1° mars 2017 à septembre 2017. Emmanuel Macron à l’Elysée, Simone Weil au Panthéon : on aurait préféré le contraire, mais bon ! Nord Stream II. Alex Honnold dans El Capitan. 18769
Sur le front de la campagne électorale française pour les élections présidentielle de mai 2017, les horizons se bouchent, le brouillard s’épaissit tous les jours un peu plus :
Une partie du succès d’Emmanuel Macron ne vient pas seulement de son talent et de son charisme, indéniables, mais d’un flou habilement entretenu. Chez lui, ce n’est pas le futur qui est désirable comme chez Benoît Hamon, c’est le candidat lui-même qui s’offre en objet de toutes les convoitises. D’un mot, Macron installe l’espérance follement séduisante d’un monde réconcilié où le mal ne serait qu’un malentendu, où le loup pourrait fraterniser avec l’agneau, où les familles françaises, longtemps désunies, se rapprocheraient enfin grâce au rayonnement de leur dirigeant.
La première confusion est celle, classique, qui déduit la violence de l’économique : le leader d’En marche ! analyse le terrorisme comme le produit de la relégation sociale, du chômage et du repli national propres à la France. Il est proche en cela d’un Thomas Piketty expliquant lui aussi les attentats du Bataclan par la poudrière inégalitaire moyen-orientale que nous avons largement contribué à créer (Le Monde des 22 et 23 novembre 2015). Marxiste, libérale ou sociale-démocrate, cette grille de lecture est cependant incapable de penser le fait religieux et reste étroitement réductrice. Que des hommes et des femmes soient prêts à mourir pour leur Dieu et leur salut dépasse notre entendement d’Occidentaux assujettis à la logique marchande. Non seulement la haine est sans pourquoi, mais la justifier par la pauvreté ou les pannes de la croissance traduit une incapacité à la concevoir, donc à la combattre. Sans compter que la plupart des djihadistes viennent des milieux aisés, comme l’ont montré maints rapports dont celui de la Banque mondiale d’octobre 2016 : il révélait que la majorité des cadres de l’organisation État islamique sont diplômés et que la proportion de candidats au suicide augmente avec l’éducation. La pauvreté n’est en rien un facteur de radicalisation. S’il faut attaquer sans relâche la déshérence et le sous-emploi des quartiers dits sensibles, reproduire la litanie des damnés de la terre se faisant sauter pour échapper au désespoir est une illusion funeste.
Macron rêve également de raccommoder la droite et la gauche, ce qui est la condition de toute campagne électorale réussie. Mais on ne sait jamais s’il s’agit chez lui d’une synthèse nouvelle ou d’une façon d’éluder ce dualisme. Cela le pousse à vouloir rassembler les contraires, les partisans du mariage pour tous et leurs adversaires, les tenants du crime colonial comme crime contre l’humanité et les détracteurs de la repentance. Avec lui, le burkini et le topless, les patrons et les salariés, l’ubérisation et la protection sociale, l’échec scolaire et la poursuite du projet pédagogique pourront cohabiter en bonne intelligence. Il n’y a plus de tensions inexpiables car le leader bien aimé les absorbe dans sa personne. Cette allergie aux choix, toujours magnifique dans les discours, est difficile à soutenir dans l’action. Un homme politique ne peut se soustraire longtemps au principe de non-contradiction. Vient un moment où il lui faut prendre parti et donc sacrifier.
Autre amalgame : Macron confond le goût du pouvoir, naturel à tous les candidats, avec le pouvoir de l’amour. Il veut être élu mais il veut d’abord être aimé, par un acte de reddition inconditionnel, et plus qu’aimé, préféré à tous. Il commence donc, en bon séducteur, par nous dire qu’il nous aime. Cette déclaration enveloppe toute sa personne d’une sorte de rayonnement mystique, lui confère la garantie de l’adulation. Mais les Je vous aime qu’il lance, extatique, à ses partisans, dans ses meetings, tels ceux du chanteur à la foule, disent surtout : je m’adore à travers vous. Intense orgasme que l’idolâtrie de cette multitude à son endroit. La voix qui se brise sous le coup de l’émotion, les aigus qui défaillent sont le symptôme de cette jouissance trop forte face à un public qui entre à son tour en pâmoison. Quand le raisonnement faiblit, le candidat, ivre de lui-même, doit multiplier les déclarations enflammées, les serments brûlants. La langue divague volontiers quand la chair et l’esprit exultent, elle promet, jure à tous vents. La campagne ne peut se dérouler que dans la fièvre permanente, même lorsqu’il s’agit d’alliances aussi opportunistes que celle nouée, par exemple, avec François Bayrou. Les yeux brillent, les accolades se multiplient, on se touche, on se félicite, on se cajole : on est loin du ralliement de Yannick Jadot à Benoît Hamon, aussi gai qu’un plénum du Parti communiste d’Union soviétique au temps de la guerre froide.
Macron insuffle de la ferveur à ses moindres déplacements, ses moindres remarques. Il fait penser à la candidate socialiste à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, terminant un meeting au stade Charléty par cette proposition évangélique : Aimons-nous les uns les autres (Aimons-nous les uns sur les autres eût déjà été plus proche de l’esprit soixante-huitard mais on en est loin désormais). Pour mémoire, la phrase d’adieu de François Mitterrand en 1995 : Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas, avait une autre tenue et relevait d’une époque différente, celle de la réserve. La distance était alors la condition de l’exercice du pouvoir. Désormais, on n’aspire plus à diriger un peuple mais à le bercer pour se tenir avec lui dans un rapport fusionnel d’intimité, de séduction. On cède sans retenue à l’éthylisme sentimental.
Emmanuel Macron se vante d’être un homme bienveillant. La formule sent le sophisme à plein nez, car il ne manque pas, dès qu’il le peut, d’égratigner méchamment ses adversaires et c’est de bonne guerre. La bienveillance en politique n’est qu’une qualité négative. C’est une disposition qu’on attend d’un homme de foi, pasteur, prêtre, imam, rabbin, s’adressant à ses fidèles sur les fins dernières, les consolant dans les épreuves et les maladies, pas d’un homme politique qui devra tenir bon dans les tempêtes. Quand Hollande et Valls ont fait face à trois attentats majeurs en 2015 et 2016, on n’a pas attendu d’eux de l’indulgence mais de la fermeté, de la détermination dans la traque des tueurs. On a espéré de leur part les grands mots capables de consoler les grandes douleurs que traversait la nation. Il y a toujours un danger à vouloir être aimé quand on concourt à la fonction suprême. Il faut accepter au contraire d’être violemment détesté par ses ennemis et fortement soutenu par son propre camp.
Enfin, Emmanuel Macron entretient une confusion préoccupante du spirituel et du temporel : il s’est réclamé de Jeanne d’Arc sautant sur son destrier pour bouter l’Anglais hors du sol français et il a reconnu en lui-même une dimension christique. L’alliance de Jésus, de la politique et du business marche très bien outre-Atlantique, où les candidats multiplient signes de croix, serments sur la Bible et invocations au Très Haut pendant leurs campagnes. Mais la France est rétive à ces mariages contre-nature. Nous avons appris depuis longtemps de notre tradition à ne pas confondre ce qui revient à Dieu et ce qui revient à César. Mieux vaut à un moment donné redescendre sur terre au risque d’apparaître comme un simple banquier saisi par la foi comme Monsieur Le Trouhadec l’était par la débauche chez Jules Romains.
À mesure que les échéances se rapprochent, l’illusion se dissipe bien sûr. Il faut commencer par chiffrer le programme, entrer dans les détails triviaux, se soumettre peu ou prou au principe de réalité. Fini les envolées lyriques, les poses de télévangéliste inspiré. Les deux grands défis régaliens auxquels nous sommes confrontés, la montée de l’islamisme et du néopopulisme, requièrent une trempe dont manque, pour l’instant, notre Peter Pan national. S’il doit arriver au second tour, face à la candidate du FN, comme le prédisent les sondages, Emmanuel Macron devra changer son costume de prédicateur pour celui d’un soldat de la démocratie. Avis à ses supporteurs : il faut muscler le chérubin d’En marche ! sinon Marine va le dévorer tout cru.
Pascal Bruckner. Le Monde du 2 mars 2017
Il est beaucoup plus difficile d’exercer le pouvoir que de le conquérir.
Ismael Emelien
Il aura été l’un des premiers et plus proches conseillers d’Emmanuel Macron. Quand il quittera son poste en mars 2019, il écrira Le progrès ne tombe pas du ciel, chez Fayard, en collaboration avec David Amiel : 7 mois plus tard, 8 400 exemplaires auront été vendus : un bide énorme, qui devrait interroger les auteurs sur leur capacité à parler à des lecteurs. Pareil score est tout de même bien embêtant quand on a été conseiller du prince.
L’attitude de Macron lors d’une Marseillaise pendant cette campagne, illustre, si nécessaire le propos de Pascal Bruckner : non pas les bras le long du corps, mais dans la posture exigée des citoyens américains lors de l’exécution de l’hymne national : bras droit replié, main sur le cœur : plus américain que ça, tu meurs. Et la fascination américaine ne s’arrête pas là : elle était déjà présente quand, en novembre 2015, Macron recevait Joel Benenson, stratège des deux campagnes d’Obama, qui avait fondé Organizing for America pour contourner le parti démocrate, sous la haute main d’Hillary Clinton. Mais le poids américain le plus constant sera le cabinet Mac Kinsey, avec Karim Tadjeddine en calife, à la comptabilité opaque, qui s’introduit au plus haut dans la prise de décision – le plan de vaccination contre le Covid par exemple – sans provoquer la moindre protestation des innombrables Énarques qui sont à la tête des administrations centrales : pourquoi ne seraient-ils pas capables de faire aussi bien que Mc Kinsey ? Ce cabinet fantôme qui ne figure dans aucun organigramme nous laisse un sentiment qui ressemble beaucoup à la honte, quelque chose proche du collabo.
Il est difficile de savoir si le principal intéressé s’en rend compte, mais l’affaire Fillon n’est plus seulement un cas français : elle concerne l’Europe entière. En cela, elle est comparable au dossier Trump, qui n’a jamais été seulement un problème pour les États-Unis, mais a d’emblée concerné le monde entier – comme l’ont montré les premiers jours de la présidence de Donald Trump.
L’affaire Fillon est évidemment de moindre ampleur, mais elle n’en est pas moins hors du commun. Ce n’est pas souvent qu’une question nationale (quand bien même il s’agirait d’un grand pays comme la France) affecte en un seul coup trois champs à l’importance croissante : l’Hexagone, bien entendu ; mais aussi les pays européens dont les citoyens s’apprêtent à se rendre aux urnes ; et enfin toute l’Europe, à la fois l’Union européenne et l’Europe comme continent.
Même la mécanique interne de cette affaire a une signification politique qui dépasse le cadre local : un candidat à l’élection présidentielle, grand vainqueur, inattendu, de la primaire de son parti, durant laquelle il s’était fait le chantre de la vertu publique et privée, est soudain touché de plein fouet par des révélations sur toute une série de faveurs inqualifiables qu’il a accordées, durant des années, et sur des fonds publics, à sa femme et à ses enfants.
Les preuves sont accablantes. Le candidat toutefois ne dément pas (c’est impossible), ne demande pas pardon, mais choisit une voie oblique et agaçante. Il hésite à avouer, ment au sujet de ses enfants, minimise, et défend avec témérité la pleine légalité de ses actions ; puis, mal conseillé, il rebat les cartes : ce ne sont pas les actes qu’il a commis qui sont déplorables, mais les médias, qui organisent un assassinat politique. (Cette stratégie déloyale n’est pas sans rappeler aux Italiens le pire de Berlusconi.) Mais cela ne suffit pas.
Quand, deux jours plus tard, il est convoqué par les juges, le candidat, qui avait promis de se retirer en cas de mise en examen, grossit encore le tableau du complot présumé : il accuse la magistrature de vouloir entrer dans le jeu politique, il évoque de lourds agissements dans l’ombre contre les institutions (enquête commandée par l’État, etc.), lance d’obscurs appels au peuple. (Encore de tristes échos de ceux de Berlusconi et de ses attaques contre les médias.) En bref, il commet des actes graves et inopportuns, puis il occulte, ment, lance des promesses en l’air, évoque un complot, salit les institutions cruciales de la démocratie républicaine, dont il prétend encore pouvoir être le chef. Tout cela semble plutôt suicidaire.
Comment réagissent les citoyens ? On commence à grogner, à comparer ses revenus, toujours plus bas, à ceux, colossaux, que la femme du candidat a perçus à ne rien faire. Sa famille politique le lâche ; son parti vacille, plusieurs de ses fidèles prennent leurs distances. Nombre d’entre eux lui conseillent de se retirer. Mais ça n’est pas dans ses projets. Il tient bon, il se démène, et il attaque.
Il est surprenant de voir un homme, apparemment si réfléchi et si sérieux, au comportement si peu réfléchi et si peu sérieux. Il est impossible que Fillon n’ait pas conscience que sa stratégie, en plus d’être suicidaire, expose à deux risques mortels (et je pèse mes mots) quelque chose qui va bien au-delà de sa personne : la France et l’Europe. Son parti est en grave difficulté, et une partie de ses électeurs migrent vers le Front national. Et si, Fillon tombé en disgrâce, le deuxième tour de la présidentielle devait se jouer entre Le Pen et Macron (ce qui est plus que probable), ce jour-là, de ballottage, ne serait pas un bon jour pour la France. Macron est un candidat léger, privé du soutien d’un parti, plus efficace à l’image que parmi les gens ; ses amis ne sont pas vraiment ce qu’on pourrait appeler des amis du peuple et son jeune âge n’est pas pour inspirer confiance aux Français. J’aurais envie de dire, si vous permettez de mélanger des traditions différentes : Que Dieu sauve la France !
À Dieu toutefois il faudrait encore demander un effort : Qu’il sauve aussi l’Europe ! Une victoire de Le Pen serait catastrophique pour toute l’Europe, et pour l’Union européenne en particulier. Il suffit de regarder autour de nous. La Grande-Bretagne est en train d’abandonner le navire. Plusieurs pays se trouvent à la veille d’élections extrêmement délicates : les Pays-Bas, dans quelques semaines, l’Allemagne, dans quelques mois, et l’Italie, probablement en début d’année prochaine. Dans chacun de ces pays, le refrain antieuropéen et antidémocratique tout court résonne de plus en plus fort, et l’immigration qu’on ne peut arrêter ni, jusqu’à présent, gérer ne fait que l’amplifier.
Pour exprimer ce ressentiment se sont formés dans ces pays des partis qui prennent de plus en plus racine : du Mouvement 5 étoiles de Grillo, fort et menaçant, au Parti pour la liberté de Wilders et à l’Alternative pour l’Allemagne. L’Europe centrale et orientale ne se porte pas mieux : elle est aux mains de dirigeants de droite qui professent des idées alarmantes. À ce panorama s’ajoute la trouble idylle Trump-Poutine, dont les facteurs de succès peuvent contaminer l’Europe : nationalisme, protectionnisme, militarisme, agressivité internationale, xénophobie… Bref, l’affaire Fillon pourrait bien être le détonateur d’une droitisation de l’Europe déjà perceptible il y a dix ans.
