phrase que j’ai trouvée merveilleuse : Il n’y a d’amour éternel que contrarié. Méfiez-vous d’un amour paisible où tout va bien ! Quand c’est difficile – quand c’est tout le temps difficile -, l’amour ne s’éteint pas.

Anne Pingeot à Philip Short, ancien journaliste à la BBC, en 2015

On pense à Giulietta Masina, épouse de Fellini, qui répondait à la question idiote d’un journaliste : Et ce n’a pas été trop dur de passer sa vie aux côtés d’un génie ? Oh bien sûr, ça n’a pas été facile tous les jours… mais ça a été tout de même incomparablement plus facile et stimulant que de passer sa vie aux côtés d’un crétin !

Jamais Mitterrand n’aura révélé à ce point son ambiguïté congénitale : se ranger à gauche pour finir sa carrière en apothéose – à droite les concurrents de sa pointure sont trop nombreux –  épouser une farouche laïcarde de gauche, bien sectaire, auprès de laquelle il finira par s’ennuyer profondément, et être amoureux fou d’une catholique fervente qui se signe lorsqu’elle passe devant une église !

07 1964   

Les Jeux Olympiques d’été ont lieu à Tokyo… Michel Jazy représente une des plus sérieuses chances de médaille de la France : ignorant le 1 500 m quand il apprend que cela commencera par des séries, il tente le 5 000 m… Le temps est à l’orage et Michel Jazy n’aime pas l’orage… la veille de la course, seul dans sa chambre d’hôtel, éclairs et tonnerre se déchaînent… il angoisse, il voudrait parler à quelqu’un… mais il n’a aucun ami à qui se confier dans les parages. Sa femme est du voyage mais n’a pas le droit de loger avec lui… elle est à 15 km de là… Michel Jazy se lève et va la voir : cela va donc lui faire – aller-retour – 30 km : comme échauffement pour un 5 000 m., c’est trop : il arrivera 4°, à 1 seconde du vainqueur. En tête jusqu’à 150 mètres de l’arrivée, il se fera doubler par trois autres coureurs : l’Américain Robert Schul, l’Allemand Harald Norpoth et l’Amérivain Bill Dellinger. Pendant trente ans, nul ne comprendra le pourquoi de cette défaillance ; et ce n’est que trente ans plus tard qu’il racontera l’affaire [1]

Photo vraie, non retouchée

Jeux olympiques de Tokyo

Photo retouchée, avec Photoshop ou autre. FAKE NEW : Le Français Michel Jazy remporte la finale du 5000 mètres devant le Néo-zélandais Baillie, à Tokyo, Japon, le 17 octobre 1964. (Photo by KEYSTONE- : Ça, c’est ce que dit Getty Images FRANCE/Gamma-Rapho). Il est probable que des concurrents ont été effacés de la photo : les trois premiers et ensuite le kenyan Kipchoge Keino, arrivé 5° quand Baillie n’était que 6 ° !

En natation, Christine Caron décroche une belle médaille d’argent au 100 m dos.

Moïse Tschombé s’ennuie à Madrid, il écrit au président Kasavubu pour se mettre à son service (je retourne ma veste… et puis mon pantalon) et il devient premier ministre de Kasavubu. Des quatre acteurs principaux des débuts de la république du Congo, Lumumba ayant été éliminé, restent donc à se partager le pouvoir Kasavubu, président, Mobutu, chef des forces armées et Tschombé premier ministre.

15 08 1964

De Gaulle participe aux commémorations du débarquement allié en Provence : ce qu’il a refusé aux vétérans américains des plages de Normandie, il l’accorde aux anciens combattants des Forces Françaises Libres.

       08 1964        

Les Américains bidouillent un simulacre d’agression de la part du Nord Vitenam contre leur destroyer Maddox, pour obtenir du congrès une résolution autorisant le président à déclencher une opération militaire au Vietnam.

Le Laos, frontalier du Vietnam sur la majeure partie du pays, à l’exception du sud, offre la configuration idéale pour servir de base arrière et de voie de communication aux Vietcong. Les Américains vont commencer à bombarder le Laos pour toucher les Vietcong. Le Laos étant un pays neutre, cette guerre restera secrète, sans même l’accord du Congrès américain.

Avec plus de 2 millions de tonnes, en 9 ans, de 1964 à 1973, le Laos sera le pays le plus bombardé de l’histoire : les bombardiers américains lâcheront plus de bombes sur le Laos durant cette période que le total des frappes aériennes de toute la Seconde Guerre Mondiale. De la fin des bombardements à 2013 – 40 ans – 34 000 personnes seront tuées par l’explosion de bombes enfouies dans le sol sans avoir explosé lors de leur largage.

été 1964 

L’Académie des Sciences d’URSS procède à de nouvelles élections ; parmi les candidats, Nicolas Noujdine, proche compagnon de Lyssenko, toujours aussi puissant que nuisible, bénéficiant de la protection de Nikita Khrouchtchev. Andreï Sakharov, glorieux père de la bombe H sent la moutarde lui monter au nez, demande et obtient la parole :

Les statuts de l’Académie formulent de très hautes exigences concernant ceux qu’on honore du titre d’académicien ; des exigences qui portent aussi bien sur leurs mérites scientifiques que sur leur devoir social. Le membre correspondant N.I. Noujdine, proposé à l’élection par la section de biologie, ne répond pas à ces exigences. Tout comme l’académicien Lyssenko, il est responsable du retard honteux dont souffre la biologie soviétique, surtout dans le domaine de la génétique moderne ; il a contribué à répandre et à soutenir des théories pseudo-scientifiques, à faire régner l’aventurisme, à persécuter la science véritable et les savants véritables, qui furent poursuivis, harcelés, privés de la possibilité de travailler, licenciés, parfois même arrêtés et dont certains ont trouvé la mort.

Je vous appelle à voter contre la candidature de NI Noujdine.

Tollé dans la salle ; présent, Lyssenko s’étouffe de rage. Mais Noujdine ne sera pas élu. Khrouchtchev sera destitué deux mois plus tard, et Lyssenko ne gardera qu’un an de plus ses attributions. Il mourra en 1976.

5 09 1964   

Nouvelle sécession au Congo : le sud Kivu emmené par Gaston Soumialot et le nord Katanga par Laurent Désiré Kabila, sont à la tête des Simba – les lions – initiés  et s’enduisant le corps de poudres de perlimpinpin qui les inoculaient, pensaient-ils, des balles ennemies. Ils proclament le nouvel Etat République populaire du Congo. Les Américains mettront leur aviation au service du gouvernement de Léopoldville pour libérer les Belges retenus par les rebelles deux mois plus tard.

13 09 1964   

À proximité de son embouchure, dans le lit de l’Hérault, à Agde, face à la cathédrale, Jacky Fajaud, plongeur archéologue, palme vigoureusement à proximité du fond marin. La plupart du temps, sur un fonds constitué de vase, le nuage qu’entraîne ce coup de palme est malencontreux, car cachant ce que l’on cherche ; mais dans le cas présent, c’est bien la vase dégagée par les palmes qui permet de mettre à vue une main de bronze, qui appartient à une splendide statue romaine à laquelle manque la jambe gauche. Elle sera datée entre les II° et IV° siècle avant J.C. On la nommera L’éphèbe d’Agde, la mention du nom de la ville venant bien dire tout le mal que dût se donner Denis Fonquerle, fondateur du groupe d’archéologie sous-marine et de plongée d’Agde pour la faire revenir, confisquée très rapidement qu’elle avait été par le tout puissant Louvre : 23 ans de démarches, conférences, mobilisations pour qu’elle revienne enfin en 1987 viùre al païs. Raphael Molla retrouvera la jambe gauche de l’Ephèbe à 600 m en aval de la première découverte, le 24 novembre 1965. 

Éphèbe d'Agde - Wikiwand

L'Ephèbe | Musée de l'Éphèbe et d'archéologie sous-marine du Cap d'Agde

 

 

09 1964

Pour une poignée de dollars sort dans une seule salle de Florence : le succès ne va pas être immédiat. C’est pourtant le début d’une épopée, celle du Western Spaghetti. On ne se souviendra des spaghettis… qu’au dessert, mais elles alors seront devenues toxiques ; restera le Western

Il y a plus de soixante ans, naissait le western italien. La conquête de l’Ouest version sauce spaghetti ? Servi par des bandes originales mémorables, ce genre mérite mieux que cela. Il a relancé le western américain et modernisé le cinéma.

Franco Nero dans «Django» de Sergio Corbucci en 1966.

Franco Nero dans «Django» de Sergio Corbucci en 1966. (INTERFOTO USA/SIPA)

En 1963, l’Italie du cinéma réussit la passe de trois. À Cannes, Luchino Visconti remporte la Palme d’or avec Le Guépard. À Venise, Francesco Rosi le Lion d’or avec Main basse sur la ville. À Berlin, Gian Luigi Polidoro l’Ours d’or avec L’Amour à la suédoise. Visconti est le cinéaste que vénère un réalisateur de 34 ans : Sergio Leone. Jusqu’ici, les principales références du jeune homme sont d’avoir assisté Vittorio De Sica sur Le Voleur de bicycletteet William Wyler sur Ben-Hur(c’est même lui qui aurait supervisé la célèbre course de chars). Et son principal fait d’armes est d’avoir réalisé, seul, Le Colosse de Rhodes, un péplum à succès.

Personne ne s’en doute ; mais pendant que ces réalisateurs installés brillent aux yeux du monde, une révolution silencieuse est en marche, celle d’un genre nouveau, totalement improbable, qu’on appellera plus tard le western spaghetti, dans son expression péjorative, ou, plus noble, le western italien. Une révolution brève – à peine plus de sept ans -, qui bouleversera l’histoire du cinéma.

Western italien ? L’oxymore avait de quoi faire tomber John Ford de son cheval. Quand Burt Kennedy, prolifique auteur de westerns oubliés, demande au réalisateur de La Prisonnière du désert s’il a vu l’un de ces westerns espagnols ou italiens, sa réponse fuse : – C’est une blague ?Pas du tout, insiste Kennedy, il y en a même de très populaires.Et ça ressemble à quoi ? Aucune histoire, pas l’ombre d’un scénario. Rien que des meurtres, 50 à 60 par film.(propos rapportés par Alex Cox dans 10.000 façons de mourir, publié chez Carlotta).

Concernant les meurtres, le raccourci n’est pas faux. Sur le tournage de Django, l’acteur Franco Nero demande à Corbucci : Combien de personnes allons nous tuer aujourd’hui, Sergio ? Cinq ? Six ? Beaucoup plus, 25-30 ! Amusons-nous !  Corbucci ne mentait pas : c’est la scène où Django sort la mitrailleuse du cercueil qu’il trimballe dans la boue depuis le début du film, sans que personne ne sache pourquoi. Et décime l’armada de tueurs encagoulés lâchée par le major Jackson, un infâme suprémaciste blanc. Pour le reste – l’histoire, le scénario… – , qui se souvient de Burt Kennedy ?

Il était une fois une révolution, donc. Et quelle révolution ! Surgie de nulle part, sinon du cerveau de quelques réalisateurs, dont les plus notables sont les trois Sergio : Corbucci, Leone, Sollima. En 1966, à l’acmé du western italien, ils vont donner trois chefs-d’œuvre du genre : Django (Corbucci), Le Bon, la Brute et le Truand (Leone) et Colorado (Sollima). À quoi on peut ajouter, cette même année, le remarquable El Chuncho de Damiano Damiani (avec Lou Castel, Gian Maria Volonte et Klaus Kinski).

Sergio Leone devant les photographes au Festival de Cannes en 1984, l'année de sortie de « Il était une fois en Amérique ».

Sergio Leone devant les photographes au Festival de Cannes en 1984, l’année de sortie de Il était une fois en Amérique. Mondadori Portfolio/Giorgio Lotti/akg-images

L’arbre des Sergio ne doit pas pour autant cacher la forêt. Car c’est toute une industrie qui sortit du néant pour se répandre comme une traînée de poudre à travers le monde, Etats-Unis compris.

Jusqu’au tournant des années 1960, le péplum remplit les caisses des producteurs. En 1958, le succès des Travaux d’Hercule de Pietro Francisci, avec l’ex-Monsieur Univers Steeve Reeves, ouvrira la voie à 170 productions, ne représentant pas moins des deux tiers des bénéfices du cinéma italien.

Mais en 1963, ce genre montre des signes d’essoufflement. Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich (dont Leone fut également l’assistant) et Cléopâtre de Mankiewicz sont des désastres financiers. Il faut trouver autre chose. Vite. En 1963, la vente de billets chuta de façon drastique, note l’écrivain et critique de cinéma Christopher Frayling, dans La Révolution Sergio Leone (La Table Ronde). Pour une poignée de dollars allait relancer l’industrie à point nommé. Le nouveau héros de western, jeune, vêtu avec originalité, chapeau rabattu sur les yeux, cigarillo aux lèvres, tireur d’élite décontracté et ironique, devint omniprésent. Pendant les années suivantes, le Joe de Clint Eastwood, le Django de Franco Nero, le Ringo de Giuliano Gemma, le Stranger de Tony Anthony ou le Sartana de Gianni Garko donnèrent naissance à d’innombrables imitations. On compta jusqu’à seize Django, quatorze Ringo et autant de Sartana. À l’époque, la propriété intellectuelle n’était pas protégée et ces noms tombèrent dans le domaine public. Il y eut même une marque de biscuits Ringo

De toutes les déclinaisons, celle de Django domine les autres. Quentin Tarantino lui vouera un culte au point de réaliser, en 2012, un formidable Django Unchained (dans lequel Franco Nero a un petit rôle de salopard aux côtés de Leonardo Di Caprio). Et en 2023, encore, Canal+ diffuse une série de Francesca Comencini avec Matthias Schoenaerts dans le rôle-titre.

Franco Nero qui, avec Clint Eastwood, est l’emblème de cette figure du héros surgi de nulle part, a son avis : Le succès de Django, c’est qu’il s’adressait aux jeunes travailleurs, ceux qui avaient un chef au-dessus d’eux, qui étaient humiliés par leurs ordres. Tous ces jeunes voulaient être Django, aller dans le bureau de leur chef et lui dire : Hey, mec ! À partir de maintenant, rien ne sera plus pareil. Django est l’un de ces films qui ne mourra jamais. (interview dans les bonus de Django, DVD édité chez Carlotta).

Ces films ont été réalisés par des hommes qui ont été adolescents sous Mussolini et qui en ont été profondément marqués. Leurs scénarios en portent la trace. Et ils arrivent à un moment où couvent les mouvements révolutionnaires qui vont bientôt secouer les démocraties occidentales, avec la contestation du système capitaliste et les actions violentes que l’on sait, particulièrement en Italie (affaire Aldo Moro). Corbucci raconte qu’il a été sommé sans ménagement par un groupuscule d’extrême gauche de payer l’impôt révolutionnaire. Ce jour-là, je me suis demandé si nous n’avions pas été trop loin dans nos films. 

L'affiche italienne de « Pour quelques dollars de plus » (1965) de Sergio Leone, avec Clint Eastwood.

L’affiche italienne de Pour quelques dollars de plus (1965) de Sergio Leone, avec Clint Eastwood.7e Art/Constantin Film Produktion/Photo12

Dès que le succès de Pour une poignée de dollars, pourtant sorti en catimini en septembre 1964 dans une seule salle de Florence, fut acté, les producteurs lancèrent toutes sortes de projets – certains se révéleront foireux, d’autres géniaux. Des figures hallucinées de bandits, de pistoleros, de putes, de maquerelles, de chasseurs de primes, de justiciers, de révolutionnaires mexicains, de banquiers et industriels odieux, de prêtres véreux ou illuminés, de gangs racistes, d’anciens militaires sudistes ou nordistes dépenaillés, envahirent les écrans. Avec pour visuel des flots d’hémoglobine comme on n’en avait jamais vu, des séances de tortures jamais osées et une bande-son jamais entendue. Au total, selon Frayling, 352 westerns spaghetti sont sortis entre 1966 et 1972.

