1° octobre 2017 au 5 janvier 2018. Clap de fin pour le « droit » de cuissage. Urgence de la sobriété. Terres rares, dévoreuses d’énergie. François Gabart. 17408
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Publié par (l.peltier) le 16 août 2008 En savoir plus

5 10 2017 

Vous êtes tous les mêmes. Vous voulez tous faire du cinéma, mais vous ne faites pas les concessions nécessaires !

Raymond Devos

Exit le droit de cuissage, la promotion canapé.   

Judy Kantor et Megan Towhey, du New-York Times font descendre de son piédestal Harvey Weinstein, le plus puissant producteur de cinéma de Hollywood en relayant de nombreuses plaintes de harcèlement sexuel. Trois jours tard, La Weinstein Company, qu’il a créée, le met dehors. Dix jours plus tard, ce sont 70 femmes, dont nombre d’actrices qui l’accusent de harcèlement, voire de viol.

Comme une simple brèche dans un barrage peut devenir en quelques heures torrent, cet article va ouvrir des vannes par lesquelles vont jaillir le flot de nombre de victimes de harcèlement sexuel voire de viol. Tsunami jusqu’alors dormant qui attendait la grande détonation Weinstein pour se déclencher. Les autorités à même d’enregistrer ces plaintes vont devoir cesser de traîner les pieds pour le faire et de mettre des bâtons dans les roues des plaignantes et c’est par centaines que ces plaintes arrivent, signes d’une lame de fond qui n’a pas fini de déstabiliser le monde des machos sans frontières, jusque-là surs de leur impunité.

On peut toutefois regretter que toutes ces plaintes soient aussi tardives, cela manque quelque peu de fraîcheur et de spontanéité. Au fait, je me souviens, maintenant, il y a dix ans ce salaud m’avait laissé entendre, à mots couverts qu’il me baiserait volontiers. Ça sent bien un peu beaucoup le téléphoné. On peut regretter que les coups de pied  dans les roustons n’aient pas été plus courants, les pratiques d’arts martiaux plus répandues. Faire de la résistance, cela demande du courage et de la prise de risque…. le jeu en vaut la chandelle, semble-t-il.

On peut regretter qu’à leur place, chacune, dans son environnement propre,  n’ait pas eu le courage au quotidien de Françoise Héritier, – seule femme du Collège de France – qui, lors d’une séance de travail, fut interpellée par George Duby, une des gloires de l’Histoire, qui déplorait que ces séances de travail ne soient pas enregistrées : Pourriez-vous vous charger, chère amie, de prendre des notes la prochaine fois ? lui répondit, en même temps que la moutarde lui montait au nez :  Mon cher Georges, je ne suis pas programmée génétiquement pour les prendre mieux que vous.  

On peut encore regretter aussi, une fois venue à la surface de ces eaux glauques la parole des victimes, les déclarations d’une tartuferie sans nom des responsables et cadres des institutions concernées : que ce soit dans le patinage, avec tous les techniciens qui savaient tout et se sont tus à l’époque des faits pour ne pas subir les foudres de Didier Cailhaguet, que ce soit dans le ski, avec la beaucoup trop tardive indignation de Jean-Claude Killy, une fois que les skieuses auront commencé à parler…. comme s’il n’avait rien su au moment des faits. Non, non et non, il faut le dire et le répéter : la lâcheté des hommes en la matière a été générale, impardonnable, sans exception aucune.

Mais on pourra regretter aussi qu’au début du procès, Weinstein arrive sur les lieux menotté : à quoi bon un procès si tout montre que l’inculpé est déclaré coupable avant même sa tenue ? Jusqu’au jugement, tout inculpé est présumé innocent : cela ne serait-il pas vrai outre-atlantique ? Face au danger à suivre une fois de plus ce qui se pratique outre atlantique – la haine entre hommes et femmes cf Le déclin de l’empire américain ; la montée en puissance d’un puritanisme hypocriteelles vont être une centaine, dont Catherine Deneuve, Catherine Millet, Catherine Robbe-Grillet, Elizabeth Levy, Brigitte Lahaie, Sarah Chiche, Ingrid Caven à monter au créneau : OUF !  – Il était temps de dire merde à l’ordre moral.

Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste.

À la suite de l’affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices ! Or c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie.

De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses intimes lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque. Cette fièvre à envoyer les porcs à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres à part, des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées. En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un comportement déplacé qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.

La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d’Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d’un tableau de Balthus d’un musée au motif qu’il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l’homme et de l’œuvre, on demande l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau. Une universitaire juge le film Blow-Up, de Michelangelo Antonioni, misogyne et inacceptable. À la lumière de ce révisionnisme, John Ford (La Prisonnière du désert) et même Nicolas Poussin (L’Enlèvement des Sabines) n’en mènent pas large. Déjà, des éditeurs demandent à certaines d’entre nous de rendre nos personnages masculins moins sexistes, de parler de sexualité et d’amour avec moins de démesure ou encore de faire en sorte que les traumatismes subis par les personnages féminins soient rendus plus évidents ! Au bord du ridicule, un projet de loi en Suède veut imposer un consentement explicitement notifié à tout candidat à un rapport sexuel ! Encore un effort et deux adultes qui auront envie de coucher ensemble devront au préalable cocher via une appli de leur téléphone un document dans lequel les pratiques qu’ils acceptent et celles qu’ils refusent seront dûment listées.

Le philosophe Ruwen Ogien défendait une liberté d’offenser indispensable à la création artistique. De même, nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle. Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une salope ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement.

En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie. Pour celles d’entre nous qui ont choisi d’avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser. Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.

Collectif   Le Monde du 10 01 2017

L’auteur de ces lignes se met sans hésitation dans les pas d’une scène d’Il était une fois dans l’ouest [1968, le chef d’œuvre de Sergio Leone] où Le Cheyenne – Jason Robarts – dit à Jill McBain – Claudia Cardinale – en lui posant la main sur les fesses : et si un jour un autre homme que moi fait la même chose, eh bien, s’il te plaît, essaie de ne pas nous en faire toute une histoire.

Les semaines, les mois  passeront et il s’avérera que l’absence de spontanéité dans ces affaires ne vient que masquer de profondes différences entre les deux rives de l’Atlantique, à telle enseigne que des stars du cinéma – Roman Polanski -, de l’opéra – Placido Domingo, se retrouveront fêtés en Europe quand ils se verront condamnés aux États-Unis – Placido Domingo abandonnera tous ses postes de direction, à Los Angeles comme à New York pour des dénonciations vieilles parfois de quarante ans d’âge. Qu’y a-t-il là-dessous ? Il y a que droit américain et droit d’origine latine ne sont pas du tout la même chose. Le droit américain favorise le compromis, avant procès et qu’est-ce que le compromis sinon en la matière … du fric.

Et de fait, Harvey Weinstein aura provisionné 40 millions $ fin 2019 pour que les plaignantes retirent leurs plaintes. Mais cet investissement ne lui sera d’aucun secours puisque, pour finir, il en prendra pour vingt-trois ans le 11 mars 2020.

10 10 2017                           

Une quinzaine de militants de Greenpeace parviennent à s’introduire dans le périmètre de la Centrale atomique de Cattenhom, proche de la frontière avec le Luxembourg et à y tirer un feu d’artifice ma foi tout à fait convenable pour un budget modeste. Ça, c’est pour la com, mais pour le reste c’est tout aussi inquiétant : convois de matières nucléaires destinées au retraitement qui suivent toujours le même itinéraire, donc parfaitement connus de tout un chacun etc etc…

13 10 2017 

L’éolien flotté quitte l’univers des planches à dessin pour devenir réalité : C’est une première en France. Une éolienne flottante va prendre la mer, pour être testée en conditions réelles au large du Croisic, en Loire-Atlantique. La France dispose, avec plus de 11 millions de kilomètres carrés d’espace océanique placé sous sa juridiction en métropole et dans les outre-mer, d’un potentiel exceptionnel. Pourtant, pas une seule éolienne offshore ne tourne encore près de ses côtes, alors que, fin 2016, la capacité installée en Europe atteignait 12,6 gigawatts (GW), pour l’essentiel au Royaume-Uni et en Allemagne.

Six parcs éoliens en mer, d’une puissance totale de 3 GW, ont été programmés au large des côtes normandes, bretonnes et vendéennes, à la suite de deux appels d’offres lancés par le gouvernement en  2011 et 2013. Mais leur construction se heurte aux recours systématiques des associations anti-éolien, si bien que les premières turbines ne fonctionneront pas, dans le meilleur des cas, avant 2020.

Face à cet horizon bouché, l’éolien flottant est l’avenir de l’éolien en mer, affirme Paul de la Guérivière, fondateur et PDG de la société Ideol. Cette start-up créée fin 2010 à La Ciotat (Bouches-du-Rhône), qui emploie aujourd’hui 65 personnes avec un chiffre d’affaires de 4  millions d’€, et qui vient de lever 8  millions d’€ pour se développer, coordonne le projet Floatgen, auquel sont associés Bouygues Travaux publics et l’École centrale de Nantes.

C’est elle qui a conçu le système flottant du démonstrateur. À la différence de l’éolien en mer classique, où le mât est posé et fixé sur le fond marin, il repose ici sur une fondation en suspension sur l’eau, arrimée au sol par un dispositif d’ancrage. En l’occurrence, le flotteur est un anneau de forme carrée en béton léger, de 36 mètres de côté, accroché au fond par six lignes faites d’un nylon très résistant. Ce socle supporte un mât de 60 mètres de hauteur équipé d’un rotor de 80 mètres de diamètre.

Assemblée dans le port de Saint-Nazaire, l’éolienne doit être remorquée, dès que la météo le permettra – au plus tard début 2018, assure Ideol –, vers le site d’essais en mer géré par Centrale Nantes et le CNRS, à 22 kilomètres du littoral, dans une zone où le plancher marin est à 33 mètres de profondeur et où les vagues peuvent atteindre 16 mètres de hauteur. D’une puissance de 2 mégawatts (MW), elle sera reliée au continent par un câble qui injectera l’électricité produite sur le réseau, la phase de démonstration devant durer deux ans.

Par rapport à l’éolien en mer posé, l’éolien flottant présente de multiples avantages, décrit Paul de la Guérivière. Il permet de s’affranchir de la contrainte de la profondeur – les systèmes fixes ne peuvent pas être installés au-delà de 35 ou 40 mètres de hauteur d’eau – et d’exploiter des sites plus éloignés des côtes. Cette alternative donne accès à des vents plus forts et plus constants – les turbines produisent ainsi davantage, jusqu’à 55 % du temps contre 40 % pour les modèles fixes -, tout en réduisant au maximum l’impact visuel et les conflits d’usage de l’espace marin, donc les possibles recours.

D’un coût de 25  millions d’€, financé à hauteur de 10  millions par l’Union européenne et de 5,7  millions  par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Floatgen n’est qu’une étape. Quatre fermes pilotes d’éoliennes flottantes, portées par EDF Energies nouvelles, Engie, Eolfi et Quadran, doivent voir le jour d’ici à 2020  : trois en Méditerranée, au large de Leucate, de Gruissan et du golfe de Fos-sur-Mer et une dans l’Atlantique, près de l’île de Groix. Composées chacune de trois ou quatre turbines, elles afficheront une puissance de 24  MW.

Si cette filière doit encore faire chuter ses coûts pour devenir compétitive, des fermes de taille commerciale pourraient voir le jour à l’horizon 2022 ou 2023, pense le PDG d’Ideol, qui évalue le potentiel national à 6 GW d’ici à 2030, moitié en Méditerranée et moitié en Bretagne. Avec de belles perspectives à l’exportation.

À ce jour, aucun parc flottant industriel n’est encore en service dans le monde. Mais plusieurs prototypes ont été mis à l’eau, en Écosse, en Norvège, au Japon ou au Portugal, et d’autres pays, comme les États-Unis ou Taïwan, sont sur les rangs. La France est dans la course, assure le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jean-Louis Bal. Elle a tous les atouts pour mettre en place une vraie filière industrielle. Encore faut-il que le gouvernement donne de la visibilité aux acteurs, par des appels d’offres.

L’organisation professionnelle met en avant un objectif de 21 GW, pour l’éolien en mer posé et flottant, d’ici à 2030. Interrogé par Le Monde, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, promet des consultations rapides en vue du lancement d’un appel d’offres pour des fermes flottantes commerciales. Les amarres sont larguées.

Pierre Le Hir. Le Monde du 13 10 2017

14 10 2017 

Attentat à Mogadiscio – Somalie – 358 morts, 258 blessés.

16 10 2017 

Daphne Caruana Galizia meurt dans l’explosion de sa voiture. Maltaise, journaliste, elle enquêtait sur la corruption au cœur d’un très important marché public pour la construction d’une centrale électrique.

19 10 2017 

L’observatoire Pan-Starrs d’Hawaï repère un astéroïde long de 200 mètres à une vitesse de 25 km/sec. Il est passé au plus près du soleil à 38 millions de km. Les paramètres de son orbite lui confèrent une grande excentricité, ce qui l’exclut du système solaire : donc il vient d’ailleurs que du système solaire. C’est la première fois qu’on voit un astéroïde de cette espèce. On le nommera A 2017 U1, plus prosaïquement Oumouamoua, éclaireur en hawaïen. Dans Télérama 3707 du 30 janvier au 5 février 2021, Avi Loeb, 58 ans, directeur jusqu’en 2020 du département d’astronomie de l’université Harvard, conseiller pour la Maison Blanche sur les questions touchant à l’espace donne son avis : Ce n’est ni une comète, ni un astéroïde, ni même un objet naturel. C’est un objet artificiel, une voile solaire poussée par la lumière de notre étoile comme la voile d’un bateau est poussée par le vent. Mieux, ce véhicule pourrait être une balise déposée il y a des millions d’années par une civilisation aujourd’hui disparue, et que notre système solaire est venu croiser dans sa course folle à travers le cosmos.