Le frisson qu’inspire aujourd’hui la situation française est semblable à celui qui parcourut l’Europe en 2002, quand, à l’improviste, Le Pen père et Chirac se sont retrouvés face à face au second tour de la présidentielle. Mais, à ce moment-là, les résonances extra-françaises d’une victoire de l’extrême droite auraient été moins graves. Aujourd’hui, la situation a changé : les interdépendances sont innombrables. Une victoire de Le Pen pourrait bien faire tomber la première pièce d’un terrible domino européen et provoquer la dissolution de l’Union européenne.
Raffaele Simone, linguiste italien. Le Monde du 5 03 2017
20 03 2017
En Inde la Haute Cour de l’Uttarakhand accorde au Gange et à la Yamuna une personnalité juridique, ce qui leur donne la possibilité d’aller en justice pour mauvais traitements
03 2017
Isabelle Fromantin ne se contente pas de chercher, elle trouve : À 7 ans, elle se rêvait infirmière, partir loin, soigner les lépreux. À 46 ans, et après plusieurs longs séjours en brousse, Isabelle Fromantin porte effectivement la blouse blanche et panse les cancéreux à l’Institut Curie. C’est assez rectiligne comme parcours, sourit-elle. J’ai juste changé de type de plaies. Juste… Le terme est un peu lapidaire. Ou alors il conviendrait d’ajouter qu’Isabelle Fromantin a juste soutenu une thèse de sciences ; qu’elle a juste inventé et breveté un nouveau type de pansements ; qu’elle a juste ouvert la première consultation française spécialisée dans les plaies en cancérologie. Et, enfin, qu’elle vient juste de présenter, à l’Académie des sciences, son dernier-né : KDog, un projet de dépistage précoce du cancer du sein grâce à l’odorologie canine, qui revendique 100 % de réussite en phase de concept.
Juste une infirmière, donc. Le bureau de 10 mètres carrés qu’elle partage avec deux collègues plaide en ce sens. Évidemment, il y a ces peluches de chiens, en bord de table, et les photos de bergers malinois sur le tableau d’affichage. L’affiche de Wonder Woman, en grande tenue, aussi, qui plante ses yeux dans ceux du visiteur. Mais toute ressemblance avec la locataire des lieux serait purement accidentelle, assure-t-elle. Certes, il lui faut gérer la petite vague médiatique suscitée par ce projet canin, boucler la publication scientifique à venir, répondre aux bénévoles qui la sollicitent, penser budget, communication, protocole de recherche… Mais l’image d’un ulcère ophtalmique, transmis par e-mail pour avis, ou encore cette plaie purulente dont sa collègue lui tend un cliché sur son iPhone sont là pour le rappeler : Ici, la priorité reste le soin.
Soigner. Isabelle Fromantin ne se souvient pas d’avoir jamais songé à faire autre chose de sa vie. La famille est bourgeoise et surtout catholique. La quête qui l’a marquée reste celle effectuée chaque année en faveur de la Fondation Raoul-Follereau, en première ligne dans la lutte contre la lèpre. De même, quand un prêtre togolais vient lui raconter son action dans un hôpital pour enfants, il ne la décide pas à entrer dans les ordres. Je lui ai promis que je viendrais l’aider plus tard. Et j’y ai passé un an et demi, après mes études.
Ses parents la rêvent médecin. Pour eux, infirmière ce n’était pas assez. Mais moi, c’était ce qui m’attirait : être près des malades. Et puis je n’étais pas très apte à l’école. Encore un euphémisme. Rétive à toute forme d’obligation scolaire, elle accumule les exclusions. Au moins quatre. J’ai terminé dans le privé hors contrat, sourit-elle. Mais elle parvient quand même à entrer à l’école d’infirmières. Et à en sortir, diplôme en poche.
Là, elle continue à affirmer ses choix. L’Afrique, donc. Puis la cancérologie, où elle a déjà fait un stage et des remplacements d’aide-soignante l’été. Ici, les patients ont tous une histoire, on les suit tout au long de leur traitement. Désir de continuité, mais aussi soif d’aventure. Quand en 1996, la docteure Laure Copel cherche une infirmière pour ouvrir la première unité mobile de soins palliatifs, elle n’hésite pas. On allait dans les différents services voir des gens qui allaient mourir. Il fallait gérer la douleur, bien sûr, mais aussi ces plaies terribles qui coulaient, saignaient, sentaient mauvais.
Les pansements et les plaies deviennent sa spécialité. Panser les escarres, les ulcères, les tumeurs. De vrais casse-tête auxquels elle répond comme elle peut. Je n’étais pas sûre de bien faire. Alors j’ai tâtonné. Sa première présentation dans un congrès scientifique est primée. J’étais très fière, mais je n’avais toujours pas de réponses pour les plaies tumorales. Alors Isabelle Fromantin poursuit sa quête, passe à l’échelon européen puis américain. Avec mon anglais déplorable, je ne comprenais rien, sauf une chose, quand même : personne n’avait de solution.
La soignante se fait chercheuse, améliore son anglais, avale la littérature disponible. À l’Institut Curie, médecins et biostatisticiens apportent leur concours à cette infirmière pas tout à fait comme les autres qui, non contente d’avoir créé sa consultation spécialisée, tente d’inventer des remèdes. Un soir, un ami lance une idée, mi-défi, mi-boutade : Pourquoi tu ne ferais pas une thèse ? Je n’avais jamais mis les pieds à la fac, j’étais rétive à toute forme de cours et je n’avais pas les diplômes nécessaires pour m’inscrire… Un détail. Elle décroche son master 2 par valorisation des acquis professionnels, puis, en 2012, après trois ans de travail, la fameuse thèse, le diplôme universitaire suprême.
Dans son mémoire sur les plaies tumorales, la docteure Fromantin avance trois hypothèses : la première concerne la quantité de biofilms présents sur ces plaies, moins importante qu’on le pense. Elle va le vérifier. La deuxième invite à développer de nouveaux types de pansements, non antiseptiques et non antibiotiques, afin de lutter contre les mauvaises odeurs. Ça a l’air secondaire mais c’est fondamental. Ça empoisonne la vie des malades, leurs relations avec leurs proches. Après de nombreux essais, des expéditions rocambolesques pour ramasser les crottes de chiens du voisinage afin de tester l’efficacité de ses modèles, elle opte pour la cannelle. C’est à la fois adsorbant et odorant. Un brevet a été déposé, une certification de conformité européenne est à l’étude. Les prototypes industriels sont attendus d’un jour à l’autre, mais déjà une douce odeur d’épices flotte dans le bureau. Après, nous nous attaquerons aux couches pour personnes âgées sourit-elle.
C’est sa troisième hypothèse qui fait parler d’elle aujourd’hui : profiter des composés odorants volatils (COV) pour détecter des cancers. Isabelle Fromantin rêve de mettre au point un nez électronique capable de repérer ces molécules spécifiques. Un courrier envoyé par le maître-chien Jacky Experton à 70 hôpitaux et cliniques précipite un changement de trajectoire. Il avait dressé des chiens à trouver des explosifs, il pensait qu’il pouvait leur apprendre à détecter des maladies. Nous avons été les seuls à lui répondre. Des expériences similaires ont déjà été réalisées. Au Japon, aux États-Unis, en France même, des chiens ont su repérer dans les urines, les selles, le sang, des marqueurs de cellules malignes. Alors Isabelle Fromantin et son équipe plongent en terre canine. Leur souci : améliorer, fiabiliser et surtout simplifier la détection en utilisant la sueur. Placer pendant la nuit une lingette sur le sein d’une patiente doit permettre de différencier, au matin, la malade et la bien-portante.
Dans le prestigieux Institut Curie, le projet KDog fait d’abord ricaner. Pourquoi confier à des chiens ce que des machines réalisent si bien ? Isabelle Fromantin plaide : C’est moins contraignant qu’une mammographie, facile pour tout le monde, qu’on soit en ville ou en milieu rural, en fauteuil roulant ou debout. Sans compter sa chère Afrique, pour qui les appareils de radiologie avancés restent souvent inabordables. Les arguments peinent à convaincre. Lancé le 1° avril 2016, le poisson d’avril de l’Institut Curie, comme le surnomment ses détracteurs, manque de financements pour acheter les animaux, payer le maître-chien qui les formera, mettre en place les expériences… C’est donc par le crowdfunding qu’Isabelle Fromantin trouve les 80 000 € nécessaires.
Le résultat se révèle spectaculaire. Parmi les 130 lingettes présentées, Thor et Nykios, les deux malinois de Jacky Experton, repèrent 100 % des 79 tissus imbibés par la sueur de femmes souffrant d’un cancer du sein. Ce n’est encore qu’une preuve de concept. Isabelle Fromantin prépare la phase suivante, une expérience plus rigoureuse avec un échantillon de 1 000 femmes, quatre ou cinq chiens formés par différents dresseurs. Il faut écarter les biais, s’assurer que le dispositif pourra être généralisé.
Un changement d’échelle qui s’appuiera là encore sur le financement participatif – il faudra 800 000 euros – et sur un soutien qui s’amplifie. Autour d’elle, elle a rassemblé des médecins – chirurgiens, oncologues, radiologues -, des chimistes, mais aussi des bénévoles, tous séduits par son exceptionnelle force de conviction et sa ténacité, témoigne Irène Kriegel, anesthésiste et chef de l’unité plaies et cicatrisation de l’Institut Curie. Ceux-là sont sans doute partis pour un bon bout de chemin. Car après le cancer du sein, Isabelle Fromantin voudrait traquer celui de l’ovaire, encore plus sournois. Et elle n’a pas renoncé à mettre au point un nez électronique. Juste une infirmière, donc.
Résumé de Nathaniel Herzberg. Le Monde du 22 mars 2017
Juste quelqu’un de bien
Enzo, Enzo, née Körin Ternovtzeff
Debout devant ses illusions, une femme que plus rien ne dérange
Détenue de son abandon, son ennui lui donne le change Que retient elle de sa vie, qu’elle pourrait revoir en peinture Dans un joli cadre verni en évidence sur un mur Un mariage en Technicolor, un couple dans les tons pastels Assez d’argent sans trop d’efforts, pour 2, 3 folies mensuelles Elle a rêvé comme tout le monde qu’elle tutoierait quelques vedettes Mais ses rêves en elle se fondent maintenant son espoir serait d’être
Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien Le cœur à portée de main Juste quelqu’un de bien Sans grand destin Une amie à qui l’on tient Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien
Il m’arrive aussi de ces heures où ma vie se penche sur le vide Coupés tous les bruits du moteur, au-dessus de terres arides Je plane à l’aube d’un malaise comme un soleil qui veut du mal Aucune réponse n’apaise mes questions à la verticale J’dis Bonjour à la boulangère, je tiens la porte à la vieille dame Des fleurs pour la fête des mères et ce week-end à Amsterdam Pour que tu m’aimes encore un peu quand je n’attends que du mépris À l’heure où s’enfuit le Bon Dieu qui pourrait me dire si je suis
Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien Le cœur à portée de main Juste quelqu’un de bien Sans grand destin Une amie à qui l’on tient Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien
J’aime à penser que tous les hommes s’arrêtent parfois de poursuivre L’ambition de marcher sur Rome et connaissent la peur de vivre Sur le bas-côté de la route, sur la bande d’arrêt d’urgence Comme des gens qui parlent et qui doutent, d’être au-delà des apparences
Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien Le cœur à portée de main Juste quelqu’un de bien Sans grand destin Un ami à qui l’on tient Juste quelqu’un de bien Quelqu’un de bien
Paroliers : Francois Guy Andre Breant / Herve Robert Despesse
En 2014, ZAZ déclarera : À Paris, sous l’occupation, il y avait une forme de légèreté. On chantait la liberté alors qu’on ne l’était pas totalement. Pour ce propos, elle se fera allumer par Libération, gardien de l’orthodoxie du politiquement correct, qui le trouvera scandaleux, quand il ne faisait que dire une réalité plutôt répandue : il n’est que de lire certains propos de Julien Gracq parlant de la tranquillité des villes débarrassées des bagnoles, il n’est que de constater l’exceptionnelle affluence dans les salles obscures etc, etc… Libération a une sensibilité de Commissaire politique propres à instruire des procès truqués où la trahison est partout… Imbécile, parfaitement inapte à embrasser toute la complexité d’une situation.
29 et 30 03 2017
Conseil de l’Arctique, forum des pays riverains de l’océan arctique, à Arkhangelsk, au bord de la mer Blanche. Pour la Russie, l’enjeu de cette région est avant tout économique. Les réserves en pétrole et en gaz dans cette zone représentent potentiellement une fortune.
À la suite des changements climatiques, ses ressources deviennent plus accessibles, aucun pays de l’Arctique ne peut ignorer cette aubaine, et la Russie ne fait pas exception. Le développement des territoires arctiques pourrait devenir la locomotive de notre pays.
Arthur Tchilingarov, membre du conseil de la Fédération de Russie.
Cet explorateur de 77 ans, proche de Poutine avait commandé un robot pour planter, en 2007, un drapeau russe en titane, au cœur même de l’océan Arctique, par 4 200 mètres de fond.
La Russie, qui dispose de la plus grande surface terrestre mitoyenne de l’Arctique, revendique depuis plusieurs années l’extension de son territoire marin, soit un triangle de 1,2 million de km² incluant le pôle Nord. Cette revendication s’appuie sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, de 1982, qui fixe à 200 milles marins la limite de chaque État riverain à partir de sa côte, en matière d’exploration et d’exploitation des ressources (soit environ 370 kilomètres).
En parallèle, M. Poutine a déclenché de vastes opérations militaires sur son territoire du Nord. Des bases soviétiques, en déshérence, ont été rétablies. Des troupes ont participé à des exercices. Pour le chef du Kremlin, ces manœuvres sont moins destinées à mettre sous tension ses voisins – la Russie a besoin des technologies occidentales pour l’exploitation des hydrocarbures – qu’à préparer l’avenir. Avec la fonte de la calotte glaciaire, la perspective d’une route du Nord, qui permettrait de rallier plus rapidement l’Asie à l’Occident, se profile. Et la Russie entend contrôler son accès en installant des zones de sauvetage, de ravitaillement et d’assistance technique indispensables dans cette région inhospitalière, tout en renforçant ses frontières.
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 fixe à 200 milles -marins (environ 370 kilomètres) la limite de chaque État riverain en matière d’exploration et d’exploitation des ressources. Or, la Russie revendique l’extension de son territoire marin, un triangle de 1,2 million de kilomètres carrés, en tentant de prouver que la dorsale montagneuse de Lomonossov prolonge son plateau continental jusqu’au pôle Nord.
