Publié par (l.peltier) le 27 décembre 2008 | En savoir plus |
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Imhotep [1], grand prêtre d’Héliopolis, chancelier du roi de Basse Égypte, premier ministre et génial architecte du roi Djoser, construit la première pyramide à degrés (6) sur le plateau de Saqqarah, proche de la future Memphis, à la naissance du delta, en basse Égypte. Il emploie du calcaire blanc de Tourah ; c’était en fait un tombeau construit tel un escalier monumental vers le dieu Rê, au ciel. Il pratique aussi la médecine, l’astronomie et écrit un recueil d’enseignements moraux : les Instructions, qui marquent un progrès fondamental de la langue : les phrases sont construites, avec sujet, verbe et complément. Il sera plus tard adoré comme un dieu issu de Ptah, le dieu de la Terre émergée qu’il façonna sur un tour de potier.www.saqqara.culture.gouv.fr
Les pyramides à degré de Sakkara, si étrangement semblables à celles du Yucatan (mais que le sang des victimes ne souilla point), nous révèlent l’Égypte naissante, vieille de six mille ans. Au grand désespoir des Grecs, on y a mis au jour cet hiver des colonnes cannelées à chapiteau dorique, de vraies colonnes grecques, mille ans avant le Parthénon, ce qui bouleverse toute l’histoire de l’architecture… Qui croit encore aujourd’hui que la liste des trente pharaons connus épuise les annales de l’Égypte ? Au premier d’entre eux, l’Égypte était déjà douée d’un art, d’une écriture, d’une religion, d’une civilisation incomparables, et ce qui émerge permet de deviner un passé très lointain chargé de traditions disparues ; on rêve à l’Atlantide et plus loin encore à cette race de demi-dieux des temps héroïques.
Paul Morand. D’Alexandrie au Caire 1931
Très tôt, les Égyptiens ont accordé plus d’importance à assurer la pérennité de leur vie outre-tombe qu’à l’acquisition de richesses matérielles. Toutefois, pour exprimer aussi abondamment leur vie, ils ne manquaient pas de ressources : granit rose dans les carrières d’Assouan[2], grès en Haute Égypte, schiste au Ouadi Hammamat (piste en Haute Égypte vers la Mer Rouge) albâtre à Hatnoub, calcaire surtout au nord, et encore : basalte, diorite, serpentine, porphyre, stéatite. Le limon du Nil permettait une fabrication facile de la brique. Et parmi les métaux, de l’or, bien sur (au Sinaï), mais aussi du cuivre et des pierres précieuses : malachite, turquoise, émeraude, améthyste, cornaline, jaspe de Nubie, lapis-lazuli, tribut de l’Asie. Pour construire les traîneaux à même de transporter les matériaux, ils allèrent jusqu’à l’actuel Liban se fournir en cèdre. Et tout cela avec un calendrier serré : la fonction même de tombeau impliquait un délai très court entre la décision de construire et la fin des travaux. On décidait de construire quand le souverain montait sur le trône et on ne pouvait s’accorder un délai de plus de vingt ans pour terminer le tout : c’était une véritable course contre la montre ! Et donc on construisait exactement comme on avait conçu le monument. Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec nos chantiers de cathédrales, 36 siècles plus tard, pour lesquels il n’y avait pas cet aspect d’urgence, et donc qui permettait de laisser évoluer le projet initial en fonction des progrès techniques et de conceptions apparus pendant la durée de construction.
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Shen Nung, empereur de Chine, se repose à l’ombre d’un théier sauvage quand quelques feuilles tombent dans sa boisson préférée : de l’eau bouillie. Après l’avoir bue, il ressent immédiatement les bienfaits de cette infusion : Le thé éveille les humeurs et les pensées sages. Il rafraîchît le corps et apaise l’esprit. Si vous êtes abattu, le thé vous rendra force.
Le principe de l’infusion, et même de la décoction était né. Après avoir consommé pendant plusieurs années cette boisson, le même empereur inventa la charrue.
La civilisation chinoise, civilisation essentiellement agricole, civilisation des labours, est née du lœss du nord-ouest et des alluvions du nord-est, comme la civilisation égyptienne ou la civilisation babylonienne sont nées du limon du Nil ou du limon mésopotamien.
[…] Une autre divinité est le Comte du Fleuve, c’est à dire du fleuve Jaune. Par ses crues périodiques, par le dépôt de son limon, il faisait la richesse de la glèbe avoisinante comme la crue du Nil faisait la fortune de l’Égypte. Mais le fleuve Jaune restait un bienfaiteur redoutable dont les débordements et, sur son cours inférieur, les divagations, pouvaient à chaque instant causer d’effroyables désastres. Il devait être incessamment surveillé, précautionneusement endigué, assagi par des canaux de dérivation. Une des fonctions essentielles du roi chinois, comme du pharaon égyptien ou du souverain mésopotamien, consistait dans ce métier d’ingénieur hydraulicien, constructeur de canaux d’irrigation, de barrages et de digues. En dépit de ces précautions constantes, on ne pouvait se fier au fleuve. Ville et bourgades évitaient l’immédiate proximité de ses rives. Pour apaiser le Comte du Fleuve, on lui sacrifiait chaque année un certain nombre de jeunes gens et de jeunes filles précipitées dans le flot.
René Gousset, Sylvie Renaud-Gatier. L’Extrême Orient 1956
Le labour est l’une des plus anciennes et des plus précieuses inventions de l’homme ; mais bien avant qu’il n’existât, la terre était en fait régulièrement labourée, et continue d’être ainsi labourée par les vers de terre.
Charles Darwin
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Les Incas consomment déjà du chocolat. Les Aztèques y viendront aussi, plus tard : il faut croire que c’était alors monnaie courante puisqu’ils se servaient de fèves de cacao pour payer leurs impôts. Et chocolat vient de l’aztèque tchocolatl qui signifie boisson des dieux.
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Aux pieds du Fineilspitze, dans le Massif de l’Ötztal, en Italie, à 90 mètres de la frontière autrichienne, à l’ouest des Dolomites, un homme de 46 ans, est aux abois ; il mesure 1,58 m, pèse 50 kg, il n’est pas bien loin de chez lui, le Val Venoste, à 20 km de là. Il souffre de rhumatismes et d’une maladie proche de la malaria. Ses poumons sont encrassés par la fumée de sa maison, à moins que ce soit par les fumées de son atelier de forgeron : c’est l’analyse de ses cheveux qui révélera de fortes teneurs en cuivre, manganèse, nickel et arsenic, autant de traits caractéristiques d’un atelier de chaudronnerie. Il a des tatouages en des points du corps reconnus par l’acupuncture : 65 traces parallèles et 2 croix, réalisées par insertion d’une poudre de charbon de bois. Le séquençage total de son génome conclura à des cheveux et des yeux bruns, à une intolérance au lactose ; il a une prédisposition génétique à l’artériosclérose et à des maladies cardiovasculaires. Il est aussi porteur de la bactérie de Lyme. Il est mort après la floraison, en mai ou juin ; son dernier repas est un brouet de céréales et de la viande de bœuf et de bouquetin. Il a dans les intestins des tricheris (des vers intestinaux) ; on retrouvera plusieurs végétaux séchés à usage médicinal sur une lanière de cuir, dans un petit fourreau en tissu d’orties. Pourquoi est- il donc monté si haut ? sans doute pour se procurer du minerai. Un adversaire le poursuit ; il prend arc -1,80 m, en if – , flèches et poignard et s’en va. Il va se battre : deux côtes cassées, une pointe de flèche dans l’épaule gauche, une blessure à la main droite. Affaibli, il s’arrête, perd du sang et meurt rapidement. Le glacier de Similaun, dans le haut Adige italien le gardera pendant 5 320 ans dans une glace immobile de par le relief sur lequel elle se trouvait, et qui, en fondant, l’amènera au jour à 3 210 mètres d’altitude, quand Erika et Helmut Simon, alpinistes de Nuremberg le découvriront le 24 septembre 1991 : on retrouvera une panoplie de plus de 400 objets autour de lui : vêtements, silex, hache de cuivre etc… on le nommera alors Ötzi, en référence au nom du massif. Il se trouve au musée de Bolzano, et visible sur www.icemanphotoscan.eu/ et www.iceman.it/ Arte lui consacrera un film en 2023 : guerre interclanique, obsession permanente de l’ennemi, chasse, reproduction : les fondamentaux sont tous là.
Nouveau rebondissement en octobre 2010 : selon Alessandro Vanzetti, archéologue italien, Ötzi, aurait été tué au combat au printemps dans une vallée ; embaumé, son cadavre aurait été transporté en montagne à la fin de l’été. La multiplicité des objets retrouvés autour de lui comme la grande qualité de ses vêtements signifierait que les funérailles auraient été celles d’un homme vénérable. La montagne aurait-elle été déjà sacrée ?
Et encore, début 2012, les analyses génétiques attestent de son appartenance à la famille méditerranéenne : il est porteur d’un marqueur génétique très rare en Europe [à peine 1 %], sauf en Sardaigne du Nord [9 %] et en Corse du sud [25 %]. L’existence d’une pointe de flèche dans l’épaule n’apporte rien : il a très bien pu vivre avec cela plusieurs mois, voire plusieurs années !
Pour l’instant, la puissance d’investigation des techniques modernes n’a pas pu permettre de privilégier telle ou telle scénario expliquant les circonstances de sa mort. Ce peut être une mort au combat en altitude, ou une sépulture en altitude en un lieu sacré parce que c’était un personnage important…. Affaire à suivre…
Une nouvelle étude sur l’ADN d’Ötzi a révélé l’existence de descendants directs de l’Homme des glaces. Observant les gènes de ce dernier à la recherche de marqueurs inhabituels sur son chromosome sexuel, les chercheurs déclarent avoir retrouvé au moins 19 parents d’Ötzi dans la région du Tyrol, en Autriche.
Ces liens génétiques ont pu être établis à partir d’échantillons de sang de 3 700 donneurs anonymes, dans le cadre d’une étude menée par Walther Parson de l’Université de Médecine d’Innsbruck. Présentant la même mutation rare appelée G-L91, l’Homme des glaces et ces 19 personnes ont un ancêtre commun qui aurait vécu il y a 10 000 à 12 000 ans, explique Parson.
Cette nouvelle conclusion va dans le même sens que de précédentes recherches avançant que Ötzi et ses ancêtres vivaient d’élevage. L’étude a utilisé des marqueurs sur le chromosome Y, qui se transmettent de père en fils, pour retracer les migrations qui ont apporté avec elles les techniques d’agriculture et d’élevage en Europe, via les Alpes, à l’époque du Néolithique. De par les caractéristiques de son chromosome Y, Ötzi appartenait ainsi à un groupe appelé haplogroupe G, qui trouve ses origines au Moyen-Orient, comme l’agriculture.
Parson explique que les résultats globaux de l’étude montrent que les changements induits par la Révolution Néolithique ont poussé les Hommes vers l’ouest, jusque dans la région du Tyrol.
Il reste toutefois prudent quant à l’affirmation que les parents distants d’Ötzi soient faits du même bois.
Depuis la découverte du corps d’Ötzi dans un glacier alpin il y a un peu plus de 20 ans, les scientifiques ont soumis son corps momifié à un examen complet. Les résultats ne sont pas édifiants. Une quarantaine de constats dont une usure des articulations, un durcissement des artères, la présence de calculs biliaires et une vilaine excroissance sur son petit orteil (peut-être causée par une gelure).
Par ailleurs, les intestins de l’Homme des glaces contenaient des œufs de vers parasites ; il avait aussi probablement contracté la maladie de Lyme et présentait des niveaux d’arsenic inquiétants (peut-être dus à l’extraction de minerais et de cuivre). Ötzi avait également besoin d’un dentiste – un examen approfondi de ses dents a mis en évidence une maladie des gencives à un stade avancé et des caries.
En dépit de tout ceci et d’une blessure récente à l’épaule, causée par une flèche, c’est un choc violent à la tête qui a provoqué la mort d’Ötzi.
En plus de ses maladies, l’Homme des glaces présentait plusieurs anomalies anatomiques. Il n’avait ni dents de sagesse, ni une 12° paire de côtes. Il présentait aussi un diastème au niveau de ses deux dents de devant. Certains chercheurs soupçonnent par ailleurs une infertilité chez Ötzi.
La momie congelée d’Ötzi est une jolie fresque de tatouages datant de l’Âge du Cuivre – 67 en tout, le couvrant de la tête aux pieds. Ces derniers ne sont pas nés sous une aiguille, mais à partir de fines incisions dans la peau qu’il remplissait ensuite de charbon. Son corps était ainsi recouvert de lignes et de croix, essentiellement localisées sur les zones les plus sujettes aux blessures ou à la douleur, comme les articulations ou le dos. Un constat qui a amené certains chercheurs à penser que les tatouages étaient les signes d’une pratique de l’acupuncture.
Si c’est le cas, Ötzi a dû avoir besoin de nombreux traitements, ce qui, vu son âge et ses maladies, n’est pas surprenant. Les tatouages d’Ötzi sont la plus ancienne preuve d’acupuncture et laissent penser que cette pratique est née au moins 2 000 ans plus tôt que ce que l’on imaginait.
Les derniers repas mangés par l’Homme des glaces ont servi de nombreuses informations sur un plateau. Son estomac contenait 30 types de pollens différents qui, une fois analysés, ont permis de montrer qu’Ötzi est mort au printemps ou au tout début de l’été. Avec ces analyses, les chercheurs ont même pu déterminer le parcours effectué par l’Homme des glaces dans les montagnes, juste avant sa mort. Partiellement digéré, son dernier repas indique qu’il avait mangé environ deux heures avant sa triste fin. Parmi sa nourriture figuraient des céréales et de la viande provenant d’un bouquetin, une espèce de chèvre sauvage particulièrement agile.