Bref, comme on dit au bar du café du commerce : voilà de quoi gamberger pour un moment, finalement d’assez courte durée, car l’ensemble des scientifiques infirmeront ultérieurement les propos gentiment délirants d’Avi Loeb.

27 10 2017

Après avoir proclamé l’indépendance de la Catalogne espagnole quelques jours plus tôt dans le plus pur jésuitisme, Carlos Puigdemon, président de l’exécutif catalan, demande au parlement de se prononcer, ce qu’il fait, les opposants ayant quitté les lieux avant le vote. L’indépendance de la Catalogne est proclamée. Viva la muerte ! 

8 11 2017   

Inauguration en grande pompe du Louvre d’Abu Dhabi de Jean Nouvel qui se réjouit d’avoir eu la bride sur le cou, de n’avoir jamais été harcelé par des technocrates d’administrations centrales, par des corsets de normes à n’en plus finir et d’avoir été payé sans discussion rubis sur l’oncle, autant de flèches contre tous ceux qui lui ont chié dans les bottes pour la Philharmonie de Paris. Il n’est cependant pas inutile de dire en même temps que les ouvriers de la Philharmonie de Paris ont été certainement beaucoup mieux payés et considérés que les Indiens, Népalais, Pakistanais, Sri lankais, Bengalis qui ont construit le Musée d’Abu Dhabi en étant payés avec un lance-pierre et en pouvant se faire jeter du jour au lendemain. Et d’autres musées, il y en a encore un paquet à construire à Abu Dhabi. Que de belles coquilles pour abriter parfois des chefs d’œuvre, mais souvent l’insignifiant ! Pour ce qui est des chefs d’œuvre, une AFM – Agence France Museums – a été crée et missionnée pour les trouver et ce n’est pas un mince boulot. Elle est présidé par M. Jean-Luc Martinez, longtemps directeur du Louvre-Paris. Et voilà qu’en 2022, elle est sur le point d’acquérir un ensemble funéraire de la princesse Henouttaouy, fille d’un pharaon de la XXII° dynastie, trois sarcophages gigognes et une enveloppe en cartonnage richement décoré, propriété de Christophe Kunicki, lui-même expert en antiquités égyptiennes. La pièce étant exceptionnelle, on met dessus Raphaële Meffre, doctorante en antiquité égyptienne, qui estime être en mesure d’affirmer que cette pièce provient de la zone de Saqqarah sud, sur la rive ouest du Nil, au pied des pyramides, qui a fait l’objet de nombreux pillages depuis 2011, ce qui amène à mettre en doute l’historiographie officielle bricolée par Christophe Kunicki, puisqu’il s’avère qu’il l’a très probablement obtenue de façon illégale. Autre pièce litigieuse, une stèle de granit rose, haute de 1.66 m. acquise en 2016 pour 8.5 millions d’€, sur laquelle apparaît le nom de Toutankhamon : une des rares pièces intacte datant du règne de l’enfant-roi, dont Marc Gabolde situe l’origine dans la région d’Abydos, au sud de l’Égypte. Et la justice française de mettre en examen M. Jean-Luc Martinez !

Il est sidérant de voir combien ces gens jouent les vertus outragées, quand tout le monde sait combien nos musées possèdent de pièces acquises de façon tout à fait illégale, par colonisation, par fait de guerre, ce qui s’appelle du pillage. Et là, de quoi s’agit-il : de pièces passées au début de leurs pérégrinations pas un chemin frauduleux, bien avant que Le Louvre ne se soit montré acquéreur… et alors ! la belle affaire ! Si l’on ne veut pas prendre les risque d’une erreur, on abandonne toute volonté d’acquisition !

Louvre Abu Dhabi- Le Guide du musée - PDF Téléchargement Gratuit

Ensemble funéraire de la princesse Henouttaouy

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Stèle mentionnant Toutankhamon

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Louvre Abou Dhabi - Horaires, prix et adresse

 

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Il ne fait pas bon vouloir faire preuve d’une traçabilité maximum et ceux qui s’y essaient ne doivent s’attendre à aucune reconnaissance : il en va ainsi de cette pièce exceptionnelle acquise encore par le Louvre et au parcours qui semble ne pas être sans faute, réclamée par l’Italie, non sans de sérieux arguments :

Amphore du « Peintre de Berlin » (environ 500 ans av. J.-C.), Musée du Louvre, Paris.

Amphore du « Peintre de Berlin » (environ 500 ans av. J.-C.), Musée du Louvre, Paris. MUSÉE DU LOUVRE/DÉPARTEMENT DES ANTIQUITÉS GRECQUES, ÉTRUSQUES ET ROMAINES/RMN

Trois membres du GIGN en vacances sont arrêtés à la frontière entre l’Espagne  et le Portugal, le coffre de la voiture bourré de grenades ! Comme on dit en Suisse, ça fait désordre ! Ces gens-là n’avaient évidemment aucun attentat en vue… ils avaient juste l’intention de vendre ces munitions. Tentative d’explication : un gendarme GIGN n’est pas toujours en opération, face à des terroristes ou des kidnappeurs, ou des bandits de grand chemin… et quand il n’est pas dans ces situations dangereuses, eh bien, il s’entraîne, c’est-à-dire qu’il consomme des munitions. Les formalités pour obtenir ces munitions sont réduites au plus simple, et, si on ne les consomme pas toutes on oublie de rapporter ce qui n’a pas été consommé, c’est-à-dire qu’on se constitue un petit stock de munitions, particulièrement facile à écouler sur n’importe quel marché parallèle : c’est la manière la plus simple pour arrondir des fins de mois qui sont celles d’un fonctionnaire, plutôt mal payé pour un travail où l’on risque sa peau à chaque intervention. Évidemment, pour que les munitions demandées ne soient pas entièrement consommées, mieux vaut en demander un peu plus que nécessaire. Il est impossible que la hiérarchie ne soit pas au courant de ces pratiques. Donc, jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie du GIGN on cautionne ces agissements – qui ne dit mot consent -, on accepte que des munitions a priori réservées au GIGN se retrouvent sur les marchés d’arme parallèles, c’est-à-dire puissent alimenter les conflits en cours, y compris ceux menés par les djihadistes de Daech ou d’Al Qaida. Quelle idée ces gens se font-ils de l’honnêteté ? Savent-ils au moins ce qu’est la déontologie ?

Quatre ans plus tard, en décembre 2021, rebelote, mais au sein de la Police, sur le territoire français, en Seine et Marne, qui prouve qu’aucune leçon n’aura été tirée du premier scandale, puisque les mauvaises habitudes auront vite repris le dessus : business, as usual…

3 11 2017   

15 364 scientifiques de 184 pays, signent ce texte écrit par 8 d’entre eux : Si nous ne changeons pas rapidement, profondément, nos comportements, nous allons dans le mur. Toutes les tendances inquiétantes qui avaient été répertoriées en  1992, à l’occasion du sommet de Rio, se sont aggravées – à l’exception de l’état de la couche d’ozone stratosphérique, en voie de guérison -.

Il y a vingt-cinq ans, en  1992, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, signaient le World Scientists’ Warning to Humanity. Ces scientifiques exhortaient l’humanité à freiner la destruction de l’environnement et avertissaient : Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle. Dans leur manifeste, les signataires montraient que les êtres humains se trouvaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel. Ils faisaient part de leur inquiétude sur les dégâts actuels, imminents ou potentiels, causés à la planète Terre, parmi lesquels la diminution de la couche d’ozone, la raréfaction de l’eau douce, le dépérissement de la vie marine, les zones mortes des océans, la déforestation, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance continue de la population humaine. Ils affirmaient qu’il fallait procéder d’urgence à des changements fondamentaux afin d’éviter les conséquences qu’aurait fatalement la poursuite de notre comportement actuel.

Les auteurs de la déclaration de 1992 craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie. Ils soulignaient que nous nous rapprochions rapidement des limites de ce que la biosphère est capable de tolérer sans dommages graves et irréversibles. Les scientifiques signataires plaidaient pour une stabilisation de la population humaine, et expliquaient que le vaste nombre d’êtres humains – grossi de 2  milliards de personnes supplémentaires depuis 1992, soit une augmentation de 35  % – exerce sur la Terre des pressions susceptibles de réduire à néant les efforts déployés par ailleurs pour lui assurer un avenir durable. Ils plaidaient pour une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), pour l’abandon progressif des combustibles fossiles, pour la réduction de la déforestation et pour l’inversion de la tendance à l’effondrement de la biodiversité.

En ce vingt-cinquième anniversaire de leur appel, il est temps de se remémorer leur mise en garde et d’évaluer les réponses que l’humanité lui a apportées en examinant les données de séries chronologiques disponibles. Depuis 1992, hormis la stabilisation de l’amenuisement de la couche d’ozone stratosphérique, non seulement l’humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d’entre eux se sont considérablement aggravés. Particulièrement troublante est la trajectoire actuelle d’un changement climatique potentiellement catastrophique, dû à l’augmentation du volume de GES dégagés par le brûlage de combustibles fossiles, la déforestation et la production agricole – notamment les émissions dégagées par l’élevage des ruminants de boucherie. Nous avons en outre déclenché un phénomène d’extinction de masse, le sixième en 540  millions d’années environ, au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaître totalement, ou en tout cas se trouver au bord de l’extinction d’ici à la fin du siècle.

L’humanité se voit aujourd’hui adresser une seconde mise en garde motivée par ces inquiétantes tendances. Nous mettons en péril notre avenir en refusant de modérer notre consommation matérielle intense mais géographiquement et démographiquement inégale, et de prendre conscience que la croissance démographique rapide et continue est l’un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales. En échouant à limiter adéquatement la croissance de la population, à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance, à réduire les émissions de GES, à encourager le recours aux énergies renouvelables, à protéger les habitats naturels, à restaurer les écosystèmes, à enrayer la pollution, à stopper la défaunation et à limiter la propagation des espèces exotiques envahissantes, l’humanité omet de prendre les mesures urgentes indispensables pour préserver notre biosphère en danger.

Les responsables politiques étant sensibles aux pressions, les scientifiques, les personnalités médiatiques et les citoyens ordinaires doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates car il s’agit là d’un impératif moral vis-à-vis des générations actuelles et futures des êtres humains et des autres formes de vie. Grâce à un raz-de-marée d’initiatives organisées à la base, il est possible de vaincre n’importe quelle opposition, aussi acharnée soit-elle, et d’obliger les dirigeants politiques à agir. Il est également temps de réexaminer nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction (l’idéal étant de s’en tenir au maximum au niveau de renouvellement de la population) et en diminuant drastiquement notre consommation par tête de combustibles fossiles, de viande et d’autres ressources.

La baisse rapide des substances destructrices de la couche d’ozone dans le monde montre que nous sommes capables d’opérer des changements positifs quand nous agissons avec détermination. Nous avons également accompli des progrès dans la lutte contre la famine et l’extrême pauvreté. Parmi d’autres avancées notables, il faut relever, grâce aux investissements consentis pour l’éducation des femmes et des jeunes filles, la baisse rapide du taux de fécondité dans de nombreuses zones, le déclin prometteur du rythme de la déforestation dans certaines régions, et la croissance rapide du secteur des énergies renouvelables. Nous avons beaucoup appris depuis 1992, mais les avancées sur le plan des modifications qu’il faudrait réaliser de manière urgente en matière de politiques environnementales, de comportement humain et d’inégalités mondiales sont encore loin d’être suffisantes.

Les transitions vers la durabilité peuvent s’effectuer sous différentes formes, mais toutes exigent une pression de la société civile, des campagnes d’explications fondées sur des preuves, un leadership politique et une solide compréhension des instruments politiques, des marchés et d’autres facteurs. Voici – sans ordre d’urgence ni d’importance – quelques exemples de mesures efficaces et diversifiées que l’humanité pourrait prendre pour opérer sa transition vers la durabilité :

  1. privilégier la mise en place de réserves connectées entre elles, correctement financées et correctement gérées, destinées à protéger une proportion significative des divers habitats terrestres, aériens et aquatiques – eau de mer et eau douce -;
  2. préserver les services rendus par la nature au travers des écosystèmes en stoppant la conversion des forêts, prairies et autres habitats originels ;
  3. restaurer sur une grande échelle les communautés de plantes endémiques, et notamment les paysages de forêt ;
  4. ré-ensauvager des régions abritant des espèces endémiques, en particulier des superprédateurs, afin de rétablir les dynamiques et processus écologiques ;
  5. développer et adopter des instruments politiques adéquats pour lutter contre la défaunation, le braconnage, l’exploitation et le trafic des espèces menacées ;
  6. réduire le gaspillage alimentaire par l’éducation et l’amélioration des infrastructures ;
  7. promouvoir une réorientation du régime alimentaire vers une nourriture d’origine essentiellement végétale ;
  8. réduire encore le taux de fécondité en faisant en sorte qu’hommes et femmes aient accès à l’éducation et à des services de planning familial, particulièrement dans les régions où ces services manquent encore ;
  9. multiplier les sorties en extérieur pour les enfants afin de développer leur sensibilité à la nature, et d’une manière générale améliorer l’appréciation de la nature dans toute la société ;
  10. désinvestir dans certains secteurs et cesser certains achats afin d’encourager un changement environnemental positif ;
  11. concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et se tourner massivement vers les sources d’énergie vertes tout en réduisant progressivement les aides aux productions d’énergie utilisant des combustibles fossiles ;
  12. revoir notre économie afin de réduire les inégalités de richesse et faire en sorte que les prix, les taxes et les dispositifs incitatifs prennent en compte le coût réel de nos schémas de consommation pour notre environnement ;
  13. déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital.

