987 à 1066. Les Capétiens. Le Groenland. Le Mont Saint Michel. 17151
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Publié par (l.peltier) le 13 décembre 2008 En savoir plus

22 05  987 

Louis V, dernier descendant de Charlemagne, meurt à 20 ans d’une méchante chute de cheval dans les Bois de Compiègne quelques jours plus tôt. Seigneurs et prélats étaient là, qui suivaient le cercueil jusqu’en l’abbaye Saint Corneille, car le roi les avait justement convoqués pour un conseil, ou plutôt un tribunal, chargé de juger Adalbéron, l’évêque de Reims que le roi accusait de trahison, lequel Adalbéron avait un tel ascendant et autorité sur cette assemblée qu’il parvint à réduire à rien ces accusations. Le défunt n’ayant ni frère ni sœur, la succession devenait délicate et il fallait déployer un grand talent de manœuvrier pour éviter les écueils, le premier d’entre eux étant son plus proche parent : son oncle Charles, alors duc de Basse Lorraine, et de ce fait, vassal de l’empereur germanique. Adalbéron avait ce talent, qui engagea la France pour plus de 300 ans : Le trône ne s’acquiert pas par droit héréditaire, et l’on ne doit mettre à la tête du royaume que celui qui se distingue non seulement par la noblesse corporelle, mais encore par les qualités de l’ esprit, celui que l’honneur recommande, qu’appuie la magnanimité. […] Donnez-nous pour chef le duc. Le duc Hugues est recommandable par ses actions, par sa noblesse, par ses hommes d’armes ; vous trouverez en lui un soutien non seulement des affaires publiques, mais de vos affaires privées.

3 07 987

Hugues Capet est sacré roi de France dans la cathédrale de Noyon. Il avait été élu à Senlis le 1° juin.

Les seigneurs de France qui écoutaient parler Adalbéron avaient à faire un choix difficile : ou bien rester fidèle à la dynastie de Charlemagne, ou bien fonder une nouvelle dynastie en nommant Hugues. Le choix de celui-ci équivalait à une révolution, car, au lieu du César que serait le descendant de Charlemagne, Hugues ne serait qu’un seigneur parmi les autres, investi seulement du rôle d’arbitre.

Et une hypothèse est permise concernant l’accusation de trahison que le jeune homme qu’on venait d’enterrer avait portée avant de mourir contre Adalbéron : l’archevêque de Reims, jugeant que le vieil  empire de Charlemagne avait fait son temps, rêvait peut-être d’un nouveau pays, une France jeune, gérée par de vaillants seigneurs qui se donneraient librement un chef. Dans le cerveau d’Adalbéron, la France féodale n’était-elle pas déjà née ? C’est là sans doute ce que Louis avait nommé sa trahison.

[…] Hugues fit en sorte de substituer dans les faits le principe d’hérédité au principe d’élection auquel lui-même devait sa couronne : l’année ne s’était pas écoulée qu’il associait son fils Robert au trône et le couronnait solennellement dans la basilique Sainte Croix d’Orléans. Pourtant, pendant deux siècles encore (la dernière assemblée eut lieu en 1179), les rois durent, avant de pouvoir désigner leur fils aîné comme leur successeur, convoquer une assemblée et demander le consentement des seigneurs réunis.

Georges et Régine Pernoud. Le Tour de France Médiéval. Stock 1983

L’élection d’Hugues Capet n’est pas une révolution. Deux de ses ancêtres, son grand-oncle Eudes – 888-898 – et son grand père Robert -922-923 – ont été rois avant lui. En effet, en 888, la dislocation de l’Empire carolingien invite déjà les grands du royaume à choisir comme roi celui qui paraît le plus apte à défendre le pays ; ils écartent alors le carolingien Charles le Simple et élisent Eudes, marquis de Neustrie, qui s’est illustré dans la défense de Paris contre les Normands. En 922, c’est son frère Robert qui est élu au lendemain de la déposition de Charles le Simple. Cette alternance traduit l’existence de deux légitimités dynastiques, celle de la famille héritière de l’Empire et celle des Robertiens (futurs Capétiens). En 936, ceux-ci préfèrent devenir des faiseurs de rois : Hughes le Grand, le père d’Hugues Capet, va chercher Louis IV, fils de Charles le Simple, exilé en Angleterre, et l’installer sur le trône. Le nouveau roi lui attribue le titre de duc des Francs, qui fait de lui le second personnage du royaume. En 960, à la mort de son père, Hughes Capet hérite de cette situation.

La vie du royaume restait conditionnée par ses relations avec son puissant voisin de l’Est. Les derniers Carolingiens cultivent en effet une nostalgie impériale qui trouve un point de fixation sur la Lotharingie, berceau de leur dynastie, siège de l’ancien Empire et motif de conflits récurrents entre Francie et Germanie, surtout après l’avènement dans ce dernier royaume de la dynastie saxonne et le rétablissement de l’Empire par Otton I° en 962. La faiblesse du royaume de Francie et son manque de rayonnement contrastent avec le prestige de l’institution impériale et la suprématie germanique. Il en résulte une relation de dépendance que les historiens assimilent à une tutelle. Soucieux de maintenir un équilibre garant de la paix, habité par la mission impériale, l’empereur germanique n’hésite pas à intervenir comme médiateur dans les conflits internes au royaume de l’Ouest. Une permanente émulation stimule Carolingiens et Robertiens dans leur appel à la protection impériale et à la quête d’unions matrimoniales. Mais les Carolingiens ne renoncent pas à la Lotharingie. En 978, Lothaire, le bien nommé, lance un raid sur Aix-la-Chapelle, mais se heurte à une victorieuse contre offensive qui échoue à son tour. L’archevêque de Reims Adalbéron, issu d’une famille lotharingienne et mû par le désir de maintenir la paix en les deux États voisins, soutient la cause impériale et est accusé de trahison. On comprend qu’il œuvre à l’élection d’Hughes Capet, dont l’avènement met un terme aux conflits que suscitait l’obsession lotharingienne des derniers Carolingiens. Mais, avec ce dernier, toute tutelle de l’empereur germanique sur le royaume franc disparaît également. Désormais coexistent deux États pleinement souverains qui se partagent la tâche de conduire le peuple chrétien sur la voie du salut.

Les historiens insistent sur la faiblesse territoriale du nouveau roi. Celui-ci n’a de véritable autorité que sur son seul domaine qui ne représente qu’une collection disparate de biens fonciers, de villes, de droits et de prérogatives. L’assise en est constituée par l’ancienne Neustrie, à laquelle on commence à réserver le nom de Francia, autour d’un axe Senlis-Paris-Orléans auquel s’agglomèrent les terres royales héritées de la couronne carolingienne, entre Laon et Compiègne, ainsi qu’une vingtaine d’évêchés au nord et à l’est et quelques abbayes prestigieuses dont le roi est l’abbé laïc (Saint Denis, Saint Benoît-sur-Loire, Saint Martin-de-Tours). Le souverain n’intervient plus au sud de la Loire, aucun seigneur ni monastère méridional ne comptent parmi les destinataires de diplômes royaux et certains territoires méridionaux se détachent même du royaume. Le comté de Barcelone, principauté sud-pyrénéenne préfigurant la Catalogne, acquiert une pleine souveraineté ; au lendemain du sac de la ville par al-Mansûr en juillet 985, le comte Borrell avait lancé un appel au roi Lothaire, qu’il renouvelle à l’adresse d’Hughes Capet. Dans sa réponse, le roi soumet une éventuelle intervention à des conditions précises. L’affaire en reste là. L’épisode met un terme à toute relation politique entre les comtés catalans et la royauté franque.

Cependant, aux yeux de ses sujets, le pouvoir du roi n’est pas de nature territoriale et les événements de 987 n’ont apporté aucun changement à la conception de la royauté. Le roi n’est jamais combattu ni contesté. Il ne peut prêter hommage et reste an dehors de la pyramide féodale. Même l’insolence du comte de Périgord (Qui t’a fait roi ?) suggèrent que, quelles que soient les conditions de son avènement, le roi devenu roi le reste. L’onction du sacre confère à la royauté un caractère surnaturel et quasi magique, qu’illustrera son pouvoir thaumaturgique. Le roi exerce un ministère : le sacre fait de lui un personnage d’Église. C’est d’elle qu’il reçoit sa mission de souverain chrétien : faire régner la justice, maintenir la paix et l’ordre public, conduire le peuple qui lui est confié sur la voie du salut.

Si l’élection de 987 est un non-événement, sa portée historique est paradoxale, puisque l’élection du roi aboutit en quelques mois à l’établissement d’une nouvelle dynastie : une simple fonction née de l’élection devient une dignité transmise par le sang. Les premiers Capétiens ont réussi en effet à stabiliser l’institution monarchique en définissant les règles propres à en assurer la durée : la primogéniture qui met la dynastie à l’abri des luttes successorales, l’association au trône et le sacre de l’héritier, moyen d’éviter le recours à l’élection. Renonçant à l’ancien cœur de l’empire carolingien, ils ont définitivement dégagé leur royaume de la protection intéressé du souverain germanique. À plus long terme, la réussite des Capétiens apparaît exceptionnelle : ils fondèrent une dynastie qui dura huit siècles et se propagea en ligne directe pendant plus de trois cents ans. En France, plus tôt qu’ailleurs en Europe, la royauté disposa ainsi de la continuité chronologique et de la stabilité territoriale […] En 987, Hughes Capet fut fait roi, mais il ne fit pas la France.

Michel Zimmermann. Histoire Mondiale de la France, sous la direction de Patrick Boucheron et 132 auteurs encadrés par Nicolas Delalande, Florian Mazel, Yann Potin, Pierre Singaravélou. Seuil 2018

La France, ce n’est alors pas grand chose : les comtés d’Orléans, d’Étampes, de Senlis, les châtellenies de Poissy et de Montreuil sur Mer, le domaine d’Attigny et du Palais de la Cité à Paris. La Cité ne communique avec les deux rives de la Seine que par 2 ponts que défendent des forteresses – Grand Châtelet rive droite, Petit Châtelet rive gauche, lesquels appartiennent à des vassaux !  Ce n’est que sous Philippe Auguste que le Petit Châtelet deviendra possession royale, et ce n’est qu’en 1248 que Saint Louis rachètera le Grand Châtelet à Adam Hareng.

Il leur en faudra, de l’opiniâtreté et de la constance, pour devenir La Grande Nation de Louis XIV, ville après ville, comté après comté, duché après duché…, pendant sept siècles, par diplomatie souvent, par ruse parfois, par persuasion, mais aussi par le fer et le feu lorsque le reste avait échoué.

C’est à cette époque que le christianisme, après avoir longtemps exposé le Christ en majesté, le Christ ressuscité,  commence à l’exposer en croix :

Dès les dernières années du X° siècle, des évêques de Germanie, ces princes que l’empereur avait dotés de tous les pouvoirs temporels sur leur cité et ses abords et qui réunissaient en leur personne la mission pastorale et les pouvoirs royaux, osèrent briser la tradition qui jusqu’alors avait retenu de figurer la croix comme l’instrument d’un supplice. Mille ans après la mort du Christ, les grands crucifix de bois érigés en plein centre des basiliques otoniennes exposèrent pour la première fois à la vue du peuple une victime, et non plus un vivant couronné. L’apparition des premiers crucifiés d’Occident signale un tournant décisif dans l’histoire de la sensibilité religieuse. Ce tournant progressivement s’accuse. Lorsque, en 1010, un moine de Saint Martial de Limoges voit comme planté dans le haut du ciel, un grand crucifix avec l’image du Seigneur pendu à la croix et répandant une abondante pluie de larmes, ce prodige lui remet en mémoire les souffrances du Christ – comme à ces chevaliers qui s’efforçaient de respecter la trêve de Dieu, le jeudi et le vendredi de chaque semaine en souvenir de la Cène et de la Passion du Seigneur. Commander à des orfèvres des croix d’or, les distribuer aux églises, avait été longtemps le privilège des empereurs et des rois. Un geste de prestige, un geste que, pour une large part, nous dirions politique. Voici qu’ils en perdaient le monopole, comme de tous leurs pouvoirs régaliens, qui se dissolvaient dans la féodalité. Au long du XI° siècle, le port de la croix se vulgarise. En 1095, tous ceux qui se disposent à partir pour la Terre sainte en sont marqués. Cette croix est aussi l’emblème que la paix que Dieu promet aux hommes, de sa victoire sur les tourments du siècle. C’est le signe même que l’on élève alors sur les chemins pour délimiter les aires de protection soustraites aux violences, aux rapines, aux exactions, les lieux d’asile que les institutions de paix viennent de ménager autour des sanctuaires. Cousue sur le vêtement des croisés, elle annonce à tous qu’ils s’en vont vers le Golgotha, mais elle signifie davantage. Elle imprime sur leur corps la marque du sacrifice pascal, d’une alliance avec les puissances de l’Éternel. Elle les désigne comme les élus, et déjà les incorpore au royaume pacifié du Dernier jour. À ses moines, l’abbé Odilon de Cluny avait montré la croix comme une promesse de l’universel salut, comme le signe purificateur qui doit préparer le genre humain à suivre le Christ dans les gloires célestes, et par conséquent comme le symbole des deux vertus majeures du monachisme, l’humilité et la pauvreté. Porteurs de cet insigne, les aventuriers de la croisade deviennent à leur tour des Christ, tous, comme seuls par l’onction du sacre l’étaient encore, naguère, les souverains. Ce qu’ils vont vivre en Palestine, c’est l’aventure terrestre du Sauveur.

Georges Duby. Le temps des cathédrales. Gallimard 1976

988 

Erik Thorvaldsson – Erik le Rouge – , fils de Thorwald Aswaldssons, avec deux meurtres à son actif en Islande, doit s’enfuir : Il avait l’intention d’aller à la recherche de cette terre aperçue par Gunnbjörn, fils d’Ulf le Corbeau, lorsqu’il était chassé vers l’ouest, à travers la pleine mer.
[…] Le pays que l’on appelle Groenland fût découvert et colonisé par des Islandais. Un homme du nom d’Erik le Rouge, originaire de Breidhifjordh, partit d’Islande pour s’établir dans une terre appelée depuis Eiriksfjördhr. Il donna un nom au pays et l’appela Groenland (terre verte [1] ), espérant qu’un beau nom encouragerait les gens à émigrer.