National Geographic Magazine
Affaire dans l’affaire : le découvreur d’Ötzi, Helmut Simon mourra à 67 ans le 15 octobre 2004, en montagne, on ne sait pas très bien où et on ne sait pas très bien non plus si c’est par accident ou bien s’il s’agit d’un suicide : il était parti faire le Gamskarkogel, 2 567 m, sans réelle difficulté. Dès les premiers temps après sa découverte, il n’avait eu de cesse d’être reconnu officiellement comme le découvreur d’Ötzi, ce que les autorités tyroliennes de Bolzano s’étaient bien gardé de faire, voulant tirer toute la couverture à eux, probablement beaucoup plus par méchanceté et jalousie atavique, souvent chéries des gens des montagnes, que par souci du droit. Ötzi, dans un premier temps, avait été gardé à Innsbruck. Ce n’est qu’un an avant sa mort qu’il avait enfin obtenu cette reconnaissance.
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Les pyramides de Khéops, Khephren, Mykérinos, sur le plateau de Gizeh, sont construites sous la IV° dynastie. Khéops est la plus grande : 147 m de haut [137, si l’on soustrait le pyramidion détruit] et 230 m de coté. Jusqu’en 1880, elle aura été le plus haut monument du monde, alors détrônée par la cathédrale de Köln [Cologne], puis d’Ulm en 1890. Les Égyptiens auraient creusé un bassin alimenté par le Nil, qui alors avait un lit plus à l’ouest que l’actuel, auquel pouvaient accéder les navires transportant les pierres, les acheminant ainsi à pied d’œuvre.
Hérodote voudra prendre pour argent comptant ce que racontait alors le populaire : Khéops réduisit le peuple à la misère la plus profonde. D’abord il ferma tous les temples et interdit aux Égyptiens de célébrer leurs sacrifices ; ensuite il les fit tous travailler pour lui. Il aurait prostitué sa propre fille pour financer la construction de sa formidable tombe… Khephren imita son prédécesseur en tout.
L’emplacement précis de la chambre du pharaon dans cette pyramide fera l’objet de nombreuses controverses, puisqu’en fait on en a dénombré 3 : dès le IX° siècle, les pilleurs de tombe s’en étaient occupé ! et en ce début de XXI° siècle, la controverse dure toujours. On verra beaucoup d’archéologues européens s’intéresser de très près à tout ça, dans une atmosphère rendue quelques peu électrique par la rivalité entre les nations d’Europe occidentale… on verra par exemple le colonel anglais Howard Vyse en 1837 ne pas hésiter à utiliser des explosifs (ma foi, il utilisait ses compétences !) pour reconnaître le terrain, c’est à dire voir ce que pouvait cacher le plafond plat de la chambre du roi, à travers lequel il avait réussi à faire passer un roseau… et il découvrit ainsi qu’il existait quatre autres plafonds, tous séparés par un vide, le plus élevé étant recouvert d’un linteau en chevron, type même de l’arc de décharge. Les forces exercées par le poids des pierres au-dessus était ainsi déviées de la chambre du roi pour s’exercer sur les côtés.
La datation de ces trois pyramides est fréquemment contestée : d’aucuns les prétendent beaucoup plus anciennes, leur positions respectives reprenant avec précision celle du baudrier d’Orion il y a 10 450 ans. D’autre part, l’évidente érosion fluviale et pluviale qui a attaqué le corps du Sphinx de Gizeh, ne pourrait avoir été postérieure à ~10 000 ans, car les eaux n’ont alors plus jamais été aussi hautes. La tête du sphinx est très petite par rapport au corps et suggère qu’elle ait été retaillée une ou plusieurs fois après la réalisation initiale. Autre donnée pour laquelle on n’a pas d’explication plausible : l’exceptionnelle brièveté de la durée des travaux : 30 ans ! [les Mayas ont eu besoin de 150 ans pour édifier la pyramide de Teotihuacán, près de Mexico et elle est deux fois moins haute]
Le mode de construction de cette barque solaire parlera beaucoup, car il était celui des tous les navires ; les clous n’existaient pas ; l’assemblage des différentes pièces se faisait par tenon et mortaise, mais aussi par des cordes passées dans des cavités creusées dans les pièces de bois à cet effet. On pouvait ainsi contourner l’absence de voie navigable entre le Nil et la Mer Rouge en démontant le navire et en le transportant en pièces détachées à travers le désert, de la Mer Rouge au Nil, où on le remontait et vice versa. Il était vital de transporter depuis Wadi el Jarf, le port de la Mer Rouge, le cuivre exploité dans le Sinaï, seul métal alors connu convenant à la fabrication des outils. Pour ce qui est des pierres, une carrière du calcaire le plus grossier se trouvait à environ 500 m. de Gizeh, le calcaire pour les parements venait de Turah, au sud-est de Gizeh, et le granit rose pour les emplacements les plus proches des chambres internes, d’Assouan, bien loin en amont, sur le Nil. Les livraisons de pierre acheminées par bateau se faisaient à la saison des crues du Nil – alors de 7 m. plus haut qu’en décrue – : c’était autant de gagné sur le dénivelé pour atteindre Gizeh.
J’avoue pourtant qu’au premier aspect des Pyramides, je n’ai senti que de l’admiration. Je sais que la philosophie peut gémir ou sourire en songeant que le plus grand monument sorti de la main des hommes est un tombeau ; mais pourquoi ne voir dans la pyramide de Chéops qu’un amas de pierre et un squelette ? Ce n’est point par le sentiment de son néant que l’homme a élevé un tel sépulcre, c’est par l’instinct de son immortalité : ce sépulcre n’est point la borne qui annonce la fin d’une carrière d’un jour, c’est la borne qui marque l’entrée d’une vie sans terme, c’est une espèce de porte éternelle, bâtie sur les confins de l’éternité.
Tous ces peuples (d’Égypte), dit Diodore de Sicile, regardant la durée de la vie comme un temps très court et de peu d’importance, font au contraire beaucoup d’attention à la longue mémoire que la vertu laisse après elle : c’est pourquoi ils appellent les maisons des vivants des hôtelleries par lesquelles on ne fait que passer ; mais ils donnent le nom de demeures éternelles aux tombeaux des morts, d’où l’on ne sort plus. Ainsi les rois ont été comme indifférents sur la construction de leur palais ; et ils se sont épuisés dans la construction de leurs tombeaux.
On voudrait aujourd’hui que tous les monuments eussent une utilité physique, et l’on ne songe pas qu’il y a pour les peuples une utilité morale d’un ordre fort supérieur, vers laquelle tendaient les législations de l’antiquité. La vue d’un tombeau n’apprend-elle donc rien ? Si elle enseigne quelque chose, pourquoi se plaindre qu’un roi ait voulu rendre la leçon perpétuelle ? les grands monuments font une partie essentielle de la gloire de toute société humaine. À moins de soutenir qu’il est égal pour une nation de laisser ou de ne pas laisser un nom dans l’histoire, on ne peut condamner ces édifices qui portent la mémoire d’un peuple au-delà de sa propre existence, et le font vivre contemporain des générations qui viennent s’établir dans ses champs abandonnés. Qu’importe que les édifices aient été des amphithéâtres ou des sépulcres ? Tout est tombeau chez un peuple qui n’est plus. Quand l’homme a passé, les monuments de sa vie sont encore plus vains que ceux de sa mort : son mausolée est au moins utiles à ses cendres ; mais ses palais gardent-ils quelque chose de ses plaisirs ?
Chateaubriand. Itinéraire de Paris à Jérusalem. Voyage d’Egypte.
À qui parler aujourd’hui ?
Les frères sont méchants
Et les amis ne savent pas aimer […]
Les cœurs sont avides
Et chacun cherche à s’emparer des biens de son prochain.
L’homme paisible dépérit
Et le fort écrase tout le monde […]
C’est le triomphe du Mal
Et le Bien est partout jeté à terre
La mort est à mes yeux aujourd’hui
comme la guérison pour le malade […],
La mort est à mes yeux aujourd’hui
comme une éclaircie dans le ciel.
La mort est à mes yeux aujourd’hui
comme le parfum de la myrrhe,
comme lorsqu’on est sous la voile, par grand vent.
La mort est à mes yeux aujourd’hui
comme le parfum du lotus
comme lorsqu’on se tient sur la rive de l’ivresse.
La mort est à mes yeux aujourd’hui
comme le désir d’un homme de revoir sa maison
Après de longues années de captivité
La mort est aujourd’hui devant moi
comme un ciel qui se dévoile
comme lorsqu’un homme découvre ce qu’il ignorait …
Dialogue du Désespéré avec son bâ. Papyrus de la XII° dynastie
De façon générale les problèmes de datation en ce qui concerne l’Égypte ancienne demandent que soient connues leur façon de compter… qui n’était pas la nôtre, tant s’en faut :
Les Égyptiens n’écrivaient pas leur histoire selon nos canons ; la démarche que nous connaissons n’apparaît chez eux qu’à partir de l’ère ptolémaïque (après 332 av. J.C), sous l’influence des historiens grecs. Le début de chaque règne est considéré comme la répétition de la création d’une Égypte unifiée et marque le commencement d’une nouvelle ère qui prend fin au décès du souverain. Le processus se répète avec l’avènement du pharaon suivant. Notre appréhension des différentes périodes de l’histoire égyptienne est inspirée des travaux de l’historien ptolémaïque Manéthon, que nous connaissons uniquement au travers de citations d’autres auteurs. Manéthon travaille à partir de documents anciens, qu’il ne maîtrise pas toujours. Il répartit les pharaons égyptiens en 31 dynasties, réunies en sous-groupes sur lesquels on fonde, au XIX° siècle, la division entre Ancien Empire, Moyen Empire et Nouvel Empire. Ces divisions sont associées à des périodes de prospérité et séparées par des phases de troubles politiques et de stagnation (connues comme les première, deuxième et troisième périodes intermédiaires). Le terme Basse Époque, qui véhicule, faussement, une idée de déclin, désigne les derniers temps de l’Égypte antique.
Pour donner des dates précises, les Égyptiens se réfèrent à l’année du règne du pharaon au pouvoir, suivie du nom de la saison (une année en compte trois – akhet (inondation), peret (hiver) et shemu (été) de quatre mois chacune), du mois de la saison en question (premier, second, etc.), puis du jour du mois (un mois compte trente jours). L’an 1 correspondant à la première année du règne de chaque pharaon, il importe de savoir de quel souverain il s’agit. La reconstitution des chronologies s’avère donc difficile, sauf si l’on connaît la durée du règne de chaque pharaon. Les anciens Égyptiens eux-mêmes ont du mal à s’y retrouver. Ils se soucient peu de l’aspect historique de la chose, les listes des rois successifs répondant à des besoins administratifs et religieux. La nomenclature la plus importante qui nous soit parvenue est le papyrus de Turin. Établie sous le règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.C), elle comprend le nom de tous les pharaons qui ont précédé ce dernier et la durée de leur règne. Ce document est malheureusement fort endommagé, et de nombreux fragments ont été égarés.
D’autres détails chronologiques (par exemple, la relation entre les différents souverains appartenant à un même groupe) peuvent être déduits à partir de monuments ou de textes citant le nom de plus de deux rois ayant régné successivement (comme les récits d’un fonctionnaire retraçant sa carrière), ou en faisant le lien entre différentes constructions, ou encore par d’autres moyens similaires.
Il est donc extrêmement difficile d’établir une chronologie absolue, en particulier avant notre ère. Les dates obtenues par divers systèmes de calcul peuvent sembler justes, mais il faut compter, pour le début de l’histoire égyptienne, vers 3 000 av. J.C, une marge d’erreur pouvant aller jusqu’à une centaine d’années. Celle-ci diminue cependant au fur et à mesure que l’on approche de la Basse Époque, et les datations peuvent être considérées comme certaines à partir du VII° siècle av. J.C. Fort heureusement, la mention de certains phénomènes astronomiques associés à une année du règne d’un pharaon, à une saison, à un mois ou à un jour particulier permet aussi de dater un événement avec précision. En revanche, les méthodes scientifiques modernes, et notamment la datation au carbone 14, ne permettent pas de déterminer la période de construction des monuments, mais seulement de confirmer leur âge supposé. Il faut dire que la technique du radiocarbone devient plus perfectionnée et plus précise au fil des ans. Les termes empires, périodes intermédiaires et dynastiques sont très répandus parmi les égyptologues, bien qu‘ils ne correspondent pas toujours à la réalité historique.
Le papyrus de Turin, qui mentionne les noms de plusieurs rois égyptiens et précise la durée de leur règne, est la copie d’un document initialement établi pour des besoins administratifs. D’autres listes de pharaons nous sont connues, mais elles sont sélectives et ne comprennent que des noms royaux ; elles étaient généralement dressées pour faire le lien avec des ancêtres célèbres. Les trois listes les plus connues ont été retrouvées dans le temple de Séthl I° (1290-1879 av. J.C), dans celui de Ramsès II (1279-1213 av. J.C.) à Abydos (ci-dessous) et dans la tombe d’un dignitaire du nom de Tenry, contemporain de Ramsès II, à Saqqarah.