Pour éviter une souffrance généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n’avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde.

Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, et le temps presse. Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes que dans nos institutions gouvernementales, que la Terre, avec toute la vie qu’elle recèle, est notre seul foyer.

Les huit rédacteurs de l’article, signé par 15 364 scientifiques de 184 pays, publié dans la revue Bio Science du 13 11 2017. Traduit par Gilles Berton.

William J. Ripple, Professeur d’écologie au département écosystèmes forestiers et société de l’université d’État d’Oregon. Cet Américain âgé de 65 ans, à l’initiative de l’Avertissement des scientifiques à l’humanité, est l’auteur de plus d’une centaine de publications scientifiques. Ses recherches portent sur le rôle des superprédateurs dans la chaîne trophique.
Mohammed Alamgir, Chercheur de l’Institut des sciences de la forêt et de l’environnement à l’université de Chittagong (Bangladesh).
Eileen Crist, Professeure associée au Département des sciences, technologies et société de l’Université d’État de Virginie (États-Unis).
Mauro Galetti, Professeur au Département d’écologie de l’Université -Estadual Paulista de Sao Paulo (Brésil), spécialiste du déclin de la faune.
William Laurance, Professeur émérite de biologie de la conservation à l’Université James-Cook (Australie). Membre de l’Académie australienne des sciences, il a travaillé sur l’érosion de la biodiversité dans les forêts tropicales.
Mahmoud I. Mahmoud, Chercheur affilié à la National Oil Spill Detection and Response Agency, à Abuja (Nigeria).
Thomas M. Newsome, Chercheur affilié au département écosystèmes forestiers et société de l’université d’Etat d’Oregon et au Centre d’écologie intégrative à l’université Deakin de Geelong (Australie).
Christopher Wolf, Thésard au Département écosystèmes forestiers et société – de l’université d’Etat d’Oregon (États-Unis).

15 11 2017 

Mieux que n’importe quel article charpenté sur la difficulté qu’il y a à réformer l’administration française, l’interview suivante en est une très triste illustration : il s’agit de l’amélioration des transports parisiens par une plus importante utilisation de la première voie de communication parisienne : la Seine. Les deux patrons de SeaBubbles sont Alain Thébault et Anders Bringdal. Le 16  juin, un premier SeaBubble s’était élevé au-dessus de la Seine, avec à son bord Anne Hidalgo. Mais les cinq prochains prototypes de ce nouvel engin volant sur l’eau vogueront en Suisse à partir d’avril 2018. Nous avons réussi à innover en France, mais quand il s’agit de passer à l’étape de l’expérimentation opérationnelle, ce n’est plus possible, explique au Monde Alain Thébault, le vice-président de SeaBubbles, cofondateur avec Anders Bringdal de la jeune PME.

SeaBubble, ce n’est certes pas Airbus Industries, ou même Peugeot ou Renault, mais cet échec est tout de même une bonne grosse pierre dans le jardin d’Emmanuel Macron, champion d’un libéralisme éclairé, tenant son gouvernement d’une main de fer, même si elle est dans un gant de velours, mais dont le pouvoir voit ses limites aux portes des toutes puissantes administrations centrales, contre lesquelles il reste, à l’évidence, parfaitement impuissant. À l’approche des élections municipales, Paris tentera de les faire revenir en 2019, mais sans aplanir toutes des difficultés administratives.

*****

Au début de l’année, vous évoquiez le lancement de tests des SeaBubbles sur la Seine pour l’été. Quelques mois plus tard, vous annoncez votre départ en Suisse. Que s’est-il passé ?
Je suis avant tout un marin, auquel Eric Tabarly a appris à naviguer sur les Pen-Duick. Sa première leçon, c’est qu’en mer, il n’y a jamais de trajectoire rectiligne. Les belles courbes forment souvent les sillages les plus efficaces. SeaBubbles ne part pas de France ; il prend un nouveau départ en Suisse. Nous avons réussi à innover en France, mais quand il s’agit de passer à l’étape de l’expérimentation opérationnelle, ce n’est plus possible, à cause, notamment, de la réglementation. Or, le temps nous est compté, car le réchauffement climatique s’emballe. Et notre concept intéresse et fait des émules sur tous les continents. Avec mon cofondateur, Anders Bringdal, nous avons décidé de déployer le SeaBubble sur le lac Léman dès 2018… La France est un territoire exceptionnel pour l’innovation mais reste loin de la start-up nation souhaitée par le président Emmanuel Macron.

A-t-on tenté de vous retenir ?
Oui, des discussions ont eu lieu et ont encore lieu. Mais notre pays étouffe sous une gangue administrative : il faut en France des mois simplement pour réunir tous les acteurs, quand la Suisse ou Dubaï proposent des réponses opérationnelles immédiates. Notre responsabilité d’entrepreneurs n’est pas de réformer les administrations françaises, mais de créer des solutions innovantes, de les tester et de les déployer.

Par exemple, nous avons, après des mois d’efforts, obtenu l’autorisation d’installer un seul dock sur la Seine pour tester la flotte de Bubbles. Et ce, pour quinze jours, sans raccordement électrique et moyennant 1 000  euros par jour. Au-delà du tarif, l’idée d’installer un seul dock est absurde, puisque le SeaBubble doit être testé sur des trajets entre différents points du fleuve. Faire une boucle sur l’eau n’a aucun sens, sauf pour ceux qui aiment tourner en rond. Ce n’est pas vraiment mon cas…

Il y a la question de la vitesse…
Elle est limitée à Paris, comme dans la plupart des grandes métropoles, pour des raisons tout à fait compréhensibles, qui tiennent aux dommages faits aux berges par les remous et à la protection de l’environnement. Le paradoxe, c’est que cette réglementation n’est aujourd’hui pas respectée, notamment par les bâtiments des administrations. Mais elle nous est opposée alors que les SeaBubbles ne sont pas concernées, puisqu’elles volent sans bruit, sans émission et sans sillage, donc sans vagues.

Ce sont les seules raisons ?
Non, il y a aussi un climat général qui reste peu favorable à la prise de risque et aux entrepreneurs. Autant il y a abondance de projets de start-up – excellents par ailleurs – pour les applications personnelles ou ludiques, autant il existe peu de projets dans les domaines structurants pour l’avenir que sont les transports ou l’énergie. Or, les pouvoirs publics montrent souvent plus d’intérêt pour les projets liés au développement personnel que pour ceux qui intéressent la vie de la cité ou qui touchent à l’intérêt général.

Un double discours est également très présent du côté des acteurs privés, notamment des banques françaises, comme BNP, qui sont aussi promptes à s’intituler partenaires des entrepreneurs et à accaparer les fonds levés qu’à refuser de financer les projets et leurs promoteurs. La France est un curieux pays où ce sont les entrepreneurs qui financent les banques et non pas les banques qui financent les entrepreneurs.

Qu’a fait la Suisse pour vous accueillir ?
Mme Doris Leuthard est le premier chef d’État à être venu naviguer sur SeaBubbles avec cinq conseillers d’Etat. Le canton et la ville souhaitent relier Genève à des communes limitrophes en utilisant encore plus le lac Léman. Nous allons pouvoir tester, pendant six mois à un an, nos docks et une flotte de cinq Bubbles.

Simultanément, la Suisse propose un écosystème industriel, financier et de recherche très riche. Nous réalisons nos prototypes aux chantiers Décision, qui ont construit l’avion solaire Solar Impulse, et nous avons été approchés par ABB, pour la recharge des bulles, et par l’École polytechnique fédérale de Lausanne pour l’optimisation du cycle énergétique. Aujourd’hui, SeaBubbles compte une quinzaine d’employés en France et fait travailler une centaine de personnes, dont 80 en France et 20 en Suisse. Demain, la proportion devrait s’inverser.

Où en êtes-vous sur le développement du SeaBubble ?
Nous nous orientons vers une gamme de quatre versions, le Model T (taxi), le Model B (bus), le Model J (jet) et le Model A (autonome). L’actuelle SeaBubble devrait accueillir un pilote et cinq passagers, car nous avons gagné 100  kg sur les batteries en un an et demi ! Nous travaillons parallèlement sur une bulle autonome, notamment pour Dubaï, et sur une bulle jet, très rapide, afin de répondre à une double demande venue de la City à Londres et de l’un des GAFA – géants du Web, Google, Apple, Facebook, Amazon – entre Bay Bridge – baie de San Francisco – et la Silicon Valley en Californie. Enfin, nous préparons un SeaBubble Bus.

Sur le plan technique, préparez-vous aussi des changements ?
Outre l’optimisation des batteries, grâce à Philippe Camus – ancien PDG d’EADS – , nous sommes en discussions avec Airbus, Dassault et un groupe étranger pour utiliser les commandes de vols électriques qui ont représenté une avancée majeure dans le domaine de la stabilité en vol. Aujourd’hui, la bulle est auto-stable et se hisse sur ses foils. Mais demain, nous souhaitons utiliser les méthodes les plus modernes de l’aéronautique, en équipant les foils de calculateurs, qui permettent d’assurer à tout moment la stabilité au-dessus de l’eau. En bref, nous voulons passer du planeur à l’A320 ou au Rafale…

Avez-vous besoin d’argent ?
Pour l’instant, nous avons levé 14  millions d’€, dont 10 millions auprès de la MAIF. Il nous reste quelque 6  millions d’€, après avoir investi dans la fabrication des bulles de présérie et le développement des docks. Pour l’avenir, nous préparons une levée de 50 à 100  millions d’€.

L’objectif est de démarrer l’industrialisation de SeaBubble, qui nécessite notamment d’investir de manière importante dans des outillages et des moules. Par ailleurs, nous visitons des usines au Portugal, en Pologne et en Asie pour fabriquer et assembler les SeaBubbles.

Reverra-t-on SeaBubbles en France ?
Oui, et même plus vite que prévu à Paris. Par fidélité pour le soutien que nous a apporté Anne Hidalgo, une maire engagée et courageuse et qui fait bouger les lignes, notamment au sein des villes du C40 Cities Climate Leadership Group.

Deux SeaBubbles voleront sur la Seine en décembre au moment du sommet sur le climat. Pour les Jeux olympiques de 2024, nos bus Bulles navigueront dans la capitale française comme au cœur de nombreuses villes.

SeaBubbles est une contribution modeste, mais vraiment innovante et utile pour la mobilité et la respiration des grandes métropoles et de leurs habitants. Notre responsabilité à Anders et à moi, comme entrepreneurs, mais aussi comme citoyens du monde, reste de travailler d’arrache-pied pour faire voler le plus de bulles possibles, le plus vite possible. Et ce sur tous les continents du monde.

Propos recueillis par Philippe Jacqué

Les «bateaux volants» de SeaBubbles passent sous pavillon étranger - FrenchWeb.fr

Le sous-marin argentin A.R.A San Juan disparaît au large de la Patagonie : il revenait d’une mission à Ushuaïa ; 44 hommes d’équipage, 65 m de long, 7 m Ø , type  TR-1700 à propulsion diesel, construit dans le chantier naval Thyssen Nordseewerke de Edemen, en Allemagne, en 1983. Il avait eu un grand carénage de 2007 à 2014, pour allonger de 30 ans sa durée de vie, et était totalement opérationnel, et avait effectué plusieurs missions en 2017. On parlera de l’enregistrement d’une explosion à peu près au moment où il aurait disparu ? Le chantier naval Thyssen parlera de la défaillance d’une vanne de ventilation, pas complètement fermée, qui aurait laissé l’eau pénétrer les réservoirs de stockage. Il sera localisé un an plus tard par la société américaine Ocean Infinity par 870 m de fond, à 400 km des côtes de Patagonie, un contrat de 7.5 millions $. C’est la même société qui, début 2018, passera un contrat avec le gouvernement indonésien pour retrouver l’épave de Malaysia Airlines disparu le 8 mars 2014 dans l’océan indien, mais elle fera choux blanc. Pour remonter l’A.R.A San Juan, on parlera d’un milliard $, quand en 1974, les Américains avaient renfloué un sous-marin russe coulé par 5 000 mètres de fond pour 500 millions $…. tout augmente …

Disparition du sous-marin argentin San Juan en 2017 : le mystère enfin ...

 

Et, en même temps, à New York, sous la houlette de Christie’s, Salvator Mundi, tableau attribué par le seul expert Martin Kemp, britannique, à Léonard de Vinci trouve acquéreur en la personne du prince héritier de l’Arabie Saoudite Mohammed ben Salman pour la somme de 425 millions $, ce qui en fait le tableau le plus cher du monde. Douze ans plus tôt, il avait été acheté 1 000 $.