Livre d’Ari le savant

Il leur fallait une bien bonne maîtrise de l’astronomie nautique pour naviguer ainsi en haute mer ! Et comme le mystère est le meilleur terreau pour fabriquer des mythes… on en fabriqua, en s’appuyant sur la mention faite dans des Sagas d’une pierre de soleil qui aurait été à même de connaître la direction du soleil à travers un ciel complètement couvert. Mais l’une de ces deux mentions est un parfait faux, quant à la seconde, elle n’en mentionne pas son usage :

Avant de partir, l’évêque donna à Hrafn de bons étalons, une pierre de soleil et du drap brun pour un manteau et aussi : Au cours de ce pillage, ils prirent également la précieuse pierre de soleil et le manteau brodé que l’évêque Gudmund avait donnés à Hrafn.

Saga de Hrafn Sveinbjarnarson

La conjecture de la pierre de soleil n’a pas le fondement littéraire qu’elle affirme. En effet, aucune Saga ne mentionne une utilisation de la pierre de soleil. De même, aucun texte de la littérature ancienne scandinave ne dit la transparence de celle-ci, ou fait état de son utilisation pour guider la navigation des Vikings.

Les données de l’astrométrie établissent que la seule connaissance de la direction du Soleil ne permet pas de déterminer la position d’un bâtiment à la mer, ce qui exclut toute capacité de la pierre de soleil à une telle détermination.

Pas plus que la pierre de soleil, l’utilisation de la magnétite – Fe3O4 – n’est probante au point de vue archéologique. Cependant, abondant en Scandinavie et accessible à leur connaissance, cet oxyde de fer apporte une réponse à la fois opérationnelle et simple à la navigation hauturière des Vikings : il est avéré que certaines masses polycristallines de magnétite présentant un effet de dipôle magnétique – la magnétite tenant lieu de boussole – auraient pu avoir un intérêt pour les navigateurs vikings. Cette hypothèse est rationnelle et soutenable en chacun de ses points : elle est donc proposée comme étant la plus probable.

Jean François Gazin

La pierre de Soleil des navigateurs vikings ne serait pas un mythe

Avec l’octaèdre de fluorine verte placé derrière, on voit bien la biréfringence de la calcite optique ou spath d’Islande. © www.carionmineraux.com

Protégés de la glace à la belle saison par le Gulf Stream, les pâturages y nourrissent ours et caribous, les eaux sont poissonneuses. Il retourne en Islande et persuade 1 500 colons de s’y installer : ils partirent 25 knörrs et drakkars [2], emportant tout ce monde, avec meubles, vaches, chevaux, mais par de méchantes tempêtes, ils se virent seulement 14 navires en arrivant sur la côte ouest du Gröenland. Cette colonie atteindra 3 000 membres. L’inscription runique la plus élevée en latitude a été trouvée par 72°55′ N. L’un d’eux se convertit au Christianisme, qui se répandit très vite : 3 siècles plus tard, on comptait 18 églises. En 989, Bjarni souhaite rejoindre le Groenland depuis Bergen, mais, à proximité de la pointe sud, il est pris dans un épais brouillard, et s’égare pendant 3 jours dans la brume ; le retour du soleil lui permet de s’orienter :

Ils hissèrent toute la voile, et poussèrent en avant, toute une journée et toute une nuit. Ils aperçurent une terre, mais Bjarni dit qu’il ne croyait pas que ce puisse être le Groenland. Ils naviguèrent encore neuf jours et reconnurent trois terres différentes avant de retrouver le Groenland.

Saga des Groenlandais

Ils découvrirent le Labrador, puis Terre Neuve, où rivière et lac ne manquaient pas de saumons, et ceux-ci étaient les plus gros qu’ils eussent jamais vus. Le sol était d’une telle qualité qu’il leur parût inutile de mettre de coté du fourrage pour l’hiver. Durant la saison froide, il ne gela pas et l’herbe dépérit à peine. Le jour et la nuit étaient d’une durée plus égale en ces lieux qu’au Groenland ou en Islande. Au plus profond de l’hiver, le Soleil était visible depuis l’heure du petit déjeuner jusqu’au milieu de l’après-midi.

Ils y fondèrent une colonie, commençant par 250 hommes et femmes. Mais les relations avec les indigènes Skraelings (indiens ou eskimos), après avoir été au début placées sous de bons auspices, se détériorèrent et finalement, ils regagnèrent le Groenland. 15 ans plus tard, Leif Ericsson, accompagné entre autres de Tyrkir, un Allemand, homme du sud qui sait reconnaître un plant de vigne, découvrit encore une autre terre qu’ils baptisèrent Vinland, car Tyrkir y reconnût des pieds de vigne sauvage, aujourd’hui répertoriée Vitis riparia : la présence de vigne demande de la situer entre les 41° et 44° parallèle, c’est à dire entre Boston et New-York, où, curieusement, il existe une île nommée encore aujourd’hui Martha’s Vineyard.

Si la carte du Vinland dessinée au XV° siècle et publiée en 1968 par l’université de Yale s’est avérée être un faux, les Vikings ont laissé d’autres traces de leur passage : d’incontestables vestiges d’habitat, au nord de l’île de Terre Neuve, l’Anse aux Meadows, et encore la pierre découverte en 1898 à Kensington dans le Minnesota, à l’ouest du lac Supérieur, par un fermier en défrichant son terrain. Cette pierre est du grauwacke, une roche sédimentaire détritique verte composée de feldspath, de quartz et d’argile, faiblement métamorphisée : d’un poids de 90 kg, elle mesure 76 cm x 41 cm x 15 cm et porte les inscriptions runiques ainsi interprétées :

Nous sommes 8 Goths et 22 Norvégiens en voyage de découverte depuis le Vinland vers l’ouest. Nous avions un camp près de deux rochers, à quelques journée de marche au nord de cette pierre. Nous nous mîmes en route pour pêcher un jour. Quand nous revînmes nous trouvâmes 10 de nos compagnons rouges de sang et morts. A(ve) V(irgo) M(aria), sauve nous du péril.
Nous avons dix de nos marins au bord de la mer pour veiller sur nos bateaux, à quatorze journées de marche de cette île.          Année 1362

Il y a maintenant plus d’un siècle que l’authenticité de cette pierre est contestée et que chaque contestation fait naître une nouvelle argumentation en faveur de son authenticité ! Des Vikings fuyant le Groenland devenu inhospitalier vers l’Amérique plutôt que de retourner vers la mère patrie ?

Karlsefni et ses hommes s’étaient maintenant rendu compte que, bien que la terre fut excellente, ils ne pourraient jamais y vivre en toute sécurité, sans craindre les gens qui l’habitaient déjà. Ils se préparèrent donc à quitter les lieux et à rentrer chez eux [au Groenland].

La Saga d’Erik le Rouge

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Navire viking d’Oseberg, construit en 820, musée des Navires vikings, Oslo. Longueur : 21.34 m, largeur : 5 m.

19 05 989

Vladimir I° le Grand, tzar de la Rous’ – Russie -, avait épousé 2 ans plus tôt Anne Porphyrogénète, dernière sœur du basileus. Il se convertit au christianisme en l’église Saint Baptiste de Cherson, en Crimée. Le 15 août suivant, plusieurs milliers de guerriers seront baptisés dans les eaux du Dniepr, à Kiev. La Rous’, c’est alors un ensemble politique qui regroupe les peuples russe, biélorusse et ukrainien ; ils parlent le slave oriental commun – improprement appelé vieux russe -. Ils ont aussi une même religion, car le christianisme avait déjà pénétré le pays : il existait une église Saint Élie dès 944 à Kiev. La christianisation de son peuple, officiellement imposée à la suite de son baptême, va en fait se faire peu à peu, le paganisme se maintenant en beaucoup d’endroits, faute d’un clergé suffisant et qualifié dans l’Église.

En 989, Wladimir, grand duc de Russie, se fit baptiser. Alors cet empire, couvert de peuples féroces, présentait le plus hideux des spectacles ; les côtes de la mer Blanche et de la Baltique, étoient continuellement dévastées par des pirates qui infestoient les lacs et les rivières ; l’épouvante qu’ils semoient, en tous lieux, leur avoit valu le sobriquet de loups ; les autels des faux dieux dégouttoient, chaque jour, du sang des victimes humaines, et les prêtres étoient tels qu’Antonio de Solis nous peint ceux des Mexicains dans les temples de Mexico. Les loups, ayant renoncé au culte des idoles, redevinrent des hommes, et les Russes purent désormais se livrer aux travaux de l’agriculture. Wladimir lui-même, cruel lorsqu’il étoit idolâtre, changea de mœurs après avoir reçu le baptême : ce monarque coupable d’un fratricide, pleura amèrement ce forfait, et, touché de repentir, quand il falloit signer l’arrêt de mort d’un criminel, il s’écrioit : Qui suis-je pour condamner les hommes à la mort ? Il gouverna ses sujets avec tant de justice, de sagesse et de douceur, qu’il mérita leur affection et le surnom de Grand : Anne, son épouse, fut la Clolilde des Russes.

En Russie, deux phénomènes politiques nous frappent à cette époque ; Novogorod, ville sur le Volkof, près du lac Ilmen, et Kief, sur le Dnieper. Les Novogorodiens étoient plongés dans toutes les horreurs de l’anarchie ; légers, inconstans, capricieux, jaloux de leur liberté, aucun sacrifice ne leur coûtoit pour s’y maintenir. Dans cette république hyperboréenne, on voit des conspirations, des actes de patriotisme, et les mêmes désordres qui, sous un ciel moins rigoureux, éclatèrent dans Athènes et dans Rome. Le commerce des habitans de Novogorod étoit très florissant, et leur patrie si redoutable aux peuples voisins, que ceux-ci disoient communément : Qui oseroit s’attaquer à Dieu et à Novogorod la grande ? Kief, ville non moins florissante, fut le véritable berceau de l’empire russe.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

Le prince Vladimir, qui gouverne de 980 à 1015, est un sage. Il sait que les guerriers et les marins ne suffisent pas à maintenir les États : non moins nécessaires sont les hommes versés dans les arts et les sciences, les administrateurs, les légistes – qui, en ces siècles incertains, ne se trouveront que parmi les prêtres chrétiens ou les oulémas musulmans. Ses sujets n’étant pas disposés à se convertir, il ruse. En 988, il jette dans le Dniepr une statue qu’il vient de consacrer au Jupiter tonnant des Scythes et des Slaves, le Dieu Peroune – torse de bois, tête d’or et moustache d’argent. Comme elle ne rejaillit par des eaux, il en conclut, en présence de sa droujine et du peuple, que ce n’est qu’une idole, un objet inanimé et sans pouvoir, comme le soutiennent les monothéistes. Il convoque ensuite, conformément à une vieille coutume d’Eurasie dont le souvenir n’est pas éteint, les représentants des deux religions, afin d’entendre leurs arguments respectifs.

  • Le Coran permet plusieurs femmes mais interdit la consommation du vin et de toutes les boissons enivrantes, explique un alam, docteur de la Loi mahométanne
  • En est-il de même de l’Évangile ? 
  • Non point, beau seigneur, répond un prêtre chrétien. Une seule femme, mais autant de vin, de bière et de lait fermenté que Votre majesté voudra, en dehors des jours de pénitence.

Vladimir, dès lors a beau jeu de choisir le christianisme : la monogamie est déjà de règle parmi ses peuples (ce que l’on fait avec les servantes et les esclaves ne compte pas); mais la sobriété ne serait jamais acceptée. L’Église canonise le Constantin du Nord. L’empereur byzantin lui donne sa fille Anne.

Michel Gurfinkiel Le roman d’Odessa. Ukraine, utopie russe et génie juif.  Éditions du Rocher 2005

Le grand-prince Vladimir jette les idoles païennes et le dieu Peroun dans le Dniepr (chronique de Radziwill, XVe siècle)

Le Grand prince Vladimir jette les idoles païennes et le dieu Peroune dans le Dniepr (chronique de Radziwill, XV° siècle)

990

Les guerres, l’insécurité appellent des entr’actes, et l’Église se met à prêcher la paix de Dieula trêve de Dieu :

Que dorénavant, dans les évêchés et dans les comtés, aucun homme ne fasse irruption dans les églises ; que personne n’enlève des chevaux, des poulains, des bœufs, des vaches, des ânes, des ânesses avec leurs fardeaux, des moutons, des chèvres, des porcs. Qu’on n’emmène personne pour construire ou assiéger un château, si ce n’est ceux qui habitent sur votre terre, votre alleu, votre bénéfice ; … Que nul ne fasse tort aux moines ou à leurs compagnons qui voyagent sans armes ; … qu’on n’arrête point le paysan ou la paysanne pour les contraindre à se racheter.

Gui d’Anjou, évêque du Puy

Le soldat prêtait serment (ce texte, cité par Georges Duby, est de 1024) : Je n’envahirai une église d’aucune façon, en raison de la sauvegarde qui la protège ; je n’envahirais pas non plus les celliers qui sont dans l’enclos de l’église. Je n’attaquerai pas le clerc ou le moine lorsqu’ils seront démunis d’armé séculière, ni l’homme de leur escouade s’il est sans lance et sans bouclier. Je n’enlèverai pas le bœuf, les vaches, le porc, le mouton, l’agneau, la chèvre, l’âne ni le fagot qu’il porte, la jument ni son poulain non dressé. Je ne saisirai pas le paysan ni la paysanne, les sergents ou les marchands. Je ne leur prendrai pas leurs deniers, je ne les contraindrai pas à la rançon. Je ne les ruinerai pas en leur extorquant leur avoir sous prétexte de la guerre de leur seigneur.

992

Basile II, empereur romain d’Orient signe avec le doge de Venise Pietro II Orseolo un traité qui accorde à Venise des privilèges douaniers à Constantinople, en échange du transport par les Vénitiens de troupes byzantines en Italie du Sud, pour y contrer les Normands de Robert Guiscard, qui se taillaient un fief en Sicile. Une centaine d’années plus tard, les privilèges des Vénitiens à Constantinople accordés par Alexis Comnène seront devenus tels que son successeur Jean II voudra y mettre fin, face aux protestations de ses propres sujets : Venise n’en démordra pas et Jean II devra céder et conserver le décret de son père. Tout cela ne pouvait qu’attiser la haine des orientaux pour les latins d’occident.