Les phénomènes astronomiques fournissent des repères permettant d’établir une Chronologie absolue pour une partie de l’histoire égyptienne. Il existe ainsi des mentions du lever héliaque de Sirius, qui marque le début de l’année agraire et de la crue du Nil, en relation avec la septième année du règne de Sésostris III (1830 av. J.C.) ou la neuvième année du règne d’Amenhotep I° (mais la datation est moins précise dans ce cas, se situant entre 1508 et 1503 av. J.C.). Ces repères permettent de dater précisément un événement, tout en sachant que la date retenue peut varier selon que l’étoile a été observée depuis un endroit ou un autre. Les premières estimations peuvent cependant être corroborées par la coïncidence de certains phénomènes lunaires.
Jaromir Malek. Les trésors de l’Égypte ancienne. National Geographic 2014
Les hiéroglyphes abondants des tombeaux des pharaons combinent idéogrammes (signes-idées) et phonogrammes (idées-sons) : ils se lisent dans quatre sens : horizontalement, de gauche à droite et inversement, verticalement. Mais ces caractères sont réservés aux monuments religieux : de maniement complexe, – on en compte de 700 à 800 ! – ils ne peuvent s’adapter à un usage quotidien, et donc, parallèlement se développent des écritures rapides et simplifiées appelées tachygraphies, parmi lesquelles le hiératique, puis, à partir du VII° siècle av. J.C. le démotique ; ils sont tracés au pinceau sur des éclats de calcaire ou des tessons de poterie, les ostracas, plus rarement sur du papyrus, d’un coût trop élevé.
Des inscriptions sur des tombeaux de Saqqarah, datant de la V° dynastie, font mention du foie gras (d’oie). Les Égyptiens avaient observé que les oies et les canards sauvages se gavaient naturellement avant leur migration et c’est ainsi qu’à l’aube du III° millénaire ils découvrirent le foie gras, en gavant les grues du Nil avec des figues, tâche qu’ils confièrent aux Juifs, leurs esclaves. Ces derniers intégreront cette expérience à leur tradition : cette matière grasse remplaçait avantageusement le saindoux, impropre à la consommation. La figue, nourriture d’origine, qui se dit ficus en latin, est à l’origine du mot foie, l’organe anatomique. Le produit cru, acquit une telle réputation qu’il traversera l’histoire sans jamais tomber dans l’oubli : Rome, le Moyen Age, la cour des rois etc…
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Les scientifiques disent qu’il a été planté à cette époque… Didier van Cauwelaert le veut plus jeune – contemporain de Néron – mais ne chipotons pas, il est aujourd’hui au XXI° siècle une des plus vieux oliviers du monde : il a fait sa vie à Roquebrune Cap Martin, sur la Côte d’Azur ; on raconte que Charlemagne aurait mis à profit l’ombre de sa ramure pour y faire la sieste en 787 ; il échappera de peu à la guillotine le 11 octobre 1920, n’ayant pour seul crime que d’appartenir à des marchands de bois, quand un voisin, Gabriel Hanotaux, ex-ministre des Affaires Etrangères, le sauvera en le rachetant 1 500 francs.
Beaucoup plus au nord, dans les environs de Zalavrouga, en Carélie, les habitants ont commencé à utiliser un équipement de déplacement qui, 4 400 ans plus tard va devenir un filon que l’on nommera or blanc : le ski.
Une civilisation dite dravidienne se met en place dans la vallée de l’Indus, autour d’un pouvoir central, relativement urbanisée, développant des réseaux hydrauliques permettant de faire face aux crus et décrus du fleuve. Elle va disparaître assez brutalement, sept cents ans plus tard, sans que l’on sache exactement pourquoi sinon que ce fût soudain : la dernière couche archéologique de Mohenjo-Daro, ville découverte en 1920, sur la rive droite de l’Indus, à l’ouest de Khairpur, montre que les derniers habitants de la ville ont tous connu une mort violente. Les rues y étaient à angle droit, les maisons possédaient souvent balcon, salle de bains. On y trouva des bijoux, des sceaux gravés. Certains caractères de l’écriture des Dravidiens ont une ressemblance avec ceux des Ibères, Pélasgiens, Étrusques, Libyens, Hittites et Sumériens.
Antérieurement à cette civilisation, on a trace de communautés dont la langue appartenait probablement au groupe des langues munda, directement apparentées aux plus anciennes couches de la population de la Birmanie, Malaisie, Indochine, Ceylan, Célèbes, Sumatra ainsi que des anciennes populations d’Australie. Le groupe des langues munda est le plus largement répandu sur la terre. On en trouve la trace de l’île de Pâques, au sud, jusqu’au Penjab au nord.
Les rapports entre l’Inde et le Proche Orient, entre le sixième et le premier millénaire avant notre ère, sont évidents. Des pierres précieuses, les amazonites, venant des Nilgiri [Inde du sud] ont été trouvées à Our dès la période Jemdet Nasr [antérieure à 3 000 av. J.C.]. Des sceaux indiens se retrouvent à Bahrein et en Mésopotamie, dans les couches présargoniques antérieures à 2 500 av. J.C. On trouve également des traces de coton indien, et il y a des indications archéologiques de commerce par mer avec l’Inde, dans la période de Larsa [2 170 à 1 950 avant notre ère]. Les poutres du temple de la Lune, à Our en Chaldée, et celles du palais de Nabuchodonosor [VI° siècle av. J.C.], étaient en bois de tek et de cèdre venant du Malabar. En Béloutchistan, les couches de civilisation pré-Mohenjo Daro, où l’on trouve des poteries de type mésopotamien, remontent à 3 400 ou 3 200 avant J.C.
Alain Daniélou. Histoire de l’Inde Fayard 1985
Les nombreux motifs de l’art indien antérieurs à l’influence hellénistique ont un caractère nettement ouest-asiatique, suggérant des parallèles avec les cultures sumérienne, hittite, assyrienne, mycénienne, crétoise, troyenne, lykienne, phénicienne, achéménide et scythe.
A.K. Coomaraswamy. History of Indian and Indonesian Art.
Les Anciennes chroniques – Puranas – , se réfèrent à l’histoire, la cosmologie et la religion préaryenne : généalogies remontant jusqu’au VI° millénaire av. J.C., des rois aussi bien que des sages, mais aussi des informations sur les guerres, les villes, les coutumes, le droit, les sciences et les arts. On compte 18 Puranas principaux et 18 secondaires. À lui seul, le Skanda Purana est en 20 volumes. Contrairement aux Védas, apanage d’une classe très limitée de prêtres, les Puranas étaient et sont restés le fond de la littérature religieuse populaire des tous les Indiens, à l’exception des Munda. Ils représentent l’ancienne tradition, commune à tout le peuple indien, et qui survécut à l’invasion aryenne et finalement l’assimila.
[…] La religion de la civilisation de l’Indus comprend le culte de la Mère et celui de Shiva, dont on retrouve des emblèmes phalliques, identiques à ceux qui sont en usage aujourd’hui, et des images dans une posture de yoga. On se rappellera que dans l’hindouisme, le yoga est une discipline créée par Shiva, et qu’il a conservé un caractère strictement shivaïte dans sa philosophie et dans sa technique, tendant à sublimer et utiliser à des fins spirituelles et magiques les énergies sexuelles. Il s’agit là de formes et de pratiques religieuses tout à fait inconnues des Védas et des Aryens. Le mot shiva veut seulement dire favorable. C’est un adjectif qu’on utilise pour éviter de prononcer le nom magique du dieu.
[…] Un familier des rites, symboles et fêtes shivaïtes, reconnaît aisément des survivances évidentes dans le rituel des grandes religions, ainsi que dans les coutumes de tous les peuples, qu’il s’agisse des pardons bretons, des rites druidiques, des récits légendaires, des carnavals ou des danses, rites et superstitions populaires. La plupart des rites dionysiaques décrits par les auteurs grecs existent encore aujourd’hui dans l’Inde.
Alain Daniélou. Histoire de l’Inde. Fayard 1985
Les connaissances sur la civilisation de l’Indus, dite aussi civilisation harappéenne, progressent très lentement, pourtant elle est exemplaire : pas de palais, pas de temple ni d’idole, très peu d’armes, pas de fortification. Une société non-violente, qui est pourtant en relation commerciale avec de puissants voisins, la Chine et la Mésopotamie. Des serpents sacrés, des déesses et des figurines de femmes se retrouvent sur des sceaux et font penser aux Divinités-Mères. Rien ne révèle la présence d’un pouvoir central, mais en revanche, la spiritualité semble avoir une place importante et pourrait avoir été à l’origine du yoga, bien avant les Lois de Manu, expression du nouveau pouvoir sans partage des mâles. Le cœur de cette civilisation très sophistiquée, Mohenjo-Daro, la plus grande ville connue de la haute Antiquité, date du IV° millénaire av J.C. Les Harappéens savaient que la terre était ronde, et ils avaient calculé la bonne distance terre-soleil et terre-lune. Une civilisation qui a disparu vers 1800 avant notre ère.
La civilisation de l’Indus était à forte tendance urbaine et ressemblait très peu à celle décrite dans les Vedas aryens, qui avait un caractère pastoral. Peu d’éléments d’une civilisation aussi manifestement urbaine (par exemple, les structures des temples, système de collecte des eaux usées) sont décrits dans les Vedas. Elle ignorait totalement le cheval, alors que cet animal est présent dans les Vedas. Une divinité de premier plan des Vedas est Indra, et c’est un dieu guerrier, or les hommes de l’Indus semblent avoir été plutôt pacifiques. On peut en déduire que les Indusiens et les gens qui ont rédigé les Vedas (les locuteurs du sanskrit) étaient deux peuples différents.
[…] Les Aryens vivaient en Bactriane (Afghanistan) avant de descendre vers l’Inde. Aux alentours du XX° siècle av. J.C. il s’y trouvait une assez brillante civilisation de l’âge du bronze, or certaines caractéristiques la rattachent aux Vedas. Par exemple, on voit, sur des vases, des représentations de serpents installés sur des montagnes et contenant des soleils. C’est peut-être une illustration du mythe du serpent avaleur, Vritra, qui est rapporté dans les Vedas. En le tuant, Indra a libéré les eaux et a permis au soleil de monter au ciel.
L’Inde, de par les invasions aryennes dont elle fut victime, connaît deux types de civilisations : le premier, le plus ancien, nommé civilisation de l’Indus a laissé des traces dans des villes archaïques très surprenantes : Harappa et Mohenjo-Daro. Ses vestiges révèlent un monde étrange que les archéologues tentent d’élucider. Il semble qu’il s’agissait d’une société gentilice, sans mariage, sans état, plutôt pacifique, tournée vers le culte des ancêtres. Ignorant le mariage et la famille conjugale, cette société semble aussi avoir ignoré la prostitution ; le type de prostitution [dite sacrée] a existé dans certaines civilisations anciennes, mais il ne semble pas que cela ait été le cas en ce qui concerne la civilisation de l’Indus. (…)
La civilisation de l’Indus (apogée sur 3 500-1 500 av J.C.) étendait son influence à l’est, jusqu’à la région de Delhi, à l’ouest par un réseau commercial qui la reliait à Sumer. La thèse la plus communément admise considère que la civilisation de l’Indus fut détruite vers 1 500 av J. C. par les invasions aryennes. La civilisation de l’Indus est donc le plus ancien exemple d’urbanisme. Les habitants étaient surtout des agriculteurs qui cultivaient des céréales (blé, orge et sésame), des légumes (pois) et du coton, et pratiquaient l’élevage de bovidés, de moutons et de porcs.
Sa population s’est établie essentiellement autour du fleuve Indus (sites de Harappa et Mohenjo-Daro). Son territoire, 2 fois la France, comptait plus de 5 millions d’habitants. Ses réseaux commerciaux maritimes s’étendaient jusqu’en Perse et en Mésopotamie. Son vaste urbanisme (jusqu’à 40 000 habitants) était sophistiqué et égalitaire : plan réfléchi, standards de construction, et réseaux hydrauliques pour tous… Des villes comme Mohenjo Daro, Harappa et Dholavira, avaient été construites selon des plans très méthodiques.
[…] La ville basse, quadrillée de rues disposées en damier, est en effet traversée du nord au sud par un boulevard de plus de cent mètres de large, que coupent à angle droit des ruelles orientées d’est en ouest, délimitant des blocs d’habitation eux-mêmes desservis par des voies plus étroites. Les rues disposaient, à intervalles réguliers, de sortes de guérites, où devaient s’abriter des vigiles.
On ne trouve rien de comparable ni en Mésopotamie, ni en Égypte. Les peuples de l’Indus furent les premiers à employer dans la construction la brique cuite à grande échelle, et avec une standardisation très poussée. Les maisons d’habitation étaient généralement de même modèle et de même taille, à l’exception de quelques constructions particulières, probablement des édifices publics.
Les maisons étaient conçues de manière à assurer un maximum de confort et de sécurité. Des cours intérieures assuraient l’éclairage et les fenêtres étaient fermées par des treillages de terre cuite ou d’albâtre. Bon nombre de maisons disposaient d’un puits individuel. Les plus petites demeures mises à jour comportaient deux pièces avec salle de bain. Les fouilles ont aussi révélé la présence de WC. Les eaux usées étaient collectées dans de petites fosses revêtues de briques situées au bas des murs des maisons, avant d’être acheminés par des conduits vers un réseau de canalisations creusées sous le pavement des rues et recouvertes de briques dures. Ces canalisations débouchaient sur un système plus vaste d’égouts, également couverts, qui évacuaient les eaux usées hors des secteurs habités de la ville. Sur un tertre artificiel de 7 à 14 mètres de haut, on a dégagé d’importants monuments, dont le Grand bain, profond de plus de deux mètres, une construction en briques d’une conception remarquable pour l’époque. L’étanchéité du bassin – 11,90 m de long sur 7 m de large – est encore efficace.