L’industrie italienne du film était devenue la deuxième exportatrice au monde derrière celle des États-Unis. Souvent, les films étaient charcutés par la censure, voire interdits. Les distributeurs eux-mêmes étaient effrayés par ces déferlements de violence. Les titres sont à eux seuls un poème : Tire encore si tu peux, Tue et fais ta prière, Un mercenaire reste à tuer, Du sang dans la montagne, Les Colts de la violence, Un pistolet pour Ringo, Une minute pour prier, une seconde pour mourir, Les Cruels, Le Dernier face-à-face, Little Rita nel West – savoureux détournement du titre de l’opéra de Puccini, La Fanciulla del West (qui devient en français : T’as le bonjour de Trinita !) L’arrière train sifflera trois fois

Mais pourquoi l’Italie ? Pourquoi cette esthétique insensée, ce cynisme dévastateur, ce sadisme récurrent sont-ils nés en Italie et pas ailleurs ? Alberto Moravia tente une explication : Les cinéastes qui ont acclimaté le western à la culture italienne ont été confrontés à un problème inconnu de leurs homologues américains. Il n’y a ni Ouest sauvage, ni bandits de la Frontière en Italie ; il n’y a d’ailleurs ni frontière, ni mines d’or, ni indiens, ni pionniers. Le western italien n’est pas né d’une mémoire collective ancestrale, mais de l’instinct grégaire de réalisateurs qui, lorsqu’ils étaient jeunes, étaient fous amoureux du western américain. En d’autres termes, si le western américain est né d’un mythe, le western italien est né du mythe d’un mythe. Le thème dominant n’est plus la lutte de l’individu solitaire face aux forces hostiles de la nature et de la société, mais la course au fric. Les personnages principaux sont de banals délinquants qui existaient bien en toile de fond des westerns américains mais qui, dans les films italiens, se sont métamorphosés en héros. Cette misanthropie, cette course à l’argent, cette ruse, contrastent radicalement avec les cadres grandioses et le ton épique du western traditionnel. On peut dès lors s’interroger : Toutes ces histoires pour quoi ? Une poignée de dollars ? Ou y aurait-il autre chose ? Oui, il y avait bien autre chose, et la face du cinéma en sera à jamais changée.

« Le Bon, la Brute et le Truand » (1966) de Sergio Leone. La scène d'anthologie du combat dans le cimetière de Sad Hill.

Le Bon, la Brute et le Truand  (1966) de Sergio Leone. La scène d’anthologie du combat dans le cimetière de Sad Hill. 7e Art/Pea/Photo12

Les premiers westerns italiens, tournés dans les environs de Madrid, à Almeria, en Yougoslavie ou à Rome, sortent en 1963. Ils n’ont rien d’exceptionnel même si, selon Alex Cox, certaines de ces coproductions méritent tout de même le coup d’œil en tant que brouillons de leurs réalisateurs, ou premiers repères en termes de personnages ou de narration. À commencer par les deux films de Romero Marchent, Trois Cavaliers noirs et Les Trois Implacables, qui fourniront l’intrigue de bon nombre de westerns ultérieurs dans lesquels la famille du personnage principal est assassinée par des hommes laissant des indices sur leur identité. Métamorphosé en vengeur implacable, le héros se lance alors sur les traces des meurtriers. Notons aussi, en cette année 1963, Duel au Texas qui donne l’occasion à Ennio Morricone de signer la musique de son premier western sous le pseudonyme de Dan Savio.

Cette même année, Sergio Corbucci, un autre rescapé du péplum, sort son premier western, Massacre au Grand Canyon sous le nom de Stanley Corbett, avec James Mitchum, fils de Robert. Selon Alex Cox, Le film est raté, à la fois sincère et bâclé. Mitchum a hérité des traits de son père ; nullement de ses dons d’acteur. Comme dans beaucoup de westerns ultérieurs, le nombre de morts atteint ici des sommets. Durant la fusillade dans le canyon, les cadavres semblent se compter par centaines. Quoique raté, Massacre au Grand Canyon réunit dans son équipe plusieurs figures clés du western italien, parmi lesquelles le directeur de la photographie Enzo Barboni.

C’est ce dernier qui va donner le véritable coup d’envoi de l’aventure du western italien. Car c’est lui qui va pousser Sergio Leone à voir de toute urgence un film de samouraï de Kurosawa, Yojimbo. Leone est en train de préparer un western provisoirement intitulé L’Etranger magnifique. Il sort de la projection époustouflé. Son cynisme et ses élans de violence arbitraire n’avaient jamais été dépeints aussi crûment auparavant, avance-t-il. Yojimbo ressemble autant à un polar – [il aurait d’ailleurs été lui-même inspiré d’un roman de Dashiell Hammett, NDLR] – qu’à un western. Aussi Leone décide-t-il d’en faire le modèle de son prochain film. Ce sera Pour une poignée de dollars. Corbucci a également vu Yojimbo, lui aussi sur les conseils de Barboni. Et lui aussi prépare un western, Le Justicier du Minnesota. Soudain, relève Cox, Leone et Corbucci, amis et rivaux, se retrouvent en lice pour réaliser un western inspiré de Yojimbo. Ils ont respectivement 34 et 36 ans

Klaus Kinski dans « El Chuncho » (1966) de Damiano Damiani. Le premier et l'un des plus fameux westerns zapatistes, où l'on voit les personnages se muer en révolutionnaires.

Klaus Kinski dans El Chuncho (1966) de Damiano Damiani. Le premier et l’un des plus fameux westerns zapatistes, où l’on voit les personnages se muer en révolutionnaires. Sunrgia/Coll Christophe L

Akira Kurosawa aimera Pour une poignée de dollars. Vous avez réalisé un chef-d’œuvre, écrira-t-il à Leone. Le problème, c’est que c’est le mien. En effet, la version de Leone est si proche de son film – la mise en vis-à-vis des plans des deux films, effectuée par Cox, est à cet égard cruelle – que Kurosawa réclamera des droits d’auteur.

Leone commence par se défendre, arguant que Yojimbo lui avait rappelé l’intrigue d’Arlequin, valet de deux maîtres de Goldoni. L’habileté de l’un et la ruse de l’autre étaient censées résoudre l’éternel dualisme bien-mal, expliquera plus tard le maestro. Or il manquait un élément : le conte devait se transformer en mythe, et Yojimbo laissait entrevoir le mythe classique, le mythe homérique. Achille, Ajax et Hector ne sont que les archétypes des héros de western : tous se caractérisent par le sens de la justice, la force, le courage, l’autonomie humaine, et si les premiers confient leur survie au maniement habile de la lance et de l’épée, les seconds s’en remettent à la rapidité avec laquelle ils dégainent leur pistolet. Voilà ce qui m’a frappé dans Yojimbo : le passage d’Homère à Goldoni, puis au western. (Sommes-nous encore dans l’Ouest ?, entretien avec Luca Verdone, 1978).

Leone souligne aussi sa dette envers la commedia dell’arte ou les marionnettes du sud de l’Italie, les pupi : Quand je tournais des westerns, dira-t-il plus tard, je pensais toujours aux pupi, les marionnettes siciliennes. Je relisais les intrigues dont s’inspiraient les bardes siciliens : il y a entre les pupi et mes amis du Far-West une étrange affinité.(Entretien avec Gilles Lambert, Le Jeu de l’Ouest, Gremtese, 1997). Pour être complet, Leone a certainement été influencé par sa lecture, enfant, de Winnetou, le petit apache de fiction inventé, sans grand souci de véracité historique, par l’allemand Karl May qui connut un succès foudroyant. Et, bien sûr, par les westerns, muets, réalisés par son père Vicenzo, sous le nom de Roberto Roberti. Dans La Vampire indienne (1913), sa mère, Edvige Maria, tient le premier rôle, sous le nom de Bice Valeran. Au générique de Pour une poignée de dollars, Sergio apparaît d’ailleurs sous le pseudo transparent de Robertson – fils de Robert –.

En dépit de toutes ces explications référencées, et surtout face à l’évidence, Sergio Leone finit par négocier avec Kurosawa l’abandon des poursuites, en cédant les droits de son film pour le marché japonais où il rencontrera un immense succès.

À partir de 1970, le western mérite véritablement l’apposition de spaghetti, se noyant dans la farce, le grotesque avec, entre autres les Trinita et l’apparition du duo Terence Hill et Bud Spencer (de leurs vrais noms Mario Girotti et Carlo Pedersoli), une forme d’autoparodie qui signe sa mort. Sergio Leone va participer de cet assassinat, en initiant, en produisant et en réalisant plus ou moins en sous-main Mon nom est Personne, dont le réalisateur officiel est Tonino Valerii (avec Henry Fonda, Terence Hill et Ennio Morricone pour la musique).

Surtout, il va initier puis rattraper en catastrophe Un génie, deux associés, une cloche, confié à Damiano Damiani, improbable variation sur le thème des Valseusesde Bertrand Blier (avec Terence Hill, Miou-Miou, Robert Charlebois, Klaus Kinski. Musique ? Morricone…) . En 1972, Corbucci se saborde avec Mais qu’est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? avec Vittorio Gassman (Musique ? Morricone…).

Terence Hill et Bud Spencer, dans « On continue à l'appeler Trinita » (1971) de Enzo Barboni. Le western tourne à la farce.

Terence Hill et Bud Spencer, dans On continue à l’appeler Trinita (1971) de Enzo Barboni. Le western tourne à la farce.Alamy/United Archives GmbH/Photo12

Ce naufrage, paradoxalement, va libérer les réalisateurs américains qui revisitent à leur tour le mythe de l’Ouest. Le Soldat bleu, La Horde sauvage, Little Big Man, John McCabe, Jeremiah Johnson, La Porte du paradis, Missouri Breaks… auraient-ils existé si les Italiens n’avaient d’abord retiré la bonde, libérant le flot de la mauvaise conscience américaine ? Sans les Italiens, Sam Peckinpah aurait hésité à répandre autant de sang à l’écran. Lui-même confessa un jour à Leone : Sans vous, je n’aurais jamais songé à faire les films que j’ai faits. Corbucci confirme : Peckimpah a tourné La Horde sauvage (1969) après avoir réfléchi aux films de Leone et à mes propres films. Clint Eastwood, Don Siegel, Robert Rodriguez, même Steven Spielberg, tous reconnaissent leur dette.

Pour Tarantino, le triello final du Bon, la Brute et le Truand, son film préféré, est l’une des meilleures scènes d’action de tous les temps. Inconditionnel, il multiplie les clins d’œil au maestro des Pulp Fiction et Reservoir Dogs. À propos des cravates et des costumes noirs du film, il déclara un jour : Mes personnages de genre sont dans des armures complètes, de même que les personnages de Sergio Leone portent des cache-poussière. L’ensemble jaune gansé de noir de Uma Thurman dans Kill Bill participe du même principe. Pour Les Huit Salopards, il demande la musique à Morricone. Et pour un gros plan rapproché, Tarantino a coutume de demander : Fais-moi un Sergio Leone. Tout le monde comprendra.

Article initialement publié le 21 juillet 2023 Fin 1963, le téléphone sonne chez Ennio Morricone. Sergio Leone à l’appareil, qui lui propose de travailler sur un projet de western. Morricone venait juste de signer la musique de Duel au Texas et de Mon colt fait la loi. Les deux hommes découvrent qu’ils étaient ensemble dans la même école primaire du Trastevere. Après un dîner chez Il Carettiere, le restaurant du père d’un autre copain du primaire, Leone l’emmène voir Yojimbo. Morricone n’aime pas, mais il comprend immédiatement que sa musique devrait amplifier et exagérer le ton pittoresque et agressif du film. C’est le début d’une incroyable aventure, faite de moments d’harmonie et de disputes homériques. Leone n’hésite pas à dire que Morricone est le meilleur scénariste de ses films. Le compositeur écrit d’ailleurs ses thèmes sans avoir vu la moindre image. Et le maestro les passe sur le plateau pendant le tournage. Leone sait exactement ce qu’il veut, et Morricone doit parfois ruser. Il me demandait toujours des thèmes que les gens pouvaient écouter et chanter facilement. Il ne voulait pas de choses compliquées. Il les sélectionnait en m’écoutant les jouer au piano en version simplifiée, mais moi, je savais déjà à quel instrument correspondait ces notes. Et pendant les orchestrations, je n’hésitais pas à ajouter des instruments insolites en cherchant toujours à ce que les timbres se célèbrent eux-mêmes.Au bout du compte, Morricone se désole un peu que ses musiques pour westerns aient masqué le reste de son œuvre : 36 westerns, soit environ 8 % de ma production totale. Mais la majorité des gens, tout le monde pour ainsi dire, ne me connaît que pour ce genre.  Mais non, Ennio, mais non…

Thierry Gandillot Les Echos 19 07 2024

3 et 4 10 1964 

57 Allemands de l’Est s’évadent vers Berlin-Ouest par un tunnel creusé par des étudiants.

[…] Durant les premiers mois après la construction du Mur, des résidents de Berlin-Est peuvent encore s’enfuir vers l’ouest en passant par les canalisations des égouts, ou bien par les tunnels du métro (U-Bahn). Lorsque ces accès sont scellés ou surveillés, apparaissent les premiers tunnels, creusés dans le sol « doux et sableux » sous Berlin. Ils sont généralement creusés depuis Berlin-Ouest, pour aider les résidents de l’Est à s’échapper. Durant l’existence du Mur, au moins soixante-et-onze tunnels sont entrepris ; très peu finissent par servir pour une évasion tandis que de nombreux s’effondrent, comme le tunnel de la Wollanksraße, et seulement un sur cinq est un succès. On estime à 300 le nombre de personnes qui parviennent à passer le Mur par ce biais.

Le tunnel 57 est l’œuvre d’une vingtaine d’étudiants de l’Université technique de Berlin, qui visent par là à aider des membres de leurs familles, ou de familles d’amis, à les rejoindre à l’ouest. Il est creusé à partir de . Son point de départ est le sous-sol d’une boulangerie désaffectée au numéro 97 de la rue Bernauer Straße à Berlin-Ouest. Le bâtiment, tout près du Mur, est en pleine vue des gardes est-allemands. Les étudiants entassent la terre à l’intérieur de la boulangerie. Les étudiants creusent un trou de douze mètres de profondeur puis une galerie de cent-quarante-cinq  mètres passant sous la frontière. Le tunnel étant étroit, on ne peut s’y mouvoir qu’en s’allongeant.

Après des mois de travail, ils aboutissent sous une cabane en bois dans la cour intérieure du 55, Strelitzer Straße, à Berlin-Est. Les étudiants préviennent les candidats au départ ; vingt-neuf personnes sont évacuées dans la nuit du 3 au . Mais la nuit suivante, les gardes -frontière interviennent sur ordre de la Stasi qui a été avertie par un indicateur. Tout cela ne peu se faire sans dégâts collatéraux et un jeune soldat, blessé, est abattu par ses camarades. 

La mort du jeune sergent sera utilisée par les autorités est-allemandes pour condamner publiquement les agents de l’ouest accusés de l’avoir tué. Le fait qu’il ait été tué accidentellement par un camarade n’est pas révélé au public. En 1992, après la réunification, une enquête sera ouverte. Le garde ayant tiré est acquitté : il avait ouvert le feu sur ordre d’un officier de la Stasi, et en légitime défense puisque Zobel avait tiré le premier. Zobel lui-même est déjà mort au moment de l’enquête. En 2004, les passeurs ouest-allemands du tunnel 57 installeront une plaque sur le mur du bâtiment au 55 Strelitzer Straße, qualifiant Egon Schultz de victime du Mur de Berlin.

Wikipedia

Spectaculaire évasion d'Est-Allemands (1964)

 

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10 10 1964 

La visite au Québec de la reine d’Angleterre Élisabeth II donne lieu à des émeutes : c’est la samedi de la matraque. De retour chez elle, la reine admet que des réformes de structure sont nécessaires au Canada. La conférence des 1° ministres adopte la motion Fulton Favreau qui prévoit le transfert de Londres à Ottawa du pouvoir de modifier la constitution.