À Arkhangelsk, sans craindre la contradiction, Vladimir Poutine a, dans son discours, insisté sur l’écologie et les efforts entrepris par l’armée russe pour débarrasser ce trésor unique qu’est l’Arctique des déchets de l’ère soviétique. Le travail sera achevé d’ici à 2020, a assuré son état-major. Mais Greenpeace Russie a lancé un pavé dans la mare en publiant, à la veille du forum, deux documents embarrassants. Le premier dresse une carte, photos à l’appui, de plus de cent sites submergés par des amas de fûts rouillés, des véhicules militaires, grues, excavatrices et bateaux en état de décomposition, et des bâtiments délabrés. Le deuxième démontre que la superficie des territoires protégés par le statut de réserve dans le Grand Nord russe est désormais cinq fois inférieure à celle détenue par les grands groupes pétroliers et gaziers.
Résumé d’Isabelle Mandraud. Le Monde du 26 03 2017
31 03 2017
140 mm. d’eau tombée en 3 heures noient sous la boue la ville colombienne de Mocoa, à 600 m. d’altitude, dans le sud-ouest du pays – 70 000 habitants – : les sols en amont ont été fragilisés par une intense déforestation au profit du café, du bétail et de l’incontournable coca. On compte 316 morts et une centaine de disparus.
4 04 2017
Des avions russes partis de la base de Shayrat en Syrie bombardent un centre de fabrication d’armes chimiques à Khan Cheihoum : 86 morts, 546 blessés. La dernière attaque chimique datait de mars 2015, au chlore sur Qménas, dans la province d’Idlib. Donald Trump prend un virage à 180° dans son attitude envers Moscou et Bachar el Assad et enverra 59 missiles Tomahawk le 7 avril, en prévenant les Russes deux heures auparavant pour qu’ils aient le temps de partir, sur la base de Shayrat. Poutine va cesser de rouler les gros bras.
14 04 2017
Mise à l’eau à Saint Malo d’Energy Observer, un ancien catamaran de course, 30.5 m. de long, 12.8 de large, 20 tonnes, muni de 130 m² de panneaux photovoltaïques, avec un équipage de 6 hommes, qui met en œuvre pour sa propulsion 4 énergies renouvelables : hydraulique, éolienne, solaire et hydrogène, lui assurant une vitesse moyenne de 8 à 10 nœuds. 2 éoliennes à axe vertical. Le kit de traction est un cerf-volant qui sert d’une part à augmenter la vitesse du bateau, mais aussi, lorsque le vent le permet, de convertir le moteur électrique en hydro générateur. En utilisation normale, le moteur est alimenté en électricité. En mode hydro générateur, c’est l’inverse : l’eau fait tourner les pales du moteur, et cette énergie mécanique est ensuite convertie en énergie électrique, qui pourra être utilisée pour alimenter l’électrolyseur, ou stockée. L’électrolyseur sert à la décomposition des molécules d’H2O, qui ont été auparavant désalinisées par osmose inverse, afin de stocker l’hydrogène sous forme de dihydrogène gazeux (H2) dans des réservoirs, jusqu’à 350 bars. Des piles à combustible de type Li-ion (400 volts) génèrent de l’électricité à partir de l’hydrogène stocké et permet de prolonger l’autonomie du bateau. Sa réalisation a coûté 5 millions d’€. Le meneur du projet est Jérôme Delafosse. Une fois terminé, il rejoindra la Méditerranée puis entreprendra un tour du monde de six ans.
Cinq jours auparavant, le 9 avril, appareillait de Lorient Race for water, ex MS Tûranor Planet Solar, transformé par le Suisse Marc Simeoni : 35 m. de long, 23 de large, muni de 500 m² de panneaux photovoltaïques, et encore de deux piles à hydrogènes et d’une voile, lui assurant une vitesse moyenne de 5 nœuds. Pas besoin de safran – la partie immergée du gouvernail – : les pales orientables des hélices permettent de s’en passer. 20 hommes d’équipage. Coût : 5 millions d’€. Il part pour un tour du monde de 5 ans, pour nettoyer mers et océans, de plus en plus envahis de plastiques, tueurs de petits et gros poissons. Les plages les plus polluées seraient celles d’Hawaï.
15 04 2017
126 morts dans une attaque suicide d’un seul terroriste dans le sud d’Alep, où des syriens loyalistes venaient d’arriver ; les enfants s’étaient regroupés pour une distribution d’eau : 68 d’entre eux y meurent. Pour l’ensemble du conflit syrien, on en comptera 100 000 !
26 tirailleurs sénégalais sont naturalisés et reçus à l’Élysée. On pourrait croire qu’il s’agit là de l’aboutissement d’un vieux dossier arrivé sur le dessus de la pile, faute de combattants, sur le bureau du ministre des Anciens Combattants… il n’en est rien. L’affaire tient à l’incroyable ténacité d’une jeune femme d’origine sénégalaise, Aïssata Seck, adjointe au maire de Bondy et petite fille elle-même de tirailleur. L’administration française avait depuis longtemps bétonné les couloirs d’accès à la naturalisation en créant des dossiers de candidature d’une complexité telle que c’était devenu mission impossible que de les remplir sans quelque pièce qui manquerait toujours. On aurait pu espérer que le ministre de tutelle serait un jour parvenu à percer la résistance passive de son administration… non, jamais aucun ministre des Anciens Combattants ne s’est trouvé là pour faire valoir son autorité et rendre justice à ces hommes, échappés à la mort que connurent nombre de leurs compatriotes, pour la France. Abandonné des détenteurs impuissants, le flambeau aura donc été repris par Aïssata Seck que l’injustice met en colère, et à laquelle la colère donne la force de bousculer des montagnes. Il est vrai que la bêtise raciste y avait mis son grain de sel : devenue porte-parole de Benoît Hamon pour les présidentielles de 2017, elle s’était vue barrer l’accès à un podium par le service d’ordre alors qu’elle était élue du conseil municipal de Blondy : d’accord, vous êtes élue, mais vous n’êtes pas des élus comme les autres !
23 04 2017
Concert inaugural d’un nouveau temple de la Musique sur l’île Seguin, dans la boucle sud-ouest de la Seine à Paris : laSeine musicale.
24 04 2017
Gerhard Schroeder est à Paris pour parapher un accord entre les quatre financeurs d’un nouveau gazoduc – Nord Stream 2 -, destiné à approvisionner l’Europe en gaz depuis la Russie, détentrice des plus importantes réserves mondiales. Ce projet vient doubler celui déjà existant – Nord-Stream 1 -, avec une capacité identique : 55 milliards de m³/an, soit la moitié de la consommation annuelle allemande. Si demain, on veut se passer de nucléaire et de charbon, il faudra bien disposer d’une autre source d’énergie et l’éolien comme le solaire n’y suffiront pas, quels que soient les incantations déguisées en professions de foi écologistes : un projet de 9.5 milliard €, pour avoir, à l’horizon 2019, 1 220 km qui passeront sous la Baltique pour arriver en Allemagne. L’endroit de la médaille : un environnement géographique très éloigné des turbulences du Moyen-Orient ; le revers : que la Russie ne l’utilise comme moyen de pression, voire de chantage.
Mais, au second semestre 2019, il commençait à y avoir de l’eau dans le gaz, et c’est bien embêtant quand on est un gazoduc :
Le projet est mené par Gazprom avec cinq partenaires européens, qui financent la moitié de ce chantier à 9,5 milliards d’euros : le français Engie, l’anglonéerlandais Shell, l’autrichien OMV et les allemands Uniper et Wintershall (filiale de BASF). Le Danemark joue la montre. Concrètement, ce gazoduc est suspendu à une décision des autorités danoises, qui semblent tout faire pour repousser le projet. Le tracé devait initialement suivre celui du gazoduc Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012, et traverser les eaux territoriales danoises au large de la petite île de Bornholm. Mais le Danemark a joué la montre et n’a pas délivré de permis, poussant le consortium à demander des autorisations pour une autre route, qui ne traverse que la zone économique exclusive (ZEE), et ne nécessite pas l’accord de Copenhague.
Cependant l’agence danoise de l’énergie tarde elle aussi à répondre et elle n’a d’ailleurs pas de date limite pour le faire. [Le Danemark lèvera son opposition fin octobre 2019]
Cette bataille autour d’une île de 500 km² au milieu de la Baltique peut avoir des conséquences importantes dans les prochains mois : le retard risque d’empêcher le gazoduc d’être opérationnel en fin d’année 2019. C’est là que le bât blesse : l’un des objectifs de Nord Stream 2 pour Gazprom est de remplacer une partie du transit de gaz à travers l’Ukraine. Or le contrat entre la Russie et l’Ukraine arrive à échéance au 31 décembre 2019.
Autrement dit, si le gazoduc n’est pas terminé et qu’aucun accord n’est trouvé entre Moscou et Kiev à cette date, la question de l’approvisionnement en gaz de l’Europe pourrait se poser au moment le plus froid de l’hiver. En 2018, 43 % du gaz russe importé en Europe est passé par l’Ukraine. C’est un problème qui peut rappeler les difficultés lors de la guerre du gaz de 2006, puis de 2009, où il y avait eu une rupture de plusieurs jours des livraisons, note le chercheur Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
En France, les stockages de gaz sont conséquents et permettraient d’amortir une interruption temporaire. En réalité, il s’agit moins d’un risque de rupture d’approvisionnement pour les consommateurs que d’un risque sur les prix : toute interruption de livraison par gazoduc obligerait les Européens à acheter au prix fort du gaz livré par bateau, en provenance des États-Unis ou du Qatar. Opposition américaine Le ministre russe de l’énergie, Alexander Novak, a déjà proposé à Kiev de prolonger d’un an le contrat d’acheminement, mais sans garantie sur les volumes qui transiteraient par l’Ukraine ensuite. Il n’est pas sûr que les Ukrainiens seront d’accord pour servir de roue de secours pendant un an, en attendant un gazoduc qui doit les contourner, ironise un bon connaisseur du dossier. Les relations tendues entre les deux pays, dans un climat de guerre qui se poursuit dans l’est de l’Ukraine, sont au cœur de la polémique sur Nord Stream 2.
Au sein de l’Union européenne, les pays baltes, la Pologne et le président de la Commission de Bruxelles, Jean-Claude Juncker, ont bataillé contre ce projet, estimant qu’il était un danger pour l’économie ukrainienne et risquait de rendre l’Europe trop dépendante du gaz russe. À l’inverse, la chancelière allemande, Angela Merkel, a toujours défendu Nord Stream 2. La diplomatie française, elle, est restée plutôt prudente sur le sujet. Le gazoduc a aussi un puissant ennemi : le président américain Donald Trump, qui a publiquement reproché à Angela Merkel de s’être engagée dans un tel projet. L’opposition est également vive au Congrès américain. Mercredi, le comité des affaires étrangères du Sénat a ainsi adopté un texte prévoyant des sanctions contre les individus et entreprises impliqués dans la construction.
Le texte doit désormais être présenté à l’ensemble des Sénateurs, mais la décision d’appliquer ou non les sanctions relèvera du président américain. En juin, ce dernier avait répété que cette option était envisageable – sans toutefois fournir plus de détails. En Europe, les promoteurs du projet accusent les Américains de s’opposer à ce gazoduc pour mieux promouvoir l’exportation vers le Vieux Continent du gaz de schiste que les États-Unis produisent en grande quantité. Ils estiment également que l’opposition danoise au projet, qui bloque aujourd’hui son avancement, est suscitée par une forte pression américaine sur le sujet – ce dont Copenhague se défend.
Le consortium, avec un fort soutien du pouvoir russe, n’entend pas renoncer à mettre en service le projet le plus vite possible. De fait, le gazoduc est construit à près de 75 %, et les travaux sont très avancés aussi bien côté allemand que côté russe.
Une partie de la solution à cet imbroglio est entre les mains du nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui vient d’obtenir une confortable majorité aux dernières législatives. Les principaux obstacles à un accord sur le transit sont plus politiques que commerciaux, note Simon Perani, chercheur à l’Oxford Institute for Energy Studies, au Royaume-Uni, dans une note consacrée au sujet. Tout dépendra de ce que Zelensky va négocier avec Poutine, c’est à ce niveau-là que le sujet va se régler, analyse un acteur du dossier.
nabil wakim. Le Monde du 3 août 2019
Le 21 juillet 2021, en échange de la levée des sanctions, réclamée par l’Allemagne, le président américain, Joe Biden, obtiendra avec Berlin un accord visant à empêcher la Russie de se servir de l’énergie pour nuire à l’Ukraine.
acceptation finale du Danemark fin octobre 2019 moyennant un petit changement de tracé.
Le Peter Schelte Heerema [futur Pioneering Spirit] a été conçu pour l’enlèvement de plate-formes pétrolières obsolètes en les emportant à terre pour démontage. Le navire a été bâti pour le groupe suisse Allseas, appartenant à Edward Heerema, un Hollandais, fils de Pieter Schelte, lui-même entrepreneur et, pendant la guerre, officier hollandais de la Waffen SS, condamné à 3 ans de prison.
Pioneering Spirit, [ex Pieter Schelte] construit aux chantiers Daewo, lancé en 2013. 382 mètres de long. Maître-bau : 123.75 m. Tirant d’eau : 10 à 25 m. Deux grues géantes permettent de lever des éléments de 48 000 tonnes. Entre les 2 coques, un espace de 122 m de long, 59 de large qui permet de travailler directement sur une plate-forme en mer
Le catamaran Pioneering Spirit lance la pose de la conduite de gazoduc Nord Stream 2 dans le golfe d’Helsinki, en Finlande, le 23 décembre 2018.
Le navire Audacia posant le pipe Clear Stream
30 04 2017
Ueli Steck, prodige suisse de l’alpinisme à grande vitesse, se tue à 40 ans sur les pentes du Nuptse – 7 861 m.-, proche de Khumjung, au Népal, en s’entraînant pour enchaîner en solo Everest – 8 848 m. – et Lhotse – 8 516 m. – … À l’automne 2013, il s’était offert la face sud de l’Annapurna – 8 091 m. – en solo en 28 heures. Si l’objectif premier est la vitesse, c’est immanquablement au détriment de la sécurité dont la première manifestation en haute montagne est l’assurance avec un autre ou, en solitaire, l‘auto-assurance. Pas d’assurance ? le moindre petit faux pas, le moindre petit piège deviennent mortels… la chute et parfois l’interminable glissade où le corps devient en quelques secondes le jouet du relief, roc et glace : pour Ueli Steck, la glissade aura été de 1 000 m de dénivelé. La vitesse d’exécution en haute montagne avait été jusqu’alors gage de talent, mais n’avait pas représenté une finalité première, sinon, en cas d’urgence, pour se mettre à l’abri avant de subir une tempête. La montagne est partie de la nature, plus faite de la longue suite des jours et des nuits, de la durée que de l’instant. La vitesse est une valeur du monde technologique, de compétition, de rivalité : c’est une valeur des villes, plus proche du libéralisme que de la nature. On l’accepte facilement sur l’eau, car de tous temps, les bateaux ont couru après le ruban bleu, qui leur faisait gagner gloire et argent et puis, la vitesse sur l’eau, il est bien rare qu’elle soit mortelle. Adoptée en haute montagne, le non-sens passe sur le devant de la scène : ça ne veut plus rien dire, ça n’a plus de sens, c’est tout et son contraire… une absurdité mortifère qui ne laisse plus aucune place à la sécurité. Saine réaction : fin 2017, le gouvernement népalais interdira toute ascension en solitaire sur l’ensemble de ses sommets, Everest compris. Pour les sommets qui font frontière, les accros contourneront sans doute l’interdiction en partant de Chine.