Fichier:Leonardo da Vinci or Boltraffio (attrib) Salvator Mundi circa 1500.jpg

65.6 cm x 45.4 cm

Ce Mohammed Ben Salman détient le record mondial absolu de l’hypocrisie … Quelques dix jours plus tôt, le 4 novembre, il s’était livré à une séance anti-corruption du plus bel effet : 381 personnes avait été convoquées, parmi lesquelles 56 suspects avaient été retenus : il avait fait  cracher à ceux-ci un total de 93 milliard d’€ ; l’un d’eux n’était pas ressorti vivant de la séance de travail. Et c’est encore le même Mohammed ben Salman qui commanditera l’assassinat du journaliste Jamal Khashsoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre 2018. Assassinat très médiatisé puisqu’il s’agit d’un journaliste ; mais ce n’était pas le premier : Jamal Khashoggi est un aristocrate saoudien et, dans l’ordre de préséance, vient au cinquième rang, ce qui signifie que quatre autres princes viennent avant lui, et ces quatre autres princes, il n’est pratiquement personne pour savoir ce qu’ils sont devenus car ils ont disparu de la scène publique : deux, probablement dans l’explosion de leur avion, les deux autres, on ne sait pas…, mais c’est sûr, sans tambours ni trompettes…

Ce monsieur a acheté en 2015 au magnat russe de la vodka, Yuri Shefler, le Serene un yacht à 500 millions d’€ ; un jour d’août 2017, en goguette en Mer Rouge, à 20 milles à l’est de Charm el-Cheikh, la station balnéaire égyptienne, le beau yacht avait flirté d’un peu trop près avec les cailloux et s’en était trouvé immobilisé :  le premier réflexe du monsieur avait été de faire venir un gros hélicoptère pour évacuer au plus vite les hôtesses qui étaient à bord avant que les journalistes ne déboulent. Ni vu ni connu.

Inside the 134m bought by a Saudi Arabian prince - Yacht Harbour

Conçu par Fincantieri, le Serene mesure 143 mètres de long. 12 cabines de grand luxe, 54 hommes d’équipage, vitesse maximum de 20 nœuds, 2 hélicoptères, un sous-marin…

L’homme ne nourrit pas que des rêves d’élimination d’opposants ou de transgression d’interdits religieux, il a aussi  des vues grandioses sur l’aménagement de son pays, notamment le nord-ouest où c’est un territoire riverain de la Mer Rouge, grand comme la Belgique qu’il ambitionne de rendre habitable par 9 millions d’habitants, avec une seule focale : tout pour le fric, que ces 9 millions de personnes se sentent bien dans un ghetto de riches… aucune vision sociale, aucune pensée politique… le vide absolu… jusqu’à la nausée, pour la bagatelle de 500 milliards $. Une cité de science fiction telle qu’elle permettra aux réalisateurs de se passer de studios, d’effets spéciaux et tutti quanti. Parmi la brochette d’architectes, notre incontournable Jean Nouvel.

4 11 2017   

Massacre terroriste dans la mosquée al-Rawda de Bir al-Abed, à 40 km à l’ouest d’Al-Arich, capitale de la province du Nord-Sinaï, en Egypte : 305 tués, 109 blessés. Daech, vaincu en Syrie, parvient à garder sa puissance terroriste à l’international.

Au Zimbabwe – ex Rhodésie – Emmerson Mnangagwa, démis le 6 novembre de son poste de vice-président, prend en douceur la place de Robert Mugabe. Très vite, il va rassurer les quelques 200 à 300 Blancs qui restent au pays, sur les 4 000 qu’on y comptait 18 ans plus tôt. Il ne sera plus question de leur prendre ce qui leur reste de terres et ils devraient désormais pouvoir se sentir en sécurité dans tout le pays.

11 2017  

L’ICIJ – International Consortium for Investigative Journalism. Consortium International des Journalistes d’Investigation – qui regroupe à peu près 385 journalistes du monde entier nous jette en pâture 13.5 millions de pages numériques qui révèlent les planques financières trouvées par ceux qui veulent éviter le fisc.

La confusion mentale est stupéfiante : comme si le fait de s’être montré suffisamment malin pour éviter légalement de payer des impôts représentait un acte condamnable. Mais ce n’est pas cela qui est condamnable. Ce qui est condamnable, c’est ceux – les décideurs politiques – qui ont choisi de rendre légales ces procédures et ce sont bien ceux-là, que nous avons élu, qui doivent être traduits en justice. Il faut arrêter, mieux vaut tard que jamais, de renoncer à penser, et faire fonctionner normalement son sens critique.

Guillaume Pitron publie La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique. Dans cet essai percutant et préoccupant, Guillaume Pitron lance un cri d’alarme et expose un sérieux dilemme.

Le cri d’alarme est géopolitique : le monde a de plus en plus besoin de terres rares, de métaux rares, pour son développement numérique, et donc pour toutes les technologies de l’information et de la communication, pour fabriquer les portables entre autres. Les voitures électriques et hybrides en nécessitent deux fois plus que les voitures à essence, etc.

Ces métaux rares qui portent des noms non pas barbares, mais latins, tel le prométhium – une trentaine -, sont des métaux associés en proportion infime aux métaux abondants. Ils sont très chers à extraire et à purifier. Premier problème: c’est la Chine qui détient l’essentiel de ces ressources, ce dont elle est naturellement tentée d’abuser. Les autres pays qui en possèdent dans leur sous-sol en ont abandonné ou négligé l’exploitation pour diverses raisons, laissant la Chine, dans plusieurs cas, en situation de monopole, faisant de Pékin le nouveau maître des métaux rares. Guillaume Pitron cite à l’appui de sa thèse, et pour souligner le risque de cette dépendance, plusieurs cas d’incohérences ou de légèreté flagrante des Occidentaux, par exemple, le cas des super-aimants ou du perfectionnement de la technologie des missiles à longue portée. La réponse paraît évidente : relancer partout ailleurs la production de ces métaux rares, que ce soit aux États-Unis, au Brésil, en Russie, en Afrique du Sud, en Thaïlande, en Turquie, et même en France (géant minier en sommeil), etc.

Mais c’est là où cela se complique et où apparaît un dilemme : l’exploitation de ces minerais rares est tout sauf propre ! Les énergies et ressources vertes recèlent une part d’ombre, souligne l’auteur. L’extraction et le raffinage de ces métaux rares nécessitent, en effet, des procédés très polluants. Leur recyclage a déçu. Et donc, paradoxalement, le monde des technologies les plus avancées, qui se veulent plus vertes, écologisées (ce qui est vitalement nécessaire pour stopper le compte à rebours écologique), serait lui-même en grande partie tributaire de métaux… sales. Le secteur des technologies de l’information et de la communication produit ainsi 50 % de plus de gaz à effet de serre que le transport aérien ! Cercle vicieux !

Alors, que faire pour dépasser de cette contradiction ?

Il faut bien sûr relancer l’exploitation des terres rares et, plus largement, des ressources minières (ce qui relance un bras de fer entre les gouvernements et les groupes miniers), mais il faut le faire de façon écologique, en s’en donnant les moyens économiques et technologiques, c’est-à-dire des financements et des innovations. Une part croissante des consommateurs mondiaux, estime l’auteur, serait prête à en payer le prix…

Arrivé à ce point de sa démonstration, celui-ci veut ter­miner quand même par une note encourageante: il cite des exemples de sursauts de conscience dans l’industrie des métaux rares.

Dans le contexte de la transition écologique de toutes les activités économiques humaines indispensables pour préserver non pas la planète, mais la vie sur la planète, il y aura encore des centaines de cas comme celui-ci, de dilemmes à surmonter, de décisions difficiles à prendre, de succès scientifiques à obtenir, d’opinions à rassurer ou à convaincre, pour finalement accélérer le rythme de l’écologisation. Course de vitesse…

En focalisant son attention, et la nôtre, sur un sujet essentiel, pas assez pris en compte, l’essai de Guillaume Pitron nous alerte à point nommé.

Hubert Védrine, novembre 2017. Préface

Du thé à l’or noir, de la muscade à la tulipe, du salpêtre au charbon, les matières premières ont toujours accompagné les grandes explorations, les empires et les guerres. Elles ont souvent contrarié le cours de l’histoire. Les métaux rares sont en train de changer le monde à leur tour, explique-t-il.

Depuis le début du XXI° siècle, les hommes, inquiets des bouleversements climatiques générés par les énergies fossiles, ont mis au point de nouvelles inventions, réputées plus efficientes, plus propres, et reliées à des réseaux à haute tension ultra-performants : les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries électriques. Après la machine à vapeur, après le moteur thermique, ces technologies dites vertes engagent l’humanité dans une troisième révolution énergétique, industrielle, qui est en train de transformer notre monde. Comme les deux précédentes, celle-ci s’appuie sur une ressource primordiale. Une matière tellement vitale que les énergéticiens, les technoprophètes, les chefs d’Etat et même les stratèges militaires la surnomment déjà the next oil, le pétrole du XXI° siècle. (…)

Longtemps, les hommes ont exploité les principaux métaux connus de tous : le fer, l’or, l’argent, le cuivre, le plomb, l’aluminium… Mais, dès les années 1970, ils ont commencé à tirer parti des fabuleuses propriétés magnétiques et chimiques d’une multitude de petits métaux rares contenus dans les roches terrestres dans des proportions bien moindres. Cette grande fratrie unit des cousins affublés de noms aux consonances énigmatiques : terres rares, graphite, vanadium, germanium, platinoïdes, tungstène, antimoine, béryllium, fluorine, rhénium, prométhium… Ces métaux rares forment un sous-ensemble cohérent d’une trentaine de matières premières dont le point commun est d’être souvent associées, dans la nature, aux métaux les plus abondants. Comme tout ce qui s’extrait de la nature à doses infimes, les métaux rares sont des concentrés parés de fantastiques propriétés. Distiller une huile essentielle de fleur d’oranger est un processus long et fastidieux, mais le parfum et les pouvoirs thérapeutiques d’une seule goutte de cet élixir étonnent encore les chercheurs. Produire de la cocaïne au fin fond de la jungle colombienne n’est pas tâche plus aisée, mais les effets psychotropes d’un gramme de cette poudre vous dérèglent totalement un système nerveux central.

Or c’est pareil avec les métaux rares, très rares… Il faut purifier huit tonnes et demie de roche pour produire un kilo de vanadium, seize tonnes pour un kilo de cérium, cinquante tonnes pour l’équivalent en gallium, et le chiffre ahurissant de mille deux cents tonnes pour un malheureux kilo d’un métal encore plus rare, le lutécium. Le résultat, c’est en quelque sorte le principe actif de l’écorce terrestre : un agglomérat d’atomes surpuissants, ce que des milliards d’années d’évolution peuvent nous offrir de mieux. Une infime dose de ces métaux, une fois industrialisée, émet un champ magnétique capable de générer davantage d’énergie que la même quantité de charbon ou de pétrole. C’est là la clé du capitalisme vert : nous remplaçons des ressources qui rejettent des millions de milliards de tonnes de gaz carbonique par d’autres qui ne brûlent pas – et ne génèrent donc pas le moindre gramme de CO2(…)

Tels des démiurges, nous en avons multiplié les usages dans deux domaines qui sont des piliers essentiels de la transition énergétique : les technologies que nous avons baptisées vertes et le numérique. Car, nous explique-t-on aujourd’hui, c’est de la convergence des green techs et de l’informatique que va naître un monde meilleur. Les premières (éoliennes, panneaux solaires, véhicules électriques), grâce aux métaux rares dont elles sont truffées, produisent une énergie décarbonée qui va transiter par des réseaux d’électricité dits ultra-performants qui permettent des économies d’énergie. Or ceux-ci sont pilotés par des technologies numériques, elles aussi farcies de tels métaux. (…)

En dix ans, les énergies éoliennes ont été multipliées par sept, et le solaire photovoltaïque par quarante-quatre. Les énergies renouvelables représentent déjà 19 % de la consommation d’énergie finale dans le monde, et l’Europe prévoit pour elle-même de porter cette part à 27 % d’ici à 2030 ! Même les technologies qui ont recours aux moteurs thermiques dépendent de ces métaux, car ils permettent de concevoir des véhicules et des avions plus performants et plus légers, donc moins consommateurs de ressources fossiles. (…)

La Grande-Bretagne a dominé le XIX° siècle grâce à son hégémonie sur la production mondiale de charbon ; une grande partie des événements du XX° siècle peuvent se lire à travers le prisme de l’ascendant pris par les États-Unis et l’Arabie saoudite sur la production et la sécurisation des routes du pétrole ; au XXI° siècle, un État est en train d’asseoir sa domination sur l’exportation et la consommation des métaux rares. Cet État, c’est la Chine.

Posons d’emblée ce premier constat, d’ordre économique et industriel : en nous engageant dans la transition énergétique, nous nous sommes tous jetés dans la gueule du dragon chinois. L’empire du Milieu détient en effet aujourd’hui le monopole d’une kyrielle de métaux rares indispensables aux énergies bas carbone et au numérique, ces deux piliers de la transition énergétique. Il est même devenu, dans des conditions rocambolesques que nous exposerons plus loin, le fournisseur unique du plus stratégique d’entre eux, un métal baptisé terres rares, sans substitut connu et dont absolument personne ne peut se passer.

Ce faisant, l’Occident a remis le destin de ses technologies vertes et numériques – en un mot, de la crème de ses industries d’avenir – entre les mains d’une seule nation. En limitant l’exportation de ces ressources, l’empire du Milieu nourrit plutôt la croissance de ses propres technologies et durcit l’affrontement avec le reste du monde. À la clé, de graves conséquences économiques et sociales à Paris, New York ou Tokyo.

Deuxième constat, d’ordre écologique : notre quête d’un modèle de croissance plus écologique a plutôt conduit à l’exploitation intensifiée de l’écorce terrestre pour en extraire le principe actif, à savoir les métaux rares, avec des impacts environnementaux encore plus importants que ceux générés par l’extraction pétrolière. Soutenir le changement de notre modèle énergétique exige déjà un doublement de la production de métaux rares tous les quinze ans environ, et nécessitera au cours des trente prochaines années d’extraire davantage de minerais que ce que l’humanité a prélevé depuis 70 000 ans. Or les pénuries qui se dessinent pourraient désillusionner Jeremy Rifkin, les industriels des green techs et le pape François.

