Les Iraniens ont pris en otage le personnel de l’ambassade américaine à Téhéran : c’est le début d’un long cauchemar de 444 jours.
7 11 1979
Fille ou garçon, le premier né de la famille royale de Suède pourra monter sur le trône.
20 11 1979
Dans le calendrier de l’Islam, c’est le premier jour de l’an 1400. En Arabie saoudite, deux à trois cents insurgés prennent la Grande Mosquée de la Mecque, le sanctuaire le plus sacré de l’Islam. Bien armés et pourvus en munitions, ils sont emmenés par Juhayman al-Utaybi, contempteur de la corruption du régime saoudien ; va s’ensuivre un siège impitoyable de deux semaines, au cours duquel des centaines de personnes vont trouver la mort, – circulent même des chiffres de 5 000 morts – nombre d’entre eux tués par les gaz lâchés par le GIGN, – 300 kg de gaz lacrymogène ont été fournis par la France -. Salem ben Laden, magnat de la construction, qui a rénové le bâtiment vingt ans plus tôt, fournit les plans qui permettent au régime de mieux combattre les terroristes, mais c’est finalement au GIGN emmené par le commandant Prouteau et le capitaine Paul Barril, que revient la conclusion de l’affaire par la reddition d’Utaybi et de 62 de ses complices, qui seront décapités un mois plus tard. Pour pénétrer dans la Grande Mosquée, les hommes du GIGN avaient dû se convertir en urgence à l’Islam. Oussama ben Laden, fils de Salem, approuve la sentence dans un premier temps ; il partira par après en Afghanistan combattre les Russes qui envahiront le pays fin décembre et reviendra alors sur sa première appréciation.
18 12 1979
Le prix du pétrole a été multiplié par 2 depuis 1978.
24 12 1979
Premier lancement réussi d’Ariane. OUF ! ENFIN ! Il était temps, dira-t-on, après des années et des années d’échec de la fusée Europa : de 1967 à 1971, 11 lancements… 11 échecs. La scoumoune à répétition dont l’une des causes principales était une mauvaise coordination : les éléments étaient fabriqués dans différents pays d’Europe, et c’est l’ambassadeur du pays d’accueil des éléments qui assurait la coordination ! Comme la science et la diplomatie ne peuvent pas faire bon ménage, cela ne pouvait que provoquer des loupés. L’agence en charge du projet : le CECLES – Centre Européen pour la Construction de Lanceurs d’Engins Spatiaux -, regroupait la France, le Royaume Uni, l’Italie, l’Allemagne et l’Australie. Le premier étage de la fusée était le missile balistique anglais Blue Streak, abandonné par l’Angleterre pour des raisons budgétaires. Coralie était le second étage, construit par les Français, et Astris, le troisième étage, construit par les Allemands.
25 12 1979
À 3 h du matin, deux divisions de l’armée de l’air soviétique atterrissent à Kaboul et à Shinband, dans l’ouest de l’Afghanistan. Au même moment des unités motorisées stationnées en Ouzbékistan franchissent la frontière. Deux jours plus tard, le président du conseil révolutionnaire, Hafizullah Amin, est exécuté par les Spetsnaz et remplacé par son rival au sein du Parti Communiste afghan, Babrak Karmal. Hafizullah Amin avait lui-même renversé et assassiné Daoud, président de la République de 1973 à 1978.
Quel était le but de l’invasion et quelles en sont les conséquences ? Selon de nombreuses déclarations soviétiques, les troupes de l’URSS ont pénétré en Afghanistan à la demande du gouvernement afghan légitime pour aider à protéger les acquis de la révolution d’avril 1978 contre les entreprises de bandits expédiés du Pakistan.
Mais cette explication est intenable. Le chef de l’État Amin ne pouvait réclamer l’entrée des troupes soviétiques, celles-là mêmes qui l’ont tué. En réalité, Amin recherchait l’indépendance nationale de l’Afghanistan et c’est justement pour cela qu’il encourut la disgrâce des dirigeants soviétiques. Sa politique intérieure suscitait effectivement une vive résistance, mais il comptait apparemment en venir à bout par ses propres moyens. La résistance armée à la politique de Taraki, le prédécesseur d’Amin assassiné par celui-ci, et d’Amin lui-même jusqu’en décembre 1979, était presque exclusivement interne, souvent quasi tribale ; elle ne devint nationale qu’après l’intervention soviétique, et c’est alors seulement qu’elle commença à recevoir un certain soutien de l’extérieur, négligeable dans les premiers temps (maintenant aussi d’ailleurs). Pour la majeure partie de la population afghane, l’invasion soviétique entraîna la tragédie de la guerre et des malheurs immenses.
La raison véritable de cette invasion doit être cherchée dans l’expansionnisme soviétique. Les dirigeants du Kremlin ont sans doute été inquiets en voyant qu’une fois Daoud renversé, par un coup d’État sanglant auquel participait le KGB, l’Afghanistan n’était pas devenu plus gouvernable, bien au contraire ; en outre, je suisconvaincu que la situation en Afghanistan n’était pas la cause, mais plutôt le prétexte d’une invasion liée à des objectifs géopolitiques et stratégiques à long terme. On avait, semble-t-il, projeté de faire de l’Afghanistan un champ d’opérations qui permettrait d’établir la suprématie soviétique dans un vaste secteur avoisinant.
Deux mois à peine avant l’invasion, des étudiants révolutionnaires avaient fait irruption dans l’ambassade américaine à Téhéran et avaient pris des otages. Cette action avait provoqué une tension extrême entre l’Iran et les États-Unis. La situation se prêtait on ne peut mieux aux plans de pénétration pacifique ou militaire de l’URSS en Iran, au point qu’on est en droit de se demander si des agents soviétiques n’ont pas participé à la prise des otages : certains témoignages publiés dans la presse occidentale semblent confirmer cette hypothèse.
En envoyant leurs troupes en Afghanistan, les dirigeants soviétiques escomptaient probablement une victoire très rapide. Mais leurs espoirs furent déçus. L’Afghanistan, qui autrefois avait refusé de se soumettre à l’Angleterre et à la Russie tsariste, ne se rendit pas cette fois encore. Les troupes soviétiques eurent affaire à la résistance du peuple tout entier. L’armée du régime de Karmal se décomposa à moitié ; les soldats désertèrent en masse et rejoignirent les rangs de la résistance. La guerre devint alors toujours plus barbare.
C’est avec horreur et en rougissant pour notre pays que nous apprenions par les radios étrangères le mitraillage par hélicoptère et le bombardement des villages qui servaient de base à la résistance, l’utilisation du napalm, la destruction systématique des récoltes qui condamnait à la famine et à la mort les vastes régions contrôlées par la résistance, le minage par hélicoptère des routes de montagne, l’utilisation de mines anti personnelles et même de substances toxiques ! Fuyant les horreurs de la guerre, plus de quatre millions d’Afghans se sont réfugiés au Pakistan et en Iran. Un quart de la population du pays. Ces gens se trouvent également dans une situation d’extrême dénuement. C’est la plus grande masse de réfugiés dans notre monde contemporain tragique. Les Afghans peuvent-ils pardonner toutes les souffrances qui leur ont été infligées, la mort de leurs proches ?…
On a su par la radio que durant les premiers mois de la guerre des agents du KGB ont ouvert le feu sur une manifestation de jeunes écolières. Ce genre de crimes provoque une impression profonde chez les gens et ne s’oublie jamais. On a fait état de cas où des résistants prisonniers, y compris des blessés, étaient brûlés vifs ; des familles de paysans qui avaient aidé les résistants étaient fusillées. Bien entendu, les résistants aussi commirent beaucoup de cruautés. L’un de leurs représentants a déclaré qu’ils n’ont pas la possibilité de garder et de nourrir des prisonniers, et que d’ordinaire ils les fusillaient. Il y eut beaucoup d’informations sur des règlements de compte impitoyables contre des prisonniers et des Afghans qui collaboraient avec le régime de Karmal. Le côté soviéto-afghan refusa toujours les échanges de prisonniers. On connaît des cas où des soldats soviétiques encerclés furent mitraillés par des hélicoptères soviétiques afin qu’ils ne pussent se rendre.