Le peuple agricole, pacifique et lettré n’a laissé aucune trace d’activités militaires. Les villes n’étaient pas fortifiées (seulement des digues contre les crues). Avant le patriarcat, il n’y avait ni armements, ni remparts. Cette société ignorait la division en classes sociales (aucune trace de palais ou de temples). La statuaire révèle le culte de la déesse mère, d’un roi-prêtre ainsi que d’une divinité cornue ithyphallique.
Aucune sculpture monumentale mais beaucoup de petites figurines humaines et des représentations de la déesse-mère en terre cuite. Autrement dit on n’a pas trouvé le moindre signe d’une royauté ou d’une théocratie puissante. On se demande même si cette civilisation possédait une armée : quelques armes ont bien été retrouvées – mais peut-être appartenaient-elles aux envahisseurs aryens -, mais aucune représentation de scènes guerrières. Une des caractéristiques de cette civilisation est son apparente non-violence. Contrairement aux autres civilisations de l’antiquité, les fouilles archéologiques n’ont pas trouvé la trace de dirigeants puissants, de vastes armées, d’esclaves, de conflits sociaux, de prisons et d’autres aspects classiquement associés aux premières civilisations patriarcales. Il ne reste que quelques traces fugitives d’une religion : statuettes assimilées souvent à des déesses-mères, amulettes, représentations de mise à mort d’un buffle d’eau. Mais aussi des arbres sacrés et un proto-shiva, un homme à plusieurs têtes en position yogique. D’aucuns y voient des prémices de la religion hindoue et du jaïnisme.
La civilisation aryenne s’est formée à partir de l’invasion, vers 1 500-1 000 avant notre ère, des plaines de l’Indus et du Gange par des peuples de souche aryenne venus des plateaux iraniens. Le peuplement originel du sous-continent indien connaît alors une civilisation avancée. Vaincus et soumis par l’envahisseur, ils forment le quatrième rang social, à fonction domestique, tandis que les envahisseurs s’organisent de manière tripartite. Mais une fraction de cette population refuse de se soumettre : considérée comme dangereuse et répugnante. Elle forme peu à peu, bien malgré elle, le cinquième groupe dont descendent les intouchables.
Vers le XVII° siècle av. J.C. les Aryens envahissent le Penjab, ils amènent avec eux leur religion codifiée dans les Veda, racine de l’Hindouisme auquel se rattache le yoga. Ils imposent leur langue, le sanskrit, mais s’imprègnent des traditions autochtones du Nord de l’Inde, notamment les pratiques yogiques existant originellement chez les Dravidiens. La mise à jour progressive à partir de 1920 de la cité antique de Mohenjo Daro, et l’exhumation de nombreux trésors archéologiques appartenant à la civilisation de la vallée de l’Indus, motive l’hypothèse d’une origine pré-aryenne du Yoga. Parmi les objets découverts figurent des cachets de stéatite dont l’un représente un homme cornu à trois visages, entouré d’animaux et assis tel un yogi, qui rappelle étrangement l’attitude de Śiva dit Pasaputi, le Seigneur des animaux.
matricien.org
vers ~ 2 400
Néferkarê, pharaon, lance une expédition, vers les sources du Nil. On en rapportera un nain auquel, plus tard Hérodote donnera le nom de Pygmaios – Pygmée (le petit), haut d’une coudée, trouvé près des Montagnes de la Lune – actuel Ruwenzori -, c’est-à-dire un Mombuti ou un Mulese.
Viens et rapporte le nain vivant, indemne et en bonne santé, ce nain que tu es allé chercher dans le pays des esprits, afin qu’il danse les danses sacrées pour le divertissement et la joie du pharaon Néferkarê. Salut au danseur de Dieu, à celui qui réjouit le cœur, à celui vers lequel soupire le roi Meferkarê, qu’il vive éternellement. Prend garde qu’il ne tombe pas dans l’eau.
Hiéroglyphes gravées sur la tombe du chef de l’expédition, dans les rochers près d’Assouan
C’est la première mention qui est faite de l’actuel Congo.
~ 2 400 à ~ 1 700
Fondation de Tyr, (au Liban d’aujourd’hui), ville phénicienne. C’est alors une île, séparée du continent par un détroit de 600 mètres, qui ne sera comblé qu’en ~332, par Alexandre quand il assiégera l’île pendant 7 mois.
Sous le règne de l’empereur Yao, les Chinois créent le premier Gnomon – cadran solaire – à plan horizontal qui reçoit l’ombre d’un obélisque, déterminant ainsi les heures.
vers ~ 2400
Le roi élamite Kindattu, de Simaski, détruit la ville d’Ur – rive droite de l’Euphrate, juste en amont de sa confluence avec le Tigre – : le roi Ibbi Sîn est déposé, déporté en Elam avec la statue de Nanna, le dieu lune, protecteur de la cité :
Ô père Nanna, cette ville s’est changée en ruines…
Ses habitants, au lieu de tessons, ont rempli ses flancs ;
Ses murs ont été rompus, le peuple gémit.
Sous ses portes majestueuses où l’on se promenait d’ordinaire, gisaient les cadavres ;
Dans ses avenues où avaient lieu les fêtes du pays, gisaient des monceaux de corps.
Ur – ses forts et ses faibles sont morts de faim :
Les pères et les mères restés dans leur demeures ont été vaincus par les flammes ;
Les enfants couchés sur les genoux de leur mère, comme des poissons, les eaux les ont emportés.
Dans la cité, l’épouse était abandonnée, l’enfant était abandonné, les biens étaient dispersés.
Ô Nanna, Ur a été détruite, ses habitants ont été éparpillés.
Lamentation sur la destruction d’Ur
vers ~ 2 350
On voit mentionnée l’existence du vin sur une tablette cunéiforme indiquant qu’on en importe à Lagash, en Babylonie : le roi Uruinumgina fait construire un cellier dans lequel, depuis la montagne [Arménie et Géorgie], on apportait du vin par grands vases.
~ 2 334 à ~ 2 279
Sargon, ou Naram-Sîn est le premier unificateur de la Mésopotamie : akkadien du nord de l’actuel Irak, il a du vaincre pour ce faire Lugal Zagesi, sumérien du sud. Il existe une belle stèle en cunéiforme datée de ~ 2 240 qui lui est dédiée. La légende de sa naissance ressemble à s’y méprendre à celle de Moïse, quelque mille ans plus tard…
Je suis Sargon, le roi puissant, le roi d’Agadé. Ma mère était une grande prêtresse. Mon père, je ne le connais pas. […] Ma mère me conçut et me mit au monde en secret. Elle me déposa dans une corbeille de jonc, dont elle ferma l’ouverture avec du bitume.[…] Elle me jeta dans le fleuve sans que j’en puisse sortir. Le fleuve me porta ; il m’emporta jusque chez Aqqi, le puiseur d’eau qui, en plongeant son seau, me retira du fleuve. Aqqi, le puiseur d’eau m’adopta comme son fils et […] me mit à son métier de jardiner. Alors que j’étais ainsi jardinier, la déesse Ishtar se prit d’amour pour moi et c’est ainsi que pendant cinquante six ans, j’ai exercé la royauté.
Les deux légendes se ressemblent donc, à ceci près que la plus ancienne se rapproche plus du vraisemblable dans la mesure où l’on trouve aisément du bitume en Mésopotamie, ce qui est loin d’être le cas en Égypte.
Un homme de la tribu de Lévi épousa une fille de sa tribu. La femme fut enceinte et mit au monde un fils ; voyant combien il était beau, elle le dissimula pendant trois mois. Comme elle ne pouvait pas le cacher plus longtemps, elle prit une corbeille de papyrus, elle boucha les fentes avec du goudron et elle y mit son enfant, puis elle déposa la corbeille dans les roseaux sur les bords du Nil. La sœur de l’enfant se tenait à distance pour voir ce qui allait arriver.
Or la fille du Pharaon descendit vers le Nil pour se baigner, pendant que ses servantes faisaient les cent pas sur la rive du Nil. Quand elle aperçut la corbeille au milieu des roseaux, elle envoya sa servante pour la prendre. Ouvrant la corbeille, elle vit l’enfant : c’était un petit garçon qui pleurait. Elle eut pitié de lui : C’est un enfant des Hébreux, se dit-elle. La sœur de l’enfant dit à la fille du Pharaon : Veux-tu que je te cherche une nourrice parmi les femmes des Hébreux ? Elle t’allaitera l’enfant. Va vite, lui répondit la fille du Pharaon. La jeune fille partit et appela la mère de l’enfant. La fille du Pharaon lui dit : Emmène cet enfant, allaite-le moi et je te donnerai ton salaire. La femme prit donc le petit garçon et l’allaita ; quand il eut grandi, elle le mena à la fille du Pharaon. Il devint pour elle comme un fils et elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle : Je l’ai tiré des eaux.
La Bible des Communautés Chrétiennes. Exode 2 1994
Un homme de la tribu de Lévi s’en était allé prendre pour femme une fille de même lignée. Celle-ci conçut et enfanta un fils. Voyant qu’il était beau, elle le dissimula durant trois mois. Lorsqu’il fut impossible de le tenir caché plus longtemps, elle se procura pour lui une corbeille de papyrus qu’elle enduisit d’asphalte et de poix. Elle y plaça le petit enfant et la déposa parmi les roseaux proches de la rive du Fleuve. La sœur de l’enfant se posta à distance pour voir ce qu’il lui adviendrait.
Or la fille de Pharaon descendit au fleuve pour s’y baigner, tandis que ses suivantes se promenaient sur la rive. Elle aperçut la corbeille parmi les roseaux et envoya sa servante la prendre. Elle l’ouvrit et vit : c’était un enfant qui pleurait. Touchée de compassion pour lui, elle dit : C ‘est un petit Hébreu. La sœur de l’enfant dit alors à la fille de Pharaon : Veux-tu que j’aille te quérir, parmi les femmes des Hébreux, une nourrice qui t’allaitera ce petit ? Va lui répondit la fille de Pharaon. La jeune fille s’en fut donc quérir la mère du petit. La fille de Pharaon lui dit : Emmène ce petit, et nourris le moi. Je te donnerai moi-même ton salaire. Alors la femme emporta le petit et l’allaita. Lorsqu’il eut grandi, elle le ramena à la fille de Pharaon qui le traita comme un fils et lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle : Je l’ai tiré des eaux.
La Bible de Jérusalem. Exode 2 1955
vers ~ 2 250
C’est sans doute un tremblement de terre qui détruit la ville de Troie, en Asie Mineure.
En Égypte, une révolution – celui qui ne pouvait se faire des sandales est maintenant possesseur de trésors – met fin aux dynasties memphites : la huitième sera la dernière, les suivantes seront d’Héracléopolis, puis de Thèbes. La septième dynastie avait connu septante rois en septante jours.
Le pourquoi de l’écriture sur les papyrus ne tient pas dans une volonté de diffuser des connaissances, mais exactement son contraire : il s’agit de conserver des secrets, évidemment à caractère religieux : ainsi, sous le règne de Pépi II – ~2 278 à ~2 184 -, le sage Ipuwer se désole-t-il du vol de nombreux écrits :
Si au moins j’avais élevé la voix à ce moment pour qu’elle me sauve de cette douloureuse situation où je me trouve ! Vois la Chambre privée, ses écrits ont été volés, et les secrets qui s’y trouvaient ont été révélés. Vois, les formules magiques ont été divulguées : les incantations shemu et se-khenu sont inefficaces parce que les gens les répètent. Vois, on a ouvert les archives et leurs inventaires ont été volés. Les esclaves sont devenus des maîtres d’esclaves. Vois, les scribes sont assassinés et leurs écrits volés. Que je sois maudit par la misère de ce temps ! Vois les scribes du cadastre, leurs écrits ont été détruits. La céréale d’Égypte est propriété communale. Vois, les lois de la Chambre privée ont été jetées dehors. Les gens marchent dessus dans les lieux publics et les pauvres les brisent dans les rues.
Ipuwer. Admonitions
vers ~2 200
Un événement capital pour les civilisations méditerranéennes se passe dans le ciel : le soleil cesse de se lever à l’équinoxe de mars, dans la constellation du Taureau ; l’ère astrologique commencée autour de 4 400 avant J.C. s’achève, faisant place à l’ère du Bélier. Et il est bien possible que les détenteurs du savoir de l’époque – les druides, qui, pour compter, utilisaient des chiffres grecs ! – aient eu conscience de cela : on a retrouvé en 1 891 sur la commune danoise de Gundestrup un chaudron cultuel d’argent daté entre le deuxième siècle avant J.C. et le tout début de notre ère. Les scènes représentées sur les cotés l’identifient comme gaulois. Sur le fond est figuré un grand taureau, entouré d’un lézard, d’un ours et d’un homme tenant une épée et talonné par un chien, et cela pourrait bien être une représentation du ciel, avec les constellations d’Orion et du Petit Chien (l’homme armé suivi par le chien), du Taureau, du Dragon (le lézard) etc… Cette conjonction astrale était visible depuis les latitudes moyennes de l’hémisphère nord autour de 2 200 avant J.C.
À mon sens , le chaudron de Gundestrup figure la date à partir de laquelle les Celtes comptent le temps. L’origine de leur calendrier, en somme.