Troisième constat, d’ordre militaire et géopolitique : la pérennité des équipements les plus sophistiqués des armées occidentales (robots, cyberarmes, avions de combat tel le chasseur militaire américain vedette, le F-35) dépend également en partie du bon vouloir de la Chine. Ce qui, alors que l’entourage du président Trump a prédit sans aucun doute une guerre entre les États-Unis et la Chine en mer de Chine méridionale, préoccupe jusqu’au sommet des agences de renseignement américaines. D’ailleurs, cette nouvelle ruée accentue déjà les tensions pour l’appropriation des gisements les plus fertiles et porte les conflits territoriaux au cœur des sanctuaires que l’on pensait à l’abri de la convoitise. La soif de métaux rares est en effet stimulée par une population mondiale qui culminera à 8,5 milliards d’individus en 2030, l’essor de nouveaux modes de consommation high-tech et une plus forte convergence économique entre pays occidentaux et pays émergents.

En voulant nous émanciper des énergies fossiles, en basculant d’un ordre ancien vers un monde nouveau, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance, plus forte encore. Robotique, intelligence artificielle, hôpital numérique, cybersécurité, biotechnologies médicales, objets connectés, nanoélectronique, voitures sans chauffeur… Tous les pans les plus stratégiques des économies du futur, toutes les technologies qui décupleront nos capacités de calcul et moderniseront notre façon de consommer de l’énergie, le moindre de nos gestes quotidiens et même nos grands choix collectifs vont se révéler totalement tributaires des métaux rares. Ces ressources vont devenir le socle élémentaire, tangible, palpable, du XXI° siècle. Or cette addiction esquisse déjà les contours d’un futur qu’aucun oracle n’avait prédit.

Nous pensions nous affranchir des pénuries, des tensions et des crises créées par notre appétit de pétrole et de charbon ; nous sommes en train de leur substituer un monde nouveau de pénuries, de tensions et de crises inédites. Du thé à l’or noir, de la muscade à la tulipe, du salpêtre au charbon, les matières premières ont toujours accompagné les grandes explorations, les empires et les guerres. Elles ont souvent contrarié le cours de l’histoire. Les métaux rares sont en train de changer le monde à leur tour. Non contents de polluer l’environnement, ils mettent les équilibres économiques et la sécurité de la planète en péril. Ils ont déjà conforté le nouveau magistère de la Chine sur le XXI° siècle et accéléré l’affaiblissement de l’Occident au tournant du millénaire. (…)

Chaque année, le United States Geological Survey (USGS), une agence chapeautée par le ministère de l’intérieur américain et dont le rôle est d’étudier les ressources minières, publie un rapport d’une importance primordiale : le Mineral Commodity Summaries. Quatre-vingt-dix matières premières indispensables à nos économies modernes y sont passées au crible des analystes. Sur plus de deux cents pages se succèdent des statistiques concernant les ressources disponibles, les stocks mondiaux et, surtout, la répartition de leur exploitation dans le monde. Or ce dernier indice est alarmant : l’USGS nous informe que Pékin produit 44 % de l’indium consommé dans le monde, 55 % du vanadium, près de 65 % du spath fluor et du graphite naturel, 71 % du germanium et 77 % de l’antimoine. La Commission européenne tient sa propre liste et abonde dans le même sens : la Chine produit 61 % du silicium et 67 % du germanium. Les taux atteignent 84 % pour le tungstène et 95 % pour les terres rares. Sobre conclusion de Bruxelles : La Chine est le pays le plus influent en ce qui concerne l’approvisionnement mondial en maintes matières premières critiques.

Dans le sillage de la Chine, une myriade d’États appliquant une logique de spécialisation minière ont également acquis des positions majoritaires, voire monopolistiques. La République démocratique du Congo produit ainsi 64 % du cobalt, l’Afrique du Sud fournit 83 % du platine, de l’iridium et du ruthénium, et le Brésil exploite 90 % du niobium. L’Europe est également dépendante des États-Unis, qui produisent plus de 90 % du béryllium. Enfin, d’autres pays détiennent une quote-part de la production mondiale suffisamment importante pour pouvoir provoquer une situation de pénurie temporaire et de fortes variations des cours. C’est le cas de la Russie, qui contrôle à elle seule 46 % des approvisionnements de palladium, et de la Turquie, qui fournit 38 % des approvisionnements en borate. Pour Pékin, cette main basse sur les métaux rares est d’abord une question de survie.

Avec les États-Unis, la Chine est le pays le plus soucieux qui soit de la sécurité de ses approvisionnements. En effet, l’empire du Milieu n’est pas seulement le premier producteur de minerais de la planète, il en est aussi le principal consommateur. Pour les besoins de son 1,4 milliard d’habitants, il engloutit 45 % de la production mondiale de métaux industriels – une voracité qui vaut également pour les matières premières agricoles, le pétrole, la poudre de lait et même les vins de Bordeaux.

Les stratèges chinois ont été particulièrement familiarisés à ces défis de souveraineté minérale : pendant ses études en France, Deng Xiaoping a en effet œuvré dans une fonderie en fer du Creusot. Quant à ses successeurs, souligne un stratège en ressources naturelles, sur les six derniers présidents et premiers ministres, à l’exception du premier ministre actuel [Li Keqiang], juriste, tous reçurent une formation thématique d’ingénieur : électricité, hydroélectricité, géologie, chimie des procédés . Premier ministre de Hu Jintao de 2003 à 2013, Wen Jiabao est lui-même géologue de formation. Aidés par un système politique autoritaire et stable qui valorise la patience du temps long et la constance dans la prise de décision, Deng Xiaoping et ses successeurs ont pu jeter les bases d’une ambitieuse politique de sécurité des approvisionnements.

La méthode a été celle du rouleau compresseur : en quelques décennies, la Chine a multiplié les ouvertures de mines sur son territoire, lancé le chantier d’une seconde route de la soie, terrestre et maritime, afin de disposer d’un corridor d’approvisionnement de commodités depuis l’Afrique, et mené des opérations de fusion et acquisition d’entreprises dans le secteur des produits de base. Les marchés mondiaux et les équilibres géopolitiques ont été bouleversés au fur et à mesure que Pékin étendait sa sphère d’influence. Ainsi, la Chine n’est pas simplement devenue un acteur des marchés des métaux rares, elle s’est bel et bien muée en un faiseur de ces marchés.

[…]  Surtout, l’empire du Milieu a pris le leadership d’un éventail impressionnant de technologies vertes. Loin de l’image de pays pollueur et pollué qui lui est traditionnellement associée, il s’affiche dorénavant comme le premier producteur d’énergies vertes au monde, le premier fabricant d’équipements photo-voltaïques, la première puissance hydroélectrique, le premier investisseur dans l’éolien et le premier marché mondial des voitures à nouvelles énergies. Pékin a également entrepris d’ériger un vaste réseau de cités vertes éco-responsables. Tianjin, Dongtan Caofeidian, Wuhan, Changxindian, Taichung Hsinchu… Par centaines, des écocités et écoquartiers sont en train de sortir de terre. En 2015, les investissements entrepris dans ces nouvelles industries ont dépassé les 100 milliards $ – soit le tiers des financements engagés dans le monde.

En annonçant le dépôt devant l’OMC d’une plainte contre la politique chinoise des terres rares, le président Barack Obama avait pourtant mis en garde: Être capable de fabriquer des batteries électriques et des voitures hybrides aux États-Unis est trop important pour que nous n’agissions pas. Nous devons prendre en main notre futur énergétique, et nous ne pouvons laisser cette industrie énergétique prendre racine dans d’autres pays que le nôtre. Il faut croire que l’administration Obama a échoué puisque, en 2020, la Chine produira 80 % à 90 % des batteries pour véhicules électriques… Forte de son monopole sur la production des métaux rares et des filières de technologies vertes qui en dépendent, la Chine entend devenir l’État qui produira le plus de green tech. Elle veut siphonner les emplois verts au détriment de l’Europe, du Japon et des États-Unis.

Guillaume Pitron. La grande bataille des métaux rares. Le Monde 12 01 2018

Principales applications industrielles des Terres Rares

Antimoine retardant du feu – additif dans les plastiques -, catalyse du polyéthylène. 87 % en Chine
Baryte     boues de forage pétroliers et gaziers, industrie du verre, radioprotection, santé, métallurgie, pyrotechnie. 44 % en Chine
Béryllium  télécom et électronique, aérospatiale, nucléaire civil et militaire. 90% aux États-Unis
Bismuth     générateurs thermo-électriques – automobile – supraconducteurs à haute température, soudure sans plomb. 82 % en Chine
Borate  verres et céramiques.  38 % en Turquie
Cobalt    portables, ordinateurs, véhicule hybrides, aimants. 64 % au Congo Kinshasa.
Charbon à coke   sidérurgie.
Ces six premiers métaux sont classés critiques par la Commission Européenne
Spath fluor   acide fluorhydrique, métallurgie de l’acier et de l’aluminium, céramiques, optiques.  64 % en Chine
Gallium  semi-conducteurs, éclairages par diode photoluminescentes. 73 % en Chine
Germanium   photovoltaïque, fibres optiques, catalyse, optique infrarouge 67% en Chine
Hafnium alliages de tungstène, confection de filaments et d’électrodes, comme absorbeur de neutrons dans les barres (ou croix) de contrôle de la réactivité nucléaire. 43 % en France
Hélium  fluide de transfert de chaleur dans certains réacteurs nucléaires refroidis au gaz, fabrication de circuits intégrés et de fibres  optiques ; utile dans les souffleries supersoniques ; mélangé avec un gaz plus lourd, comme le xénon, il est utile pour la réfrigération thermoacoustique ; comme il diffuse à travers les solides trois fois plus vite que l’air, l’hélium est utilisé pour détecter les fuites dans les équipements à ultravide ou les réservoirs à haute pression ; également utilisé avec des produits alimentaires pour permettre une vérification de l’étanchéité de l’emballage. 73 % aux États-Unis
Indium  puces électroniques, écrans LCD. 57 % en Chine
Magnésium alliage d’aluminium. 87 % en Chine
Graphite naturel  véhicules électriques, aérospatiale, industrie nucléaire. 69% en Chine.
Caoutchouc naturel 32 % en Thaïlande
Niobium   satellites, véhicules électriques, industrie nucléaire, joaillerie.  90 % au Brésil
Phosphate naturel
Phosphore  58 % en Chine
Scandium   66 % en Chine
Silicium métal  circuits intégrés, photovoltaïque, isolateurs électriques. 61 % en Chine
Tantale    condensateurs miniaturisés, superalliages. 31 % au Rwanda
Tungstène  outils de découpe, blindage, électricité, électronique. 84 % en Chine
Vanadium  aciers spéciaux, industrie spatiale, catalyse.  53 % en Chine

Métaux platinoïdes – Ruthénium, 93 % en Afrique du Sud, Rhodium, 83 % en Afrique du Sud, Palladium, 46 % en Russie, Osmium, Iridium,85 % en Afrique du Sud,  Platine, 70 % en Afrique du Sud – : catalyseurs, bijouterie

                                                                            Terres rares, lourdes et légères

Lanthane composés supraconducteurs, lentilles, éclairages
Cérium pots catalytiques, raffinage pétrole, alliages métalliques
Praséodyme   pierres à briquet, colorants, aimants
Néodyme    aimants permanents, autocatalyseurs, raffinage pétrole, lasers
Prométhium   composés luminescents
Samarium    aimants de missiles, aimants permanents, motorisations électriques
Europium     lasers, réacteurs nucléaires, éclairages, géochimie, phosphores rouges des tubes cathodiques
Gadolinium   substance phosphorescentes dans les tubes cathodiques
Terbium   activateur des photophores verts pour tubes cathodiques, aimants permanents
Dysprosium  aimants permanents, moteurs hybrides
Holmium   lasers, magnétisme, composés supraconducteurs
Erbium   réseaux de télécommunications optiques longue distance, médecine nucléaire
Thulium radiographie portable, lasers, supraconducteurs haute température
Ytterbium  aciers inoxydables, ion actif pour cristaux laser, radiographie portable
Lutecium  émetteur de rayonnement bêta
Scandium  éclairage, marqueur, alliages d’aluminium
Yttrium  Photophores rouges des tubes cathodiques, alliages supraconducteurs, briques réfractaires, piles à combustible, aimants.

Un ordre de grandeur : la production annuelle de fer est de 2 milliards de tonnes, celle de terres rares de 130 000 tonnes. Le marché annuel des terres rares est d’environ 6.5 milliard $ ; celui du pétrole près de 1 800 milliards $. La purification d’une tonne de terres rares consomme 200 m³ d’eau ! La seule fabrication d’une puce de 2 grammes implique le rejet de 2 kilogrammes de matériau environ, soit un ratio de 1 à 1000 entre le produit fini et les rejets générés. On connaît nombre de ces terres rares depuis fort longtemps – le XVIII° siècle – mais, ne leur connaissant pas d’applications industrielles, on ne s’y intéressait pas ; c’est à partir des années 1970 qu’on a découvert les propriétés magnétiques exceptionnelles de certains de ces métaux, permettant de fabriquer des aimants ultra-puissants, lesquels aimants entrent dans la composition de la plupart des moteurs électriques performants. Le coût exorbitant de l’extraction de ces terres rares est tel que le matraquage médiatique qui voudrait nous faire croire que l’avenir est à la voiture électrique, au panneau photovoltaïque n’est pas loin de l’escroquerie car en fait, le coût énergétique de fabrication d’une voiture électrique est supérieur à celui d’une voiture à moteur thermique, et qu’il en va de même du panneau photovoltaïque dont la fabrication génère plus de 70 kilos de  CO2 ; le panneau solaire thermique consomme jusqu’à 3 500 litres d’eau par mégawattheure, soit 50% de plus qu’une centrale à charbon etc…

À l’autre bout de la chaîne, c’est à dire à la mise au rebut, c’est aussi terrifiant : lorsque que tous ces portables sont devenus obsolètes, en panne, bons à jeter… que font ceux qui les récupèrent dans notre Occident de démocraties libérales ? Ils n’ont pas le droit de les fourguer à l’Afrique sous l’étiquette de jetables – c’est désormais interdit par la loi -, donc ils les envoient en Afrique sous l’étiquette – produits de seconde main – ainsi ils passent la douane et ensuite vont grossir les décharges, dont la plus importante se trouve au Ghana, où des gamins, payés au lance-pierre les cassent à coup de barre de fer pour en recueillir, moyennant un copieux arrosage à l’essence de térébenthine, – ce qui les empoisonne -, l’or, l’argent et les terres rares qui s’y trouvent. Qui, mis à part des ONG comme Digital for the Planet [présidente : Ines Leonarduzzi. Son livre : Réparer le futur L’observatoire 2021] dénonce cela ?