Selon la radio occidentale, le chiffre global des soldats et des officiers soviétiques tués pendant ces trois ans de guerre dépasse [1983] quinze mille (sans compter les blessés et les pertes des troupes gouvernementales afghanes).
Andreï Sakharov. Mémoires. Seuil 1990
1979
Apparition du Compact Disc. France et Grande Bretagne décident d’arrêter la série de fabrication du Concorde : vingt appareils ont été construits : 16 commercialisés, et 4 prototypes.
À Brommersvik, près de Stockholm, à l’occasion d’un congrès du mouvement syndical européen, François Mitterrand, 62 ans est interviewé par Christina Forsne, 31 ans. Elle en été, lui en hiver… il tente sa chance : Vous ne parlez que de politique, mademoiselle? Vous n’aimez pas la vie? S’en suivra une liaison qui durera jusqu’en 1995, donnant naissance en 1989 àHravn Forsne. De 1980 à 1995, Christina Forsne sera correspondante à Paris pour le quotidien Aftonbladet et la télévision publique suédoise.
Au Kenya, création de la Rwandese National Union (Ranu) – tutsie -. Elle se transformera plus tard en Front patriotique rwandais (FPR).
Le remorqueur l’Abeille est à même de récupérer bien des navires très mal en point, mais cela ne saurait lui ouvrir les portes de tous les ports : Une fois, en 1979, un cargo grec, un cargo tout neuf chargé de tanks et de Land Rover destinés à l’Arabie Saoudite, avait été éperonné dans la Manche par un petit caboteur. La cale numéro 1, la grande cale avant, se remplissait d’eau et une partie de l’équipage avait été évacuée par hélicoptère, l’autre partie étant récupérée par le remorqueur. Le temps était médiocre mais sans plus. Traînant son colis, l’Abeille a demandé asile à Cherbourg. Réponse négative : le port ne voulait pas s’encombrer d’un bateau susceptible de sombrer ou de bloquer une passe. On s’est tourné vers les Anglais : Plymouth, rade militaire, ne voulait rien entendre non plus. Et l’on parcourt la Manche, en long et en large, sollicitant les uns, sollicitant les autres. Et le vent se lève, et le cargo pique du nez. Toujours rien, personne ne cède.
Le vent frais se transforme en coup de vent, le coup de vent en tempête. Le cargo, alourdi, tangue et roule, malmène la pantoire. Le commandant de l’Abeille multiplie, par radio, demandes et mises en garde. Mais chacun pour soi, débrouillez-vous, lescapitaineries restent sourdes. La mer devient très grosse, anarchique, leremorqueur et le remorqué dansent un épouvantable tango, à qui domptera l’autre. Portsmouth, enfin, accepte d’entrouvrir sa porte. C’est à trois heures de route. Le cargo se plante dans les lames, étale de moins en moins. Une heure plus tard, sa gîte s’accentue, il va plonger. Pas question de larguer la remorque en bonne et due forme, l’épave est déserte, conserver des hommes à bord eût été criminel, le gaillard d’avant s’enfonce et personne, là-bas, ne peut libérer la pantoire.
Il reste une solution : pousser les quatre moteurs à fond, prendre de l’élan, et casser volontairement avant que l’autre n’entraîne l’Abeille. Le commandant et le chef sont d’accord, on y va, plein pot. Mais, dans le désordre des vagues, dans le tohu-bohu du vent, le Vieux, involontairement, appuie sur l’arrêt d’urgence. Tout stoppe, la ligne d’arbre est bloquée, le remorqueur est inerte, force est de reparcourir toute la procédure – débrayage, lancement.
Cela nous a peut-être pris quatre minutes. Le temps de faire son trou dans l’eau.
Les moteurs repartent avant, juste avant. Le câble se rompt en sifflant. Et presque aussitôt, la poupe du cargo grec soulage lentement tandis que la proue s’incline, les tanks et les Land Rover brisent leurs amarres, glissent à la mer comme des jouets renversés par un enfant. Le navire suit, d’un trait. Le mécanicien grec est à côté de son homologue français. Jusqu’au dernier moment, le groupe de secours illumine les sabords. Tous deux, cependant que le bateau coule, oblique, voient les hublots s’éteindre, un à un, au fur et à mesure que le flot noir aspire définitivement sa prise. Un remous blanchâtre, et c’est fini. – It’s a good ship, it’s a good ship, répète le Grec, les larmes aux yeux.
Oui, c’était sûrement un bon navire. Si quelqu’un lui avait accordé l’hospitalité, il flotterait encore.
Hervé Hamon. L’Abeille d’Ouessant. Seuil. 1999
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… les croquantes et les croquants, tous les gens bien intentionnés, m’avaient fermé la porte au nez
Georges Brassens. L’Auvergne
1 01 1980
La France s’équipe pour recevoir du gaz russe :
Hollandais ? Algérien ? Russe ? À l’odeur, les usagers français auront beaucoup de mal à faire la différence. Et un grand nombre sans doute ne saura jamais qu’à partir de 1980, le gaz naturel qu’ils utiliseront sera d’origine soviétique.
Du gaz russe après le gaz de Hollande, d’Algérie et de Norvège ! Et la diversification de nos approvisionnements n’est peut-être pas terminée. Recherches tous azimuts qui n’ont rien à voir avec le moindre souci d’exotisme économique. L’explication, en effet, est autre : la France a consommé 210 milliards de kilowatts-heure en 1977. Et on prévoit que sa consommation s’élèvera à 370 milliards de kilowatts-heure en 1985. Où donc trouver les 160 milliards de kw/h manquants ? Sans doute pas à Lacq dont le gisement s’épuise. Donc à l’étranger. Déjà nous recevons celui des Pays-Bas et de Norvège ainsi que d’Algérie. Demain, c’est-à-dire le 1° janvier 1980, ce sera au tour du gaz russe. Et à partir de 1981, du gaz iranien, même si en réalité il ne parviendra jamais jusqu’à nous : il sera consommé en URSS et remplacé par du gaz russe.
C’est en Lorraine que le gaz russe fera son entrée en France. À Obergailbach, petite commune de l’arrondissement de Sarreguemines en Moselle. C’est là que s’achèvera le long périple international d’un gaz qui, pour nous être utile, aura traversé la Tchécoslovaquie, l’Autriche et l’Allemane de l’Ouest.
En France, Obergailbach ne sera bien évidemment qu’une première étape car la petite commune mosellane sera reliée à celle de Voisines en Haute-Marne par une conduite longue de 230 km. A Obergailbach, le gaz subira divers traitements dont notamment l’injection de THT, afin de lui donner cette odeur particulière d’oeuf pourri, mais des appareils permettront aussi de comptabiliser la quantité de gaz importée. Et c’est à Voisines que reviendra le rôle de plaque tournante du gaz russe pour le réseau français. De ce site déjà surnommée L’Etoile de l’Est, deux gazoducs partiront et permettront la desserte des régions lyonnaises et parisiennes : les artères Voisines-Ars (Ain) de 100 km et Voisines-Evry (Essonne) de 230 km. Au total, 560 km de tubes soit 30 000 tubes pour L’Etoile de l’Est auront ainsi été mis en place en 1978 et 1979 pour acheminer ce gaz.
Mais pourquoi donc Obergailbach ? Le site originel prévoyait que le gaz russe arriverait par la commune d’Erching, également dans l’arrondissement de Sarreguemines. Une station de comptage y aurait été installée. Mais finalement, le site d’Obergailbach fut préféré au premier. Son acquisition était plus simple et l’accès de la station plus facile, car elle est située en bordure de la route.