Paul Verdier
Dans ces siècles très reculés, lorsque la poésie se mêlait chez les peuples aux habitudes d’une vie grossière, les forêts furent entourées d’un culte religieux qui demeura longtemps leur meilleur préservatif. Plus tard, les idées utilitaires prédominant et l’agriculture étendant chaque jour son empire, la main de l’homme civilisé commença l’œuvre de destruction devant laquelle avait reculé celle du barbare.
Charles de Ribbe La Provence, au point de vue des bois, des torrents et des inondations avant et après 1789. Paris, Guillaumin 1857
entre ~2 200 et ~2 150
Grande sécheresse de par le monde :
Pour la première fois depuis la fondation et la construction des villes,
Les vastes plaines agricoles n’ont produit aucun grain,
Les vastes plaines inondées n’ont donné aucun poisson,
Les vergers irrigués n’ont produit ni vin ni sirop,
Les amas de nuages n’ont donné aucune pluie,
Le masgurun n’a pas poussé.
Malédiction d’Akkad. Épopée de Gilgamesh. 2 150-2 000 av. J.C.
~ 2 100 à ~ 990
Âge du bronze : le point de fusion d’un alliage – dans ce cas, cuivre, étain (environ 20%) et arsenic, 900° – est inférieur au point de fusion de ses différents composants (1 000° pour le cuivre) : ceci va expliquer le succès des alliages. En outre le bronze est moins cassant et plus résistant que le cuivre pur. L’étain vient principalement des îles Cassitérides, au SO de l’Angleterre (aujourd’hui îles Scilly). En France, les premières mines de cuivre ont été trouvées à Cabrières, dans l’Hérault. On en connaît aussi près de Salzbourg, dans des galeries souterraines où, pour briser les roches et fracturer les minerais, les hommes faisaient du feu. Découvert beaucoup plus tôt au Moyen Orient et en Europe Centrale – vers ~3 000 – , ce grand progrès ne sera transmis à l’occident qu’à partir de ~1 800. On trouve aussi des alliages à l’état naturel, ainsi l’électrum, alliage d’or et d’argent, en Asie Mineure.
Les premières extractions de métaux eurent lieu dans l’ouest de l’Asie mais, dès 4 000 av. J.C., la fusion du cuivre était connue dans les Balkans, et vers 2 500 en Espagne et dans le bassin de l’Égée.
Le cuivre allait considérablement améliorer la qualité des outils, autant pour les travaux d’extraction eux-mêmes que pour l’agriculture. À l’apogée de Babylone, c’est à dire vers 2 000 av. J.C., cette métropole exportait de grandes quantités de cuivre vers l’Afrique et l’Asie. Cinq cents ans plus tard, peut-être par hasard, les chaudronniers découvrirent qu’en coulant de l’étain, du plomb ou de l’antimoine dans le cuivre en fusion, l’alliage obtenu, c’est à dire le bronze (d’abord appelé airain) était plus dur et surtout, restait plus longtemps coupant que la pierre. […] Les maigres gisements d’étain d’Asie Mineure furent considérés pendant de longues années comme infiniment plus précieux que les mines d’argent. […] Des gisements d’étain furent également découverts dans le nord de l’Europe, et le métal exporté vers Babylone. Aux environs de 2 500 av. J.C., le fer forgé sera connu en Asie Mineure. Dans cette même région, vers 1 400 avant notre ère, les métallurgistes parviendront au stade final de l’affinage en obtenant, à partir de la fonte, l’acier à la plus grande résistance et au tranchant plus vif.
Hugh Thomas. Histoire inachevée du monde. Robert Laffont 1986
vers ~ 2 100
Poids et instruments gradués trouvés sur site prouvent que le système décimal – les dix doigts des mains – est déjà en usage dans la civilisation de l’Indus.
La mort est aujourd’hui devant moi,
Comme un chemin après la pluie (…),
Comme une éclaircie dans un ciel de nuages,
Comme le désir d’une chose inconnue.
Dialogue d’un désespéré avec son âme. Égypte
Ne sois pas mauvais. La patience est une vertu.
Fais que ton souvenir dure à cause de l’amour qu’on a pour toi.
Inspire de l’amour à tous.
Une bonne réputation est le meilleur souvenir qu’on puisse laisser de soi.
Le comportement d’un homme intègre est bien plus agréable aux dieux
Que le bœuf du pécheur.
Fais le bien tant que tu es sur terre.
Soulage l’affligé, n’opprime pas la veuve,
N’expulse personne du domaine de son père (…)
Alors cette terre sera bien établie.
Laisse la vengeance à Dieu
Tu sais que le tribunal qui juge le pécheur ne sera pas clément,
À l’heure où il exécutera son devoir envers le misérable…
Ne te fie pas à la longueur de tes ans,
Car le tribunal divin considère toute une vie humaine
Comme seulement une heure.
L’homme persiste, après la mort,
Et ses actions sont placées en tas à coté de lui.
Et l’existence d’au-delà, c’est pour l’éternité…
Celui qui y parvient sans avoir péché se trouvera là comme un dieu,
Allant librement, comme les seigneurs de l’éternité.
Enseignements du roi Akhty à son fils Mérikaré
vers ~ 2 000
On estime la population globale de la terre à 100 millions.
Sus aux jeunes est une très très vieille chanson : Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut pas être loin.
Un prêtre égyptien
Les Grecs possèdent un système d’écriture qui disparaîtra avec les invasions doriennes, vers 1 100 av J.C. En la matière, à l’autre bout du monde, les Chinois avaient de l’avance.
Dans le Languedoc, le cordon littoral est en formation, de façon discontinue, sur une ligne qui est le littoral actuel, en s’ancrant sur les îlots rocheux : Agde, Sète, La Clape. À Cambous, dans l’Hérault, sur la commune de Viols le Fort, une communauté s’installe : on construit en dur… la pierre ne manque pas… seuls les toits sont en végétal.
En Normandie, sur le site de Giberville, proche de Caen, l’INRAP – Institut National de Recherche Archéologique Préventive – trouve en 2016 de nombreuses tombes de princes d’Armorique. Les os sont trop détériorés pour être très explicites, mais les ornements, les parures parlent beaucoup.
Début d’assèchement du Sahara : les essences soudanaises remplacent progressivement les essences méditerranéennes : pin d’Alep, cyprès, micocoulier, aulne, frêne. Cela se fera assez rapidement, sans que l’on sache précisément pourquoi ; il est tout de même probable que les derniers à l’avoir occupé, les Garamantes, des paléo berbères, probablement ancêtres des Touaregs, qui avaient introduit le char à un, deux ou quatre chevaux, ont du laisser se développer l’élevage au-delà des limites supportables par l’environnement, et, au sein de cet élevage, la chèvre pourrait bien figurer au premier rang. Simultanément, les arbres ont du être abattus au-delà de leur capacité de renouvellement. Il n’est pas impossible que soient nés à ce moment là les trafics sahariens.
À dix autres journées du territoire d’Augila, on rencontre une autre colline de sel avec de l’eau, et une grande quantité de palmiers donnant du fruit, comme dans les autres endroits dont on vient de parler. Les Garamantes, nation fort nombreuse, habitent ce pays. Ils répandent de la terre sur le sel couvrant leur sol et sèment ensuite. Ils sont à trente jours de marche des Lotophages [distance de Tripoli à Mourzouk]. Les Garamantes font la chasse au Troglodytes-Éthiopiens [la race au teint brûlé, peut-être les Toubous actuels]. Ils se servent pour cela de chars à quatre chevaux. Les Troglodytes-Éthiopiens sont en effet les plus légers et les plus vifs de tous les peuples dont nous ayons jamais ouïe parler. Ils vivent de serpents, de lézards et autres reptiles ; ils parlent une langue qui n’a rien de commun avec celle des autres nations ; on croit entendre le cri des chauves-souris.
Hérodote. Enquêtes
Le Sahara est devenu le pays du sel. Cela s’explique. Privées d’écoulement assurant leur évacuation vers la mer, les eaux, chargées des matières dissoutes au contact des terrains lessivés par le ruissellement, s’accumulent dans des bassins fermés, marais salants naturels soumis à une évaporation violente. D’où la sebkha, depuis le simple bas-fonds aux argiles efflorescentes, blanchies de poussière cristalline, jusqu’au véritables mines de sel gemme.
Le désert possède donc le sel dont la savane et la forêt sont sevrées. Les récits des vieux chroniqueurs nous décrivent le trafic à la muette, les Nègres du Sud venant déposer leur poudre d’or à coté des tas de sel apportés par les caravaniers du Nord.
Cette grande faim de sel qui tenaille le paysan de la savane comme celui de la forêt, et comme le bétail des prairies, a suscité et entretenu l’un des plus puissants et l’un des plus anciens courants commerciaux qui soient, vivace encore aujourd’hui.. C’est que le sel, aliment rare et nécessaire, imputrescible, transportable, était devenu bien davantage qu’un condiment : une monnaie riche, l’étalon-or dit Bonafos, dont un chapitre s’intitule Le sel, métal précieux. Un or soluble, comestible, mais un or. Et l’on comprend l’intérêt que portèrent aux salines sahariennes, dont les plus importantes sont celle d’Idjil et de Taoudenni pour le Sahara occidental – les empereurs mandingues, songhaïs ou marocains : qui donc ferait fi d’un Transvaal ?
Théodore Monod. Méharées
En Chine paraît le premier livre de matière médicale : le Shen Nung Ben Cao jing – Traité des plantes médicinales de l’empereur Shen Nung – . Shen Nung était l’empereur en ce temps, mais on ne connaît pas l’auteur. Le livre contient la liste de 365 remèdes – par analogie avec les jours de l’année -; il se divisait en trois parties :
Tous ces médicaments étaient d’origine végétale et répartis dans chaque catégorie en herbes, arbres, fruits, graines et légumes. Mais il n’indiquait rien quant au mode d’administration. Plus tard, un supplément fut ajouté à l’ouvrage, avec une liste d’autres remèdes, minéraux et animaux.
vers ~ 1 970
En Égypte, on commence à exprimer le bilan d’une vie avec des accents de ce qu’au XX° siècle on nommera droits de l’homme :
J’ai donné aux indigents et pris soin des orphelins ; j’ai fait arriver celui qui n’était rien, comme celui qui était quelqu’un….
J’ai accompli quatre bonnes actions au-dedans du porche de l’Horizon. J’ai crée les quatre vents pour que chaque homme puisse s’en emplir les poumons, aussi bien que chacun de ses contemporains. C’est là mon premier bienfait. J’ai fait la grande inondation pour que le pauvre ait droit à ses bénéfices aussi bien que le riche. C’est ma seconde action. J’ai fait chaque homme semblable à son compagnon. Jamais je ne leur ai ordonné de faire le mal, mais ce sont leurs cœurs qui ont enfreint mes préceptes. C’est ma troisième action. J’ai fait que leurs cœurs cessent d’oublier l’Occident (la région des dieux et des morts) afin que les offrandes divines soient données par eux aux dieux des nomes [circonscription administrative de l’Égypte ancienne).
Amménémès
vers ~1 930
Suite à une intrigue politique, Sinuhe, égyptien de haut rang, a dû s’exiler en pays de Canaan. Il se fait vieux, il a laissé un bon souvenir de lui à la cour du pharaon Sésostris I° et ce dernier l’invite à revenir au pays :
Prends tes dispositions pour revenir en Égypte, de façon à revoir la cour où tu as grandi et à baiser la terre entre les deux grandes portes… Pense au jour où l’on t’enterrera et où tu passeras dans l’au-delà. On te munira d’huile et de bandelettes… On t’accompagnera au jour de tes funérailles. Le cercueil sera en or et sa tête en lapis-lazuli et l’on te couchera sur une civière. Des bœufs te tireront ; des chanteurs précéderont ta dépouille et l’on te dansera la danse des nains à l’entrée de ta tombe. On récitera les prières d’offrande et l’on immolera un sacrifice pour toi. Tes colonnes seront bâties en pierre calcaire, parmi celles des enfants royaux. Il ne faut pas que tu meures en pays étranger, que tu sois enterré par des Asiates, ni que l’on t’enveloppe dans une peau de mouton.
*****
La pratique égyptienne de l’embaumement est à l’origine de connaissances étendues concernant l’anatomie humaine. Conserver toutes les parties d’un mort était une affaire sérieuse pour un peuple qui croyait à une vie matérielle au-delà de la mort. L’idée générale était que, à l’instar d’Osiris qui avait été tué et dépecé par Seth et se releva lorsque son corps fut reconstitué, un individu ressusciterait lorsque les différentes composantes de sa personne vivante – l’âme, l’ombre, le nom, le cœur et le corps – seraient à nouveau réunies. Concernant sa partie physique, ces éléments devaient être non seulement soigneusement préservés, mais il fallait encore que ce travail fût exécuté avec goût pour que ces éléments physiques séduisent et ramènent à eux les composantes spirituelles. À l’origine, les méthodes les plus élaborées étaient réservées aux personnages de sang royal et elles impliquaient des interventions chirurgicales. Le cerveau, les intestins et d’autre organes vitaux étaient prélevés et, après les avoir lavés dans du vin, on les plaçait avec des herbes dans des canopes. Les cavités du corps étaient remplies de parfums et de résines odorantes, et le corps recousu. Ensuite, il était immergé pendant 70 jours dans du salpêtre, [natrum] avant d’être lavé et enveloppé dans des bandelettes trempées au préalable dans une sorte de gomme résineuse. Enfin, le corps était placé dans son sarcophage et scellé. Une méthode beaucoup moins élaborée consistait à injecter dans le corps de l’huile de cèdre, à l’immerger dans du salpêtre pendant 70 jours puis, après l’avoir retiré de la solution, à en soustraire l’huile et les chairs pour ne laisser que la peau et les os. Pour les pauvres, les intestins étaient simplement purgés et le corps recouvert de salpêtre pendant une période de 70 jours… Mais, grâce aux deux premières méthodes de traitement, les embaumeurs acquirent une très bonne connaissance du corps humain et de ses parties et, grâce à leur expérience chirurgicale, ils engrangèrent un savoir considérable sur l’anatomie. Mais, il ne semble pas que ces connaissances aient stimulé la recherche sur la façon dont le corps fonctionne réellement.