996  

Otton III, 16 ans, est sacré empereur à Rome ; il était déjà roi de Rome dès ses 3 ans. Il avait eu les meilleurs précepteurs, parlait le grec, le latin et l’allemand de sa région de naissance : Kétil et Aix la Chapelle. Il s’installe à Rome et appelle son ancien professeur Gerbert d’Aurillac, archevêque de Reims pour occuper le siège de l’évêché de Ravenne, avant qu’il ne devienne pape trois ans plus tard.

08 997

Al Mansur, maître d’Al Andalus, après avoir conforté son pouvoir et porté au plus haut la puissance et le rayonnement des califes de Cordoue [3], lance la Jihad : 57 expéditions par lesquelles il ne cherche pas à agrandir le royaume arabe, mais à humilier son adversaire, razzier tout ce qui peut l’être, en priorité les jolies femmes franques ou basques qui feront de très bonnes concubines… Ce jour-là, c’est la très riche basilique de Saint Jacques de Compostelle qui part en fumée. Elle sera relevée par Odilon, abbé de Cluny.

En fait, dès cette époque l’Espagne présente un paysage politique très complexe, et la frontière entre islam et chrétienté est tout sauf étanche ; nombreux sont alors les chrétiens qui vont chercher sécurité ou fortune en pays musulman, mettant leurs armes au service de souverains musulmans : ainsi Al Mansur fut-il secondé dans cette destruction de Saint Jacques de Compostelle par des comtes chrétiens.

En Espagne, Almanzor (le Victorieux) s’avance jusqu’aux Asturies et en Galice, où ses troupes occupent Saint Jacques de Compostelle ; les portes de la ville et les cloches du sanctuaire, portées par des captifs chrétiens, sont ramenées à Cordoue comme butin de guerre.

La gloire et le prestige du Califat de Cordoue au X° siècle ne tiennent pas seulement à ses succès militaires, mais aussi à l’éclat de sa vie économique, sociale et intellectuelle. Si les Arabes ne sont pas les créateurs du système d’irrigation dont on leur a fait souvent honneur, ils l’ont certainement développé et amélioré ; aux cultures traditionnelles, céréales, vigne, olivier, ils ont ajouté des espèces nouvelles : riz, canne à sucre, mûrier pour l’élevage du ver à soie. Les mines sont activement exploitées ; les métiers textiles travaillent la laine et la soie ; l’industrie de la céramique, celle du cuir (cordouans) alimentent le commerce d’exportation. Des techniques nouvelles – celle de la fabrication du papier par exemple – sont introduites en Espagne, et se transmettront de là au reste de l’Europe. La flotte du Califat domine toute la Méditerranée occidentale, et assure d’actives relations commerciales avec l’Empire byzantin et les pays musulmans qui relèvent du Califat de Bagdad. Tandis que l’or a disparu de la circulation monétaire de l’Europe chrétienne, le calife frappe des dinars d’or qui ont cours dans tout le monde méditerranéen.

Aux ressources du commerce extérieur, dont l’importance est attestée par les droits de douane perçus par le trésor royal, s’ajoutent celles de la piraterie, centrée sur les ports de la côte du Levant.

La croissance des villes reflète l’essor économique. Séville, Malaga, Almeria sont des centres actifs, animés par le commerce et le travail des métiers. Mais c’est Cordoue qui résume aux yeux des contemporains éblouis la splendeur du Califat… La capitale califale est une ville sans égale dans tout le monde occidental et méditerranéen. Embellie par Abd er-Rhaman III, qui a agrandi la mosquée érigée par le premier émir et fait construire des palais, des thermes et des jardins, elle devient sous son successeur AI-Hakam II, le plus lettré des califes cordobais, un centre actif de vie intellectuelle. AI-Hakam y a rassemblé une bibliothèque qui comptait, dit-on, plus de quatre cent mille volumes ; il fonde des écoles et accueille à sa cour des savants et des écrivains, parmi lesquels le More Rasis, le premier grand historien de l’Espagne musulmane. L’éclat intellectuel survivra même, comme il arrive fréquemment, à la puissance politique, et donnera ses plus beaux fruits après la chute du Califat, à l’époque des rois de taifas.

Marcelin Defourneaux. La Péninsule Ibérique   1956

09 999

Une bien rude et inégale bataille navale met aux prises Olaf Tryggvason, roi de Norvège contre une coalition d’ennemis avides de s’emparer de son royaume : Suédois, Danois, et Eric Kakonsson,  à la tête du jarl Lade au nord du pays, et de ramener sa population aux bonnes vieilles traditions païennes quand Olaf les avait convertis au christianisme manu militari. Ces ennemis disposent de 70 navires, quand Olaf n’en a que 11. Il prend la barre du Grand Serpent, un trente-quatre bancs dont les têtes et la boucle étaient entièrement lamées d’or, et la muraille était aussi élevée que celle des bâtiments de haute mer. C’est le navire qui, en Norvège, fut construit avec le plus de soin et à plus grands frais.

Mais, à 1 contre sept, les dés sont jetés : Einar décocha contre le duc Éric une flèche qui vint se planter dans la tête du gouvernail, au-dessus de la tête du duc, et s’enfonça jusqu’au fût. Le duc regarda autour de lui, puis demanda à ses hommes s’ils savaient d’où venait le trait, mais aussitôt une seconde flèche arriva si près du duc qu’elle vola entre son bras et sa hanche, puis alla se ficher dans le dossier de l’homme de barre si profondément que la pointe et une grande partie du fût en ressortirent. Le duc dit alors à l’homme qui selon certains s’appelait Finn, mais qui selon d’autres était Finnois, et qui était un excellent tireur à l’arc :

Vise le grand gaillard qui est posté dans la maille étroite. Finn décocha une flèche qui arriva au beau milieu de l’arc d’Einar, au moment même où il le bandait pour la troisième fois. L’arc se fracassa alors en deux morceaux.

Le roi Olaf s’écria alors : Qu’est-ce qui vient de se fracasser si bruyamment ?
Einar répondit : C’est la Norvège, mon roi, qui vient de se fracasser entre tes mains.
– Ce ne fut pas un si grand fracas, rétorqua le roi, mais prend mon arc et continue de tirer, et il lui lança son arc.

Einar l’attrapa, engagea aussitôt une flèche et tendit l’arc bien au-delà de la pointe de la flèche. Il s’exclama alors : Trop souple, trop souple est l’arc du souverain ! Il rejeta l’arc, se saisit de son bouclier et de son épée et se mit à combattre

Saga Heimskringla

Se refusant à tomber aux mains de ses ennemis, Olaf se jettera dans les flots.

Bataille de Svolder. Peter Nicolai Arbo

999 

Nomination [s’il y a eu vote, ce n’était que pour entériner le choix d’Otton III] du premier pape français : Gerbert d’Aurillac, sous le nom de Sylvestre II. Avant d’atteindre cette suprême dignité, il avait inventé l’orgue hydraulique à vapeur, l’horloge à balancier et avait vulgarisé l’abaque, – une table à calcul -, et était devenu archevêque de Reims. Aux côtés d’Otton III, il va lui dédier un traité – le raisonnable et l’usage de la raison – dans lequel il se déclare convaincu du bien fondé d’un empire fédératif, qui coifferait des royaumes chrétiens égaux, subordonnés à Rome. On serait tenté de dire : on peut toujours rêver… mais il n’empêche que de cette idée prendront forme les futures Pologne et Hongrie, avec la participation essentielle de Boleslas le Vaillant pour la Pologne et de Vajk, le futur Étienne pour la Hongrie. En février de l’an 1000, Otton III se rendra sur la tombe du Tchèque Adalbert, son ancien professeur, créant un archevêché à Gniezno, et des évêchés à Wroclaw et à Cracovie. Celui de Poznan existait depuis 968. Boris le Vaillant sera couronné vingt ans plus tard, avec une Église solidement arrimée à Rome. En 1001, une délégation hongroise rendra visite à Ravenne à Sylvestre II et Otton III, obtenant qu’Étienne soit couronné la même année roi de Hongrie par Anastase, légat du pape et compagnon d’Adalbert.

La mort prématurée d’Otton III d’une méchante fièvre, à 21 ans, et de Sylvestre II l’année suivante, mettra un terme à ce couple franco-allemand redoutablement efficace, sur lequel on ne peut que fonder quelques hypothèses… le sabre et le goupillon, le temporel et le spirituel, marchant main dans la main… peut-être auraient-ils pu installer un peu de sérénité dans les rapports avec Byzance et ses chicaneries et éviter ainsi le schisme  sur lequel on ne reviendra plus en 1054.

1000

R.A.S [4]. …enfin, presque, car le Norvégien Leif Eriksson débarque à Terre Neuve et longe la côte américaine jusqu’à Rhode Island – Boston -. C’est au cours du X° siècle que l’on voit  se développer de grandes cités en Afrique : Gao, dans l’actuel Mali, Mogadiscio, dans l’actuelle Somalie, Mombasa, dans l’actuel Kenya, Kinshasa, dans l’actuel Congo.

1003 

À l’approche de la troisième année après l’an Mil, dans presque toute la terre, surtout dans l’Italie et dans les Gaules, on se mit à reconstruire les églises. Bien que la plupart n’en eussent nul besoin, une émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que les autres. On eut dit que le monde secouait ses haillons, pour revêtir de toutes parts un blanc manteau d’églises.

Raoul Glaber, moine de Saint Bénigne (Dijon). Histoires, vers 1048

1004 

Sécheresse exceptionnelle suivie de pluies torrentielles et d’inondations ; une invasion de sauterelles achève de ruiner les récoltes, entraînant une famine en 1005 et 1006.

1006  

Les Chinois, observateurs attentifs de tout ce qui advient dans le cosmos, notent la manifestation d’une supernova – explosion d’étoile, entourée d’une enveloppe de gaz chaud, extrêmement brillante – . Il en existe quelques comptes-rendus en Occident où elle a été probablement prise pour une comète.

1009

À Jérusalem, le calife Al-Hakim fait détruire l’église du Saint Sépulcre. Les autorités chrétiennes, sentant venir le vent mauvais, avaient caché le fragment de la Vraie Croix qui s’y trouvait ; il restera caché pendant 90 ans : ce sont les Croisés de Godefroy de Bouillon qui le retrouveront en 1099.

1010  

Geoffroy de Sablé fait une donation aux bénédictins de l’abbaye Mancelle de la Couture au Mans qui leur permet de fonder le prieuré de Solesmes. Après la révolution Dom Guéranger (1805-1875) sera l’artisan du renouveau de l’ordre et du chant grégorien.

Le chant fait partie de notre vie intérieure. Avec le temps, on n’a plus besoin d’écouter d’autres musiques. Le chant grégorien est la dernière vibration avant le silence, qui est plus beau que tout.

Dom Michael Bozell

On a dit que le chant grégorien avait été écrit en fonction de la résonance des cathédrales ; encore faut-il y mettre les corrections nécessaires, la résonance d’un volume déterminé par des murs nus comme ils le sont aujourd’hui n’étant pas la même que celle d’un volume où les sons arrivent sur des tentures, tapisseries, oriflammes et autres, qui décoraient alors ces cathédrales. L’expérience in situ n’est pas donnée à tout le monde, mais par contre tout le monde sait quelle est la différence en matière de résonance entre un appartement vide et le même meublé ; et il s’agit bien du même phénomène.

Pour passer à autre chose, mais pas bien loin de là, Albéréda, comtesse d’Evreux, fait construire une forteresse à Ivry par le sieur Lanfred (ou Lanfroy) en lui demandant quantité d’entrées et de sorties dérobées, couloirs secrets, coffres dissimulés… pour que restent cachés nombre de secrets divers, dont les secrets d’alcôve. Lanfred fit tant et si bien, la réalisation fut si parfaite que la dame se dit : et s’il lui prenait l’idée de recommencer ailleurs ce qu’il a fait ici, c’en sera fini de mes secrets ! Et hop, elle le fit décapiter ! Peut-être faut-il voir là l’origine de l’interdiction de toute publicité faite aux architectes (jusqu’à des temps récents) par un partisan du on n’est jamais trop prudent ! 

En Extrême Orient, le roi Ly Thai To transfère sa capitale  et la baptise Thang Long – le dragon qui prend son envol – , site de l’actuel Hanoï, la capitale du Vietnam.

vers 1010 

Le puissant abbé Gauzlin a défini le parti général de la construction de Notre Dame de Fleury, en allant loin dans le détail.

Bien mieux, l’abbé Gauzlin, rehaussant la noblesse de sa race par les marques visibles de sa sagesse, décida de construire une tour, à l’ouest de l’abbatiale, avec des pierres de taille qu’il avait fait transporter par bateau du Nivernais. Le roi ayant demandé au plus bienveillant des maîtres d’œuvre quel genre de travail il ordonnait d’entreprendre, il répondit : Une œuvre telle qu’elle soit un exemple pour toute la Gaule.
Il orna aussi le chœur des chantres d’un très beau décor de marbre qu’il avait fait apporter des pays de la Romania.
Il fit aussi un lutrin en métal d’Espagne massif pour servir aux jours de fête. La base en avait été soudée par l’art du fondeur, qui la renforça et l’embellit de quatre lionceaux ; au-dessus, une colonne de trois coudées de haut, façonnée par l’art du fondeur et d’un fini en tous points considérable ; en son centre rayonnait l’image d’un aigle aux ailes déployées.
Il fit aussi un encensoir, dont la matière était d’or massif, d’un travail vraiment admirable et d’une dimension considérable.
Et encore, il mena jusqu’à son achèvement ce qui restait à faire de la salle du trésor commencée par son prédécesseur.
De plus, il acheta au prix de dix livres une aube que l’or roidissait de toutes parts et il en fit don pour rehausser la gloire de son abbaye.
Il fit orner avec goût, d’or et d’argent, le poème de Raban [Maur] écrit à la louange de la sainte Croix […].
Il fit voûter de pierre l’oratoire consacré en l’honneur de saint Jacques et un autre aussi élevé en commémoration de saint Jean l’Évangéliste.
Il fit aussi, en l’honneur du Sauveur Universel, un oratoire dans lequel il exigea pour toujours l’accomplissement de prières à son intention.