Au printemps prochain, dès que le temps le permettra, les travaux de pose des tuyaux seront entrepris entre Obergailbach et Voisines. Le gazoduc sera constitué de tubes épais de quelques millimètres, soudés les uns aux autres. Le diamètre de la canalisation sera de 900 mm contre 750 mm pour l’artère Voisines-Evry et 800 mm pour le tronçon Voisines-Ars. Ce sera la deuxième conduite en France d’un diamètre de 900 mm.
L’un des plus délicats problèmes qu’aient eu à résoudre Gaz de France a bien évidemment été d’obtenir l’accord des propriétaires dont le terrain sera traversé par le gazoduc. Des précurseurs du gaz ont ainsi sillonné les campagnes afin de conclure avec les intéressés des conventions amiables de servitude. Ce document autorise Gaz de France à mettre en place et à exploiter, ultérieurement, une canalisation de transport situé au moins à 80 cm sous terre. Seule trace du gazoduc en fin de chantier : de petites bornes de repérage établies en bordure des parcelles.
Lorsque la convention est établie, un état des lieux contradictoire est fait. Après les travaux, GDF remet en état le terrain puis on procède à un nouvel état des lieux. Enfin, lorsque cela s’avère nécessaire, le propriétaire sera dédommagé car les travaux pourront nécessiter l’abattage de plusieurs arbres ou autres. L’indemnisation versée correspond à la valeur de la récolte détruite et au déficit forfaitairement estimé pour les récoltes futures à 50% la deuxième année, 35% la troisième année et 15% la quatrième année.
Si le gaz russe arrivera en France à partir du 1° janvier 1980, en fait, l’URSS nous livre son gaz depuis le 1° janvier 1976. Mais, faute de conduite adéquate pour l’acheminer, ce gaz est actuellement prélevé en Hollande sur la part italienne tandis que l’Italie emploie du combustible russe payé par la France ! Question de transport. Mais cette situation ne pouvait se prolonger indéfiniment, surtout parce que la France vient d’augmenter ses commandes à l’URSS : 37 milliards de thermies (une thermie est la quantité d’énergie nécessaire pour élever d’un degré la température d’une tonne d’eau) à compter du 1er janvier 1980 contre 18 à 23 milliards jusqu’à cette date.
C’est dans cette perspective que le gouvernement français avait décidé, en 1974, conjointement avec d’autres pays européens, de construire des canalisations qui relient l’Est à l’Ouest de l’Europe. Un consortium a été constitué à cet effet et devra mener à bien les travaux à entreprendre. Ceux-ci demanderont un effort financier particulièrement important aux pays concernés. Ainsi la France, en plus de l’achat de gaz, devra payer une sorte de « droit de sortie » à l’Autriche et à l’Allemagne fédérale.
On estime que la construction et la pose des tuyaux en France pour recevoir et distribuer le gaz russe reviendra entre 1 000 Frs et 2 000 Frs au mètre carré, soit au total une dépense de l’ordre d’un milliard de Francs.
Républicain Lorrain du 26 octobre 1978
4 01 1980
Le journal allemand Die Welt publie une interview d’Andreï Sakharov, condamnant l’intervention russe en Afghanistan. Le lendemain, le New York Times en fera autant.
6 01 1980
Piersanti Mattarella, frère du futur président de la République Sergio à partir du 1° février 2015, président démocrate-chrétien de la Sicile a déjà pris des mesures pour assainir l’île. Il est abattu en allant à la messe.
8 01 1980
Le Praesidium du Soviet Suprême retire ses décorations à Andreï Sakharov.
22 01 1980
Andreï Sakharov est arrêté à Moscou et assigné à résidence à Gorki, anciennement Nijni Novgorod, à 400 km à l’est de Moscou. La ville est interdite aux étrangers. Sa femme Helena Bonner, l’accompagne. Il découvrira alors la lâcheté [dénoncée par Soljenitsyne chez les occidentaux] de tous ses confrères scientifiques dont aucun ne lui manifestera le moindre soutien.
31 01 1980
Assassinat de Joseph Fontanet, né en Savoie en 1921, ancien ministre de Pompidou. Il était un ami de Robert Boulin, assassiné trois mois plus tôt. On ne connaîtra ni le mobile ni l’auteur de l’attentat.
7 03 1980
Le pétrolier malgache Tanio se casse au large de l’île de Batz, dans le Finistère. L’essentiel des 28 000 tonnes du chargement pourra être pompé et récupéré.
La proue coule, emmenant 8 hommes avec elle. La poupe parviendra à être remorquée jusqu’ au Havre
24 03 1980
Les électeurs suédois approuvent à 58 % la poursuite du programme nucléaire.
28 03 1980
À Cuba, les ambassades du Pérou et du Venezuela ont la réputation d’accorder des visas. Un groupe de Cubains loue un bus et force les grilles de l’ambassade du Pérou pour demander l’asile politique. La tension monte entre Cuba et le Pérou car ce dernier refuse de livrer le commando aux autorités cubaines. La Havane retire alors la protection policière devant l’ambassade et annonce que quiconque désirant quitter le pays peut se rendre à l’ambassade du Pérou : dix mille personnes s’y précipitent et c’est rapidement le chaos.
1 04 1980
Tarek Aziz, irakien et chrétien, proche collaborateur de Saddam Hussein est victime d’un attentat, dont il réchappe. Il réagit en faisant exécuter l’ayatollah Mohamed Baker Sadr, neveu de l’imam Moussa Sadr, disparu en Lybie en 1978 et auparavant chef de la communauté chiite du Liban. Les Irakiens d’origine iranienne sont expulsés. La situation ne fera que se dégrader pendant six mois entre les deux pays pour aboutir à une guerre qui durera huit ans.
20 04 1980
Le régime cubain annonce que tous ceux qui veulent quitter le pays doivent se rendre au petit port de Mariel, à l’ouest de La Havane, où viendront les chercher les Mexicains déjà installées aux États-Unis, la plupart avec des bateaux de plaisance. En 5 mois, jusqu’à ce que Fidel Castro mette fin à l’expérience, ce sont 125 000 personnes qui fuient le régime de Castro pour émigrer aux États-Unis.
25 04 1980
Fiasco américain pour sauver les otages de l’ambassade : l’opération, mal préparée, se solde par quelques morts dans le désert Dacht i Kévir, au sud est de Téhéran et des hélicoptères définitivement au sol.
30 04 1980
Mathilde, 7 ans et Élise Jurgensen, 4 ans, meurent dans un accident de voiture, percutée par celle d’un chauffard ivre. Leur mère Geneviève n’a pu accepter la condamnation à une peine légère du chauffard qui a tué ses deux filles, peine qui sera effacée par l’amnistie de 1981. Elle va créer en mai 1983 la Ligue contre la violence routière.
La Ligue contre la violence routière utilise un langage direct pour parler de l’impact des accidents sur les victimes et leurs proches. Elle est à l’origine de nombreuses évolutions : baisse du taux d’alcool autorisé, introduction du permis à points ou obligation du siège bébé. Elle a changé également la façon d’aborder la sécurité routière dans les médias en exprimant le point de vue des victimes de la route, au-delà des avis des spécialistes de l’automobile. Elle aborde la problématique de la sécurité routière sous l’angle des victimes d’accidents.
Elle interpelle les hommes politiques sur un thème qu’ils ne jugeaient, à l’époque, pas très populaire. Vingt ans après sa création, le projet de loi de lutte contre la violence routière de février 2003, impulsé par Jacques Chiracnouvellement réélu Président de la République, reprend en partie à son compte un des objectifs de l’association : mettre fin à ce qu’elle considère être une relative impunité due à une certaine tolérance des forces de police, de la gendarmerie et des juges vis-à-vis des conducteurs en infraction. Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, déclare concomitamment qu’on ne peut plus parler de l’insécurité routière avec des mots qui mentent mais avec les vrais mots, les mots de violence, de délinquance, les mots, quelquefois, d’assassinat.