Colin Ronan. Histoire mondiale des sciences. Seuil 1988
On sait que les Égyptiens étaient grands consommateurs d’orge, sous forme de pain mais encore transformé en bière, mais on ne sait pas s’ils utilisaient le sel pour conserver viande et poissons ; la chose est bien possible puisqu’ils utilisaient abondamment le sel pour l’embaumement.
vers ~ 1 900
Les pharaons entreprennent le creusement d’un canal qui réunit un bras oriental du Nil au grand lac Amer : 150 km de long, 25 à 30 mètres de large, 3 à 4 mètres de profondeur : il ne servira en fait qu’aux périodes fastes, lorsque les finances permettaient de draguer le sable qui envahissait le canal ; d’autre part, dès le début du premier millénaire, le lac Amer cessa de communiquer avec le golfe de Suez. On le nommera communément le canal des pharaons.
L’Égypte est au sommet de sa civilisation : l’équilibre social, un droit renouvelé, permettent l’établissement d’une société solide ; l’architecture s’est affinée, des ouvrages médicaux élaborés et spécialisés, vétérinaires aussi, sont rédigés… la littérature n’est pas en reste : discussions métaphysiques et morales, merveilleux… Chant du harpiste, Conte du roi Khéops et des magiciens.
Aucun ne revient de là-bas, qui nous dise quel est leur sort,
Qui nous conte ce dont ils ont besoin (…)
Que ton cœur donc s’apaise (…)
Suis ton désir et ta félicité,
Remplis ton destin sur la terre.
Chant d’Antef
Toute manifestation de partialité est en horreur aux dieux. Voici donc mes instructions. Tu devras agir en conséquence. Tu accorderas la même attention à celui que tu connais et à celui que tu ne connais pas, à ton voisin et à celui qui habite loin de toi. Le fonctionnaire qui agira comme cela prospérera dans sa charge… Inspire la crainte, de sorte que tout homme te redoute. Un vrai fonctionnaire est quelqu’un que l’on craint, car ce que l’on doit redouter en lui, c’est l’accomplissement de la justice. Si un homme au contraire n’inspire que la crainte de sa personne, il se met dans son tort aux yeux des gens et l’on ne dit jamais de lui : c’est un homme véritable.
Instructions de Pharaon à son vizir, le magistrat suprême, la colonne de la Terre entière.
Jamais on ne vit souverains rester aussi humains et attachants dans le grandiose et le monumental, jamais la douceur et la plénitude du couple ne furent traduits dans la pierre avec autant de vérité.
Flaubert. Correspondance. Lettre à Maxime du Camp 1850.
Quand nous affirmons que les Égyptiens étaient les plus civilisés des peuples d’Orient, nous ne prétendons, ce disant, ni qu’ils étaient supérieurs aux Babyloniens, aux Hébreux ou aux Perses, ni qu’ils surpassaient leurs voisins dans les arts et les techniques. Nous entendons simplement par là qu’ils émergèrent assez brusquement de l’état de pré civilisation et s’adaptèrent avec aisance à un mode de vie harmonieux qui les satisfit pleinement. Ils avaient ce raffinement qu’engendre la confiance en soi et la joie de vivre. Leur élégance nonchalante n’allait pas sans cette sorte de suffisance qui va souvent de pair avec ce que nous entendons par civilisé.
John A.Wilson. L’Égypte, vie et mort d’une civilisation. Arthaud 1961.
~ 1 900 à ~1 650
Cette dalle de Saint Belec aura dormi près d’un siècle dans une cave du MAN – Musée d’Archéologie Nationale de Saint Germain en Laye, jusqu’à ce qu’en 2014, on l’y retrouve en cherchant à la faire parler : il pourrait s’agir de la première carte, qui aurait pu valoir titre de propriété. La plus longue ligne horizontale représenterait la vallée de l’Odet.
~1 878 à ~1 814
Les pharaons Sésostris III et son fils Amenemhat III font creuser un canal reliant le Nil aux marais de la vallée du Fayoum, sur la rive gauche du Nil, en amont du début du delta : un système complexe de barrages de réservoirs et de canaux subsidiaires qui emmènent les eaux du Nil vers le Fayoum, créant un immense lac artificiel de 50 milliards de m³ d’eau, de quoi alimenter des jardins à n’en plus voir la fin. [en comparaison, le lac Mead, le plus grand réservoir artificiel des États-Unis, formé par le Hoover Dam, retient au maximum 35 milliards de m³ d’eau]
~1 872 à ~1 854
Sésostris III installe, à chaque détour du fleuve, au sud de la deuxième cataracte, sur deux cents kilomètres – l’actuel Soudan -, un réseau de sept forteresses. C’est le premier exemple d’architecture militaire. Il avait renoncé à sa pyramide de Dahchour, symbole du rayon solaire pétrifié, comme mausolée, pour se faire creuser une tombe sous terre, à Abydos où est honoré Osiris : on passe d’une religion solaire à un mode d’enterrement qui sera adopté par tous les pharaons dans la vallée des Rois, en Haute-Égypte. Selon le culte d’Osiris, le défunt entreprend un voyage dans l’au-delà pour ressusciter au lever du soleil.
Il soignait son image, dirait-on aujourd’hui, diffusant ses portraits dans tout l’empire, l’air bienveillant lorsqu’il s’adresse à son peuple, brillant d’une jeunesse éternelle, le regard impitoyable quand il veut impressionner l’ennemi.
Il est venu à nous après avoir rendu la vie à l’Égypte et repoussé ses souffrances… Après avoir rendu la vie à l’élite et fait respirer la gorge du peuple… Pour que nous puissions élever nos enfants et inhumer nos vieillards
Papyrus de l’enseignement loyaliste
~ 1 792
Début du règne d’Hammourabi sur le royaume de Babylone, qui couvre presque toute la Mésopotamie [3]. Il va réaliser la synthèse entre les traditions culturelles et religieuses des capitales impériales de Sumer et d’Akkad, – les Akkadiens sont les lointains ancêtres des Juifs et des Arabes -, qui avaient dominé la Mésopotamie au III° millénaire, et entre celles des princes bédouins amorrites. Il laisse un code comprenant 3 500 lignes en cunéiforme et en akkadien.
Afin d’empêcher le puissant d’opprimer le faible, afin de rendre justice aux orphelins et aux veuves […] j’ai inscrit sur ma stèle mes précieux mots […]
Si un homme est suffisamment sage pour maintenir l’ordre dans le pays, qu’il prenne garde aux mots que j’ai inscrits sur cette stèle […]
Que le citoyen opprimé se fasse lire à haute voix les inscriptions […].
La stèle illuminera son affaire à ses yeux. Et quand il comprendra ce qu’il peut attendre des mots de la loi, son cœur sera apaisé.
Epilogue du Code d’Hammourabi
vers ~1 780
Le papyrus d’El Lahoun donne des recettes contraceptives : Des épines d’acacia finement broyées, mélangées à des dattes et du miel et étendues sur un tampon de fibre introduit profondément dans le vagin. On sait aujourd’hui que les épines d’acacia renferment une sorte de latex [gomme arabique]] qui s’enrichit en acide lactique au cours du processus de fermentation. Cet acide entre dans la composition de certains spermicides modernes.
Le papyrus d’Ebers dans l’ordonnance 783, prescrit :
Début des préparations pour les femmes.
Faire qu’une femme cesse d’être enceinte pendant un, deux ou trois ans.
Extrait d’acacia (fruit non mûr d’acacia ou partie de l’acacia), caroube, dattes.
Ce sera finement broyé dans un vase de miel.
Un tampon vaginal en sera imbibé et appliqué dans son vagin.
Ce même papyrus décrit aussi très précisément les états inflammatoires que peut soigner une décoction de feuille de saule. L’acide acétylsalicylique – autrement dit l’aspirine – est extrait de l’écorce et de la feuille du saule blanc. Aspirine vient de a pour acétyl, spir pour l’autre origine végétale de la saliciline : une spirée, la reine des prés.
Un des rares remèdes qui soulage l’insupportable douleur d’exister.
Franz Kafka
Les Néandertaliens apaisaient déjà leurs maux de dents en mâchouillant l’écorce de bouleau. Sans savoir, bien évidemment, que l’apaisement de la douleur était dû à la salyciline, présente également dans l’écorce de saule blanc ou dans la reine-des-prés. Les Homo sapiens firent appel à leur tour à ce remède qui fut transmis aux Égyptiens et aux Grecs qui l’employaient pour faire baisser la fièvre. Un papyrus égyptien datant de – 1550 avant J.-C. mentionne une décoction de feuilles de saule. Jusqu’au Moyen Âge, ces deux écorces faisaient partie de la pharmacopée des guérisseurs et des médecins.
Frédéric Lewino Le Point 8 07 2024
vers ~ 1 760 [4]
Abraham et son peuple quittent Ur, en Mésopotamie : le voyage se termine à Canaan, entre le Jourdain et le littoral méditerranéen. Dieu a passé alliance avec lui : J’établirai mon alliance entre toi et moi, et ta race après toi, de génération en génération. Pourquoi Dieu arrive-t-il donc si tard ? Régis Debray répond, en partie : L’homme descend du singe, mais Dieu du signe et les signes ont une histoire longue.
vers ~ 1 759
Hammourabi étend le royaume de Babylone, dont il fait un État unifié. La principale conquête est celle de Mari, son ancien allié, sur la rive droite de l’Euphrate, aujourd’hui en Syrie, tout près de la frontière avec l’Irak. Mari, déjà vieille cité marchande dont le roi s’est construit un palais occupant 3 ha. composé de presque 600 pièces, qui s’est donné les moyens de se nourrir en construisant un important réseau de canaux en parallèle du cours de l’Euphrate. Hammourabi, souverain étonnamment prudent, calculateur au vu de l’impulsivité de la plupart des autres monarques. Il donna ses premières lettres de gloire à l’espionnage, le second plus vieux métier du monde [5] , en envoyant des agents dans les rangs adverses pour mieux les connaître.
Hammourabi, roi de Babylone publie une liste de nourritures où figure le pain et la bière d’orge, élaborées à partir de la même bouillie, plus ou moins épaisse et à fermentation spontanée. De là viendront les premiers levains.
Mais ce sont les Égyptiens qui ont découvert que la meilleure farine panifiable est celle de froment mise à fermenter avec du levain d’orge.
Le pain de froment réunit les quatre éléments indispensables à la vie de l’être humain. La terre où s’enracine, se développe et se nourrit le grain de blé. L’eau, indispensable à la confection de la pâte, puisque sans elle la farine resterait une matière inerte et brute. L’air, pour assurer la fermentation de la pâte, sa transformation et sa vie. Pour finir, le feu, qui fixe et assure la cuisson de la pâte façonnée.
Joël Robuchon
Les quatre éléments auxquels se réfère Joël Robuchon sont bien ceux déterminés par Empédocle d’Acragas [aujourd’hui Agrigente, ~ 492 – ~ 432] :
Il semble qu’il ait modifié les conceptions excessives de Parménide pour parvenir à l’idée de quatre substances immuables – ou éléments, ou encore, comme il les appelait, racines de toutes choses – et de deux forces fondamentales. Les éléments étaient désignés comme la terre, l’air, le feu et l’eau, et les deux forces, plus poétiquement comme l’amour et la haine, c’est-à-dire, l’attraction et la répulsion. Les éléments ne doivent pas être considérés comme identiques aux substances ordinaires généralement désignées par ces mots, mais plutôt comme identiques à leurs caractéristiques essentielles et permanentes. Cependant, toute substance matérielle en est faite : ainsi, un morceau de bois contient de l’élément terrestre (c’est pourquoi il est lourd et solide), de l’élément aquatique (c’est pourquoi, s’il est chauffé, il commence par exsuder de l’eau), tout comme il contient de l’air (il dégage de la fumée) et du feu (il émet des flammes lorsqu’il brûle). La proportion relative de ces éléments détermine l’espèce particulière de ce bois. La théorie des quatre éléments se révélera d’une importance capitale.
Colin Ronan. Histoire mondiale des sciences. Seuil 1988
Et que peut-il y avoir d’aussi actuel qu’une recette de cuisine ? à l’exception d’un ou deux mots, on pourrait parfaitement trouver la suivante dans un livre d’aujourd’hui ; rédigée en écriture cunéiforme, elle était servie lors des banquets rituels.