16 10 1964 

Première bombe atomique chinoise à l’uranium, d’une vingtaine de kilotonnes, sur le Lop Nor.

Jacques Brel fait sa rentrée à l’Olympia : il a décidé qu’Amsterdam serait la chanson d’ouverture. Une chanson d’ouverture, chacun sait dans le métier que c’est une chanson sacrifiée : l’ingénieur du son et les musiciens en profitent pour affiner leur réglages et surtout le public regarde le chanteur plus qu’il ne l’écoute. Comme ça, on n’en parlera plus, de celle-là, a dit Brel : il n’aime pas cette chanson, trop ceci, trop cela. Et c’est un triomphe, public debout (on ne disait pas encore standing ovation] ovation interminable des 2 000 spectateurs de l’Olympia, mais aussi des millions d’auditeurs d’Europe I qui retransmettait la soirée en direct. Elle sera la seule chanson de Brel à n’avoir été enregistrée que deux fois, ce soir-là : 3′ 20″ y compris 15″ d’applaudissements au début et à la fin, et pour ses adieux, en 1966. Brel ne faisait jamais de bis, et il ne fit exception à cette règle qu’une seule fois, à Moscou en 1965.

Cheveux très courts au-dessus d’un juvénile visage. Costume noir d’une sobriété à ravir Alceste. Telles sont les actuelles coquetteries de Jacques Brel. Mais le bloc de dynamite que cela recouvre explose aussitôt. […] Cinquante minutes durant, deux mille personnes sont fascinées par le charme du personnage, charme au sens magique fait de fougue et de foi. Pas la moindre concession. Pas la moindre faiblesse. On a beau bisser les grondements de l’océan, le rythme de la houle et les parfums lourds du port, le chanteur poursuit sa route. Et le rideau, tiré une seule fois, il en reste là, malgré les rappels acharnés. […] Le tour de chant, aussi riche que varié, est superbe. Il comprend parmi les nouveautés de l’année […] surtout Amsterdam, un puissant tableau classique.

Paul Carrière. Le Figaro 20 octobre 1964

10 12 1964 

Jean Paul Sartre refuse le Nobel de littérature. Sous la gouverne d’Edgar Pisani, alors ministre de l’agriculture, création de l’Office National des Forêts : il lui est fait obligation de s’autofinancer, ce qui expliquera le choix très fréquent de replanter des résineux à croissance rapide plutôt que des feuillus à croissance lente,  donc moins rentables à court terme. Il va mettre aussi en place les subventions à l’Agriculture… et le regrettera au soir de sa vie : Il faut supprimer les subventions et mettre les prix au niveau des coûts et non des cours mondiaux. Il est monstrueux, absurde, que dans un marché complètement désorganisé, une ferme située sur une bonne terre, bénéficiant d’un bon climat, ne puisse pas produire à un prix qui lui permette de vivre de ce qu’elle produit, qu’on soit en Europe ou aux États-Unis.

Edgar Pisani. Midi-Libre 12 02 2004

10 ans après cette déclaration, la situation de nombre de paysans n’aura pas changé : un suicide tous les deux jours en France. Le taux de suicide pour 100 000 personnes est en moyenne en France de 25, il passe à 35 pour les agriculteurs. La solitude, le célibat forcé, les engagements matériels de plus en plus coûteux, car, pour rembourser les emprunts, il faut devenir de plus en plus performant, il faut s’agrandir… une fuite en avant mortifère. Le prix des prestations ne cesse d’augmenter, le prix des produits de la ferme ne cesse de baisser. Les ouvertures qui pourraient se présenter sont battues en brèche par un vieux fonds paysan de fierté – on ne se plaint pas, on s’exprime peu, on répugne à demander de l’aide -. Et c’est le désespoir qui l’emporte, plus aigu chez les éleveurs que chez les agriculteurs : un champ de maïs, de blé peut attendre quelques jours sans soin, une vache ne peut pas attendre. La France tue ses paysans.

Un demi-siècle plus tard, en 2019, rien n’aura fondamentalement changé : les quatre centrales d’achat de France continueront à se gaver comme leurs clients, les supermarchés. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture du gouvernement d’Emmanuel Macron, déclarera fin octobre 2019 : Il n’est plus possible que les agriculteurs soient rémunérés à un prix inférieur à ce que ça leur revient… Le compte n’y est pas.

Il n’est pas trente six-solutions à cette affaire, qui ne se réglera jamais à Paris ou à Bruxelles, ou à l’OMC, à grand coups de subventions ; ce sont les consommateurs qui, en reprenant des comportements civiques, feront changer les choses. La part du budget d’un ménage consacré à l’alimentation en 1960 était de 34.6 % . En 2018, ce pourcentage sera descendu à 20 % ! au profit de quoi ? des outils développeurs de crétinisme qui feront des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – les maîtres du monde, au profit de la fringue, au profit de la bagnole. Il est impératif qu’au détail, les prix agricoles augmentent, et pas à la marge, de façon conséquente ; et donc il est impératif que les ménages consacrent une part plus importante de leur budget à l’alimentation, fréquentent de plus en plus les circuits courts, évitent le plus possible les grandes surfaces,  pour que les paysans puissent vivre honorablement de leur travail ; et il n’y a pas à sortir de là !

[…] Depuis elle fait de tout petits pas, pour faire durer la vie, pour ne pas arriver trop vite à la fin. Elle raccourcit ses promenades, ça lui laisse le temps de mieux observer. Elle n’a pas besoin d’aller loin pour compter les buses, surprendre des renards, signaler les arbres fendus par la foudre.

[…] Heureusement que le pépé n’est plus là pour voir ça.

L’étable n’a jamais été aussi bien récurée. Les maquignons sont venus chercher les dernières bêtes il y a quelques jours. L’oncle et la tante ont bien mérité de leur retraite, ils ne gagneront pas grand chose, ils le savent, mais ils n’auront plus le souci des vêlages, plus à s’inquiéter de la météo, à s’user en faisant des foins. Il y a des années déjà que leur dos, leurs épaules, leurs hanches les supplient d’arrêter. Mais vous croyez que c’est facile, de voir partir les bêtes, d’avoir personne à qui confier sa ferme ? 

Ils ne peuvent pas en vouloir à leurs enfants. Ils les comprennent. Ils reviennent le week-end quand ils n’ont pas de travail. Pour les vacances aussi. Avant qu’ils redescendent dans la vallée, les parents leurs remplissent le coffre. On dirait qu’ils essaient de faire renter la ferme dans des glacières, qu’ils veulent que les enfants emportent avec eux, en petits morceaux, une partie du troupeau. Ils n’avaient pas la vocation, ils n’auraient pas été de bons paysans même s’ils sont attaché au pays.

Ils ont eu raison de faire construire des maisons bien confortables, bien chauffées, plus proches de la ville. Des maisons juste pour eux, qui n’existaient pas avant, qui n’ont aucune histoire. La ferme, ils la gardent dans leur souvenir et dans leur congélateur. Un cheptel coupé en tranches, rendu abstrait, des bêtes en bloc, alignées dans les bacs, comme dans une étable. Un héritage dans des barquettes, dans des sachets, qu’ils décongèlent et avalent en vitesse pendant leur pose déjeuner.

Ici, le climat est trop rude, il n’y a plus aucun voisin, les gens louent les terres, mais vivent dans les vallées où tout est plus commode, les enfants n’ont fait que suivre le mouvement.

Il faudrait construire des bâtiments autrement, repenser toute la ferme, mettre les bêtes en tête à tête pour économiser les gestes au moment de nourrir, investir dans du matériel, encore. Sinon, ce n’et pas une vie de reprendre une ferme colle la leur. N’empêche qu’il a chialé, l’oncle, quand il a fallu faire monter ses bêtes dans le camion. Il a chialé parce que, même si ce n’est pas une vie, c’était toute la sienne, il a aimé s’occuper de ses vaches, vivre en fonction d’elles. Il n’aurait rien pu faire d’autre.

Le pépé disait toujours que le jour où il n’y aurait plus de bêtes, ça ne serait plus vivable. Il a eu de la chance de mourir avant. Et la mémé répète en boucle depuis que l’étable sent si bon : heureusement que le pépé n’est plus là pour voir ça. Les mains posées sur ses cannes, elle avance  à tout petits pas, regarde les rangées d’abreuvoir vides, donne quelques reste au chat et baisse la tête. Heureusement que le pépé n’est plus là pour voir ça. Elle n’ose pas dire quelle est triste elle aussi, ça se sent pourtant. Elle n’arrête pas de se mettre en colère, c’est sa façon à elle de pleurer. Sa façon d’être forte.

Heureusement que le pépé n’est plus là pour voir ça. Heureusement qu’il ne saura jamais que ses petits enfants sont tous partis travailler en ville, qu’ils ont été capables de lui faire ça. Ne pas reprendre la ferme. Ne pas continuer l’histoire. Refuser d’hériter des bêtes et de la vie qui va avec. S’il n’était pas mort, ça l’aurait tué.

Marion Fayolle. Du même bois. Gallimard 2024

19 12 1964  

Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Personne n’a pensé à inviter Daniel Cordier, son secrétaire de juillet 1942 à juin 1943 ! Le texte du discours d’André Malraux se trouve dans la rubrique Discours de ce site.

1964 

Naissance d’un nouveau journal à la périodicité irrégulière : Le Mouna Frères, d’André Dupont – 1911-1999 -, amuseur et philosophe des rues, alias Aguigui Mouna. On en connaîtra 27 numéros, jusqu’en 1979. Le dernier amuseur public de Paris, né à Meythet, près d’Annecy,  un jour en avait eu assez de sa vie de caca, pipi, capitaliste.

  • Les temps sont durs, vive le mou ! 
  • Le régime est pourri ! Prenez-en de la graine, criait-il dans la rue en agitant un régime de bananes pourries, et en jetant des graines aux passants.
  • Battons-nous à coups d’éclats de rire. Au nom du Pèze, du Fric et du Saint Bénéfice 
  • Les mass-médias rendent les masses médiocres.
  • La télé : je suis branché, câblé et même souvent accablé de tant de nullités.
  • Le monde ne tourne pas rond.
  • Tout est bien ici-bas, avec la tête en bas.
  • Ne prenez pas le métro, prenez le pouvoir.
  • Battons le pouvoir quand il a chaud !
  • Réveillez-vous ! criait-il avec son vélo chargé d’anciens réveils-matin.
  • Le monde est mûr, frères, il faut mûrir.
  • J’irai cracher sur vos bombes.
  • Non à la guerre des étoiles, oui à la guerre des boutons ! Sans neutrons, la bombe à bonbons, c’est très bon !
  • Tu ne tueras point en détail mais en gros !
  • Les bagnoles ras-le-bol, la vélorution est en marche.
  • Des vélos, pas trop d’autos. Du gazon, pas de béton, des moutons, pas de canons.
  • Le jour où un vélo écrasera une auto, il y aura vraiment du nouveau. (Variante: Avec ton vélo, écrase les autos et pédale dans la choucroute !)
  • Mieux vaut être actif aujourd’hui que radioactif demain.
  • L’énergie musculaire, l’énergie la moins chère !
  • Garez-vous des gourous !
  • Priez moins, aimez plus.
  • On est condamné à mort dès la naissance, c’est pas pour ça qu’on doit faire une gueule d’enterrement !
  • On vit peu mais on meurt longtemps.
  • C’est en parlant haut qu’on devient haut-parleur.
  • Aimez-vous les uns sur les autres.
  • La grossesse à 6 mois ! La retraite à 15 ans !
  • Les grands hommes d’aujourd’hui sont de plus en plus petits.
  • Tous les désespoirs sont permis.
  • Les valeurs morales ne sont pas cotées en bourse.
  • Il est anormal d’être normal.
  • L’ennui naquit un jour de l’uniforme mité.
  • Génération Marlboro : génération mal barrée.
  • Au pays de la barbarie, je joue de l’orgue de Barbarie !
  • Lisez le Mouna-Frères et retirez-vous dans un Mouna-stère où on boira de la li-mounade. 
  • Riez et vous serez sauvé !
  • Le jour se lève dans un cadre merveilleux, et il passait la tête derrière un cadre sorti de sa valise.

Mouna, c’est une manif à lui tout seul. C’est l’indignation. Sa philosophie ? Un amour universel, boulimique.

Cavanna

Bon, d’accord, mais en principe, ça ne devrait pas passer à la postérité, ni faire long feu. Heureusement qu’il s’est débrouillé seul, car on ne voit pas comment un imprésario aurait accepté de s’occuper de lui.

La Comex ne prend pas de gants pour montrer son savoir faire, et donc, puisque Jacques Yves Cousteau est installé à l’autre bout de Marseille, cela fleure bon l’ambiance corsaire : Henri Germain Delauze, patron de la Comex, inaugure les installations toutes neuves de son centre de recherches hyperbare. Les amis, les notables et bien sur tous les membres de l’OFRS, l’Office Français de Recherche Sous-marine créé par Cousteau qui a quitté la Marine en 1957, sont invités. Une seule personne, le vice-président de l’OFRS, se risquera à répondre à l’invitation : Xavier Fructus. Le projet Comex est si peu en odeur de sainteté chez Cousteau que celui-ci écarte Xavier Fructus de l’OFRS… faisant ainsi un magnifique cadeau à celui à qui il voulait nuire. Xavier Fructus est immédiatement recruté par Henri Delauze qui lui donne la méthode de calcul que vient de mettre au point Workmann pour la marine américaine. Avec la libre disposition du centre hyperbare Fructus travaille à mettre au point des tables de décompression pour la plongée avec de l’hélium. 

Mauro Zürcher. https://mzplongee.ch/wa_files/02-histoire_20de_20la_20plong_c3_a9e.pdf

Il se trouve que le docteur Xavier Fructus n’était pas rancunier : il lui arrivera par après de donner un coup de main au commandant Cousteau quand celui-ci, se lançant dans les expériences similaires hyperbar, dans son CEMA – Centre d’Études Maritimes Avancées -, à l’Estaque, envoyait son ou ses plongeurs à une pression X, d’où ensuite il ne parvenait pas à les faire remonter, n’ayant pas la maîtrise complète de la décompression.

Naissance du Nutella : son papa, italien, a 39 ans : Michele Ferrero. La maison mère, à Alba (31 300 habitants, entre Turin et Gênes), baptisée Nutellapoli, célèbre également pour les truffes blanches, illustre le capitalisme social version Ferrero. Les salaires y sont plus élevés que dans le reste de l’Italie, la société prend en charge, outre la crèche pour les enfants du personnel, les activités sportives et culturelles, la mutuelle de santé jusqu’à la mort pour qui a travaillé trente ans chez Ferrero.

Le département de la Seine, qui englobe jusqu’alors le Grand Paris est démantelé en donnant naissance à 8 départements qui ont avant tout le grand avantage politique d’isoler les communistes là où ils sont inexpugnables, et surtout de torpiller les socialistes pour plus de quarante ans. Les autres avantages de ce découpage sont beaucoup plus mystérieux. Michel Debré est député de la Réunion depuis un an : affolé par la démographie galopante – quand il n’y a plus ni malaria, ni choléra, ni guerre ni grippe espagnole, les morts ne remplacent plus les vivants, il va tout simplement mettre en place une déportation qui permettra de repeupler les départements de métropole où sévit une forte dénatalité : ce seront essentiellement la Creuse, mais encore le Gers, l’Aveyron, le Tarn, la Lozère, le Cantal. Pendant dix ans, 6 à 8 000 adultes partiront chaque année, à qui l’on promettra monts et merveilles et qui déchanteront, une fois franchi l’océan ; mais ce sont encore 1 136 enfants, de 6 mois à 18 ans, qui seront placés, sélectionnés sur place par les  assistantes sociales de la DDASS :

Ça m’a fusillé. Je dormais dans les granges, sur la paille. Je cassais la glace dans l’abreuvoir pour me débarbouiller. Quand je coupais les choux ou les ronces, mes doigts étaient raides. Une fois, on m’a emmené à l’hôpital, les mains et les pieds gelés. Chez le quatrième agriculteur où on m’a placé, je pouvais enfin me réchauffer les mains sur une ampoule électrique.