Nous avons enfin réussi à faire de la délinquance routière une délinquance ordinaire dans l’esprit des gens se réjouit alors publiquement Geneviève Jurgensen.
Wikipedia
6 5 1980
Reconnaissance officielle de L’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Elle a été crée sous l’impulsion de l’écrivain Michel Lee Landa qui demandait le droit de mourir dignement, dans la lucidité, la tendresse, sans autres affres que celles inhérentes à la séparation et au glissement hors de cette forme de vie. Ce droit devient un impératif évident, dès lors que la vie peut-être prolongée jusqu’au dernier délabrement – et même au-delà -.
20 05 1980
Bernard Kouchner claque la porte de MSF pour fonder Médecins du Monde.
27 06 1980 20 h 56’54″
Un DC 9 d’Itavia en provenance de Bologne explose en vol peu avant sa descente sur Palerme : 81 morts. Il va s’abîmer par 3 500 mètres de profondeur, au large de l’île d’Ustica ; les Italiens remonteront sa carcasse. Il faudra presque vingt ans pour obtenir des bribes de vérité et pour que s’ouvre un procès en Italie. Les juges sont tout de même parvenus à prouver qu’en dépit de toutes les dénégations des militaires américains, italiens et français, un combat aérien avait bien eu lieu à cet endroit-là, et à ce moment-là. La France affirmera que sa base aérienne corse de Sollenzara était fermée ce jour-là, quand c’était faux. La France n’a pas non plus communiqué la position ce jour-là des porte-avions Foch et Clemenceau. Et il ne serait pas impossible, dixit l’ancien président du Conseil, Francisco Cossiga [1], que ce soit un missile français qui ait abattu accidentellement le DC 9 d’Itavia. Réalisant son erreur dans les jours suivants, le pilote se serait suicidé. Trois semaines plus tard, le 18 juillet la carcasse d’un Mig 23 libyen sera retrouvée sur les monts de Sila, à Castelsisano en Calabre, le pilote toujours en place… Mais le témoignage d’un ailier de cette patrouille de Mig dit que cet accident aurait eu lieu deux jours avant l’explosion du DC 9 d’Itavia. Les responsables militaires italiens mettront quatre mois pour transmettre les images radar du ciel aérien ce jour-là, enregistrées sur le radar de Poggio Ballone, à coté de Grosseto. Dans les années qui suivront, vingt personnes liées de près ou de loin au drame, mourront : le premier, concernant le colonel Pierangelo Teoldi, a lieu le 3 août 1980, mort dans un accident de voiture ; le dernier, concernant le contrôleur aérien Franco Parisi, a lieu le 21 décembre 1995 : suicide par pendaison, ce qui avait déjà été la cause de décès officielle du contrôleur aérien Mario Alberto Dettori le 31 mars 1987 ; le sous-officier qui regardait le radar de Poggio Ballone, sur la commune de Grosseto, à la latitude de l’île d’Elbe, se suicidera le 30 mars 1987. La nuit du 27 juin, le DC-9 a été aperçu par un chasseur F-104 de la base de Grosseto sur lequel volaient deux pilotes expérimentés : Ivo Nutarelli et Mario Naldini. Selon une série de rapports officiels de l’OTAN qui décodent les transcriptions radars – et dont le premier est transmis le 2 octobre 1997 au juge Priore par le conseiller juridique de l’organisation, M. Baldwin De Vidts -, les deux pilotes italiens, après avoir croisé les autres avions, sont rentrés en signalant l’alerte maximum, comme le prévoit le manuel de l’Alliance atlantique : vol triangulaire sur la base et bouton radio pressé trois fois sans parler (procédure dite squawk). Dans ce cas non plus, on ne peut les interroger. Nutarelli et Naldini sont morts en 1988 à Ramstein, en Allemagne, dans une collision survenue pendant une démonstration de la patrouille acrobatique italienne des Flèches tricolores. Suicides mystérieux, accidents de la route, assassinats…les documents que détenaient tous ces morts disparaîtront…
En septembre 2023, Giuliano Amato, 85 ans, ancien président du conseil italien (1992-1993 puis 2000-2001, renouvellera l’accusation dans une interview à La Republica : ce serait la France qui, lors d’un plan organisé par les pays de l’OTAN pour se débarrasser de Kadhafi (plan qui aurait mal tourné), aurait abattu le DC-9 de la compagnie aérienne Itavia.
La version la plus crédible est celle de la responsabilité de l’armée de l’air française, avec la complicité des Américains et de ceux qui ont participé à la guerre aérienne dans notre ciel le soir de ce 27 juin. Le plan était de dépouiller Kadhafi, en le faisant voler dans un Mig de son armée de l’air. Un plan, sur le papier très complexe, qui consistait à simuler un exercice de l’OTAN, avec de nombreux avions en action, au cours duquel un missile devait être tiré sur le dirigeant libyen : l’exercice était une mise en scène qui devait permettre de faire passer l’attaque pour un accident involontaire. Giulio Amato n’avance pas de preuves concrètes de ses accusations. Mais les choses auraient mal tourné : Kadhafi a été prévenu du danger et n’est pas monté dans son avion. Un ou deux chasseurs libyens s’étant placés dans le sillage du DC 9 pour se cacher des radars, un tir les visant aurait détruit le DC-9, qui a coulé avec quatre-vingt-un innocents à l’intérieur. Paris et Washington ont toujours nié une quelconque implication de leurs appareils dans le drame. Sur ce drame, la France a fourni tous les éléments en sa possession chaque fois qu’elle a été sollicitée, indique le Quai d’Orsay à la Rai. Le ministère ajoute que chaque information a été fournie notamment dans le cadre des enquêtes menées par la justice italienne. Nous restons évidemment disponibles pour travailler avec l’Italie si elle nous le demande.
Toujours dans son interview à la Repubblica, Amato explique qu’une fois sous-secrétaire à la présidence du conseil, six ans après les faits, il aurait reçu la visite de généraux qui tentaient de le convaincre de la thèse de l’explosion d’une bombe à l’intérieur de l’avion. Une thèse qui, selon lui, venait remplacer celle du défaut structurel de l’avion. J’ai compris qu’il y avait une vérité qu’il fallait cacher. Et notre armée de l’air était prête à défendre le mensonge. Bettino Craxi, alors président du conseil et mort en 2000, lui aurait demandé expressément de ne pas importuner les militaires.
Une longue enquête judiciaire a abouti à un procès au pénal contre plusieurs hauts responsables militaires italiens, soupçonnés d’avoir caché des informations dans cette affaire, qui s’est achevé définitivement en 2007 avec leur acquittement devant la Cour de Cassation. Puis des magistrats romains avaient rouvert en 2008 l’enquête sur Ustica à la suite de déclarations de l’ancien dirigeant Francesco Cossiga, 81 ans, qui disait qu’un missile français avait abattu le DC-9 italien.
Lorsqu’il revient lui-même au palazzo Chigi en 2000 en tant que premier ministre, Amato se serait décidé à écrire aux présidents Clinton et Chirac pour leur demander de faire la lumière sur cette tragédie aérienne.J’ai reçu des réponses très polies me renvoyant aux organes compétents. Mais par la suite, je n’ai plus rien entendu. Un silence total, ajoute-t-il. Il demande aujourd’hui à Emmanuel Macron, à peine né lors de la tragédie, de laver la honte qui pèse sur la France soit en démontrant que cette thèse est infondée, soit, si elle est confirmée, en présentant les excuses les plus sincères à l’Italie et aux familles des victimes.
La première ministre italienne Giorgia Meloni a appelé Amato à apporter des éléments concrets à ses accusations. Je demande au président Amato, en plus de ses déductions, de nous faire savoir s’il est en possession d’éléments qui permettraient de revenir sur les conclusions de la justice et du Parlement, et de les mettre à la disposition du gouvernement.
29 06 1980
Vigdis Finnbogadottir est la première femme présidente d’une république : c’est en Islande.
07 1980
Ouverture du tunnel routier du Fréjus, de Modane à Bardonneche.