Tourte aux petits oiseaux
Supprimer cou et pattes ; retirer la fressure et notamment les gésiers ; laver le tout ; après avoir découpé la fressure, le passer rapidement au feu dans un chaudron ; mettre de l’eau et du lait dans une marmite et y ajouter oiseaux et fressure, sel, graisse, bois aromatiques et un peu de rue effeuillée ; à ébullition, ajouter oignons, poireau et ail et un peu d’eau froide ; laisser cuire, préparer une pâte de farine, de lait, de saumure parfumée [6] et d’un peu de gras de cuisson ; diviser la pâte gonflée en deux abaisses et les faire cuire ; disposer une des abaisses sur le plat de service et y disposer les viandes aspergées de jus de poireaux et d’ail et accompagnée de petits morceaux de pâte cuite ; recouvrir le tout de l’autre abaisse, qui sert donc de couvercle et envoyer à table.
vers ~1 660
Construction en trois phases du cromlech de 150 monolithes à Stonehenge, au nord-ouest de Salisbury, en Angleterre. C’est sans doute le dernier temple mégalithique construit en Angleterre. Le fer à cheval est ouvert sur le nord-est, juste dans l’axe du soleil au solstice d’été. Ces gens-là avaient les moyens de leur politique, et, aujourd’hui encore, on ne sait pas très bien comment ils ont opéré, car tout de même, transporter ces incroyables tonnages – jusqu’à 50 tonnes pièce – sur 220 km – les linteaux de pierre bleue [une dolérite, roche magmatique, ou une rhyolite, roche volcanique] de Stonehenge viennent des monts Prescelly, au sud-ouest du pays de Galles – ce n’est pas donné au premier venu. Les énormes blocs monolithes [le sarten, un grès plus dur que le granit] venaient des environs de Malborough, à 32 km. Ils devaient bien maîtriser le travail du bois, car les assemblages des blocs sont à tenons et mortaises.
Des restes humains exhumés dans les années 50, conservés au musée de Salisbury, tout proche, ont fait l’objet d’une datation au radiocarbone – le carbone 14 – en 2008, qui les fait remonter à une période allant de ~ 3 030 à ~ 2 880, soit bien antérieure à l’édification des mégalithes. Andrew Chamberlain, spécialiste de démographie ancienne suggère que Stonehenge aurait pu être le lieu de sépulture des membres d’une seule famille, peut-être une dynastie, car le nombre des tombes augmente au cours des siècles, avec les multiplication des descendants. De toutes façons, tout le monde s’accorde pour dire aujourd’hui que c’était un cimetière. Mais Colin Ronan, auteur d’une Histoire Mondiale des sciences [1988], assure que l’examen attentif de Stonehenge et d’autres cercles ou anneaux de pierre et l’analyse statistique approfondie des résultats laissent peu de doute sur le fait qu’ils furent en fait des observatoires astronomiques, conçus et bâtis sur la base de l’expérience, pour répondre à la nécessité d’observer les levers et les couchers du Soleil et de la Lune afin de déterminer un calendrier saisonnier.
En 2013, le professeur Parker Pearson, de l’University College de Londres affirme que la fonction dernière de Stonehenge était festive : l’étude des dents attachées aux quelques 80 000 ossements d’animaux trouvés sur place conclue à une très grande diversité d’animaux qui n’ont pu venir là que menés par des communautés venus des quatre coins d’Angleterre.
En 2015, on découvrira à 3 km au nord-est de Stonehenge, les fondations du cromlech de Durrington walls, de 500 mètres Ø, qui aurait un temps été constitué des pierres bleues de Stonehenge, puis n’aurait plus été constitué que de poteaux en bois, rapidement réduits en humus. L’orientation de ce cromlech suggère qu’il y a une complémentarité avec Stonehenge, l’un étant orienté pour un alignement du soleil au solstice d’été, l’autre au solstice d’hiver. Les deux sites étaient reliés à la rivière Avon, au sud, par des avenues de 23 mètres de large. Et à Bluestonehenge, à l’arrivée de l’avenue de Stonehenge sur l’Avon, on a aussi retrouvé un cromlech.
La recherche ayant à sa disposition des instruments qui parviennent à faire parler de plus en plus d’éléments de notre environnement, elle se portera sur l’examen de ces pierres bleues dont est composé, à Stonehenge un cercle de 110 m ∅, aujourd’hui presque entièrement disparu et dont l’origine ne peut être Stonehenge et ses environs immédiats. Et le professeur Mike Parker Pearson, – personnage central de la video qui suit du National Geographic Magazine – a fini par retrouver la carrière d’origine de ces pierres : Waum Mawn, dans les Preseli Hills, 240 km à l’ouest de Stonehenge, au pays de Galles ; les fouilles sur ce site ont permis de montrer l’existence là encore de l’emplacement d’un cercle de pierres de 110 m ∅ : les pierres ne sont plus là, mais leur emplacement, la trace de leur implantation, si ; et cette implantation daterait de 3 300 ans av. J.C. De là à suggérer que les pierres qui composaient le cercle de 110 m ∅ à Stonehenge sont ces mêmes pierres qui formaient un cercle de diamètre identique à Waum Mawn, qui ont été transportées de Waum Mawn à Stonehenge dans le cadre d’un mouvement de migration des peuples du pays de Galles vers Stonehenge, il n’y a qu’un pas. Et cela nous fait faire un grand bond en arrière quant à l’origine de Stonehenge : de ~1 660 à ~ 3 300, soit 1 640 ans !
En 2024, un équipe de chercheurs remettra en question l’origine de la pierre d’autel, au centre du site de Stonehenge :
Ce monument mégalithique est aujourd’hui encore constitué d’environ quatre-vingts pierres, agencées de façon très précise autour d’un élément central, la pierre d’autel, un bloc de grès vert pesant près de six tonnes, dont on imaginait jusqu’ici qu’il provenait du pays de Galles, où plusieurs gisements de cette roche existent. En raison de sa position horizontale et de la chute d’autres pierres sur elle, elle est à présent enterrée aux trois quarts, donc moins simple à discerner pour les visiteurs du site, mais elle reste tout à fait unique au sein de l’ensemble des pierres de Stonehenge.
C’est l’origine de cette pierre d’autel qui vient d’être totalement remise en question par les recherches d’une équipe de la Curtin University, une université internationale basée à la fois en Australie, en Malaisie, à Singapour, au Sri Lanka, sur l’île Maurice et aux Émirats arabes unis. Selon leurs travaux, la pierre ne proviendrait pas du pays de Galles, mais d’Écosse. De quoi remettre en question pas mal de certitudes sur la façon dont Stonehenge a été mis en place.
Dans le but d’étudier l’âge et la chimie des grains minéraux dans les fragments de la pierre d’autel, l’équipe a créé une empreinte chimique de celle-ci. Elle a alors découvert que sa composition chimique correspondait à celle des roches du nord-est de l’Écosse, la différenciant clairement du substrat rocheux gallois. Notre analyse a révélé que des grains minéraux spécifiques dans la pierre d’autel ont pour la plupart entre 1.000 et 2.000 millions d’années, tandis que d’autres minéraux ont environ 450 millions d’années, explique Anthony Clarke, auteur principal de l’étude.
L’empreinte chimique obtenue suggère que la pierre provient de roches du bassin des Orcades, en Écosse, à au moins 750 kilomètres de Stonehenge, indique-t-il. De quoi s’interroger sur la façon dont cette pierre a pu être déplacée jusqu’à son emplacement final. Coauteur de l’étude, Richard Bevins déclare que les choses ne font que commencer et que va s’amorcer une phase de recherche du point d’origine exact de la pierre d’autel, qui devrait donc conduire les chercheurs en terres écossaises.
Notre découverte des origines de la pierre d’autel met en évidence un niveau important de coordination sociétale au cours de la période néolithique et contribue à dresser un tableau fascinant de la Grande-Bretagne préhistorique, conclut Chris Kirkland, coauteur de l’étude.
Le transport terrestre d’une telle cargaison massive depuis l’Écosse vers le sud de l’Angleterre aurait été extrêmement difficile, ce qui indique l’utilisation d’une probable route de navigation maritime le long des côtes britanniques. Cela implique des réseaux commerciaux à longue distance et un niveau d’organisation sociétale plus élevé que celui que l’on croit généralement avoir existé au cours de la période néolithique en Grande Bretagne. Ou comment une empreinte chimique peut suffire à ouvrir des pistes inattendues et inexplorées jusque-là.
Thomas Messias, Jonathan Ridley via Unsplash, repéré sur Popular Mechanics. 15 août 2024
Il y a au-delà de la Celtique, dans l’Océan, une île qui n’est pas moins grande que la Sicile. Cette île, située au nord, est habitée par les Hyperboréens, ainsi nommés parce qu’ils vivent au-delà du point d’où souffle Borée [dans la mythologie grecque, personnification du vent du nord. ndlr]. (…) On voit dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu’un magnifique temple, de forme ronde, orné de nombreuses offrandes.
Diodore de Sicile, historien du 1° siècle av. J.C.
~ 1 650
Jusqu’à cette date, on connait pratiquement les noms de tous les pharaons en remontant jusque vers ~ 3 000. Vient alors un trou de 75 ans, qui correspondrait à l’invasion des Hyksos, peuple d’Asie, montés sur des chars à 2 roues. Ils resteront à la tête de l’Égypte pendant 75 ans.
C’était un de nos rois appelés Timaios. Cela arriva durant son règne. Je ne sais pas pourquoi Dieu était mécontent de nous. Des hommes d’origine inconnue vinrent subitement des pays de l’est. Ils eurent l’audace d’envahir notre pays qu’ils asservirent par la force, facilement, sans aucune bataille. Et quand ils eurent vaincu notre roi, ils brûlèrent nos villes de façon barbare et détruisirent les temples des dieux. Tous les habitants furent traités avec cruauté ; une partie d’entre eux furent tués par les envahisseurs, d’autres virent leurs enfants et leurs femmes emmenés en esclavage. Finalement, l’un de ces conquérants fut nommé roi. Son nom était Salatis. Il vivait à Memphis et imposa un tribut à la Haute et à la Basse Égypte. Il établit des garnisons dans les villes qui lui semblaient le plus appropriées à ses desseins… et, quand il en eut trouvé une dans la région de Saïs, située à l’est du bras du Nil près de Bubastis, et qui était aussi appelée Avaris, il la démolit et la reconstruisit en la fortifiant au moyen de murs.
Manetho, historien égyptien
~ 1 646
Une éruption volcanique d’une exceptionnelle violence fait disparaître une bonne partie de l’île de Santorin qui a pour autre nom Théra, engloutissant la plupart des témoignages de l’art minoen, qui s’est développé surtout un peu plus au sud, en Crète : les couches de cendres déposées sur le pourtour du cratère atteindront de 30 à 50 mètres d’épaisseur ! On parle d’une puissance 100 fois supérieure à celle de Pompéi ! Le raz de marée consécutif – une vague de 50 mètres de haut – aurait détruit ce qui ne l’était pas encore. Volcanisme et tremblements de terre sont très actifs sur cette île : on retrouvera en 1967 des restes d’une ville détruite, sans doute par un tremblement de terre antérieur à cette éruption… 3 600 ans plus tard, les courants marins enlèvent encore des pierres ponces aux plages de Santorin, que l’on retrouve plus au nord, à Mykonos par exemple. Bien au sud, des archéologues ont trouvé sur le flanc est du Sinaï des morceaux de lave analogue à celle de Santorin. En 2022 les dernières recherches rajeuniront un peu la date de l’éruption, la plaçant en ~1530, et elles parlent aussi non d’un tsunami, mais de quatre qui se seraient succédés avec des écarts allant de quelques heures à quelques jours au plus, et dont les effets se seraient faits sentir jusque sur la côte turque de la mer Égée, à Tchesmé, 70 km à l’ouest d’Izmir.
~ 1 600 à ~ 1 500
Joseph, arrière petit fils d’Abraham, vendu par ses frères comme esclave en Égypte, y devient vizir et fait venir son peuple, qui sera plus tard asservi. Les Égyptiens les nommaient Apirous, et les feront travailler à la construction de nombreux monuments.
Des envahisseurs aryens s’installent en Inde : on leur attribue l’ensemble de textes sacrés communément nommés Véda, – le Savoir -, considérés par la tradition orthodoxe hindoue comme révélés. Autour de chacun des quatre Veda : Rig-véda, Yajour-véda, Sâma-véda, Atharva-véda, se rattachent des commentaires et des traités spéculatifs, Brâhmana, Aranyaka, et Oupanichad. Ils formeront le cœur du brahmanisme, qui empruntera de nombreux éléments à l’Inde elle-même, hors de l’influence directement indo-européenne.
Tout cela va donner naissance au cours des siècles suivants à une incroyable richesse religieuse, littéraire artistique : dieux et déesses tels Vichnou, Krichna, Çiva, en littérature, le Mahâbhârata, le Râmâyana… et cela va donner aussi naissance aux sectes, et même, parfois, à des trucs franchement drôles : ainsi d’un rite très ancien :
L’ashvamedha, c’est-à-dire le sacrifice du cheval, permet au souverain de délimiter son territoire et son pouvoir. Lors d’une fête particulière, on lâche un étalon qui peut cavaler où il veut durant un an, sous la surveillance de guetteurs. Toutes les terres qu’il foule de son sabot passent de facto sous la suzeraineté du roi. Quiconque essaie de s’emparer de l’animal ou de se mettre en travers de sa marche se voit déclarer la guerre. Au bout d’un an, la bête est rattrapée et sacrifiée par le roi en personne au cours d’une cérémonie solennelle à laquelle assistent tous les vassaux.
François Reynaert. La Grande Histoire du monde Fayard 2016
L’histoire ne dit pas ce qui se passe si le souverain d’à côté fait la même chose et que les deux chevaux foulent un même territoire, but nobody is perfect…
Deux notions connexes vont commander toute la philosophie indienne : la transmigration (samsâra) et la loi de l’acte (karman). Dès lors, la question essentielle devient : comment, à travers ces cycles de réincarnations, parvenir finalement à se libérer ? Cette libération est le but suprême à obtenir, plus important que le plaisir, plus important que l’utilité, plus important que l’ordre et que la loi. Seule la connaissance peut parvenir à atteindre cette libération.