Jean-Pierre

Pas de chaussettes dans mes sabots pour marcher dans la neige. Une simple chemise et des culottes courtes. José, des nègres, ils n’en avaient jamais vu en vrai. Les gosses du coin venaient nous toucher la peau pour voir si ça déteignait.

Jean Jacques

Jamais de baignoire, jamais de serviette pour moi, des fois que ça tacherait.

Jean Charles Serdagne

Il faudra attendre 2002 pour voir dénoncé et porté devant la justice cette entreprise d’esclavagisme.

Nommé depuis peu archevêque d’Olinda-Recife, au Brésil, dom Helder Camara, ne se laisse pas démonter par le changement brutal d’orientation politique du pays, en pleine phase de reflux du réformisme catholique : Gardons-nous de taxer de communistes ceux qui ont seulement faim et soif de justice sociale et de développement du pays.

Il est la tête de file de la théologie de la libération, orientation très sociale de l’Eglise catholique brésilienne, proche des plus démunis qui aura les coudées franches jusqu’à ce que, dans les années 1980, le pape Jean-Paul II y mette bon ordre, – erreur catastrophique de stratégie, révélatrice d’un esprit borné, obsédé par le communisme – extirpant ainsi prêtres et évêques du terrain, les scotchant dans leurs bureaux en ville. Les Evangéliques étaient là, dans leurs starting blocks, prêts à occuper le terrain, ce qu’ils feront avec une remarquable efficacité, surfant sur la vague d’amélioration des conditions de vie des plus pauvres dans les années Lulla ; dans la fin des années 2010, les Evangéliques seront plus nombreux que les catholiques [qui représentaient 92 % de la population brésilienne en 1970], prospérant sur la misère, [leur denier du culte, c’est 10 % du salaire de chaque membre de la communauté !] à servir une soupe sucrée à mi-chemin entre le christianisme et le vaudou. En 2018, l’un d’eux, Javier Bolsonaro sera élu à la présidence de la république ; les Evangéliques dans le monde sont 600 millions, le quart des chrétiens !

Tocqueville se demandait, en écoutant les prédicateurs américains, si l’objet principal de la religion est de procurer l’éternelle félicité dans l’autre monde ou le bien-être dans celui-ci. Disons que celui-ci tient lieu de celle-là. On n’imagine pas le pape protestant qu’était Billy Graham dénoncer, comme le pape François, l’impérialisme de l’argent qui met en place une dictature économique mondiale. Dans le cadre de cette ploutocratie bénie par le Ciel, le prolétaire peut voter pour le milliardaire, en pensant que ce dernier n’aura plus besoin de s’enrichir au pouvoir et que le doigt de Dieu est déjà sur lui. Et dans cette théodémocratie, mélange sui generis de ploutocratie et de théocratie, il n’y a plus de limite aux dépenses de campagne (six milliards de dollars en 2016). La soif du bénéfice s’inscrit dans une théologie, car, selon Billy Graham, le feu dont il est question dans la Bible n’est pas le feu éternel qui brûle les pécheurs, mais la soif inextinguible de Dieu. Rien de moins doloriste et maussade qu’une religion du salut sans enfer ni péché, un messager sans pietà ni couronne d’épines. Quand religiosité rime à prospérité, quand l’épanouissement individuel vaut pour accomplissement spirituel, les huissiers du paradis n’ont plus à s’habiller de noir ni à battre leur coulpe ou celle des autres. Flagellants, s’abstenir. Dostoïevski, inutile, Kierkegaard, oiseux. On recommence tout. La garantie d’une deuxième chance a pour idéal ou avant-goût non le baptisme, mais l’anabaptisme. On peut se faire baptiser à tout âge, et tout le monde a droit à une deuxième naissance. Le reborn Christian peut repartir du bon pied, effacer l’échec et retrouver l’innocence. En groupe, comme nos Alcooliques anonymes – association thérapeutique venue d’Amérique, confessionnal collectif où chacun communique aux autres, en bon et sociable sportif, ses performances de la veille en matière d’abstinence.

Parfois hystérico-fusionnels, les barnums néoévangéliques tournent le dos aux monastères et aux catacombes. C’est grand. C’est visuel. C’est musical. C’est marketing. C’est fun. C’est fou. C’est sanitaire. C’est utilitaire. C’est lucratif. C’est tout. Et cela marche. Et c’est fait pour cela. Le bonheur délivre de la tâche d’être soi. La conscience malheureuse n’est pas made in USA, et le manichéisme éloigne aussi bien des subtilités jésuites que des exaltantes impasses pascaliennes. Autant l’histoire a pu se marier au tragique dans une Europe échaudée par ses épreuves et qui se résigne, bon an mal an, à bricoler dans l’incurable, autant une histoire avec sauf-conduit où Dieu détient le final eut protège de l’irrémédiable. L’écroulement des tours du 11 septembre 2001 a beau avoir donné à certains comme un avant-goût d’apocalypse, il n’a pas entamé cette théologie de l’espérance dont l’attraction n’est pas prête à se démentir. Les États-Unis restent le pays de l’avenir qu’ils étaient déjà pour Hegel, le pays de rêve pour tous ceux que lasse le magasin d’armes historique de la vieille Europe. Inutile de préciser que le romantisme révolutionnaire, où la nostalgie est motrice, et l’échec final une sombre confirmation, n’a pas sa place dans la patrie des wonder boys et des success stories. La nouvelle civilisation méprise les loosers, les pauvres et les vaincus. La grandeur des causes perdues lui est étrangère.

Ce qui intéresse le Romain, c’est le faire ; ce qui intéresse le Grec, c’est l’être. Faire le job exige des réponses illico, se soucier de son être laisse mûrir les questions. Le Romain fait confiance à ses dieux ; le Grec les redoute, non sans raison, ce qui le porte, Archimède mis à part, à négliger l’outillage, et n’incite pas à rendre plus vivable notre vallée de larmes, en aménageant les fleuves, en construisant des barrages, en inventant des médicaments, en trouvant des solutions. Le tomorrow is another day, – demain est un autre jour –, croyance performative, est le premier message qu’adresse la statue de la Liberté à l’immigrant avant Ellis Island : ici, votre être sera ce que vous en faites. Ne voir que le bon côté des choses a son bon côté, suffisamment mobilisateur pour que l’on oublie le moins bon. Cela fait baisser le taux du malheur humain et aide à soulager nos maux. La résilience, par exemple, est un concept anglo-saxon, et on ne peut que se féliciter de le voir si bien repris dans le monde latin par nos psychothérapeutes pour surmonter nos traumatismes, psychiques et physiques. Prométhée a tout intérêt à montrer de l’optimisme, pour trouver le moyen d’allonger l’espérance de vie, soulager la douleur, guérir des maladies jusqu’ici incurables, réparer les femmes violées et les enfants abandonnés, bref, ne pas baisser les bras devant l’inexorable et les fatalités. L’américanisme, en ce sens, apparaît comme un prométhéisme religieusement augmenté par la foi dans la Providence. On peut comprendre que la nébuleuse évangélique avec ses multiples sectes fasse tache d’huile dans les Amériques, les Antilles, en Asie. Prodigieuse réussite : avoir forgé à la fois la spiritualité du riche et le millénarisme du pauvre. Le protestantisme revu et corrigé par la civilisation américaine déborde et remanie, partout sur la planète, les vieux fiefs des religions traditionnelles.

Régis Debray. Civilisation. Gallimard 2017

En 1959, Phil Knight, étudiant en comptabilité et coureur de demi-fond, avait vu arriver à Eugene, dans l’Oregon,  Otis Davis, avec des pieds déformés qui ont donc besoin de sur mesure, ce qui va être fait par Bill Bowerman. Un an plus tard, Otis Davis deviendra double champion olympique (400 m et relais 4 × 400 m). Trois ans plus tard, invité en Nouvelle Zélande, Bill Bowerman, coach star de l’université de l’Oregon, y découvre le jogging, intensément et universellement pratiqué. De retour à la maison, il lance cette nouvelle mode … et ça marche… non, ça court

Avec la collaboration d’un cardiologue, il rédige un livre truffé de conseils, Jogging (Grosset & Dunlap, 1967, non traduit). C’est un immense succès de librairie, un million d’exemplaires vendus, un manifeste en partie à l’origine de la mode du jogging, qui va gagner une bonne partie de la jeunesse américaine. Phil Knight et Bill Bowerman ont commencé par revendre un lot de basket importés du Japon, puis, ont fondé BRS (Blue Ribbon Sports) en y mettant chacun 500 $, avec pour ambition de styliser les chaussures Tiger vendue 7 $ quand les Adidas sont à 9 $. En 1964, ils créent Nike à Beaverton, dans l’Orégon. Nike, c’est la Niké grecque, la Victoire, dont la plus célèbre représentation est celle de Samothrace.

Steve Préfontaine est un coureur surdoué qui rêve d’une médaille d’or sur le 5 000 m. des J.O de Munich, en 1972. Mais il n’arrive que 4°. Il reprend l’entrainement, enchaine performance sur performance en s’équipant chez Nike, qui équipe gratuitement les participants aux trials ; mais un jour on vient lui demander d’enlever les quatre lettres Nike de son survêtement… qu’à cela ne tienne, il revient la fois suivante avec le seul swoosh – la virgule – de Nike : inattaquable. Le Swoosh, est né en 1971, signé de Carolyn Davidson, étudiante en art graphique, pour 35 $ : c’est l’aile de la Victoire

À Los Angeles, en 1984, ce sont les performances du sprinteur américain Carl Lewis, et la chute de la chouchoute du public, Mary Decker, en finale du 3 000 mètres, qui marquent les esprits.

Tout bonus pour Nike, qui équipe ces deux athlètes. Mais c’est en coulisses que l’entreprise de l’Oregon va réussir son plus beau coup, avec un basketteur au nom encore connu des seuls spécialistes, Michael Jordan. Peu convaincus par les résultats de la publicité traditionnelle, le cofondateur de la marque, Philip Knight, et ses hommes veulent aller plus vite, plus loin et plus haut avec leur politique marketing très personnalisée. Quand leurs rivaux sponsorisent des équipes, eux se concentrent sur des athlètes.

Pour séduire les étoiles montantes de la course à pied, le Kényan Henry Rono et l’Américain Alberto Salazar, puis les Britanniques Steve Ovett et Sebastian Coe, ils recourent à des méthodes pas totalement éthiques, concède aujourd’hui Peter Thompson. On ne pouvait pas payer les athlètes, alors il fallait se montrer créatifs.

Pour aider leurs protégés à financer leurs déplacements, un programme d’assistance est mis au point avec le concours des agences de voyages ou des compagnies aériennes. Et les familles ne sont pas oubliées. On leur offrait des vacances à Sunriver [Oregon] ou à Hawaï après une épreuve, comme ça leurs conjoints disaient : Reste avec Nike, ces voyages, c’est la seule bonne chose qu’on peut tirer de ton running !

Nike savait aussi se montrer généreux : Quand Adidas donnait deux paires de chaussures d’entraînement et une paire de pointes par an, on fournissait une nouvelle paire pratiquement toutes les deux semaines, en fonction des besoins des athlètes.

Dominique Chauvelier, employé de banque et champion de France de marathon, est contacté par un représentant de Nike en 1981 : Combien tu veux ? Avoir une paire de chaussures, c’était déjà extraordinaire. La somme d’argent proposée correspondait au tiers de mon salaire. Je suis resté dix ans avec eux.

Dans les laboratoires de recherche et de développement de Nike, ingénieurs et designers multiplient les trouvailles. C’est l’entreprise qui dépose le plus grand nombre de brevets, rappelle Christophe Cumin, responsable du Centre technique de la chaussure, à Lyon. Au début des années 1980, ils maîtrisent la nouvelle technologie maison, de l’air emprisonné dans les semelles pour apporter un surcroît de confort et de légèreté. La course à pied ne suffit plus, il y a tant d’autres marchés à conquérir.

Le tennisman américain Jimmy Connors est approché. Il tergiverse, préfère Adidas. Le Roumain Ilie Nastase, trublion des courts, semble un bon client. L’affaire dure le temps d’une saison. En 1978, un jeune New-Yorkais au tempérament bagarreur plaît beaucoup à Phil Knight, qui l’aborde à Wimbledon. Jimmy Connors, Ilie Nastase, John McEnroe. L’homme de l’Oregon a un faible pour les bad boys et leur potentiel commercial. En 1984, Nike confectionne pour John McEnroe des chaussures signatures, les Mac Attack.

Adidas l’a démontré avec ses Stan Smith, l’association d’un champion et d’un modèle donne de très bons résultats. C’est avec cette idée en tête que les dirigeants de Nike débarquent à Los Angeles, à l’été 1984. Ils ont une cible, le jeune Michael Jordan, star montante du championnat universitaire de basket et leader de l’équipe olympique des États-Unis.

Au siège de Beaverton (Oregon), on ne le prend guère au sérieux jusqu’à ce qu’un des responsables historiques de la marque, Rob Strasser, lui propose un contrat inhabituel en 1977 : un salaire mensuel de 500 $ et une enveloppe de 30 000 $ pour payer les coachs universitaires qui acceptent de distribuer des paires de sneakers à leurs joueurs. Encore un procédé limite, mais pas illégal, estiment les juristes de Nike.

Michael Jordan, dont l’équipe universitaire de Caroline du Nord est sous contrat avec Converse, a un faible pour les Adidas qu’il porte à l’entraînement. Nike, marque d’athlètes et de tennismen, ne jouit pas encore d’une bonne image chez les basketteurs au début des années 1980. Magic Johnson, autre star montante du basket américain, a repoussé une proposition de Phil Knight, qui ne pouvait pas offrir d’argent, mais lui proposait un beau paquet d’actions. Le joueur a préféré signer avec Converse pour 100 000 $, passant à côté d’un énorme revenu potentiel, au vu de la future valorisation boursière de Nike.

Pour inciter Michael Jordan à franchir le pas, Vaccaro et Strasser vont mettre le paquet. Après les JO de Los Angeles, où il remporte le tournoi de basket avec l’équipe américaine, le jeune talent se voit proposer une montagne de dollars et la perspective de donner son nom à une paire de chaussures. Et la moitié des bénéfices lui reviendrait.

 la fin des JO de Los Angeles, un petit ramasseur de ballon de 11 ans avait eu la présence d’esprit de récupérer la dernière paire de Converse portée par Michael Jordan en compétition. En 2017, ce trésor est parti aux enchères pour 190 000 $.

Pour Michael Jordan, la concurrence a refusé de s’aligner, le deal est conclu dans les bureaux de Beaverton, en présence de la mère du prodige. Peter Moore (1944-2022), le designer des premières Air Jordan, voulait quelque chose d’unique, du jamais-vu.

En octobre 1985, quand le numéro 23 des Chicago Bulls inaugure ses nouvelles chaussures, elles posent problème. Elles sont assorties aux couleurs de son club, rouge et noir, alors que le règlement de la NBA n’autorise que le noir ou le blanc. La presse en parle à chaque match, c’est une publicité inespérée. Merci la NBA ! s’esclaffe Nelson Farris, chargé aujourd’hui du storytelling officiel de la marque. Pour accentuer leur singularité, elles porteront bientôt un logo spécial, le jumpman .

Fin 1986, plus de 1 million de paires d’Air Jordan se sont écoulées. Just Do It (Fais-le, c’est tout), proclameront bientôt les publicités. Le slogan sort d’une modeste agence, Wieden + Kennedy, aujourd’hui installée dans une ancienne poissonnerie industrielle de Portland (Oregon). À l’étage, la maison affiche en grandes lettres la devise préférée du patron, Dan Wieden : Fail harder, que l’on pourrait traduire par Trompe-toi encore plus.