En 2017, sur les 436 plus importantes entreprises mondiales, 188 étaient asiatiques, essentiellement chinoises, 138 américaines (États-Unis et Canada) et 110 européennes. À l’intérieur de notre hexagone, trois entreprises réalisent 40 % des profits : Total, Sanofi et BNP, mais à l’échelle mondiale, c’est peanuts…

8 12 2017  

L’Académicien Jean d’Ormesson est mort à 92 ans, trois jours plus tôt. Emmanuel Macron lui rend hommage dans la cour des Invalides avant que d’aller déposer sur son cercueil, selon les vœux de l’homme l’écrivain, un simple crayon.

Messieurs les présidents, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les académiciens, Mesdames et Messieurs les membres du corps préfectoral, Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique, chère Françoise d’Ormesson, chère Héloïse d’Ormesson, chers membres de la famille, chère Marie-Sarah, Mesdames et Messieurs.

Si claire est l’eau de ces bassins, qu’il faut se pencher longtemps au-dessus pour en comprendre la profondeur. Ces mots d’André Gide dans son Journal à propos de la Bruyère, conviennent particulièrement à Jean d’Ormesson.

Car plus qu’aucun autre il aima la clarté. Celle des eaux de la Méditerranée, dont il raffolait, celle du ciel d’Italie, celle des maisons blanches de Simi, cette île secrète des écrivains. Celle des pentes enneigées et éclatantes où il aimait à skier, comme celles des criques de la côte turque, inondées de soleil.

Ne fut-il pas lui-même un être de clarté ?

Il n’était pas un lieu, pas une discussion, pas une circonstance, que sa présence n’illuminât. Il semblait fait pour donner aux mélancoliques le goût de vivre et aux pessimistes celui de l’avenir.

Il était trop conscient des ruses de l’Histoire pour se navrer des temps présents, et sa conversation, elle-même, était si étincelante qu’elle nous consolait de tout ce que la vie, parfois, peut avoir d’amer.

Jean d’Ormesson fut ainsi cet homme entouré d’amis, de camarades, offrant son amitié et son admiration avec enthousiasme, sans mesquinerie. Ce fut un égoïste passionné par les autres. Sans doute son bréviaire secret, était-il Les Copains de Jules Romains, auquel il avait succédé à l’Académie française. Berl, Caillois, Hersch, Mohrt, Déon, Marceau, Rheims, Sureau, Rouart, Deniau, Fumaroli, Nourissier, Orsenna, Lambron ou Baer… je ne peux les citer tous, mais cette cohorte d’amis, ce furent des vacances, des poèmes récités, de la liberté partagée.

Pour ceux qu’il accompagna jusqu’au terme ultime, sa présence et sa parole furent des baumes incomparables. Comme son cher Chateaubriand le disait de Rancé, on croyait ne pouvoir bien mourir qu’entre ses mains, comme d’autres y avaient voulu vivre.

Cette grâce lumineuse, contagieuse, a conquis ses lecteurs qui voyaient en lui un antidote à la grisaille des jours. Paul Morand disait de lui qu’il était un gracieux dévorant, rendant la vie intéressante à qui le croisait. C’est cette clarté qui d’abord nous manquera, et qui déjà nous manque en ce jour froid de décembre.

Jean d’Ormesson fut ce long été, auquel, pendant des décennies, nous sommes chauffés avec gourmandise et gratitude. Cet été fut trop court, et déjà quelque chose en nous est assombri.

Mais celui que l’on voyait caracoler, doué comme il l’était pour l’existence et le plaisir, n’était pas le ludion auquel quelques esprits chagrins tentèrent, d’ailleurs en vain, de le réduire.

La France est ce pays complexe où la gaieté, la quête du bonheur, l’allégresse, qui furent un temps les atours de notre génie national, furent un jour, on ne sait quand, comme frappés d’indignité. On y vit le signe d’une absence condamnable de sérieux ou d’une légèreté forcément coupable. Jean d’Ormesson était de ceux qui nous rappelaient que la légèreté n’est pas le contraire de la profondeur, mais de la lourdeur.

Comme le disait Nietzsche de ces Grecs anciens, parmi lesquels Jean d’Ormesson eût rêvé de vivre, il était superficiel par profondeur.

Lorsqu’on a reçu en partage les facilités de la lignée, du talent, du charme, on ne devient normalement pas écrivain, on ne se veut pas à toute force écrivain, sans quelques failles, sans quelques intranquillités secrètes et fécondes.

J’écris parce que quelque chose ne va pas disait-il, et lorsqu’on lui demandait quoi, il répondait: Je ne sais pas. Ou, plus évasivement encore : Je ne m’en souviens plus. Telle était son élégance dans l’inquiétude.

Et c’est là que l’eau claire du bassin soudain se trouble. C’est là que l’exquise transparence laisse paraître des ombres au fond du bleu cobalt. Un jour vint où Jean-qui-rit admit la présence tenaillante, irréfragable, d’un manque, d’une fêlure, et c’est alors qu’il devint écrivain.

Ses yeux aujourd’hui se sont fermés, le rire s’est tu, et nous voici, cher Jean, face à vous. C’est-à-dire face à vos livres. Tous ceux que vous aviez égarés par vos diversions, que vous aviez accablés de votre modestie, tous ceux à qui vous aviez assuré que vous ne dureriez pas plus qu’un déjeuner de soleil, sont face à cette évidence, dont beaucoup déjà avaient conscience, se repassant le mot comme un secret.

Cette évidence, c’est votre œuvre. Je ne dis pas : vos livres, je ne dis pas : vos romans. Je dis : votre œuvre. Car ce que vous avez construit avec la nonchalance de qui semble ne pas y tenir, se tient devant nous, avec la force d’un édifice où tout est voulu et pensé, où l’on reconnaît à chaque page ce que les historiens de l’art appellent une palette, c’est-à-dire cette riche variété de couleurs que seule la singularité d’un regard unit.

La clarté était trompeuse, elle était un miroir où l’on se leurre, et le temps est venu pour vous de faire mentir votre cher Toulet : Que mon linceul au moins me serve de mystère. Votre linceul, lui, désormais vous révèle.

Nous devrons, pour vous entendre, à présent tendre l’oreille, et derrière les accords majeurs nous entendrons, comme chez Mozart, la nuance si profonde des accords mineurs.

Ce que votre politesse et votre pudeur tentaient de nous cacher, vous l’aviez mis dans vos livres. Et ce sont les demi-teintes, le sfumato subtil, qui vont à présent colorer la surface claire. Ce sont ces mille couleurs qui flottent comme sur de la moire précisément, dont Cocteau parlait en essayant de qualifier les blancs de Cézanne. Nous ne vous découvrirons ni triste, ni sombre, mais derrière votre ardeur nous saurons voir une fièvre, derrière vos plaisirs une insatisfaction, et derrière votre bonheur quelque chose d’éperdu, de haletant, qui nous touche en plein cœur.

Nous entrerons dans le secret de cette âme qui s’est si longtemps prétendue incrédule pour comprendre qu’elle ne cessa d’embrasser le monde avec une ferveur mystique, débusquant partout, au cœur de son ordre improbable et évident, ce Dieu, au fond si mal caché, dont vous espériez et redoutiez la présence et qui, peut-être, dans quelque empyrée, vous dit enfin: la fête continue.

Vous ne nous aviez pas si bien trompés, il est vrai. Nous savons que votre conversation la plus personnelle était réservée à ces écrivains que fascinèrent les mystères du monde, et d’abord l’insondable mystère du temps. Cheminer avec Saint-Augustin, Chateaubriand, Proust, c’est n’être point dupe des arcanes de la vie. S’entretenir par-delà la mort avec Caillois, Berl, ou votre père, c’est frayer dans des contrées parfois austères où vous alliez nourrir la force de vos livres. C’est dans ces confrontations intimes que vous alliez puiser cette énergie incomparable. Contrairement à Chateaubriand, encore lui, qui se désespérait de durer, vous avez cru qu’en plongeant au cœur des abîmes de la vie vous trouveriez la matière revigorante et universelle de livres où chacun reconnaîtrait sa condition, où chacun se consolerait de ses contradictions.

Et pour cela vous avez inventé, presque sans la chercher, cette forme nouvelle tenant de l’essai, de l’entretien, de la confession et du récit, une conversation tantôt profonde, tantôt légère, un art libertin et métaphysique. C’est ainsi que vous avez noué avec les Français, et avec vos lecteurs dans tant de pays, une relation particulière, une proximité en humanité qui n’était qu’à vous.

Le courage de l’absolu dans la politesse d’un sourire.

C’est cela votre œuvre, elle vous lie à Montaigne, à Diderot, à La Fontaine et Chateaubriand, à Pascal et Proust, elle vous lie à la France, à ce que la France a de plus beau et de plus durable : sa littérature.

C’est le moment de dire, comme Mireille à l’enterrement de Verlaine : Regarde, tous tes amis sont là. Oui, nous sommes là, divers par l’âge, par la condition, par le métier, par les opinions politiques, et pourtant profondément unis par ce qui est l’essence même de la France : l’amour de la littérature et l’amitié pour les écrivains. Et ce grand mouvement qu’a provoqué votre mort, cette masse d’émotion, derrière nous, derrière ces murs, autour de nous et dans le pays tout entier, n’a pas d’autres causes. À travers vous la France rend hommage à ce que Rinaldi appelait la seule chose sérieuse en France, si l’on raisonne à l’échelle des siècles.

Évoquant, dans un livre d’entretien, votre enterrement, vous aviez écrit: À l’enterrement de Malraux, on avait mis un chat près du cercueil, à celui de Defferre c’était un chapeau, moi je voudrais un crayon, un crayon à papier, les mêmes que dans notre enfance. Ni épée, ni Légion d’honneur, un simple crayon à papier.

Nous vous demandons pardon, Monsieur, de ne pas vous avoir tout à fait écouté, pardon pour cette pompe qui n’ajoute rien à votre gloire. Avec un sourire auriez-vous pu dire peut-être que nous cherchions là à vous attraper par la vanité et peut-être même que cela pourrait marcher.

Non, cette cérémonie, Monsieur, nous permet de manifester notre reconnaissance et donc nous rassure un peu. Du moins puis-je, au nom de tous, vous rester fidèle en déposant sur votre cercueil ce que vous allez et ce que vous aviez voulu y voir, un crayon, un simple crayon, le crayon des enchantements, qu’il soit aujourd’hui celui de notre immense gratitude et celui du souvenir.

Je vous remercie.

*****

Et dire qu’Emmanuel Macron a voulu un temps nous faire croire qu’il était de gauche, alors que seul un homme de droite peut parler aussi excellemment, aussi brillamment, de celui qui fut probablement le plus digne, le plus estimable d’entre eux.

9 12 2017   

Et c’est Johnny Hallyday qui a droit à des obsèques quasi-nationales des Champs Elysées à La Madeleine, avec hommage du chef de l’État, bien loin de ce qu’on aurait pu attendre : une enfilade de lieux communs passe-partout, sans talent aucun, sans relief, sans inspiration… Il a dans le fond le même problème que Giscard dont on disait : Son problème à lui, c’est le peuple. Une sacrée brochette de stars du show-biz enchaîneront dans la platitude, le tout devant quelques centaines de milliers d’inconsolables.

Rendons grâce à la République : les manifestations de la secte littéraire, quoique furtives, sont encore tolérées. Nous étions une petite centaine à commémorer, toutes portes closes, ce samedi 9  décembre, au lycée Henri-IV, à Paris, le dixième anniversaire de la mort du plus grand écrivain français contemporain, Julien Gracq. Ce même jour, à la même heure, près d’un million de fans, président de la République en tête, rendaient les honneurs devant la Madeleine à la dépouille du plus grand rocker français. Sans céder à la logorrhée des grandes circonstances, tâchons de préciser, le choc des deux cultures aidant, pourquoi cette journée marquera nos annales, tel un point d’inflexion dans la courbe longue d’un changement de civilisation. Elle devrait mériter le manuel d’histoire pour trois raisons majeures.

La première : l’éclatante consécration du glissement de la graphosphère à la vidéosphère, enfin parachevée. La mort écrit, à sa manière, l’histoire de la littérature, remarquait Malraux dans L’Homme précaire et la Littératureson livre posthume. Et, au-delà de la place de l’écrivain dans la cité, les transitions funéraires, deuils et cortèges, révèlent les déplacements de la charge émotive propre à nos différents organes des sens et moyens d’expression.