Helgaud               Vie de l’abbé Gauzlin, in Pierre Riche (sous la direction), L’Europe de l’an mil, Zodiaque, 2001

1014  

La Corse est libérée de ses envahisseurs musulmans.

Alexis Xiphias, à la tête de l’armée de Basile II, empereur d’Orient, défait la dernière armée bulgare du tzar Samuel. Il capture 15 000 prisonniers : sur ordre de Basile II, on crève les yeux de tous, sauf un sur cent, qui conserve un œil pour pouvoir ramener les autres au tzar Samuel.

1015

Le roi Robert le Pieux, et sa femme, désireux d’honorer saint Savinien inhumé à Pierre-le-Vif à Sens dans une chasse en plomb confient au moine Odoran le soin d’en confectionner une nouvelle en matériau précieux.

La reine Constance entreprit tous ses efforts à faire orner de pierres précieuses et d’or le corps du saint qui, longtemps enfermé dans une châsse de plomb, avait été déposé par nos anciens pères ; comme elle s’ouvrait au roi de ce vœu, elle le trouva, grâce à Dieu, prêt à le satisfaire entièrement. Le roi fit venir Odorannus, moine dudit lieu, qui lui semblait capable d’exécuter cette œuvre, et, en accord avec la reine, confia à sa foi cet ouvrage de grande piété. Ils donnèrent donc à Sens, tout d’abord par l’intermédiaire du prévôt Gaudri, quatre livres d’argent fin ; puis, à Sens, par les mains du chambrier Guillaume, cinquante cinq sous d’argent fin. Ensuite ils envoyèrent par l’intermédiaire d’Eudes Parage, trente-sept sous d’argent fin : ils envoyèrent encore à Paris par l’intermédiaire du moine Odorannus dix-sept sous et huit deniers d’or et des pierres très précieuses. Ceci reste à dévoiler aux fidèles du Christ les miracles de Dieu que, lors de la fabrication de cet ouvrage, nous avons vus de nos yeux et en partie touchés de nos mains. Ce serait un crime de les passer sous silence. Donc le roi, absorbé par les divers soucis du siècle, différa quelque peu d’envoyer au monastère ce qu’il fallait pour couvrir les frais de l’ouvrage entrepris. Quand il eut repris sa tranquillité d’esprit, il fit dire par Francolin au susdit frère Odorannus de venir au plus vite à Dreux pour y recevoir son offrande pour le travail de la châsse.

Après l’office du soir et après avoir reçu, suivant l’usage monastique, la bénédiction de l’abbé, Odorannus se mit en route pour gagner les hauteurs du château de Dreux. […] Ils arrivèrent au palais du roi au moment où celui-ci se levait de table. Après qu’Odorannus eut salué le roi et la reine, les présages donnés par l’astre allaient apparaître d’une complète véracité, car la reine dit au moine : Prends les offrandes que nous avons décidé de remettre dès à présent, selon nos possibilités, à saint Savinien et hâte-toi de t’en retourner. […] Plus tard, le roi donna à Sens par les mains du moine Odorannus huit onces d’or et quinze sous d’argent fin. Pour l’achèvement de cet ouvrage, afin de ne point être trop à la charge du roi par les demandes répétées d’or et d’argent, on préleva sur le trésor de l’église cinq onces d’or et trois livres d’argent fin […]. Le frère, au jugement et à la discrétion de qui on s’en était remis pour l’exécution de l’ensemble de l’œuvre, était resté dans le chœur du monastère et remplissait avec de la cire amollie par la chaleur les figurines d’argent qu’il s’apprêtait à placer sur le couvercle de la châsse.

Odorannus de Sens. Opera omnia. Bautier, Paris, 1972

Bernward, évêque de Hildesheim, [près de l’actuel Hanovre, en Basse Saxe, Allemagne] fait fondre pour son église, pièce à pièce, deux portes de bronze sur lesquelles sont apparaissent seize scènes juxtaposées sur deux colonnes parallèles : à gauche, les figures de l’Ancien Testament, de la création du monde jusqu’au meurtre d’Abel. À droite, les figures de l’Évangile, depuis l’annonciation jusqu’à la résurrection du Christ.

1018

Étienne, Roi de Hongrie, ouvre aux pèlerins la route terrestre vers Jérusalem : elle traverse la Hongrie en longeant le Danube : la voie est plus sûre et moins coûteuse que le trajet maritime. Vajk était son nom de naissance, il devint Étienne à son baptême en 985 et sera canonisé en 1083. Des guides ont été rédigés :

La Hongrie commence au milieu du fleuve Fischa. À une lieue de là, se trouve le château de Hainburget, à deux journées de marche de celui-ci, le château de Györ. Entre ce dernier et le château de Fehérvar, il y a trois journées de marche, et autant pour arriver à Tolna…

*****

À cette époque, presque tous ceux qui, d’Italie et de Gaule, désiraient se rendre au sépulcre du Seigneur à Jérusalem, se mirent à délaisser la route accoutumée, qui traversait les détroits de la mer, et à passer par le pays de ce roi Étienne… Il accueillait comme des frères tous ceux qu’il voyait, et leur faisait d’énormes présents. À l’appel de ce souverain, une foule innombrable d’hommes du peuple et de nobles partit pour Jérusalem.

Raoul Glaber, moine de Sainte Bénigne

Défenseur de la Chrétienté contre l’invasion ottomane, il resta bien seul à le faire, en dépit de ses appels à l’aide, non entendus. Battu à Rasboieni, il finit tout de même par chasser les Turcs, puis courut châtier les Valaques, les Hongrois et les Polonais. Sur son lit de mort, l’Athlète du Christ, comme l’appelait le pape, conseilla à son fils de se soumettre  à l’inévitable et de reconnaître la suzeraineté du sultan.

Paul Morand. Bucarest 1935

Le christianisme changea tout à coup le caractère des Hongrois, et apaisa leur fureur dévastatrice. Geïfa, baptisé par S. Adalbert, doit être regardé comme le premier roi chrétien de la Hongrie ; cependant S. Étienne, son successeur est beaucoup plus célèbre, parce que, sous le règne de ce prince, les progrès de la religion devinrent plus rapides et plus universels.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

Un affaiblissement de ses structures politiques fait perdre son indépendance au royaume bulgare qui tombe sous la coupe de Byzance. Quelques vingt ans plus tard, paysans et noblesses se soulèveront contre Byzance, favorisant ainsi le succès d’une hérésie restée jusqu’alors plutôt confidentielle : le bogomilisme, que de très zélés prédicateurs répandront dans toute la presqu’île des Balkans, en Asie Mineure et même en Europe occidentale. Bogomile  était un prêtre des montagnes de Macédoine, au sud de Skoplje, qui vivait sous le règne du tsar Pierre [927-963] : le dualisme qu’il prêchait venait s’inscrire sur la toile de fond d’un royaume acquis à l’Église byzantine, plus tournée vers la construction de somptueuses églises que vers l’attention à prêter aux fidèles.

Pour les bogomiles, Dieu a crée le monde avec les quatre éléments fondamentaux : feu, air, eau, terre. Lorsqu’un des anges, Satanaël, se révolta contre Dieu, il fut exilé sur terre, et devint responsable de toute la création, à l’exception de la lumière qui resta d’origine divine : donc la création terrestre est une œuvre du Malin. Mais Satanaël était parvenu à inclure des anges dans les corps si bien que bien et mal existaient tous deux en l’homme. Le Christ ne put mener à bien sa mission car Satanaël provoqua la crucifixion. Quand le Christ ressuscita, il exila Satanaël en enfer, mais ce dernier s’en échappa et parvint à rétablir son pouvoir sur terre, s’appuyant sur les puissants : les riches, les rois, l’Église et ses doctes théologiens. CQFD.

Al-Darazi, un vizir du calife al Hãkim [996-1021] du Caire fuit en Syrie après la disparition de ce dernier ; il y fonde la secte des Druzes, qui s’appuie sur l’ésotérisme et la métempsychose. À la fin de sa vie al Hakim avait prétendu être une incarnation divine et Al Darazi le croyait, qui mit l’accent sur la foi ésotérique et sur l’adoration de l’imam al Hakim, mettant au second rang  la foi ésotérique et le Prophète. Dès lors ils s’excluaient de la communauté musulmane. En Syrie, les Druzes auront pour guide Bahã’ al-dîn al-Muktanã qui rédigera les bases de l’orthodoxie druze dans ses Lettres de la Sagesse.

Ils disent que quand l’âme quitte le corps, elle se réincarne dans un nouveau-né si l’homme est bon, et dans le corps d’un chien ou d’un âne si l’homme est mauvais.

Benjamin de Tulède

Après sa mort, le prosélytisme cessera, les Druzes deviendront une communauté fermée, à la doctrine secrète, interdisant les mariages avec les membres d’autres communautés. Aujourd’hui présents dans le sud du Liban, le sud de la Syrie et le nord d’Israël, en Galilée, on les estime à 400 000 environ.

28 12 1022

En Europe occidentale, les hérétiques étaient peu nombreux, souvent des hommes seuls, allant de village en village. Autour de l’an 1000, Raoul Glaber avait fait mention d’un Leuthard, du village de Vertu, en Champagne, qui propageait des thèses hérétiques après avoir eu une inspiration divine lorsqu’il travaillait aux champs. Un interrogatoire de l’évêque de Chalons sur Marne avait suffi à détourner ses adeptes et il s’était jeté au fond d’un puits.  Mais en ce 28 décembre de l’an 1022, l’affaire d’Orléans est beaucoup plus sérieuse, puisqu’elle envoie à l’échafaud treize hommes dont un ancien confesseur de la Reine et un intime du roi Robert le Pieux ; le tribunal était présidé part deux archevêques et trois évêques. Il en ira de même au château de Montfort, près de Turin, 6 ans plus tard où ce sont 30 personnes que l’archevêque de Milan enverra au bûcher.

Une douzaine de chanoines du chapitre cathédral d’Orléans, accusés d’hérésie dans leur enseignement, sont conduits hors de la ville et enfermés dans une cabane de bois qu’on incendie. Le roi de France Robert le Pieux avait ordonné leur arrestation et convoqué le jour de Noël un synode composé exclusivement d’évêques pour juger ces membres de l’élite cléricale orléanaise, au nombre desquels se trouvaient le chantre de Sainte-Croix, Lisoie, et le confesseur de la reine Constance, Étienne. Outre l’évêque d’Orléans Oury, étaient présents Gauzlin, abbé de Fleury et archevêque de Bourges, Francon, évêque de Paris et chancelier du roi, Guérin, évêque de Beauvais, ainsi que Liéry, l’archevêque de Sens, supérieur immédiat de l’évêque d’Orléans en tant que métropolitain.
Les débats au sein du synode avaient duré une journée, tandis qu’à l’extérieur la foule réclamait la mort des accusés. Après avoir défendu l’orthodoxie de leur comportement – ils glissaient entre les doigts comme des anguilles et on ne pouvait appréhender leur hérésie – souligne Arefat, le chevalier normand venu de Chartres les accuser, via Paul de Chartres ; les accusés finirent par admettre les faits qui leur étaient reprochés et même à les revendiquer hautement. Pris dans un élan mystique, les hérétiques auraient vécu cette fin comme un martyre libérateur.

On ne sait quasiment rien de la nature de ces hérésies, mais ce sont des rivalités politiques qui donnèrent un tour dramatique aux évènements, qu’elles soient liées à l’accès au siège épiscopal d’Orléans, alors centre du pouvoir royal ou à l’hostilité de certains princes envers l’entourage de la reine Constance.

C’est la première fois que la chrétienté médiévale recourt au bûcher pour punir des hérétiques, sans doute en contradiction avec la législation canonique, qui ne prévoit pas avant le XIII° siècle la peine de mort comme punition de l’hérésie.

Georges Duby. Le temps des cathédrales. Gallimard 1976

1023

Construction de la première abbatiale du Mont Saint Michel. Le rocher de Mont Tombe qui avait été séparé du continent par la grande marée de 709, abritait déjà des cultes à Saint Étienne et à Saint Symphorien. C’est un témoin du massif hercynien, l’ancêtre de toutes les montagnes, cela va chercher vers ~ 330 m.a ; Tombe vient du latin Tumulus : butte, laquelle n’est pas bien grande : 900 mètres de circonférence. En 708, trois apparitions de  l’archange Saint Michel – on l’appellera alors le Rocher de l’Archange – décidèrent Aubert, évêque d’Avranches à construire une église ; elle sera remplacée par une église carolingienne, qui remonte à 965. La règle clunisienne s’y introduit alors et le rocher fût nivelé – 25 m. x 80 m., tout de même – pour permettre la construction de la nouvelle abbatiale, qui sera achevée en 1084.

Comment furent construits ces énormes piliers, agrandissement artificiel de la plate-forme supérieure ? nous n’en savons pas grand-chose, car toutes les archives concernant le Mont Saint Michel brûleront dans l’incendie de Saint Lô, lors des bombardements, du 6 au 22 juin 1944.

Il fallait de l’argent pour ce faire, mais les moines n’en manquaient pas, contrairement à la place, ce qui les contraindra à des prouesses d’architecture ; les revenus liés au pèlerinage étaient conséquents, et les propriétés de l’abbaye allaient de la Grande Bretagne à l’estuaire de la Loire. Au début du XIII°, à la suite d’un effondrement de la partie nord, furent élevés le cloître, chef d’œuvre de raffinement architectural, et la  Merveille, espace séparé en deux nefs de hauteur égale, présentant la même superposition de salles sur trois niveaux, le premier pour le peuple – Tiers Etat-, le second pour les seigneurs et leurs suite – la Noblesse- et le troisième pour les moines – le Clergé – ; l’ensemble sera terminé en 1228. Pour ce faire, on ira chercher le granit sur les îles Chausey. Chœur et transept de l’église abbatiale sont gothiques, car reconstruits au XV° siècle en remplacement du chœur roman, effondré en 1421. Un nouvel incendie sévira en 1776, s’en prenant principalement à la nef. Les dernières flèches néogothiques seront dressées en 1897.

Quand visiter le Mont-Saint-Michel

La baie du Mont-Saint-Michel

Dans la baie du Mont-Saint-Michel, le marnage est tel (un peu plus de 10 m) que Tombelaine, un îlot granitique (au premier plan), est accessible à pied à marée basse. Lieu d’ermitage au XI° siècle, il devint but de pèlerinage avant d’être fortifié, puis occupé par les Anglais au XV° siècle. Aujourd’hui, Tombelaine est une réserve ornithologique.