C’est pourtant une autre maxime célèbre qui va inspirer cet ancien étudiant en journalisme de l’université de l’Oregon (un nageur, lui). En 1977, Gary Gilmore est le premier condamné à mort depuis dix ans aux États-Unis fait mine de s’impatienter.  Let’s do it ! (Allons-y ! ), aurait-il dit, à la stupéfaction générale. La phrase s’inscrit dans la culture populaire et c’est en y repensant que Dan Wieden crée, en 1988, l’un des slogans les plus célèbres au monde.

Pour la première fois, le prix d’une paire de baskets va bientôt dépasser les 100 $. Le succès des Air Jordan et de ses déclinaisons est immense, les jeunes adorent devient une sorte de mantra chez les dirigeants de la marque à la virgule.

Tes sneakers ou la vie ? titre en mai 1990 le magazine américain Sports Illustrated au-dessus d’une passionnante enquête sur ce fait divers qui sape les fondations du monde idéal patiemment bâti par Nike. Quelque chose ne tourne pas rond dans une société qui a créé une sous-classe au sein de laquelle des morceaux de plastique et de caoutchouc tenus par des lacets valent parfois plus qu’une vie humaine, écrit l’hebdomadaire, qui dresse un constat accablant : Les entreprises ont joué un rôle direct dans cette évolution avec leurs produits ultra-designés et ultra-chers. 

Nike, qui dépense alors 200 millions $ de publicité par an, est au premier rang des accusés.

Au tournant du XXIe siècle, le port des baskets et des tenues de sport a gagné tous les milieux, toutes les disciplines sportives et toutes les générations. Chez Nike, les designers stars multiplient trouvailles stylistiques et prouesses techniques. Les exploits de la Dream Team américaine de basket aux Jeux olympiques de Barcelone, en 1992, puis le doublé du sprinter Michael Johnson et de ses chaussures dorées quatre ans plus tard, à Atlanta, ont définitivement installé la marque au sommet, le grand rival, Adidas, est dépassé. Le public est au rendez-vous, les investisseurs aussi ; bref, le chaos des débuts semble bien loin.

La suite va être celle de la plupart des entreprises à l’âge adulte : accusations d’exploiter la main d’œuvre dans ses filiales surtout asiatiques, accusations aussi de dopage des athlètes Nike. Même Michael Moore s’en mêle avec son documentaire en 1998 The Big One. Il est vrai que le contraire eut été étonnant au sein d’une entreprise dont la déontologie se résumait à un markéting d’une agressivité jamais vue.

En 2022, Nike engrange en un quart d’heure autant de revenus qu’en 1972, a calculé le site d’analyse financière StockApps. L’entreprise, née de la rencontre d’un entraîneur passionné et d’un étudiant intuitif, est aujourd’hui un mastodonte qui emploie 75 000 personnes dans le monde.

Au XXIe siècle, plus d’une paire de chaussures sur deux est une paire de basket On les porte avec un costume chic ou une robe de soirée, et des aficionados collectionnent les modèles rares, spéculent parfois et les échangent au prix fort.

En octobre 2021, une paire portée par Michael Jordan a trouvé acquéreur pour près de 1,5 million $ lors d’une vente aux enchères. C’est plus du double du précédent record établi en 2020, lorsqu’une paire d’Air Jordan était partie pour 615 000 $

Résumé des articles d’Éric Collier et Anthony Hernandez. Le Monde du 15 07 2022

Swoosh — Wikipédia

Le Swoosh, de Carolyn Davidson, étudiante en art graphique.

7 02 1965   

De Pierre Peltier au Maire de Megève – Chapelle Sainte Anne -.

Monsieur le Maire,

Permettez-moi de déplorer, tant en mon nom personnel qu’en celui de nombreux Mégevans et touristes, l’état d’abandon de cette chapelle. Pluie et neige pénètrent par les baies démunies de leurs vitraux et dégradent chaque année davantage ce charmant édifice. Son affectation en entrepôt pour la récupération paroissiale des vieux papiers est peu digne de sa destination primitive. Le temple protestant s’étant révélé beaucoup trop petit, cette chapelle pourrait le remplacer et le voisinage des deux cultes frères concrétiserait de façon particulièrement heureuse le rapprochement des Églises, dans l’esprit et la lettre du dernier Concile. L’Église Réformée se chargerait probablement de la restauration intérieure qu’on souhaiterait voir confiée à leurs moines de Taizé. Les vieux papiers pourraient s’entreposer plus facilement encore dans l’ancienne fosse d’aisance accolée à la façade ouest du presbytère ; il suffirait d’en agrandir l’ouverture extérieure. Les projets en cours et à venir, à St Paul et tout autour de l’Église vont assainir et rénover ce pittoresque quartier et la restauration de cette chapelle ne pourrait que parfaire et en assurer le charme. Mes relations d’affaires et personnelles avec le milieu protestant m’ont autorisé à faire cette démarche et à recevoir votre réponse.

Il ne fait jamais bon être en avance sur son temps.

21 02 1965   

Malcolm X, brillant et charismatique prêcheur musulman et américain, défenseur des droits des afro-américains, est assassiné. Il avait 39 ans.

02 1965 

Des élections au suffrage [vraiment] universel pour l’élection du président de la République vont avoir lieu d’ici dix mois. Pierre Dac, comique, ex-animateur de la Radio de la France Libre, s’engouffre dans la brèche et crée le Parti… d’en rire : il se présente sous l’étiquette du Mouvement Ondulatoire Unifié – le MOU -. Les temps sont durs, vive le MOU ! Deux mois plus tard, il recevra un coup de fil de l’Elysée : La récréation est terminée. On vous serait reconnaissant de bien vouloir rentrer chez vous. Ce qu’il fit… on ne peut qu’obéir au général de Gaulle.

18 03 1965 

Alexeï Leonov devient le premier homme à faire une marche de l’espace – en termes techniques, une sortie extravéhiculaire –. En direct à la télévision, il s’extrait du Voskhod et flotte dans l’espace, seulement relié au vaisseau par un cordon ombilical de quelques mètres. Mais les affaires se gâtent : L’ennui, c’est que sa combinaison n’a pas été bien conçue. Dans le vide spatial, elle s’est dilatée. Mes gants, mes bottes, tout mon scaphandre avait enflé. Comme le Bibendum de la publicité Michelin, résumera plus tard Leonov. Gonflé comme un ballon de baudruche, il ne peut plus passer le sas pour retourner à l’intérieur du Voskhod. On interrompt alors la retransmission télévisée, on diffuse de la musique classique et tout le monde se dit qu’il est mort. C’est un miracle qu’il rentre.

Alain Cirou

Leonov a tenté le tout pour le tout, il a actionné une valve pour réduire la pression à l’intérieur de son scaphandre et il est passé en force. La fin du vol sera émaillée d’autres incidents, au point qu’Alexeï Leonov et son coéquipier, Pavel Beliaïev, atterriront à plusieurs centaines de kilomètres du point prévu. Le programme Voskhod est abandonné et il faut concevoir un autre vaisseau, le Soyouz. Pendant deux ans, plus personne, de l’autre côté du rideau de fer, ne partira dans l’espace.

Pierre Barthélémy. Le Monde du 16 07 2019

11 04 1965 

À Loconville, Jean Philippe Smet, alias Johnny Halliday, inaugure avec Sylvie Vartan une longue série de mariages. Il restera tout de même, en la matière, loin derrière Eddy Barclay, qui, il est vrai, a une vingtaine d’années d’avance sur lui. Le rouleau compresseur américain – qui ne roule que sur des candidats consentants et pas seulement pour Jean-Philippe Smet : on ne peut donc parler de viol -, est en marche et ainsi Edouard Ruault devient Eddy Barclay, Claude Moine Eddy Mitchell, Hervé Forneri Dick Rivers, Jean-François Grandin Frank Alamo, pour ne citer que les plus connus, etc…

04 1965  

Che Guevara débarque sur les rives du lac Tanganyika accompagné d’une centaine de militaires cubains bien entraînés pour appuyer les simbas  de Laurent Désiré Kabila. Il souhaitait probablement mettre le feu à toute l’Afrique. Mais l’affaire fera long feu : entre les partisans d’une guerre rigoureuse que défendaient les Cubains, et l’atmosphère bon enfant et débonnaire des camps de rebelles congolais, le courant ne passera jamais, avec un Kabila beaucoup plus souvent en Tanzanie pour ses petits business que sur le terrain. Guevara et ses compagnons quitteront le Congo 7 mois plus tard : le Congo réunissait toutes les conditions contraires à la révolution.

Il est important d’avoir le sérieux révolutionnaire, une idéologie qui guide l’action et un esprit de sacrifice qui accompagne ses actes. Jusqu’à présent, Kabila n’a pas démontré posséder une seule de ces qualités. Il est jeune et il peut changer, mais je me décide à consigner sur le papier – un papier qui ne verra la lumière que dans plusieurs années – mes très gros doutes quant à sa capacité de dépasser ses défauts.

 Che Guevara

3 06 1965  

L’américain Edward White, en orbite sur Gemini IV, se promène dans l’espace pendant 20’.

5 07 1965                     

Houari Boumediene a été jusque-là ministre de la Défense de l’Algérie : il a organisé un coup d’État qui l’a propulsé président du Conseil de la Révolution. Il est élu président de la République et le restera jusqu’à sa mort en 1978. Dès lors, les harkis sont mis à l’écart de la société algérienne : interdiction de certains emplois, licenciement des personnels militaires et administratifs, priorité au logement et à l’emploi pour ceux qui ont participé à la révolution…

Figure-toi que Pontecorvo tournait La Bataille d’Alger dans la ville à ce moment-là, alors on avait l’habitude de voir les soldats, les chars et tout le carnaval de la guerre. Quand on a vu les hommes de Boumediene, on a cru que c’était Pontecorvo qui filmait une grosse scène ce jour-là. On a dit : il est fort ! Et d’ailleurs les soldats se sont bien servis de cette confusion. Ils nous disaient : Pas la peine de s’affoler. C’est du cinéma. Sauf que c’était un vrai coup d’Etat et que le lendemain, ils ont lancé la chasse aux opposants. Alors ça a recommencé : les arrestations, les disparitions…

Alice Zeniter. L’art de perdre. Flammarion 2017

16 07 1965 

Inauguration du tunnel sous le Mont Blanc, le plus long tunnel routier du monde, constitué d’une galerie unique à double sens de circulation, le doublement du tunnel projeté n’ayant jamais été réalisé pour des raisons d’abord de financement, puis d’opposition farouche des riverains côté français, en raison des nuisances dues à la circulation intense des poids lourds. Il a permis une réduction de parcours de Chamonix vers Aoste de 60 km et surtout de ne plus dépendre de la fermeture hivernale des cols alpins facilitant ainsi les déplacements entre la France et l’Italie. Il a coûté 265 F / cm et fait 11 611 m. Le volume de dérochement a été de 940 000 m³. Les accidents auront coûté la vie à 21 personnes. L’exploitation des années suivantes se révélera être pour les actionnaires un placement de rêve. En 1997, tout comme le tunnel routier du Fréjus, il verra passer 12 MT de fret, soit un passage de 2 200 camions par jour en moyenne.

Altitude de l’entrée côté français : 1 274 mètres ; de l’entrée côté italien : 1 381 mètres (le tunnel n’est pas horizontal mais en forme de V inversé pour faciliter l’écoulement des eaux). Il passe à l’aplomb exact de l’aiguille du Midi. La hauteur intérieure du tunnel est de 4,35 m et sa largeur de 8 m (deux fois 3,5 m et deux fois 0,5 m de bande latérale).

Il sera mis en service trois jours plus tard pour les voitures, trois mois plus tard pour les camions.

9 08 1965   

Depuis plus d’un an, les émeutes raciales entre Malais et Chinois ont mis en danger la jeune indépendance de Singapour, dont le parlement malais prononce l’expulsion. Le nouvel État entrera à l’ONU le 21 septembre. Le chef de l’État est Lee Kuan Yew, qui avait fondé en 1954 le PAP – People’s Action Party. Il mourra le 23 mars 2015.

Singapour est seul et menacé. La ville, fragilisée par les rivalités raciales et les incertitudes économiques, doit s’inventer, d’urgence, un nouvel avenir.

De cette faiblesse originelle Lee Kuan Yew et son équipe feront très vite un défi puis une force. En décidant de créer ex nihilo, une authentique nation dotée d’un véritable contrat social, ils engagent un processus résolument extraordinaire : la seconde invention de Singapour commence. Non sur la base d’une idéologie toute faite mais sur celle d’une délicate synthèse philosophique associant inspiration occidentale et valeurs asiatiques. D’un côté la méritocratie, la loi et le culte du progrès. De l’autre, l’éthique du travail, de la solidarité et du respect. À partir de là, enjeux et solutions s’esquissent et s’imbriquent clairement. Parce que Singapour est vulnérable, à l’intérieur comme à l’extérieur, il faudra le doter d’un État fort et d’une sécurité globale. Parce qu’il n’y a pas de sécurité sans prospérité, il faudra développer une économie solide, innovante et ouverte sur le monde. Enfin, parce que la force de Singapour repose sur la force et la cohésion de sa population, il faudra en faire une communauté multiraciale unie par une même culture de l’intelligence et de la réussite.

François-Charles Mougel. L’Histoire juin 2015

Toute cette bien belle architecture passera du projet à la réalité, mais quelques sérieux additifs seront accolés au projet primitif avec, en premier lieu, la mise en œuvre de l’activité la plus juteuse, celle de paradis fiscal ; les offres alléchantes proposés par l’État attireront nombre de banques peu regardantes sur l’origine des fonds, telle HSBC – Hong Kong & Shanghai Banking Corporation-, et bien d’autres.

30 08 1965   

Catastrophe glaciaire à Mattmark, dans le Valais suisse : glace et roche entrainent la mort de 88 ouvriers qui travaillaient à la construction d’un barrage hydro-électrique en aval.

11 09 1965  

De Gaulle annonce le retrait de la France de l’OTAN pour 1969.

17 09 au 17 10 1965   

Expérience Précontinent III du commandant Cousteau, au pied du phare du Cap Ferrat (Alpes- Maritimes) :

27 jours de plongée à saturation à l’héliox à – 100 mètres, dans une sphère en acier de 5,50 mètres de diamètre intérieur (plus les épaisseurs d’isolation et les 20 m/m d’épaisseur d’acier). L’isolation intérieure s’écrasera d’ailleurs partiellement sous l’effet de la pression. La sphère est montée sur un châssis rectangulaire de 14 mètres par 8 mètres. Elle pèse 23 tonnes et nécessite 72 tonnes de lest, dont 35 tonnes de billes d’acier. Les six plongeurs sont André LABAN (chef de mission), Philippe COUSTEAU, Jacques ROLLET (physicien), Christian BONNICI, Raymond COLL et Yves OMER. Pour cette troisième expérience, Claude WESLY est l’un des plongeurs de l’équipe de secours. […] Deux tourelles GALEAZZI sont utilisées comme moyen de sauvetage éventuel, si les 6 hommes devaient être rapidement remontés en surface, tout en étant maintenus sous pression. 

Les sorties quotidiennes jusqu’à – 120 mètres s’effectuent au narguilé avec système de récupération des gaz (avec un tuyau d’alimentation-gaz et un tuyau de retour-gaz aux installations techniques de l’habitat sous-marin). Ce sont donc des plongées en circuit fermé, sans émission de bulles dans l’eau. Les plongeurs respirent un mélange d’héliox avec seulement 2 % d’oxygène pour 98 % d’hélium. Les détendeurs pectoraux utilisés ont été spécialement fabriqués et fonctionnent à double tiroir pour la récupération des gaz (système Cousteau / Gagnan / Alinat / Davso ). Par sécurité, ils portent aussi sur le dos des tri-bouteilles du même mélange d’héliox avec la robinetterie inversée (au niveau des reins, pour pouvoir la manipuler soi-même). Régulièrement, la soucoupe plongeante SP 350 Denise pilotée par Bébert vient leur rendre visite.