Cette fascination pour la vitesse est partagée par plus d’un : trois semaines plus tard, le 21 mai 2017, l’Espagnol Kilian Jornet, avalera deux fois en une semaine l’Everest en partant du monastère de Rongbuk à 5 100 m sur la face tibétaine en 26 heures, et, quelques jours plus tard, depuis 6 400 m. Marc Batard l’avait fait en 1988 en 22 h 9′, par la face sud. Kazi Sherpa détient le record, depuis 1998, en 20 h 24’, toujours par la face sud. Mais Kilian Jornet n’arrivera que second sur le Tour du Mont Blanc en septembre 2017. Marc Batard sera l’un des rares de sa génération à échapper à l’accident mortel : partir, c’est bien, rentrer, c’est mieux. Jean Christophe Lafaille, mort en 2006 sur les pentes du Makalu à 41 ans, Jean-Marc Boivin mort en 1990 à 38 ans au Salto Angel, au Venezuela, Pierre Beghin, mort en 1992 à 41 ans sous le sommet de l’Annapurna… pour ne parler que des Français. Les grands alpinistes d’autrefois, Walter Bonatti, Reinhold Messner qui meurent dans leur lit deviennent rares.
Il est encore bien loin le temps où l’on demandait à Georges Livanos [1923-2004] qui était le plus grand alpiniste et qu’il répondait : le plus vieux et, une génération plus tard, Reinhold Messner faisait une réponse similaire quand on lui demandait quel avait été son plus grand exploit : avoir survécu. L’immense grimpeur qu’est Alex Honnold avait trente-cinq ans quand il s’est offert El Capitàn ; à 35 ans, on n’est plus un tout fou, et il est bien possible qu’il cesse de provoquer la mort avant qu’elle ne le dévore… l’homme mourra peut-être bien dans son lit. À côté de cela, il faut bien constater qu’on ne compte plus les alpinistes, souvent guides, de tout premier plan qui sont morts tout simplement pour avoir refusé de s’encorder.
Et, reconnaissons-le : il est bien difficile de n’être pas fasciné par certaines images, quand l’homme se joue de la montagne comme le font les chamois ou les surfeurs de la vague.
Jérémie Heitz est né en 1989 aux Marécottes, dans le Valais suisse. Il a produit en 2016 La Liste : https://www.skipass.com/videos/la-liste-version-francaise.html
3 05 2017
Face à face télévisé Emmanuel Macron – Marine Le Pen, quatre jours avant le second tour des élections présidentielles françaises. En deux heures trente de pugilat, Marine Le Pen met par terre toute l’image qu’elle s’était patiemment construite, année après année, à la suite du retrait de son sulfureux père : faire du Front National un parti fréquentable, et elle pouvait assez raisonnablement ambitionner d’arriver aux fonctions suprêmes. Insultes, insinuations, insupportable morgue, incompétence, programme creux, juste redondant… elle aura tout mis en œuvre pour retrouver une image de poissarde, vilaine, grossière et vulgaire… Chassez le naturel … il revient au galop. Quel étonnant trait de caractère que ce talent mis à se saborder sur la dernière ligne droite, comme si on ne voulait surtout pas gagner :
C’est un grand avantage que de n’avoir jamais gouverné, mais il ne faut pas en abuser.
Talleyrand
7 05 2017
Emmanuel Macron devient le plus jeune – 39 ans – président de la République Française, avec 66 % des suffrages exprimés – 20 millions – contre 34 % pour Marine le Pen, -10 millions -. Il y a 47 millions d’électeurs, donc 17 millions d’abstentions, de votes blancs, de votes nuls.
On est tenté de paraphraser Julien Gracq parlant de Victor Hugo : Aucun autre français n’a connu en politique ces commencements d’Alexandre ou de Bonaparte, cette étoile au front, ce cortège électrisé et un peu fou de jeunesse et de succès.
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Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront.
René Char
Il ne pourra pas, ou ne saura pas, se débarrasser du vice caché de tout énarque qui se respecte : cette sidérante facilité à se murer derrière des stratégies d’isolement qui vous coupent rapidement de vos électeurs et encore plus de vos opposants ; il s’isolera – par souci d’efficacité, dira-t-il, au Palais de l’Elysée, entouré d’une dizaine de conseillers qui gouvernent la France, jusqu’à commettre sa première et énorme bourde – l’affaire Alexandre Benalla – qui lui coûtera très cher, un peu plus d’un an après son arrivée. Et puis, mais là ce n’est pas un héritage de l’ENA, il est joueur, ce qui est incompatible avec raisonnable. L’une de ses premières visites sera pour le patron de Sanofi France, et ses premiers visiteurs seront Jean-François Sirelli, PDG de Blackrock France et Larry Fink, PDG de Blackrock, géant de la gestion d’actifs, qui représente financièrement 4 % de l’ensemble des sociétés cotées au CAC 40 : 7 800 milliards $ d’encours en octobre 2020. Larry Fink, qui a commencé comme marchand de chaussures, viendra à 8 reprises en France de 2017 à 2021. Le nom Blackrock vient de la fusion des nom Peter G. Petersonn et Stephen A. Schwarzman.
Près de cinquante ans après le suicide de Gabrielle Russier, enseignante amoureuse d’un de ses élèves, Emmanuel Macron entre à l’Elysée avec son épouse, ancienne professeure dont il était amoureux au lycée.
La revanche de Gabrielle
Le 1° septembre 1969, Gabrielle Russier se donnait la mort. Professeure de français de 32 ans, tombée amoureuse d’un de ses élèves âgé de 16 ans, elle fut poursuivie pour détournement de mineur. Fière de cet amour né au cœur de Mai 1968 Soyons réalistes, demandons l’impossible, elle a d’abord fait face à l’opprobre, s’est battue avec ténacité. Mise en garde à vue et détenue à deux reprises à la prison des Baumettes, elle fut condamnée à un an de prison avec sursis. Son jeune amant, lui, fut interné un temps en hôpital psychiatrique. Alors elle a compris que la force des préjugés et le poids de la morale auraient raison de cette histoire insensée. La France de l’ordre moral, celle qui avait eu si peur des barricades et de ses propres enfants, tenait sa revanche. Le suicide de Gabrielle Russier bouleversa profondément l’opinion. André Cayatte en fit un film qui remporta un immense succès, et Aznavour chante encore Mourir d’aimer. Lors d’une conférence de presse, Georges Pompidou, ancien banquier chez Rothschild, président de la République depuis trois mois, répond à une question sur l’affaire. Après un long silence de quatorze secondes qui résonne comme un hommage, il sauve l’honneur en citant ces vers d’Eluard :
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
[…] La victime raisonnable
[…] Au regard d’enfant perdue
[…] Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés.
Citation tronquée d’un poème magnifique écrit à la Libération dédié aux femmes tondues pour avoir couché avec l’ennemi. Amour interdit, inacceptable. Mourir d’aimer, déjà. Le 14 mai 2017, un président de la République de 39 ans, ex-banquier chez Rothschild, entre à l’Elysée. À ses côtés, sa femme, son ancienne professeure de lettres, a vingt-quatre ans de plus que lui. J’imagine ce qu’il aura fallu de détermination à ces deux êtres-là pour affronter des familles choquées, des parents qui s’indignent et se désolent, des collègues aux silences réprobateurs, des copains goguenards, et supporter ces réflexions incessantes, tout de même, elle exagère, une telle différence d’âge, c’est indécent, et bien sûr l’inévitable il doit être pédé, si tenace, qu’il fut repris avec gourmandise lors de la campagne présidentielle. Il aura fallu près d’un demi-siècle pour que l’impensable, l’intolérable même, s’impose et charme la terre entière. Il aura fallu quarante-huit ans précisément pour que les ors de l’Élysée recouvrent l’horreur du cachot. En quarante-huit ans, après beaucoup de luttes, la contraception s’est imposée comme une évidence, l’avortement a été légalisé, le divorce simplifié, le mariage de couples homosexuels reconnu. Et voici qu’à l’Élysée s’installe une femme qui vient dire au monde que les femmes sont libres d’aimer qui elles veulent, comme elles veulent et aussi longtemps qu’elles veulent. En moins d’un demi-siècle, au pays de l’amour courtois, tous les stéréotypes amoureux ont volé en éclats, offrant à chacun un nouvel espace de liberté. C’est une excellente nouvelle. Mais méfions-nous. Les gardiens de la bien-pensance, qui naviguent entre intégrisme et bénitiers, et qui s’ennuient la nuit dans la solitude de leur lit froid, ne lâchent jamais. Ils attendent leur revanche. Restons vigilants. Et, comprenne qui voudra, aujourd’hui, je pense à Gabrielle.
Jean-Marc Savoye. Libération du 26 juin 2017
22 05 2017
Attentat suicide à Manchester, revendiqué par l’État Islamique : 23 morts, 237 blessés : essentiellement des ados venue écouter leur idole du moment, l’Américaine Ariana Grande, sur un accès à une salle Arena à même de recevoir 22 000 spectateurs. Un mois plus tard, le 3 juin, d’autres fous remettront cela, à coup de couteau : 7 morts, dont un Français, 20 blessés.
La discussion sur l’adoption de la taxation des transactions financières (TTF) est retirée de l’ordre du jour de la réunion des ministres des finances de l’UE (ECOFIN) du 22 mai, à la demande de la France.
Déjà ! serait-on tenté de dire ! Déjà des gages aux copains ! Et demain, des gages aux coquins ?
24 05 2017
Un braquage modèle quant au déroulé de l’opération elle-même, mais les braqueurs ont fait une énorme bêtise : sous-estimer la police qui va très rapidement les loger.
Dans la nuit du 24 mai 2017, une fourgonnette blindée de transport de fonds de la société Loomis est stoppée par trois puissantes voitures, sur une bretelle d’autoroute à Eysins, dans le canton de Vaud, entre Lausanne et Genève. Surgissant des véhicules, six malfaiteurs âgés de 33 à 51 ans menacent de leur fusils d’assaut les deux convoyeurs, et en collant un cadre sur le pare-brise du fourgon, doté d’un petit clignotant rouge, laissant craindre une charge explosive.
Les deux transporteurs, contraints de se rendre, sont ligotés et emmenés dans le coffre d’une voiture, pendant qu’un assaillant prend le volant du fourgon, jusqu’à un chemin rural, de l’autre côté de la frontière, à Divonne-les-Bains, dans l’Ain. Les braqueurs ont raflé des sacs de billets de différentes devises, quatre lingots d’or, et 27 640 pierres précieuses, soit quelques 40 millions de francs suisses [38 millions d’€, au cours actuel] avant d’incendier le fourgon et un véhicule volé, sans oublier d’arroser les convoyeurs de produit javellisé, pour effacer leurs traces.
Quelques heures plus tard, la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la police judiciaire de Lyon a interpellé les six hommes. Deux dans une fourgonnette qui repartait, les autres dans une pièce sans fenêtre d’une villa de Chavanod, en Haute-Savoie. Un lingot traînait dans le coffre d’une Audi volée. Dans les cendres du fourgon, les enquêteurs ont même retrouvé une cinquantaine de pierres précieuses, tombées durant l’attaque. Cinq fusils Winchester et Kalachnikov, deux pistolets automatiques Sig-Sauer, et un revolver Ruger sont découverts à la villa, ainsi que plusieurs voitures volées, de grosse cylindrée. Ces éléments, ajoutés à des traces d’ADN sur plusieurs équipements, laissent peu de marge de contestation.
Le déroulement des faits lors de l’attaque du fourgon révèle une organisation millimétrée et pensée dans le détail, avec trois véhicules, l’un bloquant le fourgon par devant et les autres l’encadrant. L’utilisation de gyrophares, de brassards de police et de faux explosifs (…) démontre à l’évidence que le braquage était l’œuvre d’une organisation structurée et hiérarchisée, dont chacun des membres avait un rôle attribué et prédéfini, décrivent dans leur ordonnance de renvoi les juges d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon.
La réussite policière de cette affaire résulte d’un long travail de surveillance de la BRI. À partir d’un renseignement, la brigade antigang a suivi durant plusieurs mois la piste d’un suspect, par géolocalisation, sonorisations et filatures, découvrant progressivement plusieurs points de chute.
Pour les magistrats spécialisés, les modalités de cette attaque s’apparentent aux braquages ou de tentatives perpétrées en territoire suisse depuis une dizaine d’années, attribuées à des équipes lyonnaises de haute volée. Fort armement, voitures volées, opération commando, fourgons coincés et incendiés : le scénario s’est répété au moins à sept reprises au cours de ces six dernières années. Parmi les accusés, originaires de la région lyonnaise, deux hommes ont déjà été condamnés en Suisse à cinq et sept ans de prison pour brigandage, synonyme de vol à main armée.
Lors de ce braquage, les malfaiteurs ont demandé aux convoyeurs d’utiliser une tige métallique dissimulée derrière un siège, pour ouvrir une porte latérale du véhicule. Ce système de sécurité était théoriquement connu des seuls employés de la société. Pour les enquêteurs, ce détail confirme que le banditisme lyonnais dispose de renseignements très précis sur le fonctionnement interne des transporteurs de fonds. Dans une autre affaire survenue en 2018, le collègue d’un convoyeur, dont la fille avait été enlevée, est suspecté d’avoir piloté les malfaiteurs. Les incursions du banditisme lyonnais soulèvent des questions sur les failles sécuritaires de la Suisse. Le fourgon empruntait le même itinéraire depuis plusieurs années, par l’autoroute, se sont étonnés les juges lyonnais dans leur synthèse.
Le procès doit durer dix jours. Parmi les témoignages, celui d’une femme est redouté par les défenseurs. Il s’agit de l’épouse du propriétaire de la villa où l’équipe a été interpellée. Mis en examen et écroué pour complicité, l’homme a invoqué une dette pour expliquer le prêt de sa maison, puis il s’est rétracté. Il a mis fin à ses jours dans sa cellule de la maison d’arrêt de Valence (Drôme), le 12 juillet 2018. Selon son épouse, il a subi des pressions. Le drame rappelle l’extrême tension qui peut entourer les affaires d’attaques de fourgon, dont les gains financiers aiguisent les appétits, et les enjeux judiciaires attisent les rancœurs irrationnelles.
Résumé de Richard Schittly. Le Monde du 23 novembre 2021, date du début du procès.
1 06 2017
Les États-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre, se retirent de l’accord de Paris sur le climat et mettent fin à tout financement.
À partir d’aujourd’hui, les États-Unis cesseront toute mise en œuvre de l’accord de Paris (…) et du fardeau économique et financier qu’il impose à notre pays. […] les nations qui nous demandent de rester dans l’accord sont les mêmes pays qui nous ont coûté des milliards de dollars à cause de pratiques commerciales impitoyables. […] L’accord de Paris compromettrait notre économie, briserait nos travailleurs, affaiblirait notre souveraineté, imposerait des risques juridiques inacceptables et nous mettrait en situation de faiblesse permanente par rapport aux autres pays du monde. […] Il est temps de placer Youngstown dans l’Ohio, Detroit dans le Michigan, et Pittsburgh en Pennsylvanie, et beaucoup d’autres endroits dans notre grand pays, avant Paris, en France. Il est temps de rendre l’Amérique grande de nouveau.