En 1066, les moines de l’abbaye apportèrent leur soutien à Guillaume de Normandie dans sa volonté de conquête de l’Angleterre : il les en remerciera en leur donnant un autre caillou proche de Penzance en Cornouailles, où ils construiront un prieuré qui se nommera aussi Abbaye du Mont Saint Michel.

1025  

Adalbéron, évêque de Laon adresse à Robert le Pieux, le fils d’Hugues Capet un poème décrivant la société comme la cohabitation de 3 ordres : les travailleurs chargés de la fonction nourricière [laboratores], les combattants chargées de la défense [bellatores], et les clercs qui prient pour le salut des hommes [oratores[5]. 800 ans plus tard, on retrouvera cela quasiment inchangé avec la Noblesse, le Clergé et le Tiers État ; il y aura eu changement d’étiquettes, pas de contenu.

On trouvait aussi d’autres clercs pour exercer un terrorisme autrement plus domestique, avides de régenter le plus intime de chacun, ne laissant aucune liberté à l’individu et ne faisant de lui qu’un rouage qui n’a qu’à obéir aux ordres :

Avec ton épouse ou avec une autre, t’es-tu accouplé par derrière, à la manière des chiens ? Si tu l’as fait, tu feras pénitence dix jours au pain et à l’eau.

T’es-tu uni à ton épouse au temps de ses règles ? Si tu l’as fait, tu feras pénitence dix jours au pain et à l’eau. Si ta femme est entrée à l’église après l’accouchement  avant d’avoir été purifiée de son sang, elle fera pénitence autant de jours qu’elle aurait dû se tenir encore éloignée de l’église. Et si tu t’es accouplé avec elle ces jours-là, tu feras pénitence au pain et à l’eau pendant vingt jours.

T’es-tu accouplé avec ton épouse après que l’enfant a remué dans l’utérus ? ou du moins quarante jours avant l’accouchement ? Si tu l’as fait, tu feras pénitence vingt jours au pain et à l’eau.

T’es-tu accouplé avec ton épouse après qu’une conception fût manifeste ? Tu feras pénitence dix jours au pain et à l’eau.

T’es-tu accouplé avec ton épouse le jour du Seigneur ? Tu dois faire pénitence quatre jours au pain et à l’eau.

T’es-tu souillé avec ton épouse en Carême ? Tu dois faire pénitence quarante jours au pain et à l’eau, ou donner vingt six sous en aumône. Si c’est arrivé pendant que tu étais ivre, tu feras pénitence vingt jours au pain et à l’eau. Tu dois conserver la chasteté vingt jours avant Noël, et tous les dimanches, et pendant les jeûnes fixés par la loi, et pour la nativité des apôtres, et pendant les fêtes principales, et dans les lieux publics. Si tu ne l’as pas conservée, tu feras pénitence quarante jours au pain et à l’eau.

Burchard de Worms, canoniste allemand du XI° siècle. Décret à propos de l’«abus de mariage».

Si l’on fait les comptes, les interdits auraient amené les couples dévots à ne s’unir que 91 à 93 jours par an, sans compter les périodes d’impureté de la femme (règles, grossesse, période post partum). Souhaitons simplement qu’ils aient été nombreux à dire cause toujours et, dans le sud : chantes, beau merle ! 

1030   

Des pluies diluviennes s’abattent sur l’Europe entière, gonflant les fleuves, noyant les champs, pourrissant les récoltes et provoquant la famine :

Riches et moins riches étaient hâves, comme les pauvres, car la misère universelle avait mis fin au pillage des puissants […] Après avoir mangé le bétail et les oiseaux, les hommes se mirent, poussés par une faim atroce, à manger des charognes ou autres nourritures innommables. Dire à quel excès porta la corruption du genre humain provoque l’horreur ; on vit alors, ô douleur ! ce qu’on n’avait vu que rarement dans le passé, des hommes rendus furieux par la faim, manger la chair d’autres hommes. Les voyageurs, assaillis par des hommes plus vigoureux qu’eux, étaient démembrés, cuits au feu et mangés. Très souvent, montrant un fruit ou un œuf à un enfant, on l’entraînait dans un lieu écarté pour le tuer et le manger [] En raison des péchés des hommes, cette effroyable calamité sévit trois ans durant dans le monde entier.

Raoul Glaber, moine de Saint Bénigne. Histoires, vers 1048

1031

En Espagne, les chrétiens confirment un avantage pris sur les musulmans dès les années 1010, et c’est l’effondrement du califat de Cordoue, qui donne lieu à un nouveau type d’organisation politique : les petits royaumes indépendants se nomment taïfas, lesquels versent à des souverains chrétiens un paria, qui est un tribut en échange duquel ces derniers s’engagent à ne pas les attaquer, voire à les protéger : dans ces conditions, on pouvait ne pas être pressé du tout de mettre les Arabes à la porte : c’aurait été tuer la poule aux œufs d’or ; et si l’affaire a duré presque 800 ans, c’est que cela a profité à plus d’un ! Les musulmans restés en territoire chrétien sont des mudejares. Les chrétiens sous domination musulmane – les mozarabes – ont le statut de dhimmi. Les choses vont prendre un autre tour après la prise de Tolède en 1085 par Alphonse VI : les souverains des taïfas prennent peur et font appel aux Almoravides, des berbères récemment convertis à l’islam, qui font preuve du zèle des convertis.

On ne peut nier que la mainmise des Almoravides, puis des Almohades fut préjudiciable à la brillante civilisation littéraire qui florissait dans la péninsule et qui influa d’une façon si féconde sur le monde européen. À l’époque du pullulement des capitales provinciales, les cours des rois musulmans de Tolède, de Badajoz, de Valence, de Dénia, d’Almeria, de Grenade, de Séville surtout, deviennent autant de cénacles où poètes, lettrés, artistes, savants, philosophes, médecins, spécialistes des sciences exactes travaillent, dans des conditions matérielles favorables, autour de princes, mécènes éclairés qui trouvent en leur société le meilleur dérivatif à leurs préoccupations quotidiennes dans l’exercice du pouvoir. Époque de profonde décadence politique, qui s’accompagne – on en a d’autres exemples à l’intérieur et à l’extérieur du monde de l’Islam – d’un incomparable renouveau des productions de la pensée.  Lévi-Provençal.

Gaston Wiet. L’Islam. 1956

Les troubles intérieurs qui s’ensuivent provoquent, de façon presque soudaine, un renversement des relations politiques entre l’Espagne chrétienne et l’Espagne musulmane. Ce sont maintenant les roitelets de Taifas qui sollicitent l’intervention des princes chrétiens dans leurs querelles, et paient leur aide soit par des cessions de territoires, soit par des tributs annuels ou parias. Cependant, quelques uns des royaumes de Taifas – dont le nombre s’élève à vingt-trois vers le milieu du XI° siècle – constituent des États assez étendus, et qui jouent encore un rôle politique important. Au nord-est de la péninsule, le royaume de Saragosse maintient, au contact des Pyrénées, un centre puissant de domination musulmane ; il s’interpose entre la Catalogne et les États chrétiens de Castille et Léon et interdit aux comtés aragonais, enfermés, dans les hautes vallées des sierras, l’accès au val de l’Ebre. Sur la côte méditerranéenne, Alméria, Valence sont le centre de petits États très prospères qui combinent les ressources de l’agriculture et du tissage des toiles avec celles de la piraterie. Mais c’est Séville qui apparaît comme la véritable héritière de la splendeur du Califat, sous les règnes de AI Motamid 1° (1042-1061) et de son fils AI Motamid II (1061-1095). Ce dernier, qui réussit à soumettre à son autorité Cordoue et le royaume de Murcie, apparaît comme le type le plus représentatif de ces rois de Taifas, chez qui l’astuce politique et l’implacable cruauté s’unissent aux goûts du poète et aux raffinements de l’amateur d’art.

Car la civilisation de l’Espagne musulmane, loin de décliner avec la chute du Califat, atteint son zénith dans les royaumes de taifas. Civilisation très originale, qui n’est nullement une transposition, en terre espagnole, des formes de vie matérielle et morale, qui ont fleuri dans les Califats de Damas et de Bagdad, mais qui, en beaucoup de domaines, est la création commune des différents éléments ethniques et religieux qui composent la population de AI Andalus. L’arabe y joue le rôle de langue littéraire, de véhicule de la culture, comme le latin dans le monde médiéval chrétien ; c’est par des traductions arabes que s’est transmis l’héritage de la Grèce et d’Alexandrie, enrichi d’apports orientaux. Mais les Arabes purs ne constituent qu’un groupe numériquement très restreint ; quant aux Berbères, grossiers et fanatiques, ils apparaissent peu ouverts aux curiosités de l’esprit. L’élément espagnol – non seulement les renégats et les juifs, mais aussi les mozarabes qui se laissent gagner par le prestige de la langue arabe et de la culture dont elle est le support – participent largement à l’élaboration de la civilisation hispano-musulmane. Cette compénétration intellectuelle des musulmans et des chrétiens constitue un facteur essentiel de la diffusion de la pensée et de la science arabe dans l’Espagne chrétienne d’abord, puis dans toute l’Europe occidentale. Si dans certains domaines – sciences exactes, astronomie, médecine – le rôle de Al Andalus est surtout celui d’un relais entre la culture antique et le monde médiéval, dans d’autres – poésie, histoire, philosophie – se révèle une remarquable originalité et parfois une étonnante audace de pensée, comme dans l’Histoire critique des religions de Abn Hazan (994-1064) ou dans l’œuvre philosophique d’Averroës et du juif Maïmonide, un siècle plus tard.

La contrepartie de cette liberté intellectuelle est le relâchement de la pure doctrine de l’Islam, non seulement chez certains penseurs, mais aussi chez les souverains qui pratiquent à leur égard un généreux mécénat, rassemblent d’importantes bibliothèques et sont parfois eux-mêmes – c’est le cas d’Al Motamid II – de délicats poètes. Aussi les souverains trouvent-ils d’âpres censeurs parmi leurs sujets, et surtout chez les alfaquies, docteurs de la loi musulmane, qui leur reprochent leur tiédeur religieuse, leur goût du luxe, et même leur penchant à la boisson. C’est avec l’appui d’une partie du bas peuple, animé par les alfaquies, qu’à deux reprises, à la fin du XI° et au XII° siècle, les musulmans d’Afrique, Almoravides, puis Almohades, referont la conquête de l’Espagne, mettant en péril l’œuvre de reconquête menée par les royaumes chrétiens du Nord

Marcelin Defourneaux. La Péninsule Ibérique   1956

L’afflux soudain des connaissances grecques se fit d’abord sous la forme de traductions en latin de textes arabes, soit de travaux arabes originaux, soit de traductions ou de commentaires arabes des textes grecs d’Aristote. Plus tard, les textes grecs furent directement disponibles en latin et en grec. Une grande partie du travail initial fut accompli à Tolède, par des hommes tels qu’Adélard de Bath, Gérard de Crémone et Michel Scot. Adélard, le futur précepteur d’Henri II d’Angleterre, est l’auteur de nombreuses traductions scientifiques en latin, y compris celle d’une version arabe des Éléments d’Euclide, qui, pendant des siècles, fit autorité auprès des géomètres occidentaux ; très fécond lui aussi, Gérard de Crémone traduisit quelques 80 ouvrages, dont l’Almageste de Ptolémée. Michel Scot (1175-1232) qui fut un astrologue et un devin célèbre et que Dante a mentionné dans son Enfer et Boccace dans ses œuvres, semble s’être établi finalement à la cour de l’empereur Frédéric II, dont le royaume de Sicile était une autre voie importante par laquelle l’érudition arabe gagna la chrétienté.

Colin Ronan. Histoire mondiale des sciences. Seuil. 1988

En Espagne, les Maures, toujours armés les uns contre les autres, renversent eux-mêmes l’édifice de leur puissance ; déjà on voit sept ou huit monarchies musulmanes se former des débris de la principale monarchie de Cordoue. Les chrétiens, non moins aveuglés par la discorde et l’ambition, en viennent aux mains, et Bermude IV est tué dans une grande bataille, en 1037 : avec ce prince s’éteint la dynastie des rois visigoths, qui subsistoit depuis plus de sept siècles. À dater de cette époque, les chrétiens prennent une supériorité bien marquée sur les infidèles ; Ferdinand, roi de Castille, vainqueur de Bermude IV, réunit à ses états les royaume de Leon et des Asturies, enlève, en Portugal, un grand nombre de places aux Maures, et soumet au tribut plusieurs de leurs princes ; mais la guerre rallumée entre les chrétiens, arrêta, dans ses projets de conquêtes, ce vaillant roi qui gagna une grande bataille sur les Navarrois : en 1055, les vaincus perdirent leur roi Garcie.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

1033 

Puisqu’il ne s’est rien passé de vraiment exceptionnel pour les 1 000 ans après la naissance du Christ, on se reporte sur les 1 000 ans après sa Passion.

La millième année après la Passion du Seigneur, les nuées s’apaisèrent, obéissant à la bonté et à la miséricorde divine […] toute la surface de la terre se couvrit d’une aimable verdeur et d’une abondance de fruits.

Raoul Glaber

1037 

Construction de l’église abbatiale de Jumièges, en Normandie.

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Abbaye de Jumièges : Séances, tarifs et réservation de la visite guidée — MesSortiesCulture

 

Abu ‘Ali al-Husayn ‘Abd Allah ibn Sina, plus connu en Occident sous le nom de Avicenne meurt à Hamadan, en Iran, à 57 ans. Natif de Boukhara, alors aux confins du monde iranien – aujourd’hui en Ouzbékistan -, il n’était donc pas arabe, mais indo-européen ; il était devenu le plus grand savant de son époque. Doté d’une prodigieuse mémoire, il avait assimilé tant le Coran et les sciences arabes que les grecs, d’Aristote à Ptolémée. Il gardera un statut d’homme de cour, menant une vie d’errance, au gré des tribulations politiques. Parmi d’innombrables ouvrages, notons le Canon de la Médecine, – plus d’un million de mots – : les meilleures écoles – Montpellier, Toulouse, Louvain – en feront pendant des siècles leur principal outil pédagogique.

Le corps est une monture qu’il faut savoir abandonner lorsque le but du voyage est atteint.