Après trois jours et demi de désaturation progressive, les six plongeurs retrouvent la surface et la pression atmosphérique le 17 octobre 1965. La preuve fût faite que des hommes pouvaient séjourner et travailler à saturation et à grandes profondeurs. Mais JYC avait déjà compris que l’étape suivante serait de ne plus dépendre de navires de surface, d’où l’idée de la conception du sous-marin crache-plongeurs Argyronète. Elle ne fût que partiellement réalisée, puis abandonnée, avant d’être reprise et finalisée longtemps plus tard par Henri-Germain Delauze assisté de l’ingénieur Jean Mollard : le submersible rebaptisé Saga à deux compartiments distincts (atmosphérique pour l’équipage de conduite, et celui en hyperbarie pour les plongeurs à saturation). Il fonctionna parfaitement, mais arrivait malheureusement trop tard pour le milieu pétrolier off-shore dont les besoins techniques avaient changé.

https://video.lefigaro.fr/figaro/video/marseille-des-passionnes-restaurent-le-sous-marin-du-commandant-cousteau/5761384058001/

comex, historique comex, sous-marin, saga, Henri Germain Delauze

Philippe Rousseau. https://www.plongee-infos.com/operation-precontinent-ils-ont-vecu-un-mois-sous-la-mer-il-y-a-un-demi-siecle/

Là encore, les histoires de l’Argyronète et du Saga disent bien que les techniques mises en œuvre viennent d’un monde où le rêve tient une grande place : l’Argyronète avait des défauts de motorisation qui l’empêchaient de devenir opérationnel ; certes, mais, une fois repris par H.G.Delauze, il sera devenu opérationnel, il fonctionnera très bien mais, ne trouvera personne pour lui donner du travail. Aucun pétrolier offshore ne fera appel à ses services et il finira sa vie comme l’Argyronète… dans un hangar où des passionnés amateurs le bichonneront pour être visitable : un objet de musée, malheureusement rien d’autre… il y a un problème.

Opération Précontinent" : Ils ont vécu un mois sous la mer... il y a un demi-siècle ! - Plongée Infos

le détendeur pectoral à double tiroir pour la récupération des gaz (système Cousteau/Gagnan/Alinat/Davso)

19 09 au 1965     

Lionel Terray et Marc Martinetti, font une chute mortelle à la fissure en Arc de Cercle, aux Arêtes du Gerbier, dans le Vercors.

1 10 1965 

À Djakarta, en Indonésie, une colonne de camions militaires entre en ville à trois heures du matin, pour s’emparer de six généraux, en tuer trois immédiatement, les trois autres plus tard.

À l’aube, les responsables de ce mouvement du 30  septembre revendiquent leurs liens avec le président indonésien Sukarno, l’une des grandes voix des non-alignés et figure majeure des puissances en devenir du tiers-monde : un certain lieutenant-colonel Untung, commandant de la garde présidentielle et chef du Comité  révolutionnaire, annonce que l’action avait pour but de protéger le président et de déjouer un coup d’Etat. Une faction droitière dans l’armée, exaspérée par les relations étroites entretenues par Sukarno avec le PKI, le parti communiste indonésien, aurait été en train de préparer un putsch, avec l’aide de la CIA…

Mais, dans l’après-midi du même jour, le général Suharto, futur dictateur, reprend le contrôle des différents bâtiments occupés par les hommes du Comité révolutionnaire et s’empare de facto du pouvoir. Sukarno sera par la suite mis sur la touche par Suharto, qui le forcera a lui céder les pleins pouvoirs l’année suivante. C’est alors que la répression s’abat contre tous les communistes indonésiens. Provoquant aussi une série de règlements de comptes contre leurs alliés plus ou moins proches et des membres de la minorité chinoise, accusée d’être une cinquième colonne appuyée par Pékin, l’allié du président Sukarno…

Avec l’aide de puissantes organisations islamiques, l’armée et ses milices vont organiser les massacres : à Java, Sumatra, Bali et Bornéo : environ 500 000 morts sur un an ; 750 000 personnes seront torturées et envoyées dans des camps de concentration. Le tout avec l’assentiment des Etats-Unis : en cette période de guerre froide, Washington fournira complaisamment aux responsables de l’ordre nouveau, nom du nouveau régime de Suharto, les listes de sympathisants communistes ou de personnalités susceptibles de s’opposer au régime.

Les motivations des soldats du mouvement du 30  septembre resteront floues : pourquoi des militaires procommunistes ont-ils assassiné six généraux ? Piège tendu par Suharto pour justifier la répression qui suivit contre les communistes ?

13 10 1965  

Au Congo, Kasavubu destitue Moïse Tschombé de son poste de premier ministre : il était devenu l’homme le plus populaire du Congo et sa coalition de partis était devenue majoritaire à l’occasion des dernières élections.

29 10 1965   

Mehdi Ben Barka, opposant marocain basé à Genève, par ailleurs honorable correspondant des services secrets de Tchécoslovaquie ne cesse de circuler entre Le Caire, Moscou, Pékin, Tokyo, La Havane. Déjà connu des prisons marocaines, il est condamné à mort par contumace. On lui propose de participer à un film sur l’oppression colonialiste, et pour ce faire un rendez-vous lui est donné devant la brasserie Lipp par des intellectuels manipulés par les services secrets : c’est un piège et il est enlevé par un truand aussi à l’aise chez les intellectuels de gauche que dans les services secrets : Georges Figon. On ne le retrouvera que mort, suicidé dans sa planque parisienne, le 17 janvier 1966. Le corps de Ben Barka, lui, ne sera jamais retrouvé : emmené au Maroc et dissous à l’acide pour les uns, enterré et dissous à l’acide dans la forêt de Saint Germain en Laye, par les bons soins du Mossad, jouant pour le coup les fossoyeurs, puis transporté au Jardin d’acclimatation, sous le bâtiment de l’actuelle Fondation Louis Vuitton ? Mais que pouvait bien venir faire le Mossad dans cette galère ? En fait Israël ne pouvait rien refuser au Maroc, qui l’avait laissé truffer de micros les salles de conférence, salons et chambres des grands hôtels occupés par les dirigeants arabes lors des sommets organisés par le Maroc : ainsi Israël écoutait toutes les conversations des dirigeants arabes. Pareil cadeau permettait bien au Maroc de demander de temps à autre un renvoi d’ascenseur. Presque cinquante ans après les faits, l’affaire Ben Barka trainait toujours en justice…

24 11 1965     

Au Congo, le colonel Mobutu, chef d’état-major des armées, prend le pouvoir : c’en est fini de la 1° république. Il débaptise le Congo qui devient Zaïre. Dans un premier temps, il s’efforce à tenir un langage de vérité : Je vous dirai toujours la vérité, aussi dure qu’elle soit. C’en est fini de vous assurer que tout va bien alors que tout va mal : dans notre cher pays, tout va réellement très mal.

*****

Le nom Zaïre est le nom que les premiers explorateurs portugais ont donné au mot kikongo nzadi, signifiant fleuve. L’expression Nzadi o Nzere signifie la rivière qui engloutit toutes les autres rivières, autre désignation générique du fleuve Congo. Vers 1760, l’Encyclopédie a un article sur le Congo qui commence ainsi : Grand pays de l’Afrique, qui comprend plusieurs royaumes. Il est borné au nord par la rivière de Zaïre.

Wikipedia

26 11 1965 

Lancement du premier satellite français, A1 dit Astérix, par la fusée Diamant A depuis la base algérienne d’Hammaguir. On sait qu’Astérix est un petit gabarit : une quarantaine de kilos. La France devient ainsi la troisième puissance, après l’URSS et les Etats-Unis, à conquérir l’espace. C’est plutôt l’entrée dans la révolution balistique que cet épisode à 100  % militaire marque. Ce n’est qu’après le second tir, en février  1966, que la conquête de l’espace démarre vraiment pour la France,

Philippe Varnoteaux, auteur de L’Aventure spatiale française (Nouveau Monde Editions 2015.

Le ministère de la défense dirige en effet ce premier vol. Le Centre national d’études spatiales, non militaire et créé en  1961, n’interviendra que pour le deuxième tir. En outre, l’émetteur d’Astérix n’a pas fonctionné et sa mise en orbite a été confirmée par les radars américains. Comme la plupart des pays, la France a récupéré le savoir-faire militaire allemand développé lors de la seconde guerre mondiale, avec les missiles V2. Au menu des premières missions scientifiques menées par les nations pionnières de l’espace figurera l’exploration des propriétés de l’atmosphère : densité, propagation des ondes électromagnétiques, rayons cosmiques… Ce n’est qu’à partir de 1979, avec le programme Ariane, que le savoir-faire européen dans le spatial s’épanouira.

11 1965 

Le Nobel de médecine est pour André Lwoff, Jacques Monod et François JacobNous sommes faits d’un étrange mélange d’acides nucléiques et de souvenirs, de rêves et de protéines, de cellules et de mots. Votre Compagnie s’intéresse avant tout aux souvenirs, aux rêves et aux mots. Vous montrez aujourd’hui que, parfois, elle ne dédaigne pas d’accueillir aussi un confrère, plus préoccupé, lui, d’acides nucléiques et de cellules. [réception à l’Académie française le 20 novembre 1997]

15 12 1965  

Les capsules Gemini VI et Gemini VII se donnent rendez vous dans l’espace, mais l’arrimage n’est pas possible.

    8 12 1965     

Dernière séance du Concile Vatican II ; fin de la messe en latin. Deux mois plus tôt, une déclaration sur les religions non chrétiennes avait mis fin à des siècles d’antisémitisme plus ou moins larvé. Dès avril 1959, au cours de la messe du Vendredi Saint, Jean XXIII avait interrompu la prière, donnant l’ordre d’effacer du texte les mots perfides juifs.

1965 

Gérard de Villiers sort son premier SAS : SAS à Istanbul, père d’une innombrable famille qui ira en 2013, année de sa mort, chercher dans les 120 à 150 millions d’exemplaires, tous pays confondus, avec une recette bien au point : de la géopolitique et de l’exotisme en veux-tu en voilà, un bon morceau de sexe hard, et ce qu’il faut mais pas plus, de violence et de torture. Le dosage devait donc connaître un succès fou. Sa proximité avec les milieux diplomatiques, et une documentation très sérieuse l’avaient aidé à avoir parfois un pif parfois étonnant :

  • 1980 Le complot du Caire met en scène l’assassinat d’Anouar el Sadate, qui aura lieu le 6 octobre de l’année suivante.
  • Octobre 2012 Panique à Bamako voit des colonnes de 4 X 4  de jihadistes foncer sur Bamako : elles étaient en route en janvier 2013 quand l’armée française les arrêta. Mais cela aurait sans doute fait trop happy end pour Gérard de Villers
  • 2013 Le Chemin de Damas décrit l’attaque d’un centre de commandement syrien, qui aura lieu au mois d’octobre.

Je ne suis pas devin, je fais simplement des hypothèses à partir de pays que je connais bien et, de temps en temps, certaines se réalisent.

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Walter Hallstein est président de la Commission européenne : il veut faire de cette Commission l’exécutif européen. De Gaulle s’y oppose et c’est pour plusieurs mois la politique de la chaise vide, résolue avec le compromis de Luxembourg en 1966. Suivront alors vingt-cinq ans de statu quo ante, qui ne prendront fin qu’avec le tournant de la rigueur de Mitterrand en 1983, qui était en fait une volonté de redonner vigueur au fédéralisme :

Aquilino Morelle. Le Monde du 20 09 2021

Réforme des régimes matrimoniaux : un mari ne peut plus s’opposer à l’activité professionnelle de son épouse, ni à l’ouverture d’un compte bancaire à son nom. Les Américains commencent à bombarder le Viet Nam. En un an ils ont envoyé 200 000 soldats au Viet Nam ; en 1966, ils en enverront encore autant. À l’occasion de la candidature de François Mitterrand à l’élection présidentielle, soutenu à cette occasion par Jean Monnet, De Gaulle livrera ses sentiments sur son adversaire à quelques proches : Mitterrand, c’est le type du politichien. Il n’a absolument rien pour lui que l’ambition, le désir de prendre la place le jour où il le pourrait.

Les sondages sont mauvais : Roger Frey et Alain Peyrefitte essaient de convaincre de Gaulle de lâcher dans la presse quelques informations gênantes sur le passé de Mitterrand ; le refus de De Gaulle est net : Vous ne m’apprenez rien. Mitterrand et Bousquet, ce sont les fantômes qui reviennent : le fantôme de l’anti gaullisme issu du plus profond de la collaboration. Que Mitterrand soit un arriviste et un impudent, je ne vous ai pas attendu pour le penser. Mitterrand est une arsouille… Non, je ne ferai pas la politique des boules puantes… Non, n’insistez pas ! Il ne faut pas porter atteinte à la fonction, pour le cas où il viendrait à l’occuper.

Il est d’autres bonnes plumes qui versent moins dans l’outrance, à la mode de Saint Simon, très grand siècle : C’était un homme entre deux tailles et deux âges, assez d’une figure aimable, qui arrêtait avec plaisir les yeux des dames, d’une ambition qui s’appuyait de toutes sortes de talents pour arriver à la plus haute fortune, riche en dons, fertiles en vues, en ressources, en ressorts, entreprenant, aussi hardi à changer de front qu’adroit à tirer de biais, maître signalé en artifice, avec extrêmement de valeur brillante et un cœur au-dessus des périls. Il avait fort de l’esprit, mais managé et parfois si labyrinthé qu’il se perdait dans ses détours et se laissait alors piéger en terrain coupé et raboteux, dans des taillis d’intrigues romanesques, dont il ne sortait qu’avec embarras, quoiqu’il eût d’ailleurs la tête froide et fort capable de tenir tout le soin de l’État.

Roger Fressoz, alias André Ribaud. Le Canard enchaîné du 29 septembre 1965

Les Américains Arno Penzias et Robert R. Wilson découvrent un rayonnement thermique cosmologique : il est fossile : c’est un témoin du Big Bang.

Temple Grandin, née à Boston en 1947, est une enfant autiste de 18 ans. Sa mère vient de divorcer et vit désormais avec le saxophoniste new-yorkais Ben Cutler, dont la sœur Ann Becham possède un ranch en Arizona, où elle l’invite. Elle y découvre un travail à ferrer, qui est aussi utilisé pour vacciner les animaux. Et le calme qu’apporte l’appareil à des animaux stressés la fascine, lui fait envie, elle qui vit constamment entre son refus des câlins et son besoin de sentir une force qui l’enserre ; elle n’aura de cesse de fabriquer une machine à câlins qui lui donnera toute satisfaction. C’est une des grandes étapes de sa vie qui va se révéler exceptionnelle : professeur d’Université, zootechnicienne, conférencière. Elle publiera Emergence, en 1986, – avec une traduction en français sera publiée en Ma vie d’autiste. On peut la voir sur Ted X.com

Une grande jeune femme se tenait debout à la périphérie du groupe et semblait suivre les discussions avec beaucoup d’intérêt. Timide et agréable, mais la plupart du temps elle se contentait d’écouter. J’appris que son nom était Temple Grandin. Ce n’est que bien plus tard dans la semaine que j’appris qu’elle était une personne avec autisme. Je l’abordais et lui demandais si elle accepterait de parler pendant la prochaine conférence annuelle [de l’ASA]. Elle accepta. L’année suivante, Temple s’adressa à l’audience [de l’ASA]. Les gens étaient assis sur au moins trois rangées. Le public cherchait à tout savoir d’elle. Ici, pour la première fois, quelqu’un pouvait nous dire, à partir de sa propre expérience, ce que c’était d’être extrêmement sensible au son […]. On lui a posé de nombreuses questions : Pourquoi mon fils tourne-t-il tant sur lui-même ? Pourquoi porte-t-il les mains à ses oreilles ? Pourquoi ne me regarde-t-il pas ? Elle parlait de sa propre expérience, et sa vision était impressionnante. Il y avait des larmes dans plus d’une paire d’yeux ce jour-là. Temple est rapidement devenue une oratrice très recherchée parmi la communauté de l’autisme.