Donald Trump
En fait, la sortie des États-Unis ne sera effective qu’en novembre 2020, après un délai de quatre ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord imposé par l’article 28 du texte de Paris.
3 06 2017
L’Américain Alex Honnold réalise une ascension qui entre tout droit dans l’histoire de l’escalade : grimper sans assurance aucune la paroi El Capitan, – 915 mètres – dans le parc de Yosemite.
Il prend le temps de s’asseoir au bord de la falaise, ouvre son petit sac à dos, enfile une casquette… Un sourire se dessine alors sur son visage. So delighted, so delighted – Quel émerveillement, quel émerveillement –, c’est par ces mots qu’Alex Honnold manifeste sa joie simple d’avoir gravi les 914 mètres de la paroi de granit d’El Capitan. Peut-être aussi d’être vivant…
Le 3 juin 2017, pendant 3 heures et 56 minutes, le jeune alpiniste a grimpé à mains nues, seul et sans être assuré par aucun matériel, la célèbre voie Freerider. Cette voie est si difficile que personne ne pouvait imaginer qu’il était possible de l’escalader en free solo (solo intégral). Une face abrupte de granit où quelques longues failles verticales alternent avec des dalles lisses et des prises de mains qui frôlent l’inexistant, mettant à rude épreuve la force des doigts, des mains, des poignets et des épaules. Comme l’explique Tommy Caldwell, une autre référence mondiale de l’escalade et ami d’Alex Honnold : Ça demande de réussir une performance du niveau d’une médaille d’or olympique, sauf que là, si tu ne décroches pas la médaille d’or, tu es mort.
L’équilibre en effet doit être parfait, la stabilité émotionnelle et la concentration, à toute épreuve. Bref, un engagement maximum qui ne laisse pas de place pour la moindre erreur. Car l’erreur, c’est la chute dans le vide, un vide de plusieurs centaines de mètres, la mort certaine.
Crédits : Jimmy Chin, National Geographic
Avant de s’attaquer à mains nues à ce titan de granit le 3 juin 2017, Alex Honnold s’est entraîné pendant deux ans. Son projet n’était pas motivé par un coup de tête, ni par la volonté de se faire un nom. Cette idée qui pouvait sembler folle au commun des mortels, il la mûrissait depuis 2009. Mais les difficultés techniques mettaient encore cette paroi hors de sa portée.
Au début des années 1950, El Capitan était considéré comme inattaquable. Le parc du Yosemite était alors seulement une destination touristique privilégiée pour le camping, la randonnée et les magnifiques paysages qu’offrait sa vallée.
Mais trois pionniers obstinés, Warren Harding, Wayne Merry, et George Whitmore, décidèrent un jour de voir ce paysage d’un autre œil, et parvinrent en 1958 à gravir la paroi en onze jours, après avoir passé une année entière à équiper (défigurer, diront certains) la face du rocher à coup de marteaux, de pitons, de cordes fixes, aidés de quelques litres de vin rouge. Ils ouvraient, sans le savoir, la course au Big Wall et allaient écrire avec beaucoup d’autres les grandes heures du Yosemite, faisant du parc le terrain de jeu des grimpeurs du monde entier.
Enfant plutôt taciturne et isolé, Alex Honnold découvre l’escalade à onze ans. C’est pour lui une voie d’épanouissement, une révélation qui lui permet de s’émanciper de parents distants et manifestant très peu leur affection. Avec son van aménagé, il séjourne des mois durant dans la vallée et enchaîne les parois. Son premier fait d’armes, qui lui vaut une reconnaissance du monde de la grimpe : enchaîner en une seule journée et en solo intégral la voie Astroman et le Rostrum. Certains néanmoins sont sceptiques et pensent qu’il s’agit d’un canular. Peu importe, Honnold continue de réaliser des exploits en tentant des premières : la face nord-ouest du Half Dome au Yosemite en 2008, qu’il fait en onze heures, tout comme le Nose, une autre voie connue pour sa difficulté. Pour autant, même si sa notoriété est grandissante, il impressionne par son incroyable modestie, au point qu’on le surnomme Alex no big deal Honnold.
Crédits : JIMMY CHIN, NATIONAL GEOGRAPHIC
et, sur la même montagne, une autre voie :
La discipline du free solo, ou solo intégral en français, compte peu de pratiquants. Et pour cause, l’erreur n’y a pas sa place : toute chute est mortelle. Certains considèrent que les risques encourus sont trop élevés et que cette pratique devrait être interdite. Pour d’autres, et Alex Honnold en fait partie, il s’agit de l’expression la plus pure de l’escalade. Le rocher et soi. En France, dès les années 1980, Patrick Edlinger, surnommé l’ange blond depuis ses exploits dans les gorges du Verdon, popularise cette pratique et jette les bases des films d’escalade, avec le documentariste et journaliste Jean-Paul Janssen, à l’aide de caméras embarquées sur les parois.
Il y a quelques années, lorsque j’ai commencé à me mettre en tête cette ascension en solo de Freerider, il y avait une demi-douzaine de longueurs où je me disais : Oh c’est un mouvement effrayant ça, et là, c’est une séquence qui fait peur, et cette dalle-là, et cette traversée aussi et… Nous sommes en 2016, et Alex Honnold répète inlassablement des descentes en rappel depuis le sommet de la falaise pour reconnaître centimètre par centimètre son parcours et en repérer les difficultés. Il soigne ses prises minutieusement, et à l’aide d’une brosse à dents, s’assure que la roche est propre, vierge de toute trace végétale ou de cailloux. Cette préparation intensive, il la consigne dans son petit cahier : Mettre la main à gauche, micro-prise quelques millimètres, décaler le pied droit, ramener la main droite.... Honnold connait par cœur chacun des mouvements qu’il aura à réaliser, du début à la fin de la voie.
Pendant des mois, Alex Honnold a noté minutieusement dans un carnet chaque mouvement, pour ne plus rien laisser à l’improvisation. L’équipe technique qui l’entoure pour le filmer, emmenée par le réalisateur Jimmy Chin (auteur, avec son épouse Elizabeth Chai Vasarhelyi, d’un magnifique premier film intitulé Meru, est la plus restreinte possible. Cameramen, photographes et techniciens, tous sont des alpinistes confirmés et connaissent bien l’environnement dans lequel va évoluer Alex Honnold. Leur principale frayeur ? Le déconcentrer et provoquer sa chute lors du tournage, comme l’expliquera Jimmy Chin : On ne devait pas laisser les besoins du film devenir plus importants que l’existence d’Alex. On devait isoler Alex de la pression de la production. On ne voulait pas le stresser avec les problèmes de production.
I got it !
Le samedi 3 juin 2017, à la lueur de sa frontale, Honnold part pour l’ascension de sa vie. Imaginez-vous au pied de la paroi, vous levez la tête et découvrez alors la raideur surplombante de l’équivalent de presque trois tours Eiffel. Lorsqu’il s’élance dans la nuit, il est 5 h 32′. Il a mis ses chaussons et lacé son sac de magnésie autour de ses hanches. C’est tout. Seul dans l’obscurité, il commence à s’élever. Vite, très vite. Après des centaines de mouvements de mains et de pieds, 3 h et 56′ plus tard, à 9 h 28′, avec une exceptionnelle maîtrise de ses émotions, Alex Honnold atteint le sommet d’El Capitan. Son rêve est réalisé. Son ami Tommy Caldwell, lui-même grand grimpeur, dira qu’il considère l’exploit comme un atterrissage lunaire de la grimpe en solo. Pour Honnold, le plus important avec le solo intégral, c’est de savoir abandonner.
Sébastien Lopoukhine
Mais lorsqu’en place du sol dur, il y a l’eau, cela permet d’augmenter la prise de risque : ça se passe à Majorque, aux Baléares :
4 06 2017
Quand une ancienne ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud Belkacem, constate avec tristesse l’évolution des tendances des réseaux sociaux, qui vient prendre la direction tout à l’opposé des missions de l’Éducation Nationale : le vrai, le faux, c’est devenu bonnet blanc et blanc bonnet.
Dans quelle époque vivons-nous ?
Dans une époque sans repères. Un moment de bascule. Pollué par la désinformation. Les rumeurs ou les légendes urbaines, ça a toujours existé. Mais pas au point qu’elles soient propagées de façon si massive et quasi érigées au rang d’informations irréfutables. Qu’un commentaire posté sur un forum revête la même valeur qu’un travail d’investigation… Face à l’obésité informationnelle, nous sommes trop souvent dans l’incapacité réelle et sérieuse de distinguer le vrai du faux, l’essentiel de l’accessoire. C’est devenu un grand enjeu de société. Un enjeu d’éducation majeur.
Vous y avez été confrontée, le 20 mai, sur le plateau d’On n’est pas couché, quand Vanessa Burggraf a prétendu que vous aviez engagé une réforme de l’orthographe…
Oui, une réforme que je n’ai bien entendu jamais engagée. Je n’ai pas compris pourquoi cette journaliste avait relayé des on-dit. D’autant que j’étais invitée dans cette émission pour parler de mon livre, dans lequel précisément il est beaucoup question de ce grand mal de notre société qu’est le règne des approximations et des contre-vérités.
Dans votre livre, vous incitez les médias et les politiques, deux secteurs décriés, à se remettre simultanément en question…
Après l’attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015, j’ai créé une réserve citoyenne pour accueillir des citoyens de tous profils, désireux d’aider les enseignants à transmettre les valeurs de la République dans les écoles. Parler de lutte contre l’antisémitisme, de laïcité, de liberté d’expression. Parmi les 6 000 citoyens qui se sont inscrits, il y a eu beaucoup de journalistes. Ç’a été pour moi une bonne surprise. Ils avaient pris conscience que, si les médias et ce qu’ils écrivaient n’avaient pas bonne presse, si on se détournait d’eux, si l’on préférait se réfugier dans les théories du complot, cela devait les inciter à mieux faire connaître leur fonctionnement, la démarche d’investigation, de croisement et de vérification des sources… Ce faisant, j’ai été confrontée à la plus belle facette des journalistes qui venaient ainsi s’engager, sur leur temps libre, auprès des élèves et des enseignants pour recréer de la confiance. Même chose avec ceux qui s’échinent toute la journée à faire du fact-checking pour éclairer l’opinion. Et en même temps, force est de constater que, sur d’autres plateaux télévisés, dans d’autres journaux, c’est une tout autre facette que l’on voit, avec quelques journalistes ou commentateurs qui, par leur manque de rigueur, ruinent les efforts de leurs collègues.
En avez-vous parlé avec la production, après l’émission ?
J’étais évidemment très mécontente en sortant du plateau : je me suis tellement habituée à ce qui circule à mon sujet sur les réseaux sociaux que j’ai vu dans cet échange une pièce remise dans la machine à polluer, qui plus est à une heure de grande écoute. Je voyais à nouveau venir les procès en destruction de la civilisation qui me sont régulièrement faits sur le Web, cette fois-ci confortés et amplifiés par la légitimité que l’on accorde à la parole d’un journaliste. Oui, j’ai eu une discussion avec la productrice de l’émission – Catherine Barma -, pour lui dire que cette séquence était scandaleuse. Je lui ai demandé s’il était possible que Laurent Ruquier, en fin d’émission, précise qu’après vérification, sa journaliste s’était trompée… Rien n’a été fait. Visiblement, ça ne les a pas inquiétés outre mesure.
Quelles sont les fake news vous concernant qui vous ont le plus marquée ?
Des rumeurs, il y en a eu beaucoup. Il y a encore des gens qui croient que le programme d’apprentissage de l’égalité entre les filles et les garçons qu’on a voulu mettre en place dans les écoles était en fait une théorie du genre destinée à inciter les enfants à changer de sexe. Cela paraît fou, mais c’est pourtant vrai. Il y a trois mois, la sévère condamnation par la justice de la responsable de cette diffamation hallucinante, Farida Belghoul – condamnée en appel à 8 000 € pour complicité de diffamation – a à peine été relayée, si bien qu’elle est passée inaperçue et que des gens croient encore que ses monstrueuses accusations étaient fondées.
Il y aura toujours sur les plateaux des Zemmour ou autres qui continueront à relayer ces horreurs, si bien que, dans la tête de beaucoup de gens, cela finit par exister. Même chose pour la fameuse rumeur de l’apprentissage obligatoire de l’arabe au CP. C’est une affabulation lancée par la fachosphère et récupérée à leur compte par des irresponsables politiques, Eric Ciotti (LR) en tête, qui, au lendemain de l’attentat de Nice, a dit devant les caméras : Vous voyez bien, quand on a des gens comme Mme Vallaud-Belkacem, qui veulent qu’on apprenne l’arabe dès le CP … Là encore, dans l’esprit de beaucoup de gens, si un homme politique le dit, ce doit être vrai… Est-il besoin de dire dans cette interview qu’il n’y a jamais eu ni théorie du genre ni arabe obligatoire au CP ?
Pourquoi n’attaquez-vous pas en justice ?
C’est très compliqué. La justice vous répond que l’expression d’une opinion ou encore l’interprétation de faits ne sont pas condamnables en soi. Ou encore, s’agissant des Tweet orduriers, qu’il est difficile de retrouver l’identité de la personne qui les a postés, etc. Et voilà comment des citoyens de bonne foi, qui ne peuvent pas passer leur temps à aller faire par eux-mêmes du fact-checking, tombent dans les mille et un panneaux tendus. Et voilà comment, pendant des semaines, une réforme de l’orthographe qui n’existe pas est le sujet le plus commenté dans les dîners en famille – ce sont les enquêtes d’opinion qui nous le révélaient à l’époque – sans que les multiples rectificatifs et droits de réponse que nous faisions dans la presse n’y changent rien. Évidemment, ça laisse des traces.
Ça vous refroidit, cette mode des réseaux sociaux ?
Non, c’est un combat de chaque instant. Je suis passée maître dans l’art de me battre. Je me bats sur le terrain, en politique, sur Internet et sur les réseaux sociaux parce que, que ça nous plaise ou non, ce sont des lieux où les gens vont piocher ce qu’ils pensent être de l’information. A nous, donc, de rendre ces lieux virtuels plus sûrs et de ne pas les livrer aux seuls fachos et faussaires. Les mauvaises expériences qui furent les miennes, je veux les mettre à profit pour penser sérieusement ce grand défi de nos sociétés modernes. On doit trouver des voies légales pour faire en sorte que nos jeunes ne soient pas piégés en permanence par ce phénomène. Je rappelle que c’est le même type de désinformation qui mène à l’embrigadement et à la radicalisation. L’idée, ce n’est pas de recréer l’ORTF, mais que la réflexion puisse être menée et adaptée aux enjeux et aux outils de notre monde. Est-ce que les autorités administratives indépendantes qui existent aujourd’hui sont suffisantes ? C’est un sujet à creuser à l’avenir, et qui m’intéresse.
Avez-vous songé à abandonner la politique ?