1039 

Construction de la 3° église Sainte Foy de Conques, celle que nous connaissons, à l’exception des deux clochers de la façade, ajoutés, nul ne saurait dire pourquoi, par Viollet le Duc au XIX°.

Abbatiale Sainte-Foy de Conques, Conques-en-Rouergue | Patrimoine | Tourisme Aveyron

Eglise Sainte-Foy de Conques, Aveyron

Fichier:Conques eglise porche.JPG — Wikipédia

Le tympan de Sainte-Foy de Conques. - histoire-geo-ensemble.overblog.com

Il y a 20 ans, Soulages créait ses vitraux blancs pour l'abbatiale de Conques

Vitraux de Soulages

vers 1039                  

La tradition qui veut qu’en règle générale on assure la poursuite des travaux entrepris par l’abbé précédant, peut souffrir des exceptions : ainsi à Saint-Rémi de Reims, l’abbé Thierry décide de raser l’édifice que son prédécesseur l’abbé Airard (1005-1034) avait entrepris, le jugeant trop ambitieux. Il ne récupéra que les supports qu’il remonta pour les replacer dans la nef actuelle.

Après sa mort [de l’abbé Airard], Thierry, son successeur, voulut achever son entreprise, mais la tâche était si lourde qu’il lui parut impossible de la mener à bonne fin. Il prit donc conseil des plus sages parmi les moines et des personnages les plus respectables de la province de Reims ; sur leur avis il se décida à détruire en partie l’édifice commencé par son prédécesseur, en respectant quelques fondations dont la conservation sembla nécessaire aux architectes ; puis il se mit à élever une église d’une construction plus simple mais tout aussi convenable.

Ce fut la cinquième année de sa promotion à la dignité d’abbé, vers 1039, qu’il entreprit cette œuvre. Laïcs et ecclésiastiques lui prêtèrent à l’envi leur concours ; plusieurs membres du cler employèrent d’eux-mêmes leurs chariots et leurs bœufs au transport des matériaux. On établit des fondations dans les endroits où il n‘y en avait pas encore, on mit en état les colonnes du premier édifice détruit, on éleva sur elles des arceaux cintrés avec soin, et la basilique commença à prendre forme entre les mains des constructeurs. Puis, lorsque les murs des galeries furent bâtis de toutes parts et que le faîte de la nef eut atteint une plus grande hauteur, on rasa de fond en comble la vieille église dédiée jadis par Hincmar, et l’on couvrit d’un toit provisoire le chœur des moines afin qu’ils pussent vaquer aux offices divins sans être exposés aux intempéries.

Anselme. Historia. Traduction in Alain Erlande-Brandenburg Quand les cathédrales étaient peintes «Découvertes», Gallimard. Paris.1993

1043

Robert de Turlande fonde l’abbaye de la Chaise Dieu.

La Chaise-Dieu, l'abbaye qui surplombe l'Europe

 

LA CHAISE DIEU : ABBAYE - LA NEF - Photo de L'Abbaye de La Chaise Dieu, La Chaise-Dieu - Tripadvisor

Les Amis de l'Abbatiale - Abbaye de La Chaise-DieuLA CHAISE DIEU : ABBAYE - LA NEF - Photo de L'Abbaye de La Chaise Dieu, La Chaise-Dieu - Tripadvisor

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Tenture de choeur de l’abbaye de la Chaise-Dieu

1044  

Il y a à peu près un siècle que se construit, au cœur de l’actuelle Birmanie, à Bagan, capitale du royaume, un centre de temples bouddhistes qui s’étendra sur 50 km². Les styles commenceront par être ceux des pays voisins puis prendront peu à peu leur caractère propre. De nombreux tremblements de terre feront bien des dégâts, surtout celui de juillet 1975. Les autorités locales entreprendront des restaurations discutables, ce qui maintiendra ce site remarquable hors du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

1050

Apparition du moulin à vent via l’Espagne musulmane. Mais on ne construisait pas que cela : En l’espace de trois siècles, de 1050 à 1350, la France a extrait plusieurs millions de tonnes de pierres pour édifier 80 cathédrales, 500 grandes églises et quelques dizaines de milliers d’églises paroissiales. La France a charrié plus de pierres en ces trois siècles que l’ancienne Égypte en n’importe quelle période de son histoire, bien que la Grande Pyramide, à elle seule, ait un volume de 2 500 000 m³.

Jean Gimpel

Là où il s’agit avant tout de se défendre de la chaleur, on trouve d’autres utilisations du vent : il en va ainsi des badguir, nés en Iran, des capteurs de vent, le circuit entrant prenant le vent extérieur, le circuit sortant évacuant l’air chaud pris à l’intérieur des maisons

Le badguir est une invention venant du monde iranien. Les badguirs existent en particulier dans le centre désertique du pays, ainsi que dans les villes situées sur la rive nord du golfe Persique telles que Siraf, Laft (en), Lengueh ou Kong.

La cité antique de Yazd en particulier est connue comme la ville des capteurs de vent, du fait du nombre important de bâdgirs que l’on y trouve. En particulier, le palais de Dowlat-âbâd, situé au milieu du jardin de bâgh-e-dôlat-âbâd, abrite le plus haut bâdgir du monde, dont la colonne octogonale atteint une hauteur de 34 mètres.

Les badguirs sont des conduits verticaux, ressemblant à de grandes cheminées, dotés de hautes fentes verticales sur la partie haute de leur façade permettant de capter les vents pour les diriger vers l’intérieur du bâtiment afin de le rafraîchir.

L’intérieur de la tour est séparé verticalement en plusieurs conduits afin de permettre la circulation de courants descendants (apportant la fraîcheur) et ascendants (expulsant l’air chaud).

La forme prise par les bâdgirs est variée. Elle peut être unidirectionnelle, bidirectionnelle ou multidirectionnelle. Cependant la plupart d’entre eux étaient construits en forme de polygone régulier, en particulier de carré ou d’octogone. Sa hauteur devait être supérieure à celle des autres éléments du toit afin de permettre une prise d’air optimale.

La forme prise par le bâdgir variait en fonction du climat. Dans les zones désertiques, les bâdgirs ne comportaient généralement qu’une unique ouverture, située en sens inverse des vents du désert pour éviter la pénétration du sable et de la poussière que ces derniers charrient. Au contraire, dans les zones moins marquées par le désert, les bâdgirs de forme carrée voire octogonale permettaient un captage plus constant des vents. Ainsi les bâdgirs de la ville de Yazd, relativement protégée des typhons désertiques par deux chaînes de montagnes, sont généralement octogonaux et élevés (entre 15 et 18 mètres de hauteur). Inversement, les bâdgirs de Meybod, exposés directement aux intenses vents du désert, sont de faible hauteur et n’ont qu’une seule ouverture.

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Complexe Ganjali Khan, à Kerman (Iran)

Les tours du vent de Yazd Arquitectura Antigua, Tours, Arquitectura ...

En fonction de la puissance du vent et du gradient de température entre l’intérieur et l’extérieur des bâtiments, deux principes sont en jeu dans l’effet réfrigérant des bâdgirs : l’effet attrape-vent et l’effet cheminée.

On pense que ce capteur de vent fonctionne grâce à la faible différence de pression entre la base et le sommet à l’intérieur de la colonne. Ainsi, à chaque fois qu’un faible souffle de vent passe à travers le sommet du bâdgir (on ne sent pas la différence à la base de la colonne), la différence de pression aide à remonter l’air chaud vers le sommet et à amener de l’air frais vers le bas de la colonne. L’effet d’accumulation sur une période de 24 heures est notable.

Les bâdgirs sont historiquement bâtis en adobe, mélange de terre d’argile, de paille et d’eau. Les propriétés hygroscopiques de la terre crue (par enthalpie de changement d’état) et sa forte inertie thermique permettent de réduire la transmission de chaleur ; le capteur de vent rafraîchit ainsi considérablement les espaces bas dans les mosquées et les maisons en pleine journée.

Le bâdgir était souvent couplé à un second système de réfrigération afin de rafraîchir plus encore l’air capté par la tour. Le plus souvent, il s’agissait d’un bassin situé sous le bâdgir. Au contact de l’eau, l’air chaud provoquait une évaporation à la surface du bassin, perdant ainsi une partie de sa chaleur.

Les demeures les plus cossues disposaient d’un yakhtchal, un stockage de glace enterré disposant de murs de deux mètres d’épaisseur au moins et d’une base totalement imperméable qui rafraîchissait également l’air capté par le bâdgir avant qu’il ne soit canalisé vers d’autres pièces.

 

Réservoir d’eau réfrigérée par des bâdgirs à Yazd en Iran.

En l’absence de vent, l’air contenu dans la tour, chauffée par le soleil, se réchauffe. Du fait de la convection, il monte, s’échappe de la tour par le haut et crée un appel d’air qui ventile les pièces situées sous le bâdgir.

Le bâdgir est si efficace qu’il continue à être utilisé dans l’ architecture iranienne contemporaine comme élément réfrigérant. De nombreux réservoirs d’eau traditionnels sont couplés à des capteurs de vent, permettant ainsi de stocker l’eau à des températures très fraîches pendant les mois d’été.

Les considérations écologiques actuelles ont provoqué un regain d’intérêt pour la technique du bâdgir qui représente une solution de réfrigération à faible empreinte environnementale car elle ne nécessite ni consommation d’énergie ni utilisation de matériaux rares.

Wikipedia

Guido d’Arezzo, moine à l’abbaye de Pomposa – la Magnifique – entre marais et Adriatique, à l’est de Ferrare, laisse à la postérité la mise en écrit de la musique, jusqu’alors transmise par la seule tradition orale : la solmisation. Il met en musique un acrostiche chanté aux vêpres écrit par Paul Diacre, conseiller musical de Charlemagne :

UT queant laxis Pour que puissent tes serviteurs
REsonare fibris Faire sonner à pleine voix
MIra gestorum Les merveilles de ta geste passée
FAmuli tuorum Ouvre leurs lèvres
SOLve polluti Souillées de péchés
LAbii reatum
Sancte Iohannes

Gamme, portée… les grandes bases du solfège sont en place. C’est le moment merveilleux où, avec une grande fraîcheur, le musicien a posé les jalons d’une grammaire neuve.

Olivier Cullin

Abbey pomposa images libres de droit, photos de Abbey pomposa | Depositphotos

Codigoro, Abbaye de Pomposa - Ghigo Roli-Photo12

Le premier ministre des Fatimides, Yazouri, met à exécution une vengeance contre les Berbères d’Ifriqiya, – l’actuelle Tunisie – : deux tribus arabes, les Banou Hilal et les Banou Soulaïm, dont les brigandages infestaient la haute Égypte, furent invitées à partir pour l’Afrique du Nord : Nous vous l’abandonnons, dévastez-la, leur fut-il dit. Et cette immigration de Bédouins insupportables fut pour toute l’Afrique du Nord une véritable catastrophe : elle se produit au milieu du XI° siècle.

La Berbérie avait beaucoup souffert de l’occupation arabe, d’une façon indirecte, d’abord parce que la Kahina, cette femme qui prit un instant la direction de la lutte contre l’envahisseur, avait fait le désert derrière elle. L’irruption hilalienne fit le reste, consommant la crise de l’agriculture et compromettant pour longtemps la sécurité. Cette invasion, accomplie dans des conditions particulièrement sauvages, porta une atteinte à la prospérité générale : la ruine s’étendit partout, et des brigands, par masses, interceptèrent les routes et dépouillèrent les voyageurs. La dévastation et la solitude y règnent encore, écrivait Ibn Khaldoun au début du XV° siècle.

Émilienne Demougeot. L’apparition des Arabes en Occident 1986

Semblables à une nuée de sauterelles, ils détruisaient tout sur leur passage […] Si les Arabes ont besoin de pierres afin de caler leurs marmites sur un foyer, ils dégradent les murs des bâtiments afin de se les procurer ; s’il leur faut du bois afin d’en faire des piquets ou des mâts de tentes, ils détruisent les toits des maisons.

Ibn Khaldoun

Affectant des tribus entières, cette migration est comparable à celle des peuples germaniques qui, un demi-millénaire plus tôt, avaient mis fin à la domination romaine en Occident ; mais, pour les Banu Hillal, il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’une conquête. Il n’était pas dans l’intention de ces Bédouins de créer des États, ce dont ils n’avaient aucune conception […] les nomades arabes ébranlent puis détruisent les royaumes ziride (Tunisie) et hammadide (Algérie orientale et centrale), pillent consciencieusement le plat pays, font fuir les sédentaires, accordent leur alliance, temporaire et souvent défaillante au moment critique, aux princes berbères qui, en échange, leurs concèdent des territoires. Ceux-ci une fois mis en coupe réglée, les Banu Hillal tournent leurs regards vers d’autres horizons, vers d’autres printemps comme ils disent, où leurs troupeaux trouveront de nouveaux paysages et les guerriers des villes à piller ou à rançonner durement […] en moins de trois siècles, les Hillaliens font triompher leur genre de vie et réussissent, sans l’avoir désiré, à arabiser linguistiquement et culturellement, la plus grande partie d’une Berbérie qui ne mérite plus son nom.

Tout se passe comme si la vie citadine, susceptible de maintenir, vaille que vaille, la notion d’État, s’était contractée dans la zone la plus septentrionale abandonnant les Hautes plaines et la steppe aux descendants des Banu Hillal qui pratiquaient un élevage extensif et poursuivaient un déboisement catastrophique. […] L’arrivée des Arabes bédouins devait transformer radicalement le visage de la Berbérie et l’arabiser en grande partie. C’est une étrange et à vrai dire assez merveilleuse histoire que cette transformation ethno-socio-linguistique d’une population de plusieurs millions de Berbères par quelques dizaines de milliers de Bédouins […] En quelques siècles, la Berbérie, qui était depuis longtemps islamisée s’est en grande partie arabisée (ce qui n’est pas la même chose) et les États du Maghreb se considèrent aujourd’hui comme des États arabes […] Les contingents nomades arabes, qui parlaient la langue sacrée et en tiraient un grand prestige auprès des autres musulmans – on ne traduit pas le Coran, d’où la nécessité d’apprendre l’arabe si on s’est converti à l’islam – , loin d’être absorbés par la masse berbère, servirent de modèles, l’attirèrent à eux […] Cette assimilation était facilitée par une fiction juridique : lorsqu’un groupe devient le client d’une famille arabe, il a le droit de prendre le nom de son patron, comme s’il s’agissait d’une sorte d’adoption collective. C’est ainsi qu’insensiblement, les régions berbérophones ne furent bientôt plus que des isolats montagnards. Certains Banu Maqil se dirigèrent ensuite vers la Mauritanie actuelle où ils donnèrent naissance aux tribus Hassan.