14 08 1980
Lech Walesa, 36 ans, licencié depuis quelques années des chantiers navals de Gdansk, prend la tête d’une grève dans cette entreprise de 16 000 employés : 18 jours plus tard, cela aboutira à la reconnaissance par le pouvoir polonais du premier syndicat libre : Solidarnosc.
La brèche dans la carapace du monde communiste était ouverte et il suffira d’un petit désordre pour libérer une éruption du mécontentement populaire trop longtemps contenu.
Norman Davis
27 08 1980
Avec Pierre Boulez à la direction musicale, Patrice Chéreau a commencé quatre ans plus tôt – il avait 32 ans en 1976 – à donner à Bayreuth la Tétralogie de Wagner, Der Ring des Nibelungen – L’Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried, Le Crépuscule des Dieux -, et cela avait commencé sous les huées ; c’est maintenant la dernière reprise et elle se clôt par 87 minutes d’applaudissements, 101 rappels, oui, plus de 100 rappels ! Un triomphe ! Sa notoriété devient mondiale.
Avec Patrice, il fallait toujours donner plus que ce qu’on aurait donné à un autre. Et lui avait une manière d’entrer dans notre âme et notre chair. Danièle Thomson a dit qu’il était tendu comme un arc. Exactement. En lui résidait une tension. Vous jouiez et il vous regardait comme un accoucheur, avec un regard implorant qui s’éclairait soudain lorsque nous avions trouvé. C’est ça, c’est bien, disait-il alors dans un grand moment d’apaisement. Puis, le combat reprenait.
Vincent Perez, quelques jours après sa mort, en octobre 2013, au Journal du Dimanche du 13 octobre 2013
Le sentiment d’imposture d’un acteur est tel que je comprends qu’on ait besoin de boire pour l’oublier. Sur scène, on porte des mots qui ne sont pas les siens, et dont on comprend à peine la puissance ; on s’acoquine à des auteurs géniaux et on est soi-même rien du tout. Pointe alors une vraie douleur, que j’ai vue chez de magnifiques sociétaires, comme Jean-Yves Dubois ou Jean Dautremay, aujourd’hui disparus. Ne jamais oublier qu’on est juste des porteurs d’eau.
[…] N’est-on pas d’abord acteur pour se fuir ? Même si on s’emporte toujours avec soi.
[…] Un de mes repères est ma voix. Je me suis souvent cassé la voix, en jouant le Christian de Cyrano, par exemple, ou Ruy Blas, ou Amphytrion. Pour un acteur, c’est terrible. Ça a recommencé avec Hippolyte. Chéreau était très angoissé. J’ai appris à ce moment-là que mon grand père paternel avait été guéri in extremis de la grippe espagnole, mais que les survivants gardaient en séquelles une certaine violence. Mon père en a hérité ; à la maison, ma mère gardait entre lui et nous un vrai cordon de sécurité. J’ai compris soudain que cette image, ancrée dans mon histoire, de l’homme fort à la main lourde et à la voix puissante m’empêchait, moi, de porter ma propre voix. Et j’ai dû me persuader que le public pouvait être heureux de voir arriver en scène un héros athlétique, un chef de guerre torse nu de 1.84 mètre. J’ai accepté. Ma voix est revenue. Nous avons réussi un beau spectacle. Quand on en regarde la video, on réalise combien Patrice et sa direction instinctive, faisant feu de tout bois, déteignaient sur les acteurs, qui se déplaçaient comme lui, le cou en avant, tels des taureaux au combat. Même de dos, on sentait de loin sa présence électrique. Pendant les répétitions, je m’étais dit que j’allais observer comment il travaillait. Il réclamait une espèce d’animalité entre les corps ; et étrangement de la pensée, du sens en jaillissaient toujours… Mais il allait si vite, j’avais du mal à suivre son cheminement… J’ai beaucoup couru, moi aussi. Mais après ma légèreté.
[…] Quand je suis arrivé comme pensionnaire à la Comédie Française, en 1993, j’étais choqué de voir un sociétaire faire des blagues avec le pompier de service dans les coulisses, avant d’entrer en scène. Je ne comprenais pas comment il pouvait ainsi se concentrer pour jouer. Maintenant, j’ai compris : le plaisir de l’acteur est surtout de ne pas se concentrer ! Mais de se faire peur, de se déstabiliser. Ça semble paradoxal, mais c’est l’unique moyen de dominer le jeu, de se vaincre soi-même. Et ses angoisses.
[…] Être acteur, c’est réagir quand ça se passe : hic et nunc – ici et maintenant -, selon une des devises de la Comédie Française. C’est-à-dire qu’avoir un trou, un fou-rire, un chat dans la gorge ne me fait plus peur – et observez bien, le public adore généralement ces moments volés au réel, imprévus. Il ne faut pas comprendre, il faut perdre connaissance, disait Claudel. J’adore en jouer. Et ça devient un rare délice de voir le public pris d’émotion alors que vous n’en avez aucune… Nombre d’acteurs ici aiment cette virtuosité à haut risque. Quand dans un théâtre de répertoire et d’alternance comme le Français, on joue peu à peu – comme je l’ai fait – tous les rôles masculins d’Andromaque par exemple, il y a de la joie à reprendre tout schuss un personnage sans même l’avoir répété, après une semaine d’interruption. Quand nous jouions Hamlet avec Denis Podalydès, il me donnait les résultats du PSG juste avant d’entrer en scène, et les reprenait à peine sa réplique finie.[…]
Éric Ruf, administrateur de la Comédie Française depuis 2014. Télérama 3388 Décembre 2014
30 07 1980
Wladyslaw Kozakiewicz, sauteur à la perche polonais concourt aux Jeux Olympiques de Moscou : à son deuxième essai, il franchit 5.78 m. médaille d’or et nouveau record du monde ; et de s’offrir ce qui deviendra très vite le plus célèbre bras d’honneur du monde à l’égard du public russe qui n’a cessé de le huer depuis le début du concours. Pour éviter la disqualification, le gouvernement polonais parlera de spasme musculaire…
08 1980
Jacques Chirac, maire de Paris et Alice Saunier-Seité, ministre des Universités dans le 3° gouvernement Barre font raser 40 000 m² de bâtiments de l’Université de Vincennes, créée en 1969, avec la bénédiction de de Gaulle et d’Edgar Faure, le premier trop content d’éloigner du cœur de Paris les disciplines emmenées par d’impénitents gauchistes… Hélène Cixous, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jean-François Lyotard, Frank Popper… Au fil des ans, la rigueur minimum y avait perdu tout droit de cité : inscriptions bidons pour augmenter les dotations, vol ou dégradation du mobilier, saleté confinant à l’insalubrité etc… terrain idéal d’affrontement entre chapelles gauchistes.
Ils iront à Saint Denis, fief communiste depuis presque la nuit des temps, avec les vœux d’Alice Saunier-Seité : De quoi se plaignent-ils? Leurs nouveaux bâtiments seront situés entre la rue de la Liberté, l’avenue Lénine et l’avenue Stalingrad, et ils sont chez les communistes !
Bernard Charlot répondait : La fac ne voulait pas y aller, et la ville ne voulait pas de la fac : une fac gauchiste dans une ville communiste, vous pensez !
Vincennes deviendra Paris VIII dans les années 90.
22 09 1980
Début de la guerre Iran Irak. C’est le sunnite Saddam Hussein qui est l’agresseur contre de chiite Khomeiny de l’Iran. La guerre va durer huit ans. On y verra l’Irak utiliser des armes chimiques. On verra un avion commercial d’Iran Air exploser en vol…
Selon l’historien Pierre Razoux, le conflit aura fait 680 000 morts, dont 480 000 Iraniens, 150 000 Irakiens et 50 000 Kurdes… La France sera le deuxième fournisseur d’armes de l’Irak, formant des pilotes, permettant aux irakiens d’utiliser la base aéronautique de Landivisaiu, pour la formation de pilotes et la base aérienne de Chateauroux-Déols, pour l’exportation d’armes vers l’Irak, prêtant même cinq Dassault Super Étendard, de sa marine en attendant que les Mirage F1 commandés soient livrés, et, faisant feu de tout bois, fournit secrètement à l’Iran environ 450 000 obus d’artillerie de 155 et 203 mm de la société Luchaire entre 1982 et 1986 ainsi que des pièces détachées pour des missiles sol-air Hawk.