Moi ? Non ! Cette question, j’ai pu me la poser plus jeune, mais aujourd’hui, je considère que l’heure est grave. Et tous les choix politiques que je fais en ce moment, je les pense à l’aune de la gravité du moment : ne pas faire comme beaucoup et aller confortablement rejoindre En marche !, par exemple. Parce que ça revient à diluer des combats politiques cruciaux dans un consensus de façade qui n’a jamais fait progresser la société. Les convictions politiques, de gauche, de droite, ne sont pas suspectes, elles n’appartiennent pas à un vieux monde couleur sépia.
Najat Vallaud Belkacem. Le Monde du 4 06 2017 Interview de Laurent Telo
Question : Qu’est ce qui a bien pu empêcher Najat Vallaud Belkacem, de moucher Vanessa Burggraf en direct, pendant l’émission ? Je suis passée maître dans l’art de se battre, dit-elle. Vraiment ? On ne s’en est pas rendu compte. Ç’aurait été plus efficace que d’aller se plaindre auprès de la productrice, hors caméras et hors antenne.
9 06 2017
Nathan Paulin s’offre le cirque de Navacelles :
18 06 2017
La République en Marche d’Emmanuel Macron remporte la majorité absolue à la Chambre des Députés. 26 millions d’électeurs, sur 47, se sont abstenus. Depuis de trop nombreuses décennies, la composition professionnelle de l’Assemblée Nationale ne reflétait plus du tout celle de la population active du pays : la sécurité offerte aux seuls fonctionnaires leur donnait une représentation sans commune mesure avec la réalité, pour une petite part dans les rangs de la droite, pour une part énorme dans les rangs de la gauche. Cette dernière étant la grande vaincue du scrutin, exit la république des professeurs, et début d’une grande cure de silence pour les intellectuels de gauche donneurs impénitents de leçons. Ouf ! Une grande cure d’assainissement ! Souhaitons que ce ne soit pas pour retomber dans d’autres travers.
Une majorité absolue finit toujours dans l’absolutisme.
Jean-Christophe Cambadélis
Le bonapartisme porte en lui une tentation autoritaire. […] la référencedu président n’est pas Ricœur, mais Machiavel. Macron a lu Le Prince. Il sait que la tactique de conquête n’est pas la même que celle de la conservation du pouvoir. Dans la conquête, il était le renard, rusé et duplice. Une fois élu, il est le lion, explicite, vertical, jupitérien. Et il prend tout.
François Bazin
Il faudra attendre encore quelques mois pour que l’on puisse donner tort à Michel Onfray quand il parle d’Emmanuel Macron : Un produit d’appel du grand capital vendu avec ses méthodes de marketing les plus performantes.
*****
Les gouvernements techno, comme celui de Romano Prodi en Italie, ne durent jamais très longtemps. À un moment, il faut savoir convaincre, il faut mettre du lien, il faut une pâte humaine, de la chair.
Un conseiller de l’Elysée qui tient à son anonymat. Novembre 2017
29 06 2017
Une gare, c’est un lieu où se croisent les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien.
Emmanuel Macron, président de la République
Chrétien, nous disiez-vous ? Peut-être… Apôtre nous disiez-vous ? Pourquoi pas, mais alors il s’agit de Judas. Les Français avaient cru élire un président de la République et ils s’aperçoivent qu’ils ont élu un PDG… il y a eu erreur de casting. Le trop fameux en même temps … et en même temps n’est qu’un slogan de bonimenteur de foire, c’est la négation de la nature même de la politique, qui est de faire des choix, et choisir, c’est exclure.
30 06 2017
Simone Veil nous quitte.
Elle s’en va féminiser un peu notre panthéon, les Lincoln, Churchill, de Gaulle, Mandela, Luther King, Adenauer, Kohl, Gandhi, Dalaï Lama, Soljenitsyne, Sakharov, Rocard, mais aussi Mozart, Rembrandt, Léonard de Vinci, Périclès, Van Gogh, Ronsard, etc… Elle aura bravé l’horreur nazie, elle aura bravé la bêtise machiste des députés français des années 70, elle aura été au premier rang pour construire l’Europe : Nous n’avons pas le choix. Nous devons vivre à nouveau ensemble. Ensemble, vous m’entendez ? Dernière et non des moindres qualités : une haine féroce pour François Bayrou, le pire des candidats, tout juste à même, comme ministre de l’Éducation Nationale, de mettre un million de personnes dans la rue, dont elle n’approuvera qu’un seul geste : la baffe à un petit merdouillou qui voulait lui faire les poches ! Une très grande dame. Un seul mais immense regret, Madame : que vous n’ayez jamais voulu être présidente de la République (ne parlons pas de candidature : ce n’aurait été qu’une formalité). Peut-être seriez-vous parvenu à charmer, enchanter ce peuple râleur, qui cultive son addiction à la tricherie, à la mauvaise foi, souvent prêt à applaudir les naufrageurs et les casseurs, trop fréquemment peuple de petits voleurs, peuple schizophrène qui tient par dessus tout à ne pas dire qu’il fait bon vivre en ce pays ? La France est un paradis dont les habitants se disent en enfer, entend-on ça et là. Peut-être seriez-vous devenue pour la France ce qu’Angela Merkel, Jacinta Arden ont été pour l’Allemagne et la Nouvelle Zélande ? Cette autorité naturelle si rare que leurs décisions ne sont pas remises en question, cette façon d’être la mutti d’une nation, sans avoir à élever le ton ?
Simone Veil, Simone veille, Simone éveille, Simone réveille. Simone Veil fit de sa vie de femme et citoyenne une merveille.
Bernard Pivot
C’est de ses yeux d’un vert transparent et liquide qu’on se souvient d’abord. De ses yeux si clairs, si vifs, qu’elle plantait dans les vôtres et qui semblaient exclure qu’on puisse se dérober, esquiver, mentir ou faire semblant. De ses yeux exigeants, qui avaient vu tant de choses, et dans lesquels passaient parfois des nuages et des ombres qu’elle chassait rapidement. De ses yeux comme un lac, tour à tour tristes et gais. De ses yeux qui, constamment, troublaient.
Et puis, il y avait son sourire, qui n’était pas joyeux ; un sourire poli et doux, qui affichait une fausse sérénité, camouflant – pour un temps – impatiences et agacements, tourments et tumultes intérieurs. Il y avait cette élocution rapide et un peu froide et saccadée, des phrases sans fin qui s’enchaînaient, qui s’enchaînaient, et rendaient compliquée la tâche des journalistes, notamment de radio, qui rêvaient d’un propos synthétique. Un rire, parfois, quand elle était à l’aise, en famille ou avec des amis proches. Et même quelques fous rires, j’en ai vus, avec ses copines de longue date, d’autres rescapées des camps et quelques complices de balade, d’expo, de ciné, de cigarettes, de bavardage. Entre filles, disait-elle, l’œil coquin.
Elle était magnifique et elle était complexe. Elle était combative, constamment indignée, et les conversations avec elle pouvaient être heurtées et déstabilisantes. Car elle ne cédait rien. Elle portait haut une exigence de morale et d’éthique héritée de ses parents. Et exécrait toute idée de renoncement, de capitulation et de démagogie. Elle revenait de si loin…
C’est pour un grand portrait commandé par la rédaction en chef du Monde en 1993, alors qu’elle revenait au gouvernement à 65 ans en tant que ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, que je l’ai rencontrée pour la première fois avec ma consœur Agathe Logeart. Nous avions interviewé, pendant un mois, plus d’une trentaine de personnes, d’ex-collaborateurs et des hommes politiques, d’anciens collègues de la magistrature, de l’administration pénitentiaire, du Parlement européen. Puis le cercle s’était rapproché de sa sphère intime, des rescapés d’Auschwitz, des membres de sa famille. Et ce n’est qu’à la toute fin de l’enquête que nous avions sollicité une interview et qu’elle nous avait invitées à dîner avec elle, dans la salle à manger du ministère de l’avenue de Ségur. Elle était en forme, heureuse de reprendre du service, de mettre son immense popularité au service de quelques causes au lieu de n’en rien faire, tels ces gens qui ont un magot et se font enterrer avec s’étaient moqués ses fils. Elle prenait, bien sûr, le risque de devoir danser avec Charles Pasqua un improbable tango, mais elle se faisait fort de torpiller son projet de contrôle d’identité au faciès et ne doutait pas de pouvoir peser de tout son poids dans le gouvernement Balladur, prête à claquer la porte si on ne l’écoutait pas.
C’était la première fois que je l’entendais raconter sa déportation, Auschwitz, la Shoah. Elle le faisait très peu alors – les documentaires et son livre ne viendront que plus tard – et nos questions étaient timides, devant son bras tatoué. Mais elle répondait franchement, constatant que parler demeurait difficile pour tous les rescapés : On a peur que les gens ne soient pas assez attentifs, et peur de ne pas le supporter. On a raison, même maintenant ils ne peuvent pas entendre.
Nous l’avions quittée extrêmement tard et je la revois encore, habillée de soie verte, le chignon haut comme les pommettes, rentrer chez elle à pied derrière les Invalides, balançant son sac à main au rythme de ses pas, dans la nuit chaude de cette fin de printemps.
Le hasard a fait que, la même année, l’AFJ (Association des femmes journalistes) la sollicitait pour me remettre son prix annuel récompensant un article paru dans Le Monde sur les épouses de marins-pêcheurs : Les humiliées du Guilvinec. Et les mots qu’elle avait prononcés ce jour-là à propos de la force des femmes, de leur grandeur, de leur pouvoir, de leur sororité et de leur nécessaire solidarité me trotteront longtemps dans la tête. Est-ce la conscience commune de discriminations et traditions pesantes ? Est-ce la certitude de partager une échelle de valeurs différentes de celles des hommes ? Les femmes, c’est un fait, ont une réelle facilité à vivre ensemble, reprendra-t-elle plus tard, convaincue qu’elles exercent l’autorité de façon différente et que cette différence – cette richesse – justifie l’obligation de parité dans les instances de pouvoir au moins autant que le principe d’égalité. Il faut qu’elles se lancent, disait-elle. Qu’elles écoutent leur conscience, prennent des responsabilités et s’épaulent ! Elles peuvent changer le monde.
Et puis, vous savez quoi ? ajoutait-elle. Je me sens plus en sécurité avec des femmes. Une raison ? Peut-être la déportation. Au camp, leur aide était désintéressée, généreuse. Pas celle des hommes. Et la résistance du sexe dit faible y était aussi plus grande. Et d’insister : Oui, j’ai beaucoup plus d’affinités avec les femmes. Il est si facile de parler entre nous d’émotions, de sentiments et de bien d’autres choses de la vie qui énervent souvent les hommes. Elle recherchait cette complicité, attentive aux itinéraires de femmes, toujours prête à tendre la main aux plus jeunes, galvanisante, en quête de relais. Féministe, oui, bien sûr. Elle revendiquait ce joli mot, y compris à une époque où il demeurait sulfureux pour beaucoup de femmes de sa génération. Et, toujours, évoquait l’influence de sa mère.
Yvonne. Tout venait de là. De cette maman d’une grâce hors du commun – elle ressemblait à Greta Garbo – pour laquelle elle avait nourri un amour-passion et qu’elle présentera toujours comme le personnage le plus important de ma vie. Elle m’en parlera à plusieurs reprises, émue de savoir le lien fort que j’entretenais moi-même avec la mienne, et si heureuse qu’un article de la série Chers parents, que j’écrivais l’été 2002, lui permette de l’évoquer longuement. Je suis beaucoup moins douce, beaucoup moins conciliante, beaucoup moins facile que maman ! Beaucoup moins généreuse, aussi. Car sa vie à elle n’a été dirigée que vers les autres. Peut-être suis-je… Non, pas plus gaie, car ne suis pas très gaie. Mais plus combative, moins résignée à renoncer à certains plaisirs de la vie, comme à la liberté de travailler. Maman l’a fait, sous la pression de mon père et malgré des études de chimie qui la passionnaient… Elle pouvait se priver de tout pour les autres, sans même en avoir le sentiment, encore moins le leur donner. Elle était d’une telle bonté…
Elle pouvait parler d’Yvonne pendant des heures. De sa quête insatiable de câlins et de tendresse maternelle lorsqu’elle était enfant. Et de sa révolte lorsqu’elle constatait l’emprise un brin tyrannique que son père maintenait sur son épouse et qu’elle voyait cette dernière sommée de rendre compte de sa moindre dépense : Ce sentiment de dépendance ! Ça, jamais, me disais-je !
De la mort d’Yvonne, quelques jours avant la libération du camp par les Anglais, elle ne se remettra jamais. Impossible d’accepter. Elle s’était battue comme une diablesse pour la protéger, la nourrir, la maintenir en vie coûte que coûte, dans des conditions effroyables. Mais c’est elle qui, à toutes les étapes, nous avait insufflé de l’espoir. Je ne sais toujours pas où elle a trouvé la force d’accomplir cette ultime marche de 70 kilomètres dans la neige, dévastée, malade du typhus, ne rejetant même pas le corps des malheureux qui s’agrippaient à son dos pour éviter d’être immédiatement fusillés… À ce stade du récit, sa voix faiblissait et le regard vert s’évadait. Repartait-elle dans ce convoi dantesque, cette file de détenues décharnées et chancelantes, tentant d’avancer dans la neige, menées à coups de triques et de fusils par des SS en déroute ? Ou bien revoyait-elle ce camp de Bergen où Yvonne s’était éteinte, laissant ses deux filles hagardes, mais conscientes qu’elle était allée au bout du supportable ? Sa présence était là et ne la quittait pas.
En 1995, l’année du cinquantième anniversaire de la libération des camps, elle m’invitait à me joindre à un petit voyage à Auschwitz qu’elle effectuait avec son fils Pierre-François et la famille Klarsfeld. Le temps était humide et glacé. Il n’était guère aisé de se repérer. Pourtant, elle m’avait pris le bras pour m’entraîner dans un baraquement où elle pensait avoir logé avec sa mère et sa sœur. C’était là, disait-elle sobrement. Le poêle, les koyas où l’on s’entassait, tête bêche. Peu de mots. À quoi bon ? Derrière le regard vert défilaient tant d’images auxquelles je n’avais pas accès. Il fallait renforcer l’Europe. Elle n’en démordait pas.
Enfin, en 2004, alors que Jean-Marc Roberts, le bouillant PDG de Stock, envisage de publier le texte de son fameux discours du 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale pour présenter son projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse, elle me demande de mener l’entretien complémentaire permettant de resituer le débat dans le contexte de l’époque. Nous nous rencontrerons plusieurs fois au cours de cet été, afin de reconstituer ce qui fut une extraordinaire bataille. Au nom du pragmatisme, car le désordre public était inextricable. Au nom de la détresse des femmes et de leur dignité. Elle n’avait pas soupçonné un instant la haine qu’elle allait susciter ni la monstruosité des attaques. Mais elle n’avait jamais flanché. Et même si elle demeurait convaincue que la loi Neuwirth autorisant la pilule était beaucoup plus importante par sa portée historique et philosophique, elle avouait une grande satisfaction à avoir libéré et sauvé tant de femmes. Les hommes aussi s’en souviennent, avions-nous titré le livre. Et l’idée l’enchantait d’impliquer ainsi l’autre moitié du ciel.