L’image-son domine et englobe le signe d’écriture, comme l’écoute publique la lecture silencieuse, et l’industrie musicale en constante révolution l’artisanat techniquement immobile des lettres (la peinture ne tenant son rang que de et par l’argent). L’inaptitude de l’image à saisir l’homme intérieur nous déporte vers le sensoriel et le sensuel, et au premier plan, vers l’apparence physique des êtres. Elle instaure pour tout créateur symbolique aspirant à la reconnaissance, écrivain inclus, l’obligation, sinon d’être une bête de scène, du moins de crever l’écran. Ce qui exige une physionomie reconnaissable, une gueule, un look, un ton de voix (ou un balbutiement singulier).

Le retrait ou l’effacement délibéré, comme pour l’ermite saint Florent, mettrait au piquet pour toujours. Les joies à corps absent (comme on parle du deuil à corps absent en période de guerre), les plus durables, sinon les plus intenses, vont devenir réservées aux mystiques ou aux fous. Si les corps doivent désormais être de la partie pour que l’esprit y soit, les conversations d’outre-tombe nous seront bientôt interdites.

La BNF exposait à Henri IV, sous vitrine, des manuscrits de Gracq. Ce sont les vrais restes d’un écrivain, qui se conservent mieux que les autres. Même s’il est toujours difficile de déceler dans une œuvre les promesses de sa survie, il en ira de même, espérons-le, pour Jean d’Ormesson, mon ami. Mais pour l’heure, les prépondérants ont d’autant plus commerce avec le grand écrivain – pour une photo ou un selfie à ses côtés – qu’ils en ont moins avec ce qu’ils écrivent.

Quand les m’as-tu-lu, déjà, nous font un peu sourire, c’est le-vu-à-la-télé qui fait les tirages et draine les hommages. Avec l’extrémisme de l’actuel suscité par l’info continue, disparaît du même coup le sas du purgatoire. Pour l’inscription au patrimoine, c’est maintenant ou jamais. Plus besoin de passer par ces épaisses couches de silence pour échapper au non-recevoir indifférent qui clôt tôt ou tard le débat, pour décanter l’époque de sa part inévitable d’aveuglement sur elle-même et, ainsi, accéder au double temps de l’art, où une œuvre finit par ajouter à son millésime le temps sans chronologie des jouissances esthétiques.

Devrons-nous admettre que la plus belle œuvre d’un créateur soit indexée sur sa personne privée faite légende en temps réel par la vertu du journalisme ? Paul Valéry, qui eut des funérailles nationales en 1945, était un homme sans corps, sans image et sans story-telling, hors chronique. Tout d’un auteur, rien d’un acteur. En quoi le poète du Cimetière marin, lu, recopié et récité, mais rarement vu et entendu, appartenait encore au même écosystème que celui des Misérables, qui mit la France en deuil en  1885.

D’Ormesson, qui a dû, ce n’est pas sa faute, beaucoup de son aura à ses yeux bleus, appartient à l’ère suivante, la nôtre, celle qui voit plonger inexorablement les compétences de lecture des écoliers, brûler soixante-dix bibliothèques entre 1996 et 2013, les autres se reconvertir en vidéothèque par prudence. La vidéo et le casque audio, à la différence du livre, c’est sacré, même dans les quartiers.

Deuxième titre à l’inventaire : le début officiel de l’américanisation heureuse. On la savait populaire et quotidienne, mais non encore protocolaire et liturgique (bikers, blousons, tatouages, guitares électriques et Saint-Barth). La voilà saluée comme telle par notre chef de l’État. En baptisant héros un remarquable témoin de son temps, soit un émule, voire un clone d’Elvis Presley, en confondant héroïsme et célébrité, notre président marque d’une pierre blanche un déplacement objectif et des mœurs et des esprits.

Combattre étant devenu honteux, le héros n’est plus celui qui se sacrifie pour sa patrie ou pour une cause, mais celui qui se fait voir et entendre de tous, devenant milliardaire du même coup. En ajoutant, ce qui n’est pas faux, que nous avons tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday, il a franchisé, à travers sa meilleure incarnation, le rêve américain en chair et en os, attestant ainsi qu’un beau destin français suppose désormais quelque chose de Tennessee en lui, sauf survivances folkloriques ici et là.

Ce qui relevait jusqu’ici de la société civile – Las Vegas rythmant les têtes et les corps, ainsi que le chant du monde résorbé dans le rock – portera le sceau de la République. La communication de l’essentiel suspendue à l’ampli et au synthé, pour découvrir les ultimes secrets de l’humain, l’école s’effacera gentiment derrière le studio. La traduction en vernaculaire est admise.

Troisième titre, décisif, à des lettres d’or : l’institutionnalisation du show-biz, nouveau corps de l’État, sinon le premier d’entre eux. C’est toujours un malheur pour une grande figure de l’écritoire, du forum ou du clergé de mourir en même temps qu’un monstre sacré de la scène ou de l’écran. Ce fut déjà celui de Cocteau, en 1963, éclipsé par la môme Piaf. La différence est que de Gaulle et son gouvernement se sont alors abstenus de paraître à ses obsèques. Ils n’y avaient même pas pensé, bien qu’avec ses chansons de rue et de texte, dans la foulée de Gavroche et d’Aristide Bruant, elle incarnait merveilleusement le pavé de Paris. Elle fut enterrée au Père-Lachaise, sans les honneurs de l’Église, refusés.

Il y avait alors deux scènes distinctes : la culture dite populaire côtoyait la culture dite cultivée, mais sans se superposer ni se confondre. Cocteau avait ses propres lignes de communication et Piaf, les siennes. France-cul et RTL. Aucune n’était jugée supérieure à l’autre, mais Les Nouvelles littéraires d’un côté ne mimaient pas France Soir de l’autre. Les Paris Match de l’époque n’ont pas dédoublé leur une d’un jour sur l’autre, pour attribuer la même surface à la chanteuse et au poète. En revanche, hier, nos deux antidépresseurs nationaux – celui des beaux quartiers et celui de la France pavillonnaire – ont fait couple dans une même accolade médiatique et politique, à un mini-degré prés. Heureuse et nouvelle parité entre deux artistes de genres différents.

L’ère numérique tend à promouvoir le tout-en-un, non seulement parce qu’elle code uniformément en binaire l’image et l’écrit, mais parce qu’elle fusionne les publics et les spécialités, en alignant l’échoppe sur l’hypermarché, comme naguère la philosophie sur la nouvelle philosophie. Le Tout-Paris est plus que jamais un curieux front de classe, mais où la fusion du peuple et du public procède par l’alignement du premier sur le second, avec ses mots, ses codes et ses rites.

En  1963, le politique ayant assez d’autorité et de prestige par lui-même, il se souciait peu d’aller voler un peu de popularité, par la magie du côte à côte, auprès des stars du moment. C’est le miracle de la vidéosphère – on fait le plein comme on peut – qu’elle permette à un pouvoir réputé être celui des plus riches d’instaurer une communion avec les plus pauvres par le biais des variétés, en squeezant les classes intermédiaires, prise en tenailles entre le Téléthon et la banque, le biker et le DRH.

Ce populisme oligarchique – court-circuit rentable -, grossièrement adopté par M.  Sarkozy, se poursuit en plus élégant et plus fin, à l’image du régent, mais au prix d’embrassades et de bisous dont on devra payer le prix. Line Renaud, Patrick Bruel, Marion Cotillard devenant des personnages officiels, au même rang et dans le même entre-soi que les élus de la nation, on attend de ces derniers qu’ils deviennent aussi bons sur scène et guest stars que les premiers. À quand la boucle dans l’oreille ? La coupe mulet, après le coupe-papier ? Trump a déjà la banane et les bagues. Toujours vingt ans d’avance sur nous, les crooners de la métropole. Nos deux anciens présidents ont déjà une vedette pour compagne. Un bon début. Et si on hâtait le pas ? Allez, assez de distinction ! Dites-le nous en chantant, Messieurs et Mesdames les ministres !

Certes, nous ne fûmes que cent joyeux clandestins contre un million d’endeuillés. Mais en relisant Le Rivage des Syrtes (1951), une petite phrase nous a mis la puce à l’oreille. Il vient un moment dans l’histoire d’un pays ou d’une civilisation, note l’écrivain au détour d’une page, où ce qui a été lié aspire à se délier, et la forme trop précise à rentrer dans l’indistinction. Un bon expert en postmodernité, le père Gracq.

Régis Debray. Le Monde du 12 12 2017

Plutôt qu’une fois de plus, s’appesantir sur les dérives de nos sociétés, sur l’impérialisme soft des médias sur le politique, sur le mélange des genres, on aurait aimé voir notre médiologue national dresser un portrait de notre rocker national, et nous dire pourquoi et comment il était parvenu à ne jamais disparaître de la scène, comment il avait réussi à réunir une foule d’inconditionnels très divers qui se reconnaissaient en lui… mais non il a préféré ressasser, dire et redire, comme un vieux professeur aigri et désabusé.

Le destin exceptionnel de Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday, a fait communier la France entière à ses funérailles, tant ses contradictions reflétaient la diversité constitutive de notre pays : Johnny touchait un milieu populaire tout en affichant un train de vie de millionnaire ; son répertoire animait les bals de province comme il faisait le ravissement des bars branchés ; sans message politique, ses chansons ne froissaient personne ; son image de rocker sauvage n’empêcha pas son soutien à MM. Chirac et Sarkozy ; il était un personnage tendre et un produit marketing, un artiste au talent prodigieux et un homme fragile, un chanteur des années 1960 toujours dans l’actualité en 2010. Pas étonnant que tant de monde ait pu se retrouver, d’une manière ou d’une autre, dans le kaléidoscope français qu’il incarnait.

Sa relation avec l’argent le rendait tout aussi fabuleux. C’est ce qu’a révélé, notamment, le livre du journaliste Eric Le Bourhis Johnny, l’incroyable histoire continue (Prisma, 1975). Johnny était un flambeur, dépensant sans compter au gré d’impulsions ou d’opportunités réelles ou imaginées. Il accumula des propriétés en France, à Saint-Barthélemy, à Los Angeles ou en Suisse, mais aussi, épisodiquement, il posséda une île dans le Pacifique et un ranch au Canada. Il collectionnait les voitures et les redressements fiscaux, et attirait à lui les quémandeurs et les escrocs.

Son indifférence à la dépense était permise par le modèle économique du show-business, qui peut rendre l’argent facile. L’artiste touchait une avance en royalties à la signature d’un contrat avec une maison de disques, puis un pourcentage (de 5 % jusqu’à 17 %) sur la vente des disques. Il s’engageait à réaliser un nombre d’albums fixé d’avance et à les promouvoir par des émissions et des tournées de concerts. Johnny travailla successivement avec Vogue, Philips, Universal et Warner, qui, très vite, prirent l’habitude de lui avancer des fonds, parfois très importants. Le chanteur pouvait dépenser davantage que ce qu’il gagnait, en anticipant sur ses succès futurs pour maintenir son crédit ouvert.

Ce système le condamnait à la réussite, car une série de contre-performances commerciales l’aurait conduit à la faillite. Son extraordinaire capacité à rebondir et à se renouveler s’explique aussi par cette menace économique. Mais en le mettant dans l’obligation d’enchaîner les albums et les concerts, cette contrainte ne fut sans doute étrangère ni à l’usage de stimulants, dont l’artiste a reconnu la consommation (Le Monde du 7 janvier 1998), ni à l’épuisement de ses ressources physiques. Ainsi la tournée d’adieu à la scène de 2009, interrompue par la maladie, fut-elle suivie… de nouvelles tournées en  2011 et en  2015.

Johnny attaqua Universal en justice pour dénoncer ce système, mais il fut débouté en  2005. C’est que tout le monde était responsable et bénéficiaire de cette gouvernance par la dette perpétuelle : lui-même, qui dépensait sans compter ; la maison de disques, qui tenait sa vedette ; le public, qui se pressait à des concerts toujours plus spectaculaires ; les médias, qui exploitaient les excès et les maladies du chanteur dans une inépuisable saga à laquelle la mort mit un point final.

Le kaléidoscope Johnny Hallyday renvoie ainsi l’image de notre économie financiarisée. L’endettement public et privé soutient une consommation sans frein. L’épargne que des millions de ménages dégagent pour leur retraite alimente abondamment les marchés financiers. Pour capter cette manne, les entreprises doivent renouveler sans cesse leur production. Leurs innovations sont spectaculaires et leurs performances soutenues pour maintenir le flot d’investisseurs et de clients. Pour assurer le tout, les salariés intensifient leur travail.

Au final, les consommateurs dépensent toujours plus, les retraités bénéficient des rentes de capitaux, la presse commente année après année les sommets et les folies des marchés boursiers, et les travailleurs s’épuisent. C’est ainsi que se referment sur nos sociétés d’abondance les portes du pénitencier.

Pierre-Yves Gomez. Le Monde du 16 12 2017

16 12 2017 

Tremblement de terre d’une magnitude de 6,9 dans le sud de l’île de Java ; le porte-parole de la BNPB – Agence indonésienne des  gestion des risques naturels] déclare : Depuis cinq ans, les bouées d’alerte au tsunami,  placées en haute mer en Indonésie, ne fonctionnent plus, avait prévenu M. Sutopo. La raison ? Tout simplement l’irrégularité de la maintenance, et le fait que les pêcheurs se servent de ces objets comme d’ancres pour leurs bateaux… Ce constat ne sera pas suivi d’effets.

Nous sommes désormais obligés de compter sur d’autres bouées mises en place par cinq pays voisins : l’Inde, dont le dispositif surveille la zone d’Aceh – où le tsunami de 2004 avait fait près de 170 000 morts – , la Thaïlande, chargée de surveiller la mer d’Andaman, l’Australie, qui s’occupe de la partie sud de l’Indonésie, et une bouée appartenant aux États-Unis, qui a été placée au nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

17 12 2017, 2 h 45’ du matin

Le Petit Prince de la voile, à qui tout réussit, François Gabart sur Macif termine le tour du monde – 27 859.68 miles nautiques,  51 596 km – en 42 jours 16 h 40′ 35″. Il bat de plus de six jours le précédent record de Thomas Coville sur Sodébo en 49 jours 3 h 4’ 28’’. Une vitesse moyenne de 27.2 nœuds, une vitesse maximum de 39.2 nœuds.