30 09 1980
La Commission de Bruxelles interdit les hormones de croissance dans l’élevage du veau : elles avaient pour effet de fixer l’eau dans la viande du veau et ainsi en augmenter le poids. La France produisait jusqu’alors 410 200 tonnes de ce veau contre 60 000 tonnes élevés sous la mère. Les cours se sont effondrés et la majorité des Français ont cessé d’acheter ce veau low-cost. C’est une immense victoire pour l’UFC – Union Fédérale des Consommateurs – qui a lancé une campagne de boycott du veau aux hormones, dont le succès a emporté la décision de Bruxelles. La morale de cette histoire, finalement, c’est que lorsqu’il se mobilise, c’est bien le consommateur qui est le maître de tout cela, et donc, de l’économie en général.
3 10 1980
Attentat à la synagogue de la rue Copernic. Quatre morts, quarante blessés. Le Premier ministre, Raymond Barre s’offrira un lapsus appelé à s’inscrire dans les annales, se disant plein d’indignation à l’égard de cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic… Rien n’avancera vraiment dans l’enquête pendant dix-huit ans. Le principal suspect, Hassan Diab, libanais a obtenu la nationalité canadienne depuis 1995 : il enseigne la sociologie à Ottawa. Le juge d’instruction antiterroriste Marc Trévidic reprend le dossier à partir de 2007. Le 15 novembre 2014, Hassan Diab que le Canada a accepté d’extrader, est placé en détention provisoire. Il ne commencera à s’expliquer qu’en janvier 2016, disant avoir été à Beyrouth pour des examens au moment de l’attentat. Marc Trévidic est dessaisi et les nouveaux juges prennent une ordonnance de non-lieu le 12 décembre 2018. Hassan Diab s’envole aussitôt pour le Canada. Parquet comme parties civiles font aussitôt appel. Mais Hassan Diab a un bon comité de soutien, dont au premier rang Amnesty International. En janvier 2021, le non-lieu est rejeté. Hassan Diab dit qu’il restera au Canada lors du nouveau procès qui se tiendra donc sans lui, s’ouvrant le 3 avril 2023, 41 ans après les faits…
10 1980
Jacques Chirac et François Mitterrand, nos deux tueurs, dinent chez Édith Cresson, alors socialiste et députée européenne : en plat de résistance, la peau de Valéry Giscard d’Estaing.
Un peu moins de 200 ans plus tôt, le 17 janvier 1793, Louis-Philippe d’Orléans, député de la Seine, votait la mort de son cousin Louis XVI, ce qui ne l’empêcha pas d’ailleurs de se faire lui aussi raccourcir quelques mois plus tard. La trahison de Chirac vis à vis des valeurs de son bord ressemble bigrement à la première, sinon qu’il ne risquait tout de même pas sa vie… Une haine à ce degré là, c’est pas thologique mais presque comme l’aurait dit Coluche. Et puis, peut-être la table d’Édith Cresson est-elle très bonne ?
Après une aussi décisive soirée, Mitterrand, une fois élu, lui renverra très largement l’ascenseur : elle sera plusieurs fois ministre avant que d’en être la première :
Agriculture de 1981 à 1983
Commerce extérieur et Tourisme, de 1983 à 1984
Redéploiement industriel et commerce extérieur de 1984 à 1986
Affaires européennes de 1988 à 1990
Première ministre (elle voulait qu’on le dise au masculin) du 15 mai 1991 au 2 avril 1992. Dans ces années-là, le machisme était encore triomphant, le féminisme encore balbutiant : elle essuya les plâtres d’être la première femme à Matignon, avec des tombereaux d’insultes de fin de banquet bien arrosé, de beauf impénitent. Elle en gardera à jamais une bonne amertume.
Bien plus tard, trois semaines avant de mourir, vers le 20 décembre 1995, Mitterrand confiera à Giscard : : Je n’ai été élu que grâce aux 550 000 voix que m’a apportée Chirac au deuxième tour. Vous n’avez qu’à regarder les chiffres. Sans ces […] voix qui ont changé de camp, je ne pouvais pas être élu.
4 11 1980
Ronald Reagan est élu président des États-Unis.
Quand on lui opposait son âge – 69 ans – il mettait les rieurs de son côté : Vieillir, c’est trois choses. La première, c’est perdre la mémoire. Les deux autres … je ne m’en souviens plus.
23 11 1980 19 h 34′
Tremblement de terre dans l’Irpinia, à l’est de Naples : deux secousses à 40” d’écart, la première d’une intensité de 6.9, la seconde de 5. Il y a 2 735 morts, 8 850 blessés, 300 000 sans-abris. Le toit de l’église de Balvano s’effondre sur les fidèles, venus pour la messe du dimanche. San Angelo dei Lombardi, 14 000 habitants, est détruit à 80 %. Les secours feront preuve d’une remarquable inefficacité, l’argent de la reconstruction sera pour le principal détourné par la mafia.
23 12 1980
La loi qualifie de viol de crime. Évolution naturelle du législateur ? Que nenni ! Il a fallu 6 ans à Anna Tonglet et Araceni Castellano, deux jeunes femme belges pour en arriver là : violées dans les Calanques de Marseille en août 1974 ; dans un premier temps la juge avait requalifié l’affaire en coups et blessures, soit passible de la simple correctionnelle. Les deux femmes parviennent à faire passer leur affaire aux Assises et à se faire représenter par Gisèle Halimi et c’est le début du procès en mai 1978 à Aix-en-Provence avec ce verdict qui mènera à cette loi.
24 12 1980
Paul Mercieca, maire communiste de Vitry fait détruire au bulldozer un foyer d’immigrés en construction, protestant ainsi contre la politique de la ville voisine de Saint Maur les Fossés, qui lui envoie le plus possible d’émigrés.
Cette soirée de réveillon de Noël commence mal pour Dennis Hope, à Rio Vista, une base militaire américaine abandonnée, au bord de la Sacramento River, en Californie. Sa femme l’a quitté, il est seul, sans argent, sans travail. Et le Rio Vista devient alors son chemin de Damas : Je me souviens d’avoir levé la tête vers le ciel et regardé la lune un long moment. Et là, allez savoir pourquoi, l’idée m’est venue que je pouvais vendre des parcelles de cette planète.
Le traité de l’espace signé en 1967 par la plupart des pays interdit aux nations de s’approprier un quelconque corps céleste. Le texte dit donc que c’est interdit aux nations, mais il ne dit pas que c’est interdit aux individus. Et en avant : après avoir fait enregistrer son titre de propriété aux bons endroits, The Sovereign Worlds of Hope, alias Lunar Embassy devient son business. Il cartographie la lune et la divise en 112 002 parcelles de 1 777,58 acres chacune. La vente peut commencer. Accessoirement il s’est aussi porté acquéreur de Mars, mais c’est plus difficile : le voyage est tout de même incroyablement plus long : 78 millions de kilomètres pour mars, 384 400 km pour la lune, ce qui est faisable en un grand week-end pour planter son champ de coca ou de cannabis.
Jusque là, me direz-vous, ce n’est que l’affaire d’un cinglé… un de plus, un de moins, tout cela ne prête guère à intérêt. Car encore faut-il trouver les gogos pour tomber dans un tel panneau. Mais des gogos, il va y en avoir et ils vont commencer par se nommer Ronald Reagan, Jimmy Carter, Tom Cruise, John Travolta, Christopher Reeve, David Letterman, Nicole Kidman, Clint Eastwood, Harrisson Ford… j’en passe… et des meilleurs. Et vous pensez bien qu’avec pareille tête d’affiche, les acheteurs vont s’engouffrer et plutôt rapidement, dans le bureau de Dennis Hope où trône une plaque de cuivre rappelant qu’il a été le plus mauvais vendeur automobile du monde et qu’il est aujourd’hui, l’agent immobilier le moins cher du cosmos, mais tout de même multi millionnaire. Il a décroché la lune.