La suprême découverte des Oupanichad, qu’elles ne se lassent pas d’exalter, c’est que la réalité la plus intime à laquelle on puisse parvenir, par une introspection qui est d’ordre mystique, ne se distingue en rien du brahman, dont elle est une manifestation : l’unique réalité ontologique de l’être individuel, c’est l’être universel.
Jean Naudou. L’Inde 1956
La langue des Aryens de l’Inde, le sanskrit védique, est la plus ancienne des langues que l’on a appelées indo-européennes et dont des documents écrits et des formes parlées subsistent. C’est à la même famille linguistique qu’appartiennent le grec, le latin, le breton, le lituanien, le persan, les langues germaniques. C’est ce groupe de langues qui, peu à peu, par suite des invasions successives, recouvrit le fond dravidien des langues et des cultures indo méditerranéenne, auquel semble appartenir l’ancien tamoul, le sumérien, le géorgien, le crétois, l’étrusque, l’égyptien, le touareg, le basque, l’albanais, le peuhl etc…
[…] La descente des Aryens sur l’Inde fut progressive et très probablement du même type que les invasions mongoles et musulmanes, qui, bien des siècles plus tard, transformèrent la civilisation indienne exactement de la même façon, détruisant les grands centres culturels et les monuments et imposant la langue d’un envahisseur relativement primitif à des peuples culturellement plus évolués. Le désastre que représente la conquête aryenne peut être aisément réalisé si l’on songe qu’il n’existe dans l’Inde aucun monument qui ait été construit entre la fin du Monhenjo Daro et l’époque bouddhiste [V° siècle av. J.C.] La colonisation aryenne fut, à ses débuts, sous bien des aspects, analogue à celle de l’empire inca par des aventuriers espagnols illettrés et fanatiques. La population entière fut réduite au statut d’esclaves [dasa], sans aucuns droits civiques.
[…] C’est du védique, la langue des tribus aryennes, qu’est dérivé le sanskrit classique, ainsi que toutes les langues du nord de l’Inde, appelées autrefois les prakrits, et dont les principales sont aujourd’hui l’hindi, le bengali, le gujerati, le marathi, le panjabi, le sindhi, toutes apparentées au sanskrit, mais avec des apports et des mélanges divers, provenant des langues antérieures de l’Inde.
[…] La révolte des Dravidiens contre les Aryens nous est rapportée dans les récits de la grande guerre du Mahabharata […] conflit qui fut plus social que culturel. La victoire des Pandava dravidiens rétablit un certain équilibre, et c’est grâce à elle que se développa la civilisation brahmanique, qui est théoriquement védique, mais qui reprit en fait, dans tous les domaines de la pensée, des rites, des sciences et des arts, la tradition de la civilisation dravidienne.
[…] La religion védique, apportée par les Aryens du Turkestan et des plaines de la Russie, est apparentée à la religion perse et également aux religions de la Grèce et de l’Europe nordique. Les dieux védiques personnifient les forces de la nature, le Ciel (Dyaus), le Soleil (Surya), la Lune (Chandra), le Feu (Agni), l’Espace et le Vent (Vayu), etc, mais aussi, des vertus chevaleresques telles que l’Amitié (Mitra), l’Honneur (Aryamana), la Justice (Shakra), le Savoir (Vishnou), etc. Un des caractères de la mythologie védique est de grouper les dieux par paire, en particulier Mitra et Varuna, et aussi les Ashvin, dieux jumeaux. Il existe également des groupes d’êtres divins, tels que les Marut (troupe de jeunes dieux délinquants et fantasques), les Aditya, (principes souverains), les Vasu (lois universelles). L’élément mâle prédomine dans le panthéon, comme dans la société aryenne. Les déesses ne sont que de pâles reflets de leurs époux, excepté l’Aurore (Ushas) et la Terre (Prithivi).
[…] Les textes sacrés des Aryens sont appelés Vedas, un mot formé de la racine vid, qui veut dire savoir. Ils ont été d’abord de tradition orale et n’ont probablement été écrits que lorsque les Aryens eurent appris l’usage de l’écriture au contact des populations plus anciennes de l’Inde. Il y a quatre Védas, le Rik, le Yahuh, le Sama et l’Atharva. Ce sont des recueils d’hymnes employés pour les rites et adressés à diverses divinités. Les noms des auteurs de beaucoup de ces hymnes sont connus, mais les textes eux-mêmes sont considérés comme d’inspiration divine et sont censés représenter un résumé de toute la connaissance révélée par les dieux aux hommes. Les trois premiers Védas sont des manuels d’hymnes utilisés par les trois principales catégories de prêtres présents dans les rites des sacrifices, les yajñas.
Le plus ancien des Védas est le Rig Veda (le k final se transforme en g devant un v en sanskrit). Les hymnes qu’il contient furent composés, pour la plupart, peu après l’arrivée des Aryens, dans le nord-ouest indien. Certains hymnes existaient déjà peut-être à l’époque où les Aryens habitaient encore dans l’Asie centrale. Ils gardent en tout cas le souvenir d’un habitat nordique, aux longues nuits d’hiver. Beaucoup d’hymnes font allusion à des rois, à des batailles et surtout à la farouche résistance que les populations indiennes opposèrent aux envahisseurs. Les anciens habitants de l’Inde sont mentionnés comme des démons à peau sombre, habitant de merveilleuses cités.
Le Rig Veda constitue un document remarquable sur la vie, la société et la religion des Aryens. Livre sacré des Hindous, le texte en a été préservé avec un soin extrême. Il est transmis rituellement par tradition orale, et le texte écrit n’est considéré que comme un aide-mémoire. Cela fait que des erreurs de copistes n’ont jamais pu s’accumuler et que les hymnes ont été préservés jusqu’à nos jours, sans altérations importantes ni rajeunissement du langage. Le Yadur Veda, divisé en deux branches, le Yajur Blanc et le Yajur noir, est postérieur au Rig Veda et contient beaucoup d’éléments pré-aryens. Le Sama Veda, recueil d’hymnes chantés, contient très peu d’hymnes qui lui soient propres, mais des versions chantées d’hymnes du Rik et du Yajur Veda. Il a existé très tôt des notations musicales pour ces hymnes. La tradition de leur enseignement oral par des méthodes complexes qui rendent tout changement de texte ou d’intonation presque impossible, a permis à la tradition du chant védique de se conserver jusqu’à nos jours. L’Atharva Veda est très différent des trois autres. Il se réfère essentiellement à des éléments rituels, empruntés aux Asura et présente un aspect caractéristique de l’assimilation des Aryens dans l’ancienne culture indienne. L’Atharva Veda est une collection hétérogène des formules magiques en usage parmi les masses populaires. Son principal enseignement est la sorcellerie… Ces caractères indiquent que ces champs ont leur origine dans les anciennes croyances et pratiques des peuples que les Aila (Aryens) avaient subjugués, de sorte que l’esprit qui souffle ici est celui d’un âge préhistorique. (F.E. Pargiter. Ancient Indian Historical Tradition Delhi, 1929)
Nous retrouvons ici un phénomène caractéristique de l’histoire de l’Inde. Les textes dont la version actuelle apparaît la plus tardive sont plus souvent par leur contenu les plus anciens.
[…] La création du sanskrit fut le plus grand accomplissement du monde aryen dans l’Inde. Beaucoup de textes appartenant originellement aux autres langues indiennes furent traduits ou adaptés en sanskrit, et ceux qui ne le furent pas disparurent pour la plupart. Une immense littérature scientifique, religieuse, philosophique et dramatique se développa, dont une partie importante subsiste, mais reste de nos jours souvent inaccessible, demeurant endormie sous forme de manuscrits dans d’innombrables bibliothèques mal classifiées.
Alain Daniélou. Histoire de l’Inde. Fayard 1985
Une jeune fille, certainement de bonne famille, peut-être même avait-elle une fonction sacrée, est mise en terre au fond de la grotte du Collier, près de Lastours, au nord de Carcassonne : elle est entourée de perles tubulaires en verre coloré ou en tôle de bronze, de bracelets de bronze en forme de spirale, d’un pendentif d’ambre sur lequel est gravé un œil, autant de témoignages des splendeurs de l’âge du bronze, que l’on retrouvera en fait surtout dans les tombes d’Armorique et du Wessex britannique.
En Allemagne , à l’ouest de l’actuel Leipzig, près de Nebra, hommes et femmes sont suffisamment fascinés par la voûte céleste pour la représenter sur un disque de 32 cm Ø, en bronze sur lequel sont représentés, en or, un croissant de lune, le Soleil, les étoiles. Il sera découvert en 1999 par des amateurs et se mettra alors à beaucoup voyager, de vendeur en acheteur, jusqu’à ce que la région finisse par imposer sa restitution à l’État. Nebra est proche du mont Broken, où, au solstice d’été, le soleil se couche juste derrière le sommet.
~ 1595
Mursili I°, roi hittite, prend, pille et brûle Babylone,… qui s’en relèvera avec à sa tête une nouvelle dynastie : les rois cassites.
~ 1580
En Égypte, Séqénenrê, prince de Thèbes se révolte contre les Hyksos et met le siège à Avaris, leur capitale. Le siège dure des années, il y est mortellement blessé mais la victoire revient aux Égyptiens et son fils Ahmose est fêté comme un libérateur. Les nouveaux pharaons retiendront les leçons de cette invasion, et, rompant brutalement avec leur splendide isolement, sortiront de leurs frontières pour les rendre plus sures.
Après plus de deux millénaires d’existence, le géant des bords du Nil quittait l’ombre de ses pyramides et de ses sphinx avec l’intention d’intervenir activement au-delà de ses frontières et de dire son mot dans les affaires du reste du monde. Ainsi, l’Égypte devint peu à peu une puissance mondiale. Jusqu’alors, elle n’avait que mépris pour tous ceux qui ne vivaient pas dans la vallée du Nil, pour les Asiates, les coureurs de sable, les éleveurs de bétail, bref, pour tous les peuples qui n’étaient pas dignes de la considération d’un pharaon. Les Égyptiens devinrent plus sociables et, chose inconcevable autrefois, se mirent à communiquer avec d’autres peuples.
Werner Keller. La Bible arrachée aux sables. Presse de la Cité 1962
~1550
Les marins de part et d’autre de la Manche sont en mesure de construire des navires de 18 mètres de long, 2 de large, embarquant 16 rameurs, et pouvant transporter 2 tonnes : on en retrouvera un exemplaire profondément enfoui, et donc protégé de l’oxydation, dans la vase, lors des travaux pour le creusement du tunnel sous la Manche, en 1992.
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[1] Orthographié aussi Imouthès.
[2] Où l’on voit encore aujourd’hui un obélisque inachevé de 42 mètre de long, pesant 1 168 tonnes.
[3] Du grec méso : milieu, potamos, fleuve : le Tigre et l’Euphrate.
[4] Des recherches récentes le situeraient pratiquement mille ans plus tard….
[5] L’affaire est discutée : certains disent que c’est l’espionnage qui est le plus vieux métier du monde cae, avant d’aller au bordel, il faut demander où il se trouve.
[6] Saumure parfumée ? Il pourrait bien s’agir de l’ancêtre de ce que les Romains nommeront garum ou encore liquamen, condiment à base de saumure dans laquelle on faisait macérer les abats de thon, de maquereau ou d’esturgeon, et encore sardines et anchois entiers… (l’actuel nuoc-mâm, du Vietnam à peu de chose près )
[7] Une nouvelle explication sur la nature des matériaux utilisés arrive en 2006 : les blocs des parties sommitales des pyramides ne seraient pas des pierres naturelles, mais une sorte de béton synthétique : les concentrations de silicium ne se retrouvent pas dans la pierre naturelle, et le mode de cristallisation naturelle ne peut pas expliquer les cristaux figurant dans ces éléments supérieurs. Selon Joseph Davidovits, les gens pensent que puisqu’on utilise des produits chimiques, il est très facile de trouver ces ingrédients dans le produit final. C’est faux. Grâce à la chimie des géopolymères, la réaction chimique génère des éléments naturels, des minéraux qui peuvent être considérés comme naturels par un scientifique non informé. En 2011 (pour le grand public, en fait dès 2004), Joël Bertho, architecte et Suzanne Raynaud, géologue, iront encore plus loin en affirmant que ce sont 95 % des pierres des pyramides qui sont un matériau reconstitué, fait de calcaire broyé, extrait de la carrière de Tourah, moulé avec un mortier de chaux ; les 5 % restant – de la vraie pierre – , était utilisé pour le parement. Autre thèse nouvelle sur les procédés de construction, celle de Jean Pierre Oudin, architecte, qui pense que le dernier tiers sommital de la pyramide était construit, non pas par acheminement des matériaux depuis une rampe extérieure, mais depuis une rampe intérieure, les matériaux terminaux provenant de la démolition de la rampe extérieure.-
[8] … la mer, ou bien les grands étangs du sud Soudan
[9] Colorant allant du rouge au bleu verdâtre, extrait des coquillages murex brandaris, murex trunculus et purpura hemastoma, récoltés en Méditerranée orientale, puis sur l’île d’Ibiza aux Baléares et enfin sur l’île de Mogador (au large d’Essaouira, dans le sud du Maroc) pour le purpura hemastoma, qui donnait la meilleure qualité.