Macif a pour architectes Van Peteghem et Lauriot-Prévost (VPLP), pour chantiers CDK Technologies (plateforme, flotteurs et bras avant), Multiplast (coque centrale), Lorima (mât), pour voiles : North Sails. Il a été mis à l’eau le 18 août 2015. Longueur : 30 m. Largeur : 20 m. Tirant d’eau max. : 4,50 m. Tirant d’air : 35 m. Déplacement (poids) : 14,5 t.1 dérive. 2 foils. Surface de voiles : 430 m² au près, 650 m² au portant. En 2020, la crise de la Covid 19 contraindra la Macif mettre un terme au contrat qui la liait avec François Gabart.

Brest Océans 2019 - François Gabart embarque Gwénolé Gahinet à ...

Tour du monde à la voile : François Gabart explose les compteurs

01 01 2018  

Shenzhen, ville chinoise de 12 millions d’habitants, face à Hong-Kong, enfant du volontarisme économique de Deng Xiaoping dès 1978 – ni syndicat, ni impôt, le rêve pour les investisseurs étrangers – termine l’électrification de ses 16 000 véhicules de transport en commun ; 8 000 points de chargement dans 510 stations. Il est bien difficile d’avoir une vue d’ensemble des avancées de la Chine, tant les indéniables succès y côtoient les monumentales erreurs… ainsi d’Ordos, cette ville de Mongolie Intérieure, – 39°38’ N, 109°50’ E -, agrandie dans les années 2000 pour loger un million d’habitants sur la base du développement de l’industrie locale du charbon ; celle-ci ayant connu des revers, la ville se retrouve avec 50 000 habitants :

Kangbashi, China @imgur/Pinterest

Mais la seule dictature communiste ne suffit pas à expliquer pareil échec… que l’on retrouve aussi dans les paradis du libéralisme triomphant comme en Malaisie, sur l’île artificielle du détroit de Johor : Forest City, conçue pour loger 700 000 personnes et qui en héberge 2 000 ! pour un coût de 100 milliards $ :

Forest City, la ville sortie des eaux - DivercityDivercity | Divercity : Explore the cities

5 01 2018 

Elon Musk met Space X sur la plus haute marche des lanceurs de satellite  : Quinze ans après sa création, en  2002, Space X accède à la première marche du podium spatial mondial. Grâce aux dix-huit tirs de sa fusée Falcon 9, l’américain détrône Arianespace et ses onze lancements répartis entre Ariane 5, Soyouz et Vega. Une déconvenue pour l’européenne, habituée des premières places, et un beau redressement pour la firme d’Elon Musk après deux années de turbulences, d’échecs et de retards.

Le trublion de l’espace n’entend pas en rester là. Cette année, la cadence des lancements devrait s’accentuer, avec une dizaine de tirs de plus qu’en  2017, confiait en novembre au site Space News Gwynne Shotwell, la patronne des opérations de Space X. L’objectif est ambitieux, puisqu’il s’agit d’atteindre un rythme de croisière annuel de 30 à 40 tirs.

La compétition s’annonce d’autant plus vive que, dans le même temps, la firme américaine ne cesse d’innover. En  2016, Space X avait réussi à faire revenir sur Terre le premier étage de sa fusée, pour le réutiliser. Ce qui était à l’époque un exploit spectaculaire – se poser sur une barge flottant sur l’Atlantique – est devenu quasiment banal. Quatorze étages de lanceurs sont revenus sans encombres en  2017. Certains ont été réutilisés.

Autre défi, pour commencer l’année, la firme américaine fera décoller en janvier sa nouvelle fusée. La Falcon Heavy, la plus puissante au monde, dispose d’une capacité double de celle des plus gros lanceurs actuels. Dotée de 27 moteurs, elle propulsera en orbite plus de 54 tonnes, soit une masse équivalente à un Bœing 737 chargé de ses passagers, équipage, bagages et carburantindique Space X.

La pression sur les Européens est considérable. Comment rester dans la course, face à celui qui voici quatre ans a fait voler en éclats les règles du jeu spatial en cassant les prix de lancement, et brisé le duopole historique formé avec le russe Proton ? Nous sommes face à un nouveau duopole reposant sur deux modèles économiques complètement différents qui devraient perdurer, estime Rachel Villain du cabinet Euroconsult. Elle note toutefois une plus grande souplesse et une meilleure adaptabilité chez Space X, en raison de sa structure plus légère et de ressources financières plus importantes.

Depuis 2014, la réponse à l’américain s’appelle Ariane 6, le successeur d’Ariane 5 dont le premier lancement est prévu en  2020. C’est la pierre angulaire de tous les scénariosconfirme Stéphane Israël, le président exécutif d’Arianespace. Un lancement avec Ariane 6 sera 40 % moins cher qu’avec Ariane 5 et donc compétitif avec ceux proposés par Space X. La fusée sera adaptée aux nouveaux marchés qui émergent, comme celui des constellations composées de myriades de petits satellites.

Si les plans ont été arrêtés avant que Space X démontre la possibilité de réutilisation, il n’est pas question de les modifier. La réutilisation des étages ne vaut que si les cadences de lancements sont très élevées, ce qui n’est pas le cas pour Ariane, et l’économie qui en ressortirait dans le contexte européen reste donc à préciser, ajoute M. Israël, avant de temporiser. En parallèle à Ariane 6, nous devons déjà réfléchir à ses évolutions et aux moyens de réduire fortement les cycles de développement.

Cette course ne peut se faire sans le soutien financier des États pour qui l’accès à l’espace est stratégique. D’ailleurs, le monde spatial est dominé par les lancements institutionnels (civils ou militaires), qui représentent l’essentiel des mises en orbite – 70  % des 91 lancements en  2017.

Or, ces lancements sont réservés, aux États-Unis, à des fusées nationales, et sont facturés le double de ceux proposés aux vols commerciaux, ce qui donne aux firmes spatiales une marge financière pour affronter la concurrence et se développer. Pour Space X, cela représente en valeur les deux tiers de son carnet de commandes, contre un tiers pour Arianespace. Car en Europe, la situation est différente. Non seulement les missions institutionnelles sont peu nombreuses (deux sur les onze lancements de 2017), mais, de plus, la fusée européenne est mise en compétition avec les autres lanceurs.

Pour que le modèle économique d’Ariane 6 soit viable, les industriels demandent que l’Europe lui réserve cinq à six lancements annuels, sachant qu’au début de la prochaine décennie, pas moins de sept tirs institutionnels sont prévus chaque année. L’idée progresse, mais il faut accélérer, insiste M. Israël. Chaque partenaire doit s’interroger sur ce qu’il est prêt à faire pour le succès du lanceur. C’est primordial.

Dominique Gallois                        Le Monde du 5 01 2018

falcon heavy rocket launch cape canaveral illustration spacex

Falcon Heavy

La destination est l’orbite de Mars, la voiture restera dans l’espace lointain un milliard d’années, si elle n’explose pas pendant le lancement. Mardi 6  février 2018, deux mois après la publication de ce Tweet surprenant, Elon Musk devait être fixé sur le sort de son cabriolet Tesla rouge cerise [1]. Ce jour-là, si le calendrier est respecté, devait décoller de Cap Canaveral, en Floride, la Falcon Heavy, présentée comme la fusée la plus puissante du monde depuis le dernier vol, voici quarante-cinq ans, de Saturne V, le lanceur des missions Apollo.

Pour ce vol d’essai, la fusée n’emporte pas de satellites pour un client particulier, mais la voiture électrique du milliardaire américain, au son de Space Oddity, la chanson de David Bowie. Un vol privé en quelque sorte, puisque tant Tesla que SpaceX, qui fabrique le lanceur, ont été fondées par Elon Musk. Celui qui, pendant des années, avait été regardé avec condescendance par le monde spatial est devenu, en cinq ans, incontournable. Avec des financements publics venant de la NASA et du département américain de la défense, sa firme privée a pu développer un lanceur Falcon 9 et casser les prix des mises en orbite de satellites de télécommunications. Sa fusée s’est ainsi substituée au russe Proton dans le duopole formé avec Ariane sur le marché commercial des lanceurs. L’un comme l’autre se disputent la première place mondiale.

Mais l’ambition d’Elon Musk est avant tout la conquête spatiale, et surtout l’installation sur Mars. D’où sa volonté de concevoir des fusées plus puissantes. Pour cela, la Falcon Heavy dispose d’une capacité double de celle du plus gros lanceur actuel, le Delta IV américain de Boeing et Lockheed Martin.

Concrètement, il s’agit de trois fusées de types Falcon 9 réunies ensemble qui seront réutilisées. Deux des trois premiers étages, chacun haut de 70 mètres, ont déjà servi et reviendront se poser sur terre à Cap Canaveral. Le troisième, celui du milieu, dont la structure a été renforcée pour résister à la chaleur des deux autres, reviendra sur Terre un peu plus tard.

Ce lanceur a une puissance phénoménale, mais pour quoi faire ?, s’interroge Philippe Berterottière, ancien directeur commercial d’Arianespace, qui y voit un risque potentiel pour la fusée européenne. Comme il est encore trop tôt pour se lancer dans l’exploration spatiale, Space X va peut-être, entre-temps, utiliser ce lanceur sur le marché commercial. Du côté d’Arianespace, on considère cependant que ce lanceur semble d’abord destiné aux missions institutionnelles américaines, et peut-être à la constellation de petits satellites que Space X veut déployer pour développer l’accès à Internet.

Pour l’instant, la fusée semble surdimensionnée. Dans ses quatre missions connues, dont deux en  2018, figurent des satellites pour la NASA, pour deux opérateurs de télécoms, le saoudien Arabsat et l’américain ViaSat et un vol privé autour de la Lune en  2019. Ces missions n’optimisent pas le remplissage de la fusée, mais elles permettent sa qualification opérationnelle, constate Rachel Villain de la société d’études Euroconsult. Ce lanceur de grande capacité en orbite basse est conçu pour transporter de grosses constellations, dont celle de Space X, par exemple, ou du matériel pour construire les éventuelles bases lunaires, insiste-t-elle.

S’interrogeant également sur son utilité, à part pour des missions secrètes de la défense américaine, le directeur des lanceurs au Centre national d’études spatiales, Jean-Marc Astorg, estime que cette fusée arrive peut-être trop tard, coincée entre deux programmes. Car le projet, annoncé en 2011 par Elon Musk, aurait dû aboutir deux ans après. Il a cinq ans de retard. Entre-temps, la firme a augmenté la puissance de son modèle phare Falcon 9 pour l’adapter à la demande du marché. Et pour accélérer la conquête spatiale, Space X a dévoilé, en septembre dernier, une ébauche du BFR, pour Big Falcon Rocket, surnommé Big Fucking Rocket (putain de grosse fusée) par le milliardaire. Il s’agit d’une navette capable de se rendre sur la Lune et sur Mars avec des passagers. Premier vol prévu vers 2020 pour cet engin trois fois plus puissant que la Falcon Heavy. Première expédition humaine vers 2025.

Nous revenons au temps des mammouths que nous avions connus dans les années 1960-1970. Nous allons voir si ces gros lanceurs peuvent connaître une deuxième vie, estime M. Astorg, au vu des projets en cours aux États-Unis. Car Elon Musk n’est pas le seul à avoir cette folie des grandeurs. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, avec sa société Blue Origin, prépare la New Glenn pour placer en orbite des charges lourdes, quand son lanceur sera prêt, dans deux ans.

Et, surtout, la NASA élabore, avec des industriels comme Bœing, le Space Launch System (SLS) pour conquérir la Planète rouge à l’horizon 2030. Je pense fermement que la première personne qui mettra les pieds sur Mars arrivera là-bas grâce à une fusée de Bœingfanfaronnait, en décembre dernier, le patron du groupe aéronautique américain, Dennis Muilenburg sur la chaîne CNBC. Do it (Fais-le ), lui tweetait en retour Elon Musk.

D’où l’importance, pour SpaceX, du lancement de la Falcon Heavy. Si cette réponse à la concurrence est avant tout technologique, elle se veut aussi très symbolique. Le lancement se fera du pas de tir 39 A à Cap Canaveral, le site historique des départs des vols Apollo et des navettes. Et c’est de là que la fusée d’Elon Musk, si tout va bien, embarquera, dans un an, ses deux premiers touristes, pour un voyage autour de la Lune.

Dominique Gallois. Le Monde du 6 02 2018

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[1] En 2021, il faudra 10 heures pour assembler une Tesla Modèle 3 contre trois jours pour une Volkswagen électrique ID3 dans l’usine Volkswagen de Zwickau. Mais peut-être les robots travaillent-ils trop vite, ou y-a-t-il une faille, un manque dans l’enchaînement de leur boulot, car un grave accident sur une Tesla Modèle 3 de la compagnie de taxi parisiens G7, qui n’était pas en service, viendra jeter un voile de suspicion sur la fiabilité de la voiture : 1 mort et 20 blessés causés, selon le conducteur, par un accélérateur devenu incontrôlable et une défaillance des freins le 11 décembre 2021.

Elon Musk sabre aussi dans les frais généraux : Tesla n’aura pas de concessionnaires : les ventes seront directes, par internet. Tesla a inauguré sa première usine européenne à Grünheide, près de Berlin en octobre 2021 : les premières voitures devraient sortir en décembre 2021.