Gabriel Camps. L’Afrique du nord au féminin. Paris 1992

19 05 1051

Henri I°, fils de Robert le Pieux, veuf depuis sept ans, va chercher femme – la troisième – bien loin de chez lui : il épouse Anne Iaroslavna de Russie, fille du grand prince de Kiev, Iaroslav I°, dit le Sage : il avait contribué à la rédaction du plus ancien code judiciaire russe : Rouskaïa Pravda. À sa mort, 3 ans plus tard, la Russie kievienne était la plus grande fédération d’Europe. C’est Vladimir, – au nord-est de Moscou -, qui était alors la capitale et non Kiev.

16 07 1054

Le pape Léon IX a envoyé en ambassade à Constantinople le cardinal Humbert de Moyenmoutier. Diplomate maladroit, il se heurte de front à l’intransigeant patriarche Michel Kéroularios, [francisé en Cérulaire] jaloux de son influence sur l’empereur Constantin IX Monomaque. Humbert dépose sur l’autel de Sainte Sophie une bulle d’excommunication contre Michel Keroularios… et prend la fuite avec les autres légats. Michel riposte par le biais du synode de l’Église d’Orient qui condamne les agissements des légats, ces hommes d’Occident venus de la région des Ténèbres. La goutte d’eau venait faire déborder le vase : les Églises d’Orient refusent de reconnaître la primauté du pape, – primum inter pares, pour les catholiques -: c’est le schisme fondateur des Églises orthodoxes d’origine byzantine ou grecque.

Le concile de Narbonne codifie la Trève de Dieu.

1054 

Les Chinois et les Japonais observent une supernova, dont les restes sont aujourd’hui nommés nébuleuse du Cancer.

15 12 1055  

Les Turcs prennent place en Asie Mineure. À la mort de leur grand-père, Seldjouk, éponyme de la tribu et du futur sultanat, au début du XI° siècle, Tchaghri Beg et son frère Toghroul Beg avaient quitté l’Asie centrale, étaient passé en Transoxiane, puis s’étaient heurtés aux Ghaznévides qui, vaincus, abandonnent le Khorassan et les régions limitrophes à Tchaghri Beg -1035 -, tandis que Toghroul poursuivait sa marche vers l’ouest, s’emparait de Nichapour (1038), occupe le Khwarezm et se fait reconnaître comme le chef de la tribu des Seldjoukides, Tchaghri Beg conservant néanmoins une très large autonomie jusqu’à sa mort (1060). Toghroul Beg pénètre ensuite en Iran, occupe Hamadan et Isfahan – 1051 –  dont il fait sa capitale ; puis, des troubles étant survenus à Bagdad, la capitale du califat abbasside, où les vizirs bouwayhides sont en plein déclin, les Fatimides d’Égypte envoient une armée d’intervention qui s’empare de Bagdad ; le calife al-Qā’im, qui s’est enfui de cette ville, fait alors appel à Toghroul Beg. Victorieux du général fatimide Basāsīrī, celui-ci reconquiert Bagdad le 15 décembre 1055, rétablit le calife sur le trône abbasside, devient son protecteur officiel, épouse sa fille et reçoit le titre de sultan ; il est alors le deuxième personnage du califat.

Toghroul Beg fera ensuite quelques incursions en Asie Mineure orientale byzantine et arménienne, en Azerbaïdjan, mais ne cherchera pas à conquérir ces régions ; en revanche, il consolidera le pouvoir seldjoukide sur l’Iran et l’Irak et fondera un État qui devait encore s’agrandir sous ses successeurs et permettre l’établissement définitif des Turcs dans le Proche-Orient.

Paul Engoulevent. Encyclopédie Universalis

1057 

Ariald, un membre du bas clergé de Milan, déclenche le combat des Patares. C’est le début de la querelle des investitures : la règle générale voulait que les prêtres soient nommés par les nobles et non par le clergé. C’est en quelque sorte la préfiguration de la guerre entre les Guelfes et les Gibelins. Le pape cherchait à réformer cela en voulant que l’Église soit seule à nommer les prêtres. C’était la lutte contre la Simonie, à savoir la vente des charges ecclésiastiques. Donc Ariald appela le peuple à ne plus aller aux messes célébrées par le clergé simoniaque… et il rencontra un franc succès : la foule pénétra dans les habitations des prêtres, les pilla, chassa leurs femmes et alla jusqu’à mettre l’archevêque à la porte de son église, lequel finira par se soumettre à Rome deux ans plus tard, en 1059.

Quatre ans plus tard, Erlembald, d’une riche famille de Milan, réveillera ce mouvement populaire des Patares, avec le soutien du pape Alexandre II : dix ans de combat, au cours desquels la noblesse urbaine, les marchands finiront par prendre le parti de l’archevêque simoniaque, se refusant à envisager d’échanger l’autorité de l’évêque fidèle à l’empereur contre celle d’un autre, fidèle à Rome : les Patares furent écrasés par la force en 1075, Erlembald, tué au combat.

13 04 1059

Nicolas II, jusque-là évêque de Florence, au demeurant bourguignon, promulgue un décret qui réserve aux cardinaux l’élection du pape.

1060

Début de la construction de la cathédrale Saint Sernin à Toulouse. Elle sera consacrée en 1096.

LA BASILIQUE SAINT-SERNIN | TOULOUSE | Site et monument historiques

1062

Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde font construire à Caen l’abbaye aux Dames, puis l’abbaye aux Hommes, [toutes deux miraculeusement épargnées par les bombardements de 1944] . Guillaume offre l’hospitalité à Édouard,  futur roi  d’Angleterre, qui s’attache à la Normandie d’où il emmène nombre d’hommes en Angleterre lorsqu’il y est rappelé pour monter sur le trône : ils y trouveront places et honneurs. Guillaume sera reçu en Angleterre comme un roi, et plus tard, recevra Harold, héritier du trône, encore jeune homme, auquel il arrachera la promesse de le soutenir dans sa volonté d’occuper le trône d’Angleterre.

Visite de l'Abbaye aux Hommes à Caen | Office de Tourisme de Caen la Mer, Destination Normandie

Chambres d'hôtes à proximité de l'Abbaye aux Hommes Caen

L’abbaye aux Hommes

L’abbaye aux Dames

En Chine, Bao Zheng (999- 1062) juge de la dynastie Song, préfet de Kaifeng, capitale des Song du Nord, est célèbre pour son intégrité et son respect des lois qui lui ont valu le surnom de Bao Gong, Bao le juste. Il rend la justice sans distinction d’appartenance sociale, avec la même rigueur, la même attention pour le paysan que pour le prince. Il est probablement le seul homme, ministre de la justice, à avoir tenu tête à l’empereur, Rhen Zong. À l’époque, c’était la mort assurée pour quiconque tentait d’aller à l’encontre des désirs du Fils du Ciel, et généralement, toute la famille jusqu’aux cousins éloignés, était éliminée systématiquement.
La bande dessinée de Patrick Marty fera découvrir à l’Occident ce héros que les Chinois n’ont jamais oublié :

Depuis le premier empereur de la dynastie Qin et la toute première loi fonctionnant sur le principe de la culpabilité par association, jusqu’à la Chine d’aujourd’hui, qui, deux mille ans plus tard, émerge à peine de ses tribulations politiques, résonne d’outre-tombe l’écho des plaintes des innombrables victimes d’erreurs judiciaires, victimes de fonctionnaires locaux corrompus qui usent de leur pouvoir au mépris de la vie humaine. En deux mille ans d’histoires chinoises et de fanfaronnades autour de nos anciens systèmes politique et judiciaire, il n’y eut qu’un seul grand juge, sous la dynastie des Song : l’incorruptible juge Bao, connu de tous les Chinois pour son indéfectible droiture ! Un seul !

Xinran. Mémoire de Chine. Éditions Philippe Picquier. 2010

1063 

Consécration de l’église de Moissac. Le doge Domenico Contarini décide de reconstruire la basilique de Venise, qui deviendra Saint Marc, sur le modèle de la basilique des Saints Apôtres de Constantinople : croix grecque et cinq coupoles. L’ancienne église en place, chapelle privée du doge, avait brûlé en 976. Les fidèles viendront y vénérer les reliques de Saint Marc, volées en 828 par les marchands vénitiens. À Pise, au lendemain de la victoire navale des Pisans sur les Arabes, qui vient raviver la rivalité avec Venise, la République charge l’architecte Buscheto de réaliser un projet grandiose, associant  cathédrale, campanile [la fameuse tour penchée dont l’Unesco stoppera le mauvais penchant dans les années 2000], baptistère et Campo Santo. Rainaldo terminera la cathédrale en 1130. Le tout forme un merveilleux ensemble architectural.

La Tour est construite sur un terrain sédimentaire composé, de la surface au plus profond, d’une couche de dépôt limoneux, d’une couche d’argiles marines molles et d’une couche de sable dense… rien qui se rapproche d’une assise solide. Et assez rapidement, la tour se mettra à pencher, défaut auquel, pendant très longtemps on ne trouvera que des palliatifs, des bricolages inopérants quand ce n’est aggravants : ajouter des marches au pied de la chambre des cloches pour diminuer l’inclinaison, réalisation d’un bassin circulaire au pied de l’édifice en 1817, bétonné si bien de la nappe phréatique envahira le côté sud de l’édifice et aggravera le phénomène ; mettre du poids au nord pour contrebalancer l’inclinaison : 600 tonnes de plomb en 1993. Et enfin la bonne solution, de février 2000 à janvier 2001 : une vis sans fin retire 45 m³ du sous-sol nord de la tour haubanée, ce qui diminue l’inclinaison de 0.4°. L’aggravation de l’inclinaison est stoppée, moyennant 30 millions d’€. Mais elle penche toujours : l’aplomb du centre  du sommet présente un écart de 5.4 mètres avec le centre de la base.

Les Pisans avaient de bonnes raisons d’en vouloir aux Arabes :

Les Sarrasins, retranchés en Italie, sur le mont Gargano, ravageaient toute cette presqu’île [sur la côte Adriatique, entre Pascara et Bari], et leur cruauté causèrent une telle épouvante, qu’un grand nombre d’habitants fugitifs, se retirèrent en 931 dans Pise, événement qui donna naissance à la grandeur de cette république.

M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808

La Basilique Saint-Marc, chef-d'oeuvre de l'art byzantin - Vivre Venise

Saint Marc, Venise

Venise est la plus belle ville du monde. Canva

Ces erreurs qui ont fait l'Histoire

Torre di Pisa: apertura straordinaria by night! | Turista ...

Le Camposanto et la Tour de Pise

Campo Santo à Pise: 13 expériences et 42 photos

Camposanto Monumentale em Pisa | Dicas da Itália

Camposanto Monumentale di Pisa

Campo Santo (ancien cimetière de la fin du XIII° siècle). Les fresques de la galerie méridionale sont de Benozzo Gozzoli -1420-1499. Celles des autres galeries nommées Le triomphe de la mort (la peste était encore proche dans les mémoires) serait de Buonamico Buffalmacco. Le Jugement Dernier serait d’Andrea di Cione dit l’Orcagna.

1064

Le sultan  Alp Arslan – le lion héros – détruit Ani, à l’ouest du lac Sevan, capitale de la Grande Arménie.  L’Arménie était encore tributaire des Arabes, mais son prestige était tel que de fait, elle était quasiment un État indépendant. Moins de cent ans plus tôt, elle avait plus de 100 000 habitants, la ville aux quarante portes, aux cent palais et aux mille églises. L’Arménie est alors au mieux de son extension, entre Mer Noire et Mer Caspienne, autour des deux grands lacs salés de l’est de l’actuelle Turquie – lac Sevan et lac de Van, et lac d’Ourmia dans l’actuel Azerbaïjan iranien. Les réfugiés arméniens vont fonder en Cilicie, en Anatolie, au nord de Chypre, la petite Arménie.

20 09 1066

Guillaume de Normandie a réuni à Saint Valéry, en baie de Somme, 14 000 cavaliers, plus de 40 000 fantassins, qu’il embarque sur 1 500 bateaux, et débarque à Pevensey sur la côte sud de l’Angleterre. C’est la première invasion réussie de l’Angleterre, ce sera aussi la dernière : Napoléon, Hitler en rêveront mais s’y casseront les dents.

25 09 1066

Harold Godwinsson, souverain d’Angleterre, parti dans le nord du pays, gagne la bataille de Stamfordbridge contre le roi de Norvège et son rival Tostig.

14 10 1066

Le même Harold, revenu vers le sud à marche forcée, affronte Guillaume de Normandie à Hastings : la bataille fait rage, l’issue en est incertaine quand Harold est tué : ses housecarls se retirent ; pour Guillaume, Dieu a jugé. Toute espèce de résistance de l’Angleterre anglo-saxonne est supprimée et Guillaume devient le maître de l’Angleterre : il va se faire couronner à Westminster le jour de Noël de la même année. Une abbaye de Battle sera édifiée sur le lieu même de Hastings.

On parle toujours de l’invasion normande de 1066, de l’invasion normande à main armée, mais il ne faudrait pas oublier que celle-ci a été précédée d’une infiltration qui a mis à la tête de l’Église de Londres, puis de la province ecclésiastique du sud de l’Angleterre, un normand authentique, Robert Champart, abbé de Jumièges, qui a installé comme comte de Hereford, Gloucester et Oxford, Raoul, fils du comte normand de Nantes, et crée dans le centre de l’Angleterre un petit État normand.