Docteurr Ruth Sullivan. Préface de The Way I See It

Temple Grandin on how the autistic 'think different'

This is a brain scan of Temple Grandin, left, compared to someone without autism. Grandin’s visual output area is much larger than a typical person’s. WALT SCHNEIDER, UNIVERSITY OF PITTSBURGH

4 01 1966 

Explosion à Feyzin, dans l’Isère : 19 morts, 84 blessés. Elf y traite 1 700 000 tonnes de pétrole par an. A 6 h 40’, trois employés effectuent une prise d’échantillon dans la zone de stockage, au niveau de la sphère de propane 443. Avec quelques impuretés, le gaz jaillit, mais une vanne se bloque, coincée par le givre. Le gaz s’insinue sous les sphères voisines, en formant une nappe d’environ 1.5 m d’épaisseur, puis atteint l’autoroute. A 7 h 15’, une voiture située sur départementale voisine enflamme la nappe. Son occupant décédera quelques jours plus tard. Les pompiers arrivés de Lyon à 7 h 33’ ne parviennent pas à venir à bout de l’incendie. A 8 h 45’, la sphère 443 explose : une pièce d’acier de 48 tonnes sera retrouvée à 325 m. du lieu de l’explosion ! La détonation se fait entendre jusqu’à Lyon. Les maisons du quartier de Razes sont soufflées. Et c’est une boule de feu de 600 m de haut et de 250 m de diamètre qui prend la place de la sphère. 11 pompiers y meurent. 7 employés mourront les jours suivants.

17 01 1966

Un bombardier américain se désintègre au cours d’une opération de ravitaillement en vol au-dessus de la côte méditerranéenne de l’Espagne, à proximité de Palomares, en Andalousie. Il largue quatre bombes H de 1.45 mégatonnes !  Trois arriveront à terre, dans les environs de Palomares, une s’abîmera en mer par 869 mètres de fond : il faudra 81 jours pour la retrouver. Les détonateurs n’ayant pas été rendus opérationnels, on en resta finalement à plus de peur que de mal.

24 01 1966

16 ans après le Malabar Princess, le Kangchenjunga, un Boeing 707 de la  même compagnie Air India s’écrase à 7 heures du matin sur le Mont Blanc , au même endroit, les rochers de la Tournette, 400 mètres avant le sommet, versant français : les corps des 117 passagers et membres de l’équipage seront projetés, pour la plupart d’entre eux, comme ceux du Malabar Princess, sur le glacier du Mont Blanc, versant italien. Jean Jacques Mollaret, mégevan, commande le PSHM – Peloton de Secours en Haute Montagne : il n’est pas question d’envoyer  une caravane de secours : le souvenir de la mort de René Payot, puis le drame de Vincendon et Henry, les progrès des hélicoptères adaptés aux reliefs et à l’altitude font envisager des déposes en hélicoptère : trois Alouettes III arrivent de Grenoble, Annecy et Bron, et trois Sikorski du Bourget du Lac. Le temps est beau… le spectacle de désolation est le même que 16 ans plus tôt… les premiers corps apparus sont ceux de dizaines de… singes. On ne retrouva pas plus les boites noires du Kangchenjunga que celles du Malabar Princess. Cette fois-ci, personne ne parle de lingots d’or… mais l’information se fait pourtant encore plus rare que pour le Malabar Princess : Cesare Chenoz se trouve au col Chécroui, sur le versant sud du Val Veny, face aux aiguilles de Peuterey : à 8 h 15, il se trouve sous une véritable pluie de feuilles de journaux, de lettres, dollars etc…  le col Chécroui est à plus de 7 kilomètres du lieu de l’accident : pour que des objets puissent aller aussi loin , on pense alors plutôt à une explosion ; et, justement, coté italien on parle de la disparition le même jour d’un avion militaire qui se trouvait dans les parages… depuis l’accident de la Vallée Blanche, 5 ans plus tôt, on sait que les militaires ne peuvent s’empêcher de considérer la montagne comme le plus fantastique terrain de jeux. On parlera encore d’attentat : un savant atomiste se trouvait dans l’avion…. Le PSHM déclare très rapidement les recherches terminées… René Desmaison, lui, gamberge : toujours assoiffé de reconnaissance médiatique, il se persuade qu’il s’agit d’une collision, et monte en secret… avec Philippe Réal, responsable de la station de Grenoble de l’ORTF, une expédition sur le versant italien du Mont Blanc. Pour que l’affaire devienne un scoop, il faut une liaison radio, pour lancer cela sur les ondes quand on juge le moment venu… pas facile d’acheminer et planter de grandes antennes en restant incognito… idée géniale : Guy Lux est à La Plagne pour son Interville… on va se mêler à ses techniciens qui sauront facilement se taire moyennant un bon repas… quant au public et même les pouvoirs publics locaux… ils ne devraient y voir que du feu… La Plagne a une vue directe sur le versant italien du Mont Blanc, et avec les puissants talkies walkies venus tout exprès de Suède, la liaison devrait être bonne.  Un hélicoptère loué à Paris, basé localement à Albertville, dépose Desmaison et trois autres alpinistes le 22 février 1966 au refuge Quintino Sella, sur l’arête de la rive droite du Glacier du Mont Blanc, à 3 400 m. Et ils trouvent en effet beaucoup de choses sur la partie supérieure de ce glacier… et des éléments qui, à l’évidence ne peuvent appartenir à un Boeing. Ils filment beaucoup, prennent de nombreuses photos,  emportent  les pièces qu’ils peuvent et redescendent à pied dans le Val Veny 5 jours plus tard, en prenant soin de cacher  dans la nature une partie des films et des objets, certains qu’ils sont de trouver à Courmayeur un comité d’accueil qui leur confisquera très rapidement  le contenu des sacs, car l’ORTF a déjà mangé le morceau : les officiels français savent donc qu’une recherche a été entreprise sans leur accord.  L’affaire sera à moitié étouffée… et, plus tard, quand Françoise Rey, qui écrira en 1991 Crash au Mont Blanc, les fantômes du Malabar Princess, cherchera à savoir ce qu’il était advenu de ces films et pièces d’avion cachés dans le Val Vény, elle ne pourra parvenir à rencontrer René Desmaison  et Philippe Réal lui répondra que tout cela a malheureusement été égaré dans un déménagement… Les amateurs de scoop s’étaient sans doute rendu compte que leur hypothèses ne tenaient pas la route et que les morceaux d’avion redescendus appartenaient à un avion dont la chute n’avait rien à voir avec celle du Kangchenjunga. Dans les années 80, le guide Patrick Gabarrou fera de cet envers du Mont Blanc son terrain de prédilection et trouvera encore plusieurs restes, métalliques et humains du Malabar Princess et du Kangchenjunga.

Le 27 juillet 2017, le glacier des Bossons rendra une jambe et un bras que Daniel Roche, passionné de ces deux crashs, attribue sans certitude à une passagère de l’avion. Les cinquante ans pour faire à peu près 23 km – à raison de 80 cm par jour, ce qui est plutôt rapide pour un glacier – se vérifient donc !  Le glacier des Bossons transporterait encore 250 corps !

le 23 novembre 2017, Daniel Roche, collectionneur lyonnais passionné, a trouvé et récupéré un réacteur du Kangchenjunga.

3 02 1966  

Luna IX se pose en douceur sur la lune.

17 02 1966 

Avec la fusée Diamant, la France réussit la mise en orbite du satellite Diapason D 1A, 19 kg, 50 cm. Ø et 20 cm.de haut.

1 03 1966 

La sonde russe Venera II atteint Vénus.

7 03 1966  

De Gaulle écrit à Johnson pour l’informer que 26 000 soldats américains devront avoir évacué les bases françaises avant avril 1967. Foster Dulles lui demandera : Faut aussi emporter les corps des boys des deux guerres mondiales, enterrés sur le sol français ?

16 03 1966  

La capsule Gemini et la fusée Agena réussissent le premier arrimage dans l’espace. Les missions de longue durée sont désormais possibles.

6 04 1966  

Le film de Jacques Rivette avec Anna Karina, La Religieuse, sorti un mois plus tôt sur les écrans, a vite été interdit d’exploitation :  il le restera jusqu’à juillet 1967. Jean-Luc Godard écrit à André Malraux, ministre de la Culture : Étant cinéaste comme d’autres sont juifs ou noirs, je commençais à en avoir marre d’aller chaque fois vous voir et de vous demander d’intercéder auprès de vos amis Roger Frey et Georges Pompidou pour obtenir la grâce d’un film condamné à mort par la censure, cette Gestapo de l’esprit. Mais Dieu du ciel, je ne pouvais vraiment pas le faire pour votre frère Diderot, un journaliste et un écrivain comme vous, et sa Religieuse, ma sœur. Aveugle que j’étais. Ce que j’avais pris chez vous pour du courage ou de l’intelligence lorsque vous avez sauvé ma Femme mariée de la hache de Peyrefitte, je comprends enfin ce que c’était, maintenant que vous acceptez d’un cœur léger l’interdiction d’une œuvre où vous aviez pourtant appris le sens exact de ces deux notions inséparables : la générosité et la résistance. Je comprends enfin que c’était tout simplement de la lâcheté. Si ce n’était prodigieusement sinistre, ce serait prodigieusement beau et émouvant de voir un ministre UNR en 1966 avoir peur de l’esprit encyclopédiste de 1789.

Jean-Luc Godard. Lettre à André Malraux. Le Nouvel Observateur, 6 avril 1966.

La Religieuse fera cependant le festival de Cannes, avec l’aval d’André Malraux. La censure sera levée un an plus tard pour vice de forme, et le film interdit seulement aux mineurs.

9 04 1966

Le Vatican supprime l’Index des livres interdits aux croyants.

27 04 1966

David Reimer, canadien né huit mois plus tôt, est atteint d’un phimosis – une malformation du pénis – qui demandait une circoncision, laquelle a été faite quelques semaines plus tôt, mais s’est mal passée, demandant une nouvelle intervention – une pénectomie : l’ablation du pénis. David Reimer n’était pas né seul : il avait un jumeau Brian, atteint de la même maladie que lui, mais pour lequel on ne fit rien, ce qui était la meilleure solution car ses affaires s’arrangèrent toutes seules. Les parents attendent que David ait 22 mois pour lui faire enlever les testicules et demandent alors à John Money, éminent psychologue et sexologue néo-zélandais exerçant à Baltimore : et si on l’éduquait désormais comme une fille, est-ce qu’il pourrait devenir femme ? Banco répond Money. Seulement, on ne sait pas très bien où exactement, la mémoire de son sexe masculin restait ancrée, malgré l’ablation des testicules ; vers 15 ans, David manifestera des désirs de retrouver son identité masculine, mais cela ne marcha pas non plus. La volonté de devenir femme n’était que la volonté des parents et du docteur Money, mais en aucun cas la sienne, et il finira par se suicider à l’âge de 38 ans, en 2004. Son jumeau était mort  deux ans plus tôt d’un cocktail d’alcool et d’antidépresseurs. Le docteur John Money avait eu tout faux : il n’était dans le fond qu’un charlatan criminel. Comme quoi le pire qui puisse arriver à des enfants, c’est d’avoir des parents portés sur la connerie, et donc sur l’écoute de fadas. On pourrait penser que leçon fut tirée de cette très triste histoire. Certes, la carrière du docteur John en fut affectée, mais pas au point de remettre en question son statut de  professeur de pédiatrie et de psychologie au centre médical de l’Université John Hopkins de Baltimore où il exerça de 1951 à sa mort en 2006. En 2002, la Société allemande pour la recherche socio-scientifique sur la sexualité lui décernera la médaille Magnus Hirschfeld. On pourrait encore penser que finalement cela n’aura été qu’un accident dans l’histoire de la pensée, mais non, c’est bien là le point de départ de la théorie du genre qui va se trouver au cœur de la pensée woke, cinquante ans plus tard, avec son cortège de dénis du réel, avec sa répulsion pour le fonctionnement de la seule raison, avec son rejet catégorique du simple bon sens.

La théorie du genre s’efforce d’effacer la différence sexuelle et les corps. Mais il lui faut aussi faire oublier tout souvenir du monde réel, par exemple celui où les femmes sont enceintes et pas les hommes, pour ne pas offenser les habitants du monde imaginaire du genre. Avec le genre on a pour la première fois affaire au développement d’une sorte de solipsisme radical, qui estime non seulement que seules les consciences existent mais que ces consciences fabriquent le monde. Et ce solipsisme devient une illusion de masse, encouragée par le développement de la vie virtuelle.

Jean François Braunstein. La religion woke. Grasset 2022

L’approfondissement sans fin des droits des individus, ce n’est pas la même chose que la liberté, entendue comme la construction politique d’une société démocratique. Cet approfondissement des droits individuels n’est pas favorable à l’autonomie de l’individu. Il assigne ce dernier à la race, à une histoire particulière, au genre, aux orientations sexuelles. Le wokisme est devenu un terrorisme qui fonctionne sur l’interdit, l’injonction et l’assignation à une identité. Aujourd’hui, on n’est plus dans la revendication de la liberté, mais dans celle d’une égalité qui ignore toute idée de lien entre les individus. Ces revendications dont certains pensent qu’elle prolongent l’histoire de la liberté conduisent à l’enfermement communautaire. Tout le contraire de la promesse d’émancipation de 1789.

Patrice Gueniffey, historien. La Tribune Dimanche 29 septembre 2024

27 05 1966

Sortie sur les écrans d’Un homme et une femme de Claude Lelouch, palme d’or du festival de Cannes, Oscar du meilleur film étranger en 1967 et Oscar du meilleur scénario original.

Ce qu’Un homme et une femme doivent au tour de France : Après l’Idhec, j’avais tourné un premier film qui s’était révélé un si grand échec que j’étais ruiné. Je n’avais plus d’argent et j’étais couvert de dettes. À ce moment-là, la télévision m’a demandé de réaliser un court-métrage sur le Tour de France. J’ai aussitôt accepté. Ce film tourné sur le Tour 1965 s’appelait Pour un maillot jaune. Il rencontra un tel succès que de nombreuses chaînes étrangères l’achetèrent ! Grâce au maillot jaune, je pus rembourser mes dettes et trouver l’argent dont j’avais besoin pour tourner une autre film. C’est ainsi que j’ai réussi à acheter la pellicule d’Un homme et une femme.

Claude Lelouch

Existe-t-il casting plus réussi ? Ce n’est pas sur. Anouk Aimée, bien sur, enchanteresse toute de simplicité et d’intelligence, Jean-Louis Trintignant, le séducteur aux antipodes du latin lover, au sourire ensorceleur : tant d’élégance dans le naturel… on voudrait que cela ne s’arrête jamais. À lui tout seul, ce casting est un petit chef d’œuvre.

2 06 1966  

Surveyor I (américain) se pose sur la lune. Au Congo, Mobutu jette aux orties ses oripeaux de démocrate en commençant par inventer un complot visant à le renverser, ce qui envoie trois anciens ministres et un sénateur devant un tribunal militaire qui les condamne à mort, par pendaison : pas de meilleur moyen pour inaugurer un régime de terreur. Je suis enfin devenu qui je suis.

Chez nous, le respect du au chef, c’est quelque chose de sacré. Il fallait un exemple. […] Lorsqu’un chef décide, il décide, point c’est tout.

2 07 1966 

Premier essai atmosphérique de bombe atomique au large de Muruora, en Polynésie française : 28 kilotonnes, 2 fois la puissance de celle d’Hiroshima. 34 autres suivront jusqu’en 1974, puis 147 essais souterrains jusqu’en 1996. En août 2016, l’Eglise évangélique maohi déposera une plainte contre la France auprès du tribunal de La Haye pour crime contre l’humanité.