Sa mort sonne comme une injonction. À se souvenir. Se montrer vigilant. Poursuivre ses combats. Et ne jamais rien lâcher. L’espérance européenne, l’émancipation des femmes, l’aide aux persécutés… Jusqu’au bout, elle a fait tout ce qu’elle a pu pour témoigner, tisser des ponts, prôner des solidarités. Son histoire nous oblige. Son courage interpelle. Cette Européenne debout, au regard si clair, a besoin de relais.
Annick Cojean. Le Monde du 2 juillet 2017
06 2017
Signes des temps :
Un torero est tué d’un coup de corne fatal du taureau qu’il toréait. Protestations des aficionados : C’est insupportable. Tuons le taureau : et le taureau sera tué, puis pendu, ah mais ! Mais ayez confiance, bonnes gens, Brigitte Bardot lance une pétition pour que la réciproque s’applique aussi, et quand elle aura réuni 100 000 signatures, la mort d’un taureau entraînera automatiquement la mort par pendaison du torero : ah mais !
Le Queen Elisabeth II, un temps le plus grand paquebot du monde se lance dans la traversée de l’Atlantique avec comme compétiteurs 4 des plus grands cata et trimarans du monde : aussi grotesque que de mettre en compétition un planeur et un avion à hélice, une voiture et un patineur ! Que ne ferait-on pas pour avoir du spectaculaire à la télé !
À Singapour, les autorités responsables de la circulation mettent au point une signalétique au sol qui empêche les piétons scotchés à leur smartphone de se faire taper par les voitures en traversant la rue !
En mars 2018, La prière, un film de Cédric Kahn, mettra en scène un garçon de 22 ans, ancien drogué qui rejoint une communauté qui se voue au retour à une vie normale de ses membres, tous venus du même univers, tout cela sur fond de solidarité, d’amour de l’autre et patati et patata et d’un quotidien assez proche de celui d’une maison de redressement. Un beau jour d’hiver, sortie pour faire un sommet des environs, déjà bien enneigé : ce n’est pas de l’escalade, mais tout de même de la randonnée plutôt difficile. À la descente le héros du film se laisse distancer par le groupe, se retrouve seul, la nuit arrive et voilà notre garçon qui a déjà fait une bien mauvaise chute, obligé de bivouaquer. Il se sortira d’affaire au réveil. Cédric Kahn présente cela comme une mésaventure qui arrive à un jeune qui s’est tout bonnement perdu, alors que ce jeune ne s’est pas perdu, mais a tout simplement été abandonné par ses camarades. Il s’agit ni plus ni moins que de non-assistance à personne en danger ; et cela, aucun critique ne le relèvera alors que cet épisode vient décrédibiliser tout le film, car il en fait exploser toute la pseudo-solidarité : en fait l’épisode n’a révélé qu’un profond chacun pour soi. Vous avez dit critique ? On vous dirait plutôt courtisans, flagorneurs.
En août 2021, Bruno Dumont sortira France, avec Léa Seydoux dans le rôle titre. Son mari est en Corse au volant d’un bonne voiture avec son fils sur une ravissante petite route qui surplombe le littoral d’une petite centaine de mètres. La route est étroite et très sinueuse : il est impossible d’y rouler vite. Le pneu avant crève et voilà que, contre toute vraisemblance, la voiture se met à tanguer, puis à faire des tonneaux, comme si elle avait été lancé à 140 km/h ! Mais là n’est pas le problème, le problème c’est que le dernier tonneau l’amène dans le pare-choc d’un camion qui arrive en face et là, plutôt que de prêter au chauffeur une attitude normale en stoppant le camion, en descendre le chauffeur pour vérifier si les occupants sont encore vivants, Bruno Dumont prête au chauffeur un comportement de criminel, puisque non seulement il ne s’arrête pas mais il pousse la voiture dans la pente, qui reprend ses tonneaux pour s’immobiliser cinquante mètres plus bas, pendre feu, comme ça, on est bien certain que père et fils sont morts. Le chauffeur, on ne le voit jamais, c’est peut-être un Noir, c’est peut-être un Arabe, peut-être un Métro, mais peut-être aussi un Corse ; mais on est sûr que c’est un criminel ; pourquoi avoir tourné cette scène, d’une insupportable accusation parfaitement gratuite, sans preuve aucune. C’est parfaitement odieux ! Espérons que les Corses le diront haut et fort !
Gerardo Ceballos, Paul R. Ehrlich, Rodolfo Dirzon ont examiné 27 600 espèces animales de notre planète terre et en ont publié les résultats dans Proceedings of the National Academy of sciences : le résultat est accablant : 58 % des vertébrés ont disparu en quarante ans. Les lions d’Afrique, qui ne vivent plus que sur 25 % de leur aire initiale sont aujourd’hui 35 000 : ils étaient 200 000 au milieu du XX° siècle. Les éléphants d’Afrique étaient à peu près 20 millions en 1900, 1 million dans les années 1970, 352 000 aujourd’hui ; 29 % des espèces animales sont menacées ; la moitié de ces 29 % risque l’extinction. Chez nous, le chardonneret a vu ses effectifs diminuer de 40 % en 10 ans ! etc etc…etc…[1]
Les responsables : le jardinier du dimanche comme l’exploitant céréalier et leur Roundup, l’agriculture de masse, la déforestation, l’extraction minière, l’urbanisation, la pollution, la surpêche, le braconnage, etc etc… Wayne Lotter, le Sud Africain qui aura consacré le principal de sa vie à la défense des éléphants sera assassiné le 16 août 2017 à Daar es Salam, capitale de la Tanzanie, le pays où ils sont les plus nombreux : 109 000 en 2009, 43 000 en 2014.
4 07 2017
Dès 2018, la vaccination deviendra obligatoire pour les nouveau-nés : une seule injection contiendra 11 vaccins : les médecins libres et indépendants parlent d’aberration. Les labos se frottent les mains devant les profits escomptés. Là encore Emmanuel Macron se soumet aux seules pressions des grands laboratoires. La santé des enfants ? pftt !
20 07 2017
Poussé à la démission par Emmanuel Macron, le général Pierre de Villiers, [frère cadet de Gérard] chef d’Etat Major général de l’armée de terre, passe à l’acte : je ne vais pas me faire baiser comme ça, avait-il lancé en petit comité les jours précédents. Premier très gros faux pas d’Emmanuel Macron qui met ainsi en pleine lumière son immaturité : on va bien voir qui c’est qui commande dans cette maison, nom de Dieu !
1 08 2017
La Chine inaugure une énorme base – on parle de 10 000 hommes – à Djibouti, avec armes de dernier cri, – blindés 095 et 90 II, – navires de guerre et tutti quanti, à 7 kilomètres de la base américaine. Mais il va leur falloir aussi apprendre à traiter avec un pays dont le gouvernement est corrompu de la cave au grenier, qui n’hésite pas à remettre en question les accords de construction de deux aéroports. On parle d’un investissement de 14 milliard de $, dont le port polyvalent de Doraleh, la ligne de chemin de fer et oléoduc de Djibouti à Addis Abeba, en Éthiopie, la zone franche de Djibouti.
3 08 2017
Pour 222 millions €, le FC Barcelone vend Neymar Da Silva Santos Junior, au PSG. Le plus gros transfert du monde du football. Trois semaines plus tard, c’est Monaco qui vendra Kylian Mbappé au PSG pour 188 millions € et un salaire de 700 000 €/mois. Kylian Mbappé n’a pas 20 ans. Qui saura et pourra mettre un terme à cette indécente folie ? Il y a bien une solution, mais elle n’existe que sur le papier, car totalement irréaliste : que les retransmissions des match de foot ne trouvent plus aucun téléspectateur pour les regarder : en un an, les recettes publicitaires disparaîtraient, et la structure s’effondrerait. Mais faut pas rêver.
15 08 2017
À la gare Fort d’Issy-Vanves-Clamart, on pose le toit : une dalle de béton de 60 mètres de long sur 40 de large : 7 000 tonnes : c’est à peu près le poids de la Tour Eiffel. Il s’agit d’un des premiers travaux du Metro Grand Paris Express, qui sera opérationnel vers 2030 : plus de 200 km construits autour de la capitale pour rendre vivable la vie des Parisiens qui doivent traverser Paris de part et part chaque jour pour joindre leur domicile et leur lieu de travail. Au pic des travaux, vers 2021, 250 chantiers seront en cours, 24 tunneliers fonctionneront en même temps. Versailles-Chantiers, Orly, Champigny-Centre, Noisy-Champs, Clichy-Montfermeil, le Bourget RER, Le Mesnil-Amelot, Saint Denis Pleyel, La Défense, Pont de Sèvres. Coût actuel : 28.3 milliards €. En 2010, il était de 22 milliards, en septembre 2017 il sera estimé à 35 milliards. La France est plus en plus souvent au premier rang en matière de dérapage budgétaire non contrôlé : l’accoutumance au double langage, à la mauvaise foi, à la triche… que rien ni personne ne viennent jamais sanctionner. Ce n’est rien d’autre qu’une forme déguisée de corruption.
Pour l’instant, cette métropole annoncée ressemble surtout à un super réseau de métro. Si celui-ci permet de relier plus facilement les zones déjà urbanisées, je ne peux qu’approuver. Si l’on construit des gares au milieu des champs – comme au triangle de Gonesse, où l’on projette de développer je ne sais quelle folie nommée Europa city -, je trouve ça plus problématique. Mais ce qui me gêne le plus, c’est le périmètre que l’on donne à ce Grand Paris : s’il se résume à la ville dense, la petite couronne – et tourne le dos à la campagne, je ne donne pas cher de sa peau. Toute cité a besoin de fonder son existence sur un rapport à la campagne. Paris est forte et puissante parce qu’elle est implantée sur les meilleures terres du monde. Le sol est la véritable ressource. Est-il cohérent que le terrain à bâtir coûte cent fois plus cher qu’un terrain agricole d’excellente qualité ? Non. La disparition de ce paysage de culture a non seulement des répercussions sur l’autonomie alimentaire, mais aussi sur l’équilibre philosophique, mental entre la ville et la campagne. Il ne faut plus artificialiser un seul hectare de terre en Ile-de-France ! Tout le monde le dit, personne ne le fait.
Dans la Palais public de Sienne, une série de fresques peintes vers 1338 par Ambroglio Lorenzetti et intitulée Allégorie du bon et du mauvais gouvernement, montre d’un côté la ville en guerre et la campagne prospère, de l’autre la ville en paix, et la campagne dévastée. Déjà, à l’époque, on savait que le destin de l’une, est lié à celui de l’autre. Comment établir entre elles un rapport paisible ? Comment considérer l’aménagement du territoire comme autre chose qu’une guerre de conquête de la ville sur la campagne ? Je suis atterré de voir que les lieux de sociabilité sont aujourd’hui les ronds-points ou les centres commerciaux. Effrayé de voir toujours plus de lotissements pavillonnaires et de plateformes logistiques manger les champs et les prairies. Dans cette ambiance délétère, je ne peux me défaire de cette angoisse décrite par l’écrivain Jean Rolin dans les Evénements (POL 2015). Il y raconte son errance dans une France vivant une guerre civile larvée. Car chaque rue, chaque quartier, chaque village se replie par peur de l’autre. Une situation qui n’est pas sans rappeler l’ex-Yougoslavie. Sarajevo ressemble à l’une de nos villes : elle accueillit dans la liesse les jeux Olympique d’hiver en 1984 et sombra huit ans plus tard dans un conflit atroce. Je crains que l’on ne soit au cœur d’un choix crucial : la guerre ou la paix. Si l’on veut la paix, la ville doit absolument cesser de s’étendre au-delà des limites qu’elle a déjà outrepassées.
Alexandre Chemetov, architecte, [fils de Paul, l’architecte de Bercy]. Télérama 3616 du 01 05 2019
18 08 2017
Attentat sur les Ramblas de Barcelone, attentat à Cambrils, une centaine de km au sud : 14 morts, 128 blessés. La veille, à Alcanar, 200 km au sud de Barcelone, sur la côte, une villa bourrée de 200 bouteilles de gaz et d’explosifs avait explosé sans doute suite à une erreur de manipulation. En marge de l’horreur, il faudra bien que l’enquête détermine si la police de Barcelone a tenu compte des mises en garde venue de Madrid…
25 08 2017
3,1 millions de m³de roches s’effondrent du Piz Cengalo, en Suisse ; l’écroulement fait fondre instantanément le glacier situé en dessous, transformant l’avalanche rocheuse en lave torrentielle – énormes volumes de sédiments charriés par de l’eau. Bilan : huit randonneurs morts et cent bâtiments détruits.
Un glissement de terrain avec avalanche a été filmé par Michele Battoraro sur le Piz Cengalo à la frontière italo-suisse. #Suisse#Alpespic.twitter.com/mQDwI26wdG
Du jamais vu dans la mer des Caraïbes : Irma, un ouragan de catégorie 5, la plus élevée sur l’échelle de Saffir-Simpson, s’abat sur l’île franco-hollandaises de Saint Martin, puis sur l’île de Saint Barthélémy : des rafales à 360 km/h, des vagues de 12 m. L’origine tient à la température moyenne de l’eau – 29° – plus élevée que la moyenne saisonnière. Après Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Irma partira vers l’ouest-nord-ouest, les Îles Vierges américaines, Porto Rico et les îles britanniques de Turks-et-Caïcos, puis, le nord de la République dominicaine et de Haïti et Cuba, les Bahamas, avant de toucher le sud de la Floride ; d’une vitesse de 28 km/h au départ, il finira vers les 15 km/h.
Si la population n’avait pas été prévenue, le bilan humain aurait été beaucoup plus lourd : 25 morts dans les Caraïbes, dont 10 dans la partie française de Saint Martin, 2 dans la partie hollandaise, 4 dans les îles Vierges américaines, 6 dans les îles Vierges britanniques et l’archipel d’Anguila, 2 à Porto Rico, un à Barbuda. Par contre, selon les premières estimations à chaud [données par le président du Conseil territorial]le bilan matériel serait catastrophique : 95 % du bâti touché, 65 % des maisons inhabitables, centrales électriques, usine dessalement d’eau de mer très endommagées ; la reconstruction prendra plusieurs mois ; réseau eau et électricité et téléphone partiellement détruits, infrastructures et bâtiments publics bien touchés ; des secours ont été envoyés rapidement de la Martinique, mais ce n’était pas ceux qu’il fallait, car le principal fléau va vite se révéler être le pillage, face auquel les forces de l’ordre sont impuissantes, quand ce n’est pas consentantes, les voyous leur disant : laissez-nous faire et on partagera…. Quand les forces de l’ordre arriveront en nombre, il n’y aura sans doute plus rien à piller. En fait des architectes de l’Association de l’urgence rendront un état des lieux le 20 septembre assurant que seule 5 % des bâtiments ont été détruits ou sont en totalité inutilisables. Entre les outrances de l’info à chaud et la réalité, il y a comme d’habitude un grand pas ; cette fois-ci, ce n’est plus un pas, c’est un vrai fossé. Tout le monde avait vu arriver cet ouragan et personne parmi les décideurs n’a voulu voir que la première chose à faire c’était d’envoyer les forces de l’ordre : souhaitons que cet ouragan ait aussi fait exploser les tours d’ivoire en lesquels ils sont enfermés, sourds et aveugles ! On ne peut croire que ceux qui connaissant ces îles ne les aient pas averti de ce danger. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, tout comme il n’y a pire aveugle que celui qui se refuse à voir le réel. L’Etat accordera 500 000 € mais reprendra de la main droite ce qu’il accorde de la main gauche, en imputant sur cette somme le coût du transport des secours ! Les matériaux de reconstruction arriveront avec une lenteur désespérante et les rivalités politiques entre sarkozistes et macronistes ne feront qu’ajouter à la pagaille !