Alfred Fichelle. Le Monde Slave. 1986

Frères des Vikings danois d’Angleterre, ces terribles razzieurs Scandinaves qui massacraient les Parisiens sur l’emplacement de notre Champ-de-Mars, s’étaient eux aussi calmés ; établis au nord du Vexin, mariés aux femmes du pays (la mère de Guillaume le Conquérant est la fille d’un tanneur de Falaise), las de la mer et de ses aventures, ils étaient devenus terriens, bons chrétiens, et dans les grasses prairies du pays de Caux, vrais maquignons, ils s’adonnaient déjà au commerce des chevaux et aux procès. Leur prestige était grand dans toute l’Europe. Voyageurs féodaux, ils avaient poussé jusquau Levant, battu l’empereur de Byzance Alexis, fondé le royaume normand de Sicile, occupé l’Albanie, Malte, la côte d’Afrique, et le pape recherchait leur alliance. Sitôt qu’ils eurent jeté les yeux sur l’Angleterre, son sort fut réglé. Dès le début du siècle, on les trouve installés outre-Manche. Leur influence à la Cour est prédominante ; les Normands commandent la flotte saxonne ; d’autres tiennent garnison à Canterbury ; un fils d’Ethelred II, Edouard le Confesseur, est élevé à Jumièges, et en ramène des fonctionnaires normands. En 1051, Guillaume de Normandie se rend à Londres pour visiter son cousin, Harold le Saxon. Le duc de Normandie fait bien plus grande figure que le roi de France ou que le roi d’Angleterre ; sa suite romanisée, habillée de magnifiques dalmatiques ou d’armures byzantines, ne parle que français et latin. Peu de temps après, le roitelet saxon et les thanes, ses hommes liges, fuient frappés d’épouvante à l’apparition de la comète sinistre qui luit encore au ciel de la tapisserie de Bayeux ; c’est presque sans espoir qu’ils se retranchent au camp de Hastings pour résister à l’assaut des chevaliers normands en armures à écailles de poisson, débarqués de sept cents nefs battant pavillon du pape et de Normandie. Trompés par une feinte, les luxons stupides sont écrasés aux accents de la Chanson de Roland, Londres ouvre ses portes et Guillaume le Conquérant couche dans la barbacane romaine, qu’il baptise la Tour blanche, et qui sera le cœur de la Tour de Londres. Ses chevaliers se partagent le pays, laissant à l’Église catholique romaine les rives du Surrey et du Middlesex qui se remplissent, au cours des siècles, de Frères gris, de Clarisses, Augustins, Franciscains, Dominicains, Carmélites et Templiers. Rouen obtient le monopole du commerce franco-anglais et Guillaume installe dans la ville anglaise ses Juifs rouennais.

De la domination romaine à la domination normande, on dirait qu’il n’y a pas eu solution de continuité, tant les nouveaux maîtres appliquent à leur conquête les méthodes de l’Empire, apprises à Palerme. La coutume de Rouen et de l’Échiquier de Normandie fixe pour eux la jurisprudence.

Fonctionnaires dans l’âme, ils établissent le cadastre, recensent la population, et croient, en bons élèves des Latins, tenir le pays parce qu’ils ont dressé le registre des mutations immobilières. En fait, dès le début, l’insurrection couve partout. La lourde masse saxonne, goinfre et barbare, est attachée féodalement à la glèbe et vendue avec les terres. Mais il reste les hommes libres, petits nobles ou vilains indépendants, vivant hors des villes, il reste les outlaws, retirés au fond des forêts, qui ont abandonné Londres au clergé et aux chevaliers étrangers. C’est là que se conservent les traditions autochtones et c’est de là qu’elles regagneront tout le pays quand les barons normands, ayant perdu contact avec la France, se seront croisés avec les Saxons et en seront venus peu à peu à prendre parti pour eux contre le roi. Seul le clergé, enfermé jalousement dans ses bénéfices, demeurera fidèle à la grande doctrine romaine de la souveraineté de l’État. Aussi est-ce sur lui que se concentrera la haine du peuple, c’est lui que poursuivront les visions mystiques de Pierre le Laboureur et les railleries de Chaucer. Ces moines papistes, on les voit partout, moines quêteurs drainant vers la Ville éternelle le bon argent anglais, moines gras des Contes de Cantorbéry ; ils s’en vont par les routes romanes du Sud, la Old Kent Road des chansons enfantines, et leur saleté dégoûte les nonnes sur leurs mules, les chevaliers avec leurs lévriers et leurs faucons, la petite noblesse campagnarde, les hommes d’armes et les hommes de loi, entourant les litières et les lourds wagons saxons. Ainsi grandira, de Chaucer à Henri VIII, en passant par Wicliff et les Lollards, l’antipapisme anglais.

Tandis qu’en France les communes prêtent au roi, expression de l’État, leur appui contre les féodaux, en Angleterre elles s’allient aux féodaux contre le roi. Cette lutte de l’individu contre l’État, c’est toute l’histoire de l’Angleterre, de son Parlement, de son libéralisme ; c’est aussi toute l’histoire de Londres.

Tout contrat, dit Ortega y Gasset, est un acte de méfiance. La Cité s’est tout de suite méfiée du roi, très redouté seigneur. Du lendemain même de la conquête date cette petite bande de parchemin, si émouvante, qui est la première charte :

Guillaume le roi salue son ami l’évêque Guillaume, le bailli Godfrith et tous les bourgeois de Londres, français et anglais. Je déclare que vous êtes sous la protection des lois, comme au temps du roi Édouard. J’accorde à chaque enfant droit sur l’héritage de son père quand celui-ci mourra, et je ne souffrirai pas que personne vous fasse tort. Que Dieu vous garde. W. N.

Paul Morand. Londres. 1933

Bayeux - Normandie Tourisme

bataille des Templiers au Proche Orient. Tapisserie de Bayeux

La France devrait prêter la Tapisserie de Bayeux aux Britanniques - Sciences et Avenir

Tapisserie de Bayeux

Tapisserie de Bayeux, musée à visiter en Normandie, visite musée calvados, visite musée normandie, - Calvados Tourisme

Sur près de 70 mètres de long, la Tapisserie de Bayeux dit la conquête de l’Angleterre en l’an 1066 par Guillaume, duc de Normandie. Chef d’œuvre de l’art roman du 11° siècle, elle a probablement été commandée par l’évêque Odon, demi-frère de Guillaume Le Conquérant, pour orner sa nouvelle cathédrale à Bayeux en 1077. En fait, ce n’est pas une tapisserie, mais une broderie sur neuf toiles de lin cousues entre elles. La bande centrale est encadrée par des frises mesurant chacune environ 7 cm. Ces bordures présentent des animaux, réels (oiseaux, lions, chiens, cervidés) ou imaginaires (griffons, centaures). On y aperçoit aussi la fable d’Esope, Le Corbeau et Le Renard. De même, la bordure inférieure sert à représenter les morts du champ de bataille dans les dernières scènes.

Dans le domaine monastique, le succès est exceptionnel. On passe de 61 monastères en 1066 à 330, dont 75 de femmes, en 1215. Dans le même temps, l’équipement paroissial est développé de façon remarquable. Les religieux, nommés par le roi et souvent d’origine normande, se lancent dans des entreprises audacieuses : la construction ou la reconstruction des édifices de culte, ne s’efforçant de répondre aux exigences grégoriennes. On connaît ainsi Lanfranc à Canterbury, Paul de Caen à Saint Albans, Gondulf à Rochester, Wauquelin à Winchester, Roger à Salisbury… En un demi-siècle, le panorama architectural de l’Angleterre se modifie considérablement ; le bois dominait jusqu’alors et les édifices étaient généralement de dimensions médiocres ; la pierre prend à partir de cette fin du XI° siècle la première place pour permettre d’atteindre des dimensions gigantesques, ainsi Winchester avec ses 169 mètres de  long, Ely avec sa nef de douze travées, et Norwich avec ses seize travées.

[…] Bien que Guillaume le Conquérant se soit efforcé d’imposer l’emploi de la pierre locale lors de la construction de l’abbaye de Battle, les Normands sont restés attachés à la pierre de Caen. Des millions de tonnes ont ainsi traversé la Manche pour alimenter les nombreux chantiers.

Alain Erlande-Brandeburg. L’art roman Un défi européen. Découvertes Gallimard 2005

Très habile dans le travail du bois comme de la pierre [Guillaume de Sens] prépara tout ce qui était nécessaire [à la reconstruction de la cathédrale de Cantorbéry]. Il œuvra pour faire venir des pierres de par-delà les mers. Il construisit d’ingénieuses machines pour charger et décharger les bateaux et transporter le ciment et les pierres. Il donna des gabarits aux sculpteurs pour qu’ils façonnent des pierres, et prépara avec une grande attention bien d’autres choses du même genre. Le chœur condamné à la destruction fût abattu, et rien de plus ne fut fait pendant cette année-là. […] Le nouvel œuvre était d’une mode différente que l’ancien. L’année suivante, […] il éleva avant l’hiver quatre piliers. L’hiver achevé, il en ajouta deux. Sur ceux-ci et le mur extérieur des bas-côtés, il fit reposer, selon les règles de l’art, des arcs et une voûte, c’est-à-dire trois clés de voûte de chaque côté.

Gervais de Cantorbéry. Chronique des règnes d’Étienne, Henri II et Richard I°. 1175-1178 t.1 Londres 1879 W Stubbs éd. pp.6sq.

Guillaume marqua très rapidement sa nette préférence pour les cerfs sur les serfs :

Le roi est le garant des récoltes et de la survie de ses sujets, mais comme représentant de Dieu sur terre, il reste le maître de la nature sauvage, protecteur des arbres et des animaux. Guillaume le Conquérant use des mêmes prérogatives. La mémoire collective anglo-saxonne le retiendra comme le type même du roi forestier. À la suite de la conquête de l’île, il introduit avec une rigueur inconnue jusque-là une législation normande héritée des Carolingiens qui peuple l’Angleterre de forêts stricto sensu. Pour assouvir sa passion de la chasse, il n’hésite pas à vider de leurs habitants des terres jusque là cultivées. Les sanctions frappant les contrevenants sont lourdes et peuvent aller jusqu’à la mutilation.

Sophie Cassagnes-Brouquet, Vincent Chambarlhac. L’âge d’or de la forêt. Éditions du Rouergue 1995

1066

Et encore d’autres magnifiques abbayes en Italie : L’abbé Didier du Mont Cassin, dans le Latium, se lance en 1066 dans la reconstruction de son abbaye. L’opération est conduite avec une rapidité foudroyante – cinq ans – grâce à une volonté de fer et à des moyens financiers exceptionnels. Didier a établi son projet en s’inspirant des édifices paléochrétiens – l’atrium et l’élévation de l’abbatiale – et carolingiens – le plan du chevet avec ses trois absides. Pour souligner mieux encore ce retour aux sources, il a récupéré à Rome des marbres antiques, fait appel à des mosaïstes de Constantinople et fait exécuter les portes de bronze dans cette même ville. La réalisation des ornamenta ecclésiae s’inscrit dans l’esprit de la commande de Constantin pour Saint Pierre de Rome. Ce choix paléochrétien frappe l’imagination des contemporains et suscite l’émulation générale des religieux. La renaissance paléochrétienne de Rome dans le premier tiers du XII° siècle en est la conséquence immédiate. À Rome, Saint Clément en témoigne pour l’architecture, comme pour la totalité du décor intérieur : mosaïque pariétale, sol de marbre, sculpture ; dans le reste de l’Italie, la basilique charpentée élaborée au IV° siècle est généralement conservée, moins par référence passéiste que parce qu’elle paraît le mieux adaptée à sa finalité. L’exemple le plus abouti en est San Miniato, l’abbatiale de Florence, reconstruite dans la seconde moitié du XII° siècle, avec ses murs minces et son éclairage abondant.

Alain Erlande-Brandeburg. L’art roman. Un défi européen. Découvertes Gallimard 2005

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[1] Début 2010, les empoignades entre scientifiques membres du GIEC, – Groupe Intergouvernemental sur l’évolution du climat -, et opposants, deviendront une polémique quasiment planétaire où l’étymologie donnée à ce mot Groenland aura sa place :   les premiers disant, dans la ligne du texte cité ici, qu’il ne s’agit que d’un appât publicitaire, les seconds affirmant qu’il s’agit bien d’une qualification de la réalité.  L’interprétation au plus près du texte donnerait à penser qu’il peut bien ne s’agir que d’un coup de pub, mais… mais ils sont tout de même plutôt nombreux à parler de rennes, de pâturages, de vigne sauvage sur la côte américaine etc… pour qu’on les suive dans cette vision d’un Groënland vraiment vert.

[2] drakkar : pluriel de dreki, le dragon… qui, très souvent était la figure de proue, [mais selon François Reynaert – La Grande Histoire du Monde Fayard 2016 p.175] -, ce mot n’est que pure invention d’un journaliste français du XIX° siècle. Les noms exacts de ce type de navire sont snekkjur, langskips. Ce sont des bateaux de guerre. Les bateaux marchands sont nommés knörr.

[3] L’algèbre, l’astronomie, la biologie, la botanique, la zoologie, la musique, sont alors très en avance sur ce qu’elles sont dans l’Occident chrétien. L’Andalousie adopte le système de numérotation indien, dit de position, avec une base 10, ancêtre du nôtre, et dont la pièce maîtresse devient le zéro. Le meilleur chirurgien musulman, Abulcasis, vit alors à Cordoue. On y construit un planétarium ; on fabrique des astrolabes, des horloges, des cadrans ; on utilise les tables astronomiques indiennes ; on ouvre des parcs zoologiques et des jardins botaniques ; on met au point des pharmacopées. La bibliothèque est riche de 40 000 volumes. En provenance de Cordoue, l’Europe découvrira peu à peu le ver à soie, le papier, le riz, le sucre, le coton, les citrons, les asperges…

[4] ce qui, en langage militaire, est l’abréviation de : Rien À Signaler. La grande peur de l’an mil n’est qu’un mythe. Mythe auquel d’ailleurs s’oppose Thietmar, évêque de Merseburg : la millième année depuis l’enfantement du Christ Sauveur par la Vierge sans péché étant arrivée, on vit briller sur le monde un matin radieux. Peut-être entendait-il par là que c’était le début de la fin de la grande malédiction – la faim – la plupart des paysans ne parvenaient pas jusqu’alors à assurer la soudure – continuité entre les stocks de l’année en cours et la moisson à venir -.

[5] Adalbéron avait du avoir connaissance de la traduction par le roi Alfred le Grand dans le dernier quart du IX° siècle du De consolatione Philosophiae de Boèce : le roi doit avoir gebedmen § fyrdmen § woercmen, des hommes pour la prière, des hommes pour la guerre et des hommes pour le travail.