1980
Le mot beur est inscrit dans le Robert. Candidature de Coluche à la Présidence de la République : La France était coupée en deux, maintenant, elle va être pliée en quatre. Dans la liste de ses soutiens, qui décline prénom, nom et profession, on trouve un certain Alain Belon, profession : huître… Le 14 décembre 1980, le JDD donnera Coluche à 16 %
La moitié des hommes politiques sont bons à rien. Les autres sont prêts à tout…
[…] Si vous ne faites pas aujourd’hui ce que vous avez dans la tête, demain, vous l’aurez dans le cul.
Coluche 1981
Évolution inattendue du protocole Internet : DARPA – Defense Advanced Research Project Agency – décide de ne pas traiter les protocoles TCP/IP comme secret militaire et donc de les placer dans le domaine public, offrant ainsi à quiconque la possibilité d’en disposer gratuitement : cela leur conférait une originalité absolue face à tous les autres et surtout leur permettait de commencer à viser le statut de norme internationale de facto.
Édouard Borga achève son magnifique travail de restauration des Églises de Combloux, Saint Gervais, Les Contamines et Notre Dame de la Gorge, en Haute Savoie. Il a travaillé sous la direction de Raymond Oursel, conservateur du patrimoine.
Les normes utilisées par les Anglais pour fabriquer leurs farines animales, à partir d’animaux morts et de déchets d’abattoir sont révisées pour faire des économies : cette matière première était jusqu’alors traitée à 133° sous 3 atmosphères pendant 2’ : on augmente le temps de cuisson, en diminuant la température et on abandonne l’extraction des solvants. Seule l’Écosse continue à utiliser les anciens protocoles. Les vétérinaires anglais croient alors que l’ESB dérive de la tremblante du mouton. Or, ils savaient que la tremblante du mouton n’avait jamais provoqué la maladie de Creutzfeldt Jakob : d’où les communiqués rassurants d’alors, d’où encore l’absence de mesures pour mettre le prion infectieux hors du cycle de fabrication des farines animales. Pourquoi fabriquer des farines, supplément protéinique à l’alimentation naturelle des bovins ? ce supplément est nécessaire si l’on veut un rendement supérieur en lait, lequel ne peut être autrement obtenu qu’en important des protéines de soja, cultivé abondamment uniquement au Brésil et aux États-Unis, d’où une dépendance vis à vis du $, dont chaque pays européen cherche à se libérer. L’ESB atteindra essentiellement les vaches laitières, dont les viandes font le bas de gamme des boucheries. Les races à viande, exclues de ce cycle d’alimentation aux farines carnées ne seront quasiment pas atteintes. Les Allemands interdisent l’importation et la production de farines animales : ils ne connaîtront pas de cas d’ESB, sauf un venu d’on ne sait où en 2000.
1 01 1981
La Grèce est le 10° état membre de la CEE : pour entrer dans ce club encore très fermé, il a fallu montrer patte blanche, en l’occurrence les budgets des années antérieures. Toutes les classes politiques savaient que ces dés étaient pipés, que ces budgets avaient été truqués, qu’ils étaient faux de A à Z, et personne n’a rien dit, le laxisme l’a emporté. Trente ans plus tard, les banquiers diront : top là ! et l’Europe renflouera tout ça à grands coups de milliards € – 260 de 2010 à 2015, prêtés à des taux prohibitifs, selon Thomas Piketty – ! Le mariage de la lâcheté et de la démagogie.
6 01 1981
Le parti communiste se prononce sur la politique en matière d’immigration : Quant aux patrons et au gouvernement français, ils recourent à l’immigration massive comme on pratiquait autrefois la traite des Noirs pour se procurer une main-d’œuvre d’esclaves modernes, surexploitée et sous-payée. Cette main-d’œuvre leur permet de réaliser des profits plus gros et d’exercer une pression plus forte sur les salaires, les conditions de travail et de vie, les droits de l’ensemble des travailleurs, immigrés ou non. […] Dans la crise actuelle, elle [l’immigration] constitue pour les patrons et le gouvernement un moyen d’aggraver le chômage, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que français.
C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. […] Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine, mais non chasser par la force les travailleurs immigrés déjà présents en France comme l’a fait le chancelier Helmut Schmidt en Allemagne fédérale.
[…] En effet, M. Giscard d’Estaing et les patrons refusent les immigrés dans de nombreuses communes ou les rejettent pour les concentrer dans certaines villes, et surtout dans les villes dirigées par les communistes. Ainsi se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes. Cela crée des tensions et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français. Quand la concentration devient très importante […] la crise du logement s’aggrave; les HLM font cruellement défaut et les familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d’aide sociale nécessaires pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes peuplées d’ouvriers et d’employés. L’enseignement est incapable de faire face et les retards scolaires augmentent chez les enfants, tant immigrés que français. Les dépenses de santé s’élèvent […] la cote d’alerte est atteinte. Il n’est plus possible de trouver des solutions suffisantes si on ne met pas fin à la situation intolérable que la politique raciste du patronat et du gouvernement a créée.
Georges Marchais. À la Une de L’Humanité : copie d’une lettre au recteur de la mosquée de Paris.
20 01 1981
Les 52 otages de l’ambassade américaine de Téhéran sont libérés, une demi-heure après la prise de fonction de Ronald Reagan, comme président des États-Unis.
Il y avait un deal entre Khomeiny et Reagan : dès la prise d’otages, en novembre 79, l’entourage de Reagan, qui n’était alors même pas candidat officiel à la présidence, avait pris acte de l’importance de l’événement. En marge de tout caractère officiel, il avait dépêché des émissaires en Iran où ces derniers s’étaient vus confier les problèmes des Iraniens : des officiers fidèles au Shah avaient saboté des logiciels informatiques avant de partir et les techniciens du gouvernement de Khomeiny n’étaient pas en mesure de rendre tout cela à nouveau opérationnel. Un peu de temps passe… et c’est l’échec de la tentative de libération par le gouvernement de Carter, et la candidature de Reagan à la présidence. Carter impose alors un embargo sur les ventes d’armes à l’Iran. Reagan pousse son avantage… et propose aux Iraniens de leur envoyer le technicien ad-hoc à même de leur remettre en marche leur système informatique… en contre partie, les Iraniens s’engagent à ne libérer les otages qu’après la prise de fonction de Ronald Reagan, de façon à ce que cette affaire enfonce le plus possible Carter pendant la campagne ; les Iraniens demandent encore autre chose, des armes… qui leur serviront dans la guerre qu’ils vont déclencher contre l’Irak : les Américains, qui ont besoin d’argent pour aider les Contras du Nicaragua à renverser les sandinistes qui ont pris le pouvoir, sous la menace d’une révélation de ces tractations peu avouables, s’exécuteront, et ce sera le scandale de l’Irangate : la fourniture d’armes à l’Iran. Pour faire bon poids, l’Irak, lui, se fournit en armes auprès de la France.
29 01 1981
Marguerite Yourcenar entre à l’Académie Française. Ah, quelle affaire, mon cher ! Cela en a fait du remue-ménage dans cette grande et vieille maison. Les anciens contre les modernes : Une femme, vous n’y pensez pas !
À l’Académie, nous vieillissons entre nous. Comment supporterons-nous de voir vieillir une femme ? Un Académicien non identifié.