C’est le Mexique qui sera le plus meurtri de cette nature en furie sous les eaux autant que dans l’atmosphère : le 7 septembre, un séisme fait près de 80 morts dans l’Etat d’Oaxaca, avec un épicentre dans le Pacifique, à 100 km au large de Tonala, dans l’Etat du Chiapas. Et une autre secousse, beaucoup plus meurtrière, quinze jours plus tard, à Mexico, avec au moins 230 morts.
7 09 2017
Le satellite Athena-Fidus a été lancé en 2014 ; il compte parmi les plus sophistiqués dont dispose la France. Ce gros bébé (3 tonnes) possède 14 antennes permettant des télécommunications à très haut débit (3 gigabits par seconde) et surtout cryptées, en bande K. Il sert avant tout de relais pour gérer les situations de crise sur les terrains où se trouvent nos troupes, notamment pour réaliser des visioconférences, établir des diagnostics médicaux à distance ou surtout, réceptionner les images acquises par nos drones. En orbite géostationnaire à 36 000 km d’altitude, il fait tranquillement le job quand ce jour-là, il se voit approché de près, de très près même par un autre satellite, qui ne tourne pas en orbite géostationnaire, mais prend des trajectoires avec des objectifs précis mais différents chaque fois, comme un jeune chien qui part dans le petit matin frais renifler tout ce qui est à la portée de son radar d’odeur ultra sophistiqué : ce satellite Luch Olymp, comme son nom ne l’indique pas, est russe. La drague a été photographiée depuis le sol par GEOTracker, un réseau de 6 télescopes (Chili, Espagne, France, Australie), conçu par Ariane Group qui loue ses services au Commandement interarmées de l’espace (CIE). C’est un espion qui tente de siphonner les données contenue dans le satellite approché. Athena-Fidus dissuada Luch Olymp en lui envoyant une bonne giclée d’acide sur les antennes, lesquelles se tirebouchonnèrent lamentablement : devenu irréparable, Luch Olymp fut abandonné par ses concepteurs, condamné à errer dans l’espace à jamais, odorat perdu pour toujours. La France avait eu un bon scandale avec ses avions renifleurs dans les années 1980 – ils étaient censés renifler les gisements d’hydrocarbures -. Aujourd’hui, ce sont les satellites qui sont devenus renifleurs
En amour comme à la guerre, pour conclure, il faut se voir de près.
Bonaparte
Cet épisode d’approche inamicale que dénoncera Florence Parly, ministre de la Défense en 2019 n’est pas une première. Elle semble même récurrente. Il y a deux ans, durant une audition parlementaire, le général Jean-Daniel Testé qui se trouvait à la tête du commandement interarmées de l’espace avait fait état de plusieurs manœuvres similaires en 2011, 2013 et 2015. Son successeur au CIE en 2017, Jean-Pascal Breton a réitéré ces déclarations toujours à l’Assemblée nationale. En ce sens, aujourd’hui, les spécialistes ont la certitude que les grandes puissances – Russie, Chine et États-Unis -, ont, ces dernières années, multiplié les systèmes destinés à aller écouter et observer de près les satellites des autres pays. La guerre des étoiles ne fait que commencer.
12 09 2017
Dans son chantier d’Izmit, en Turquie, la Calypso de feu le commandant Cousteau, est victime, sans gravité majeure d’un incendie. Toute la coque en bois avait déjà été refaite. Mais l’Equipe Cousteau, présidée par Francine Cousteau, 74 ans, ne s’avouera pas vaincue et poursuivra avec obstination les travaux.
Juin 2019
13 09 2017
Pour la cérémonie officielle d’attribution des J.O. pour 2024, alors que l’affaire était entendue depuis longtemps, Anne Hidalgo emmène avec elle, non seulement Tony Estanguet, chef de la délégation mais encore 320 personnes qui claqueront 1.5 millions € entre hôtels et restaurants de luxe, champagne à gogo et Boeing spécialement affrété. Seuls 60 membres accrédités de la délégation pourront entrer dans le centre de conférence de Lima : les autres devront regarder la cérémonie à la télé ! Cette addition salée a été payée par le GIP (Groupement d’intérêt public) Paris 2024, financé à 50 % par des deniers publics ! Y en a t-il seulement un, un seul qui ait refusé la proposition, pour sauver l’honneur ? Tout ça une semaine après qu’Irma ait ravagé Saint Martin et Saint Barthélémy ! Et quand, un an plus tard, le gouvernement pour lequel cette affaire était restée en travers de la gorge, amputera le budget 2019 de la Jeunesse et des Sports de 30 millions €, soit une baisse de 6.2 %, et demandera la suppression de 1 600 postes de personnel d’encadrement d’ici 2022, tout ce petit monde de faux-culs poussera des cris d’orfraie…
Je me goinfre Tu te gaves Il ou elle s’empiffre Nous nous envoyons en l’air Vous vous la jouez Ils et elles s’la pètent
14 09 2017
Inauguration d’un chantier de Shinkansen – le train à grande vitesse japonais – pour relier Ahmedabad à Bombay, en Inde : le trajet de 509 km se fera en 3 heures, contre huit actuellement. La Japon a avancé 80 % des 14.5 milliard € de l’enveloppe globale. La quasi-totalité de la ligne sera surélevée pour éviter les coûts d’acquisition des terrains. Se dessine là une âpre concurrence avec les nouvelles routes de la soie chinoises.
21 09 2017
Lorsque l’hôpital se met à écouter, à entendre, à cesser de se barricader derrière ses certitudes de médecine allopathique et qu’il découvre au sein de son propre personnel des gens qui ont une véritable vocation de soignant, vocation culturellement amplifiée par un respect du grand âge venu de son milieu d’origine, les résultats font rêver :
C’est un privilège plutôt rare : un poste d’infirmière aux missions radicalement nouvelles a été créé pour Isabelle El Khiari, en février 2017, par le pôle gériatrique de l’Essonne (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Un poste étonnant, dans le paysage très cartésien de la médecine occidentale. Jugez-en : il est consacré à une infirmière clinicienne spécialisée dans les approches de soins complémentaires, dans deux hôpitaux, Joffre-Dupuytren et Georges-Clemenceau (CHU Henri-Mondor).
En clair, Isabelle El Khiari est chargée de développer une prise en charge globale des personnes âgées en faisant appel, si besoin, à ces soins complémentaires. Parmi eux, l’infirmière a recours à une panoplie de techniques centrées tantôt sur la respiration (relaxation, sophrologie), tantôt sur le corps (massages, réflexologie, méthodes dérivées de l’ostéopathie…) ou sur la sphère émotionnelle et sensorielle (aromathérapie, fleurs de Bach…).
Cette autodidacte de 48 ans se qualifie volontiers de révolutionnaire dans l’âme. Son parcours est à contre-courant des cursus classiques. Et ses enthousiasmes à rebours du jeunisme ambiant. Je suis une passionnée de gériatrie. Peut-être parce que je n’ai pas connu mes grands-parents. À 18 ans, elle rencontre ses premiers patients âgés lors d’un remplacement de vacances à l’hôpital. Une révélation. Ces personnes âgées, je les voyais comme des sages : elles ont plein de choses à nous transmettre. Mais beaucoup sont isolées, se sentent inutiles. Je me suis dit qu’on pourrait se compléter : cela a donné du sens à ma vie. Le milieu hospitalier ne lui était pas inconnu : sa mère était aide-soignante et son père travaillait dans des services techniques hospitaliers.
Elle gravira peu à peu les échelons de la hiérarchie, étoffant patiemment sa gamme de prises en charge. Tout d’abord, elle entame une formation d’aide-soignante, un métier qu’elle pratiquera trois ans. Puis elle suit un cursus d’infirmière, après des remises à niveau nécessaires : Je n’avais ni le bac ni le brevet des collèges. Son diplôme en poche, à 28 ans, elle exerce neuf ans en soins de suite et réadaptation, en médecine gériatrique, en unité de soins palliatifs…
La gériatrie, c’est un vrai challenge. Les personnes âgées sont souvent polypathologiques. Ces situations complexes m’obligent à aller chercher de nouvelles informations, à découvrir de nouvelles techniques… D’où la série de formations qu’elle enchaîne, en parallèle de son activité d’infirmière.
Elle suit d’abord un diplôme de soins palliatifs et d’accompagnement, puis trois certificats d’éthique. De 2006 à 2017, elle exerce au sein d’une équipe mobile de soins palliatifs douleur. Isabelle connaît très bien les prises en charge classiques et médicamenteuses de la douleur, témoigne Nathalie Bachalat, médecin gériatre. Mais très vite, elle nous a proposé des approches complémentaires. C’est qu’à partir de 2009, l’infirmière se lance dans une succession de masters, certificats et diplômes divers en sophrologie, aromatologie, ortho-bionomie (un dérivé de l’ostéopathie)…
La première fois que je l’ai vue pratiquer, raconte la docteure Bachalat, c’était pour un de mes patients extrêmement stressé et douloureux. On ne savait plus quoi faire. Isabelle lui a fait un massage californien. Et j’ai vu mon patient s’endormir comme un bébé, puis rester apaisé des heures. J’ai beau être cartésienne, cela m’a semblé miraculeux.
Les approches complémentaires ont une plus-value en cas de refus de traitements, de non-observance, de contre-indication ou d’allergie aux médicaments, ou quand ces derniers ne sont pas efficaces. Mais aussi quand le patient est en demande de ces soins. Or c’est un signe des temps : ces soins séduisent de plus en plus. Car malgré ses nombreux succès, la médecine occidentale a montré ses limites. Ce qu’elle a gagné en technique, elle l’a perdu en humanité. D’où, sans doute, cet engouement pour les approches corps-esprit, qui prennent en charge les personnes dans toutes leurs dimensions, biologiques mais aussi psychiques.
Au vrai, depuis une dizaine d’années déjà, les hôpitaux français se sont ouverts à ces approches. Les patients subissent souvent leur hospitalisation avec un sentiment d’impuissance. Grâce à ces soins, ils peuvent mieux s’impliquer dans leurs projets de soins personnalisés, redevenir plus autonomes, estime Isabelle El Khiari. Par exemple, ils peuvent pratiquer un automassage sans attendre l’aide d’un tiers. Mais les soins non conventionnels ne se substituent pas à la médecine classique, souligne-t-elle. Ils s’insèrent dans un travail d’équipe, associant médecins, infirmières, psychologues et personnels paramédicaux. Avant et après mon intervention, je débriefe avec l’équipe.
À la suite d’un entretien avec le patient, je reformule ce qu’il m’a dit, nous validons ce diagnostic infirmier et cherchons ensemble des solutions. Parfois, une écoute active suffit. Je peux aussi lui proposer des soins complémentaires, selon ses besoins et ses ressources. La sophrologie, par exemple, est adaptée aux personnes qui fonctionnent sur un mode intellectuel.
On imagine, non sans frémir, les résistances auxquelles ces approches ont dû se heurter, dans ce temple de la rationalité qu’est l’hôpital. Optimiste invétérée, Isabelle El Khiari dit ne jamais les avoir ressenties. J’ai toujours été centrée sur le patient et sur mon rôle d’infirmière, en complémentarité et en partenariat avec les médecins. Ils savent que je me suis formée à ces approches, ils ont confiance.
Sans doute est-elle arrivée au bon moment. Les esprits commencent à changer, mais il y a cinq ou six ans, beaucoup ont dû se dire : Elle est folle ! Je me souviens d’un médecin qui, arrivant au bloc opératoire avec ses huiles essentielles, était la risée de tous… , nuance Manuela Ortiz, ex-présidente de la collégiale des infirmières consultantes douleur de l’AP-HP. Malgré des résistances, confirme Annabel Gaillochon, psychologue clinicienne, la détermination, la créativité et le perfectionnisme d’Isabelle El Khiari lui ont permis de développer ses pratiques.
La docteure Bachalat fait très facilement appel à Isabelle. On se rend vite compte, chez certains patients, que les seuls médicaments ne suffiront pas. Isabelle apporte son écoute, en plus de celle des médecins et des psychologues, et ses méthodes naturelles, explique-t-elle. Cela ne peut faire que du bien. Et j’avoue que ça marche souvent. Et puis, cela évite l’escalade médicamenteuse, voire permet une désescalade. Selon elle, 60 % à 70 % de ses patients font appel à ces soins.
Ces méthodes participent au soulagement de certains symptômes comme l’agitation, l’angoisse, la tristesse ou le ressenti douloureux, assure Annabel Gaillochon. J’ai régulièrement sollicité Isabelle El Khiari pour prendre en charge des patients hospitalisés en soins de longue durée, quand j’observais les limites d’une prise en charge psychologique axée sur la parole, chez les patients atteints de maladies neurodégénératives, notamment.
Les proches des malades, mais aussi le personnel soignant, peuvent bénéficier de ces soins. Débordante d’énergie, Isabelle El Khiari a déjà ainsi reboosté une équipe hospitalière par de brèves séances d’automassage. Elle intervient aussi dans des modules de formation de l’AP-HP – c’est d’ailleurs une de ses missions. Ce nouveau poste va permettre de faire évoluer les mentalités, se réjouit Manuela Ortiz.
Isabelle est extrêmement attachante, lumineuse, toujours souriante. On se sent en sécurité avec elle, on ne peut qu’adhérer à son enthousiasme. Et les patients l’apprécient beaucoup, témoigne la docteure Bachalat. Elle est la joie de vivre, contagieuse. Elle a aussi cette empathie, toujours au service du patient, sans compter ses heures, renchérit Manuela Ortiz.
Cette passionnée de voyages et de sport (randonnée, rafting, VTT…) profite de ses pérégrinations pour approfondir ses passions. Au Québec, elle s’est formée à des techniques de respiration ; en Inde, à la médecine ayurvédique… Elle rêve d’une société plus accueillante pour les personnes âgées. Ce serait bien de favoriser les rencontres entre générations…
[1] Point n’est besoin d’un gros rapport pour constater que le système déraille. Il y a à peu près 20 ans, lorsque vous faisiez trois ou quatre heures de voiture au printemps ou en été, il vous fallait alors vous arrêter pour nettoyer votre pare-brise de tous les moustiques qui s’y étaient écrasés ; aujourd’hui, vous n’avez plus à vous arrêter pour cette petite corvée : il n’y a plus de moustique, votre pare-brise est propre.