12 07 1966   

Extension du régime de l’assurance maladie aux non salariés, qui restera moins avantageux que le régime général.

 19 07 1966   

Un Conseil des ministres restreint approuve le lancement du Plan Calcul : il s’agit de doter la France d’un organisme – la  Compagnie Internationale de l’Informatique (CII), à même de fédérer les fabricants concernés pour développer une industrie des calculateurs électroniques,- c’est à dire les ordinateurs -.

C’est un chef-d’œuvre de littérature administrative ! En ce jour de juillet 1966, le général de Gaulle est d’humeur joyeuse. Le commissaire au Plan, François-Xavier Ortoli, vient de lui présenter son rapport dans lequel il conclut à la nécessité de doter la France d’un plan informatique. Conquis par un projet qui s’inscrit dans sa stratégie d’indépendance nationale, le chef de l’Etat donne son accord. Le plan Calcul , une formule trouvée par un journaliste inspiré et qui est reprise de manière officielle, vient de voir le jour. Hésitations politiques, batailles entre industriels, querelles d’ego… cette grande ambition française ne durera que dix ans.

Tout a commencé deux ans plus tôt, le 22 juillet 1964. Ce jour-là, le groupe américain General Electric reprend la société Bull, le seul constructeur français d’ordinateurs, dont les matériels – notamment le Gamma 60 – ont du mal à s’imposer sur le marché et qui souffre d’un manque de fonds propres. La première affaire Bull , comme on devait l’appeler plus tard, a beaucoup agité le landerneau politique français. Après avoir tenté de promouvoir une solution française associant la Compagnie Générale d’Electricité (CGE) et la Compagnie Générale de la Télégraphie Sans Fil (CSF), le ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, a fini par donner son feu vert au rachat par General Electric… Après des mois d’atermoiements, le projet tricolore s’est fracassé sur l’opposition des milieux financiers, tout acquis au schéma américain, seul à même à leurs yeux de garantir l’avenir de Bull.

Cette affaire agit comme un électrochoc au plus haut niveau de l’Etat. Devenu ministre des Finances en janvier 1966, Michel Debré, soutenu par son collègue des Armées, milite résolument pour le lancement d’une politique ambitieuse dans le domaine de l’informatique. Pour assurer l’avenir de la dissuasion nucléaire, bien sûr – encore que ce ne soit pas la principale raison, les calculs nucléaires étant effectués sur un Control Data appartenant à la société française Sema -, mais aussi et surtout pour ne pas laisser aux seuls Américains un secteur aussi essentiel que l’informatique. Dès le mois de février 1966, le général de Gaulle et son Premier ministre, Georges Pompidou, donnent leur accord pour mettre en œuvre une grande politique visant à doter la France d’une industrie informatique digne de ce nom. Le lancement du plan Calcul, en septembre 1966 dans la foulée de l’adoption du rapport Ortoli, répond à cette ambition. Il prévoit en premier lieu la création d’une Délégation à l’informatique dont la mission sera de gérer les budgets du plan, de définir ses principales orientations et d’en assurer l’application. Elle est confiée à Robert Galley, gaulliste de la première heure, compagnon de la Libération et ingénieur de l’Ecole centrale des arts et métiers. A partir de 1968, elle sera dirigée par un haut fonctionnaire sorti de Polytechnique et particulièrement au fait des questions informatiques, Maurice Allègre.

Le plan Calcul comprend également un volet industriel, évidemment essentiel. Il prévoit la création d’un champion français de l’informatique, baptisé Compagnie Internationale de l’Informatique (CII). Pour mener à bien cette opération, l’Etat a imposé la fusion de la Compagnie Européenne d’Automatisme Electronique (CAE), une filiale commune de la CSF et de la CGE, avec la Société d’Electronique et d’Automatisme (SEA), elle-même filiale du groupe Schneider. Mettre les industriels autour d’une même table n’a pas été des plus faciles. A la CGE comme à la CSF et au sein du groupe Schneider, personne n’est véritablement emballé par ce chantier industriel piloté par l’Etat. Mais, enfin, on ne résiste pas au général de Gaulle… Issue de la fusion des deux entreprises, la CII est détenue à plus de 56 % par la CGE et CSF, à 33,3 % par Schneider et à 10,3 % par le groupe Rivaud. Sa mission : produire des ordinateurs made in France.

Sur le papier, le plan Calcul semble donc viable. Installée à Paris, rue du Cherche-Midi, la Délégation à l’informatique se met immédiatement au travail. Las ! Maurice Allègre et son adjoint Pierre Audouin déchantent rapidement. Au lieu des ordinateurs français attendus, la CII préfère fabriquer des ordinateurs américains sous licence. Une solution de facilité qui doit beaucoup aux liens tissés de longue date par la CGE et la CSF avec les constructeurs américains. Hors les Etats-Unis, point de salut, pense-t-on chez les deux principaux actionnaires de la CII, qui rechignent à développer une gamme spécifiquement française. La Compagnie souffre également d’un certain nombre de problèmes internes. Dès sa création, elle a embauché à tour de bras, sans vraiment se soucier des conséquences financières. Pourquoi, d’ailleurs, s’inquiéter : l’Etat est là pour financer… Au sein de l’entreprise, en outre, faute d’avoir clarifié le rôle de chacun, les relations entre les actionnaires – historiquement concurrents – sont loin d’être au beau fixe. Pour ne rien arranger, un an après la création de la CII, son tour de table doit être entièrement revu. En septembre 1967 en effet, Thomson-Houston-Hotchkiss-Brandt absorbe la CSF, donnant naissance au groupe Thomson CSF. Avec 40.000 employés et un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de francs, la nouvelle société, dirigée par Paul Richard, figure parmi les 20 premières sociétés françaises. Cette fusion ne fait évidemment pas l’affaire de la CGE, dont le patron, Ambroise Roux, craint que ce nouveau concurrent ne lui taille des croupières… Entre Ambroise Roux et Paul Richard – les Laurel et Hardy de l’industrie, comme on les surnommera -, une sombre guerre d’influence débute. Les deux hommes sont pourtant condamnés à s’entendre. En récupérant la CSF, Thomson est en effet devenu actionnaire de la CII aux côtés de la CGE… En juin 1969, après d’interminables tractations et sous la pression de la Délégation à l’informatique, le capital de la CII est profondément remanié. Le champion français de l’informatique est désormais détenu à 70 % par Thomson-CSF et la CGE, via un holding commun baptisé Fininfor, à hauteur de 25 % par Schneider et de 5 % par le groupe Rivaud. Contrôlant 52 % de Fininfor, Thomson-CSF assure clairement le leadership de la CII, imposant même son homme à la tête de la Compagnie, Michel Barré. Au grand dam de la CGE, qui se lance immédiatement dans une guerre de tranchées… La Délégation vient à peine d’en terminer avec la CII qu’un nouveau front s’ouvre. En mai 1970, le groupe General Electric annonce en effet qu’il se retire du secteur de l’informatique pour se concentrer sur les métiers du nucléaire et de l’aéronautique. Six ans après son acquisition, voilà Bull à nouveau en quête d’un repreneur. A Paris, les milieux politiques échafaudent immédiatement une solution française de reprise. Mais par qui ? Par la CII, plaide Maurice Allègre, qui rêve de donner naissance à un géant français de l’informatique. Pour une fois d’accord, Ambroise Roux et Paul Richard font cependant clairement savoir qu’ils refusent d’avaliser un tel schéma. Partisans d’une ouverture à l’international du capitalisme hexagonal, les deux hommes estiment qu’une solution franco-française nuirait gravement à l’avenir de Bull. Les deux industriels militent en revanche avec force pour un rapprochement avec la société américaine Honeywell. C’est finalement cette solution que le ministre des Finances – à nouveau Valéry Giscard d’Estaing – choisit en juillet 1970, donnant ainsi naissance à Honeywell Bull. Pour la deuxième fois en quinze ans, la France vient de laisser échapper Bull…

La trêve entre Ambroise Roux et Paul Richard sera de courte durée. La sourde lutte d’influence à laquelle se livrent les deux hommes trouve rapidement un nouveau terrain : le développement européen de la CII. Cette bataille finira par emporter la Compagnie et, avec elle, tout le plan Calcul. Au début des années 1970, la CII peut se flatter d’un bilan honorable. Depuis sa création, l’entreprise a développé une gamme d’ordinateurs moyens et gros – les Iris – ainsi que des machines sous licence américaine. Ces matériels se sont plutôt bien vendus, non seulement en France – notamment auprès des sociétés nationales et des administrations – mais aussi ailleurs en Europe. Cinq ans après sa création, la Compagnie est cependant en quête d’un second souffle. A la Délégation informatique comme dans les ministères, l’idée s’impose rapidement de créer une grande alliance au niveau européen associant la CII à des entreprises du secteur. Objectif : asseoir le développement de la Compagnie, mais surtout donner naissance à une grande industrie européenne de l’informatique, sur le modèle de ce qui vient d’être fait dans l’aéronautique avec Airbus…

Au début des années 1970, des négociations sont menées tous azimuts avec des industriels anglais, allemands et hollandais. Interminables, elles débouchent sur l’annonce d’un grand projet européen dans le secteur informatique. Baptisé Unidata, il associe la CII, Philips et Siemens. Ce projet, Ambroise Roux, le patron de la CGE, n’a cessé de s’y opposer, craignant qu’une alliance entre Thomson – le principal actionnaire de la CII -, Philips et Siemens ne se fasse à ses dépens. L’alliance commence dans l’informatique mais finira par gagner les composants, voire même le téléphone, pense l’industriel, qui, au début des années 1970, use de toute son influence pour saborder Unidata. Sans succès. Le projet reçoit un soutien appuyé du chef de l’Etat, Georges Pompidou, et du Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas…

Mais les aléas de la politique vont contribuer à rebattre totalement les cartes. Le 2 avril 1974, Georges Pompidou meurt, emporté par un cancer. Elu en mai 1974, le nouveau chef de l’Etat, Valéry Giscard d’Estaing, ne sait pas très bien quoi penser du dossier Unidata. Faut-il ou non mener à bien ce grand projet européen ? C’est le début d’une formidable guerre d’influence qui va opposer deux camps. D’un côté, les partisans de l’alliance européenne conduite par les Etats, ce qui suppose au préalable un renforcement des moyens financiers de la CII, par exemple en l’adossant au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Parmi eux, la Délégation à l’informatique, bien sûr, mais aussi une brochette de hauts fonctionnaires et quelques ministres, dont le premier d’entre eux, Jacques Chirac. De l’autre, les adeptes d’une solution libérale consistant à fusionner la CII avec un groupe privé, de préférence américain. Parmi eux, Ambroise Roux, bien sûr, mais aussi les dirigeants de Thomson, dont l’enthousiasme pour le projet Unidata tiédit de jour en jour, les hauts fonctionnaires du ministère de l’Industrie et le ministre lui-même, Michel d’Ornano. Ce camp a trouvé son champion : Jean-Pierre Brulé, le PDG d’Honeywell Bull. L’homme rêve de casser Unidata – un concurrent qui risque de se révéler redoutable – et, au passage, d’absorber la CII…

Après des mois d’hésitation et au terme d’un double jeu qui a profondément agacé les partenaires européens d’Unidata, c’est finalement ce dernier camp qui l’emporte. Pour des raisons idéologiques ? En partie. Dans l’entourage de Valéry Giscard d’Estaing, nombreux sont en effet ceux qui pensent que l’heure n’est plus au renforcement du secteur public, fût-il réalisé dans un cadre européen. Libéraux dans l’âme, ils estiment que la priorité est de renforcer les entreprises privées. Sur le plan technique, une alliance de la CII avec l’américain Honeywell Bull leur paraît bien plus viable qu’une grande alliance européenne. L’attitude des industriels français – CGE et Thomson-CSF – s’est également révélée déterminante. Engagés l’un et l’autre dans une stratégie de développement à l’international, les deux groupes ne veulent plus participer à une aventure née sous la houlette de l’Etat. S’y ajoutent bien sûr les querelles d’ego, envahissantes depuis 1966. Reste à trouver un prétexte. Bien malgré eux, les Allemands le leur fournissent en annonçant la reprise, par Siemens, de la division informatique de Telefunken, alors en grande difficulté. En reprenant Telefunken, son parc d’ordinateurs, ses chercheurs et son déficit, Siemens va rompre l’équilibre au sein d’Unidata et grossir ses pertes, s’empressent de murmurer à l’oreille des hauts fonctionnaires français les partisans de la solution Honeywell Bull, Jean-Pierre Brulé en tête. Habilement, celui-ci fait savoir qu’il ne demandera aucune subvention à l’Etat pour la reprise de la CII. En mai 1975, le gouvernement donne officiellement son accord à l’acquisition de la CII par Honeywell Bull et annonce son retrait d’Unidata. C’est la fin d’une ambition européenne dans le secteur informatique. C’est également la fin du plan Calcul. Un an plus tôt, Maurice Allègre, découragé, a en effet donné sa démission, entraînant la suppression de la Délégation à l’informatique…

Tristan Gaston-Breton, historien d’entreprises. Les Échos, mise à jour : 6 août 2019

5 au 14 08 1966   

Championnats du monde de ski alpin à Portillo du Chili

Adrien Duvillard  – passé en 1962 chez les professionnels – et Honoré Bonnet ont lancé l’équipe de France de ski alpin sur la voie de succès qui vont durer dix ans avec une incroyable razzia lors de ces championnats du monde de Portillo du Chili  : 7 titres sur 8, 16 médailles sur 24 et 6 doublés. Marielle Goitschel : 3 titres – descente, géant et combiné – et une médaille d’argent en slalom -. Jean-Claude Killy, première victoire en descente et combiné. 2 ans plus tard il triomphera aux JO de Grenoble. Et encore Guy Périllat en géant, Annie Famose en slalom. Seul le slalom hommes échappe aux français, gagné par l’italien Carlo Senoner. Ils se nomment encore Léo Lacroix, Michel Arpin, Georges Mauduit, Michel Bozon, François Bonlieu, Pierre Stamos.

Jean-Claude Killy, médaille d'or de la descente des Mondiaux de Portillo. Photo: Collection privée

Jean-Claude Killy, déjà au sommet

18 08 1966   

Depuis 8 jours, Heinz Ramisch et Herman Muller, sont immobilisés sur une petite vire dans la face nord des Drus, à 3 000 m. dans le Massif du Mont Blanc. Il a neigé et il fait froid : -10°.  À Chamonix, on ne semble pas avoir tiré les leçons du drame de Vincendon et Henry, 10 ans plus tôt, et les secours s’organisent dans le désordre : ce sont au moins trois cordées qui partiront, par des voies différentes ; les témoins de l’époque disent qu’il était bien que Chamonix ne se trouve pas en Corse, sans quoi des fusils auraient été sortis des sacs, et il  y aurait eu des morts. C’est finalement Garry Hemming, le hippy des cimes, et François Guillot, brillant alpiniste des années 60, futur cadre de la Comex, qui parviendront les premiers à rejoindre les deux allemands, le 21 août à 11 h. On comptera 70 rotations d’hélicoptère etc… etc…

 

Song Binbin décore Mao Zedong du brassard de la Garde rouge. Quelques jours plus tôt, elle avait torturé à mort la proviseure adjointe de son lycée, le plus renommé de Pékin.

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[1] Ce fait divers de l’athlétisme, qui aurait très bien pu être conté par un journaliste mis en forme par quelques apéritifs, à la limite du crédible,  a été rapporté par un journal non numérisé qu’on ne peut retrouver sur Internet. Pris d’un doute, l’auteur de ce site s’en est ouvert en septembre 2016 à Michel Jazy lui-même, qui lui a répondu : tout ce que vous me dites avoir lu sur cette veille du 5000 m. des JO de Tokyo est bien exact.