On ne change pas les règles de la tribu. Claude Levi-Strauss
Lors de la séance du 15 novembre 1979, Jean Mistler, secrétaire perpétuel avait fait allusion à la nationalité américaine de Marguerite Yourcenar, qui aurait empêché son accession sous la coupole provoquant ainsi l’indignation de Jean d’Ormesson [2] qui s’était levé et avait quitté la séance suivi de ses amis. Il s’était fait traiter par les autres collègues de petit voyou, galopin, gauchiste.André Chamson en remet une couche : Par caprice, les enfants gâtés de la République mondaine veulent nous faire prendre pour des vieux schnocks !
Ce 29 janvier, c’est encore Jean d’Ormesson qui la remercie : Madame, c’est une grande joie pour moi de vous souhaiter la bienvenue dans cette vieille et illustre maison où vous êtes non pas certes le premier venu, mais enfin la première venue, une espèce d’apax du vocabulaire académique, une révolution pacifique et vivante… Je ne vous cacherai pas Madame, que ce n’est pas parce que vous êtes une femme, que vous êtes ici aujourd’hui : c’est parce que vous êtes un grand écrivain. Être une femme ne suffit pas toujours pour s’asseoir sous la coupole. Mais être une femme ne suffit plus pour être empêché de s’y asseoir. Nous vous aurions élue aussi – et peut-être, je l’avoue, plus aisément et plus vite – si vous étiez un homme. Plût au ciel que les hommes que nous avons choisi depuis trois cent cinquante ans eussent tous l’immense talent de la femme que vous êtes.
7 02 1981
Robert Hue, maire de Montigny-les-Cormeilles, accuse une famille de Marocains de se livrer au trafic de drogue et organise une manifestation hostile sous leurs fenêtres.
23 02 1981
Tentative de putsch à Madrid.
À Madrid, le lieutenant-colonel Antonio Tejero surgit, pistolet au poing, au Congrès des députés avec un commando de gardes civils. Les députés et le personnel du Parlement se jettent à terre.
Pendant plusieurs heures, Juan Carlos va appeler un à un tous les chefs des régions militaires pour les convaincre que les putschistes n’agissent pas en son nom et s’assurer de leur loyauté. Il les connaît bien pour avoir vécu leur vie pendant les quatre années de sa formation dans les casernes. Depuis la mort de Franco, il a progressivement muté les officiers généraux les plus dangereux, accéléré les mises à la retraite, choyé quelques irréductibles. Mais sa plus grande surprise, cette nuit-là, est de découvrir le général Armada, qui fut vingt ans, jusqu’à 1977, le secrétaire général de sa Maison et son homme de confiance, apparemment à la tête de la conspiration. Seul ou presque à réagir, dans un pays pétrifié, il fait appel à la fidélité de ces militaires à Franco, qui l’a fait roi, et obtient le retour des chars dans les casernes. Juan Carlos a gagné contre les putschistes : les institutions, et sa popularité sont confortées.
Cécile Chambraud. Le Monde du 3 juin 2014
17 03 1981
Dans ma conscience, dans la foi de ma conscience, je suis contre la peine de mort. Et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire : une opinion majoritaire est pour la peine de mort. Et bien moi, je suis candidat à la Présidence de la République… Je dis ce que je pense, ce à quoi je crois, ce à quoi se rattachent mes adhésions spirituelles, ma croyance, mon souci de la civilisation. Je ne suis pas favorable à la peine de mort.
François Mitterrand, quelques heures avant son invitation à Cartes sur table.
03 1981
Sinclair, société anglaise annonce la sortie du ZX 81, un micro ordinateur basé sur le processeur Z80A et muni de 4 Ko de Rom et de 1 Ko de Ram extensibles à 48 Ko. Prix de vente : 200 $ (environ 1000 F en France). Le langage est encore le BASIC. Pour beaucoup, LE premier ordinateur.
12 04 1981
Le 1° vol de la navette Columbia va durer 54 h. 28’. Elle a été conçue pour être réutilisée cent fois, à raison d’une fois par semaine. C’est là en fait un argument commercial plus qu’une réalité, car, le pourcentage de pièces complètement changées après chaque vol est tel qu’on ne peut pas parler d’une simple révision : on est plus près d’une navette neuve à chaque fois.
1 05 1981
En Espagne, 15 000 personnes sont intoxiquées par des huiles frelatées : 58 en meurent.
5 05 1981
Bobby Sands, un des leaders de L’ IRA, meurt à 27 ans dans la prison de Maze, près de Belfast : il avait commencé 66 jours plus tôt une grève de la faim. Neuf autres détenus irlandais mourront encore à la prison de Maze. La grève prendra fin au bout de 172 jours.
Il était possible d’admirer le courage de Sands et des grévistes de la faim qui sont morts, mais pas de sympathiser avec leur cause meurtrière.
Margaret Thatcher. Mémoires
10 05 1981
François Mitterrand est élu président de la République.
C’est un grand avantage que de n’avoir jamais gouverné, mais il ne faut pas en abuser.
Talleyrand
Une rose au poing, il a frappé ce rocher de la France que tant et tant d’entre nous croyaient stérile. La source formidable de la liesse en a jailli et nous a submergés.
Claude Manceron
Et Jack Lang, que les outrances ne dérangent pas non plus, de se mettre dans la peau du plus vil des courtisans de Louis XIV : et les ténèbres firent place à la lumière. Quand on se prend à regretter que le ridicule ne tue plus.
Barbara nous invite à regarder
Regarde : Quelque chose a changé L’air semble plus léger C’est indéfinissable
Regarde : Sous ce ciel déchiré Tout s’est ensoleillé C’est indéfinissable
Un homme Une rose à la main A ouvert le chemin Vers un autre demain
Les enfants Soleil au fond des yeux Le suivent deux par deux Le cœur en amoureux
Regarde : C’est fanfare et musique Tintamarre et magique Féerie féerique
Regarde : Moins chagrins, moins voûtés Tous, ils semblent danser Leur vie recommencée
Regarde : On pourrait encore y croire Il suffit de le vouloir Avant qu’il ne soit trop tard
Regarde : On en a tellement rêvé Que, sur les mur bétonnés Poussent des fleurs de papier
Et l’homme Une rose à la main Etoile à son destin Continue son chemin
Seul Il est devenu des milliers Qui marchent, émerveillés Dans la lumière éclatée
Regarde : On a envie de se parler De s’aimer, de se toucher Et de tout recommencer
Regarde : Plantée dans la grisaille Par-delà les murailles C’est la fête retrouvée
Ce soir Quelque chose a changé L’air semble plus léger C’est indéfinissable
Regarde : Au ciel de notre histoire Une rose, à nos mémoires Dessine le mot espoir…
Quand l’incantation croit parler du réel ! Il fallut quelques années à tous les sympathisants pour réaliser qu’avec Mitterrand, les apparences pouvaient être facilement trompeuses, que la lumière pouvait être noire, et que les anciennes ténèbres étaient ma foi plutôt claires par rapport à la nouvelle.
Oui, il y eut jadis l’Homme-de-gauche. Il se distinguait par sa mémoire d’éléphant. François Mitterrand, quand il était candidat, savait faire défiler en accéléré, comme dans un clip, la grande geste de la gauche : 1789, 1848, 1936, les congés payés, Le temps des Cerises, les enfants dans les mines. Napoléon-le-petit et le petit père Combes. Hugo et Gambetta. Dreyfus et Zola. Jaurès et Clemenceau. La Résistance. Les mineurs, les cheminots, les canuts. De ce pot-pourri d’images et de symboles, l’habile Charentais fit une compression à la César. Elle lui servit de marche pied vers le pouvoir. Ce fût le triomphe de l’Homme-de-gauche, et sa fin à la fois.
Jacques-Alain Miller, psychanalyste. Le Monde 4.12.2002
François Mitterrand a un tempérament de gauche et une culture de droite – tout à l’envers, je le crains, de ma constitution. Qu’est-ce à dire ? Qu’il admire les vues de Jaurès mais s’émeut au style de Chardonne, préfère le mot juste à l’idée riche, le trait à l’envolée, et la flûte au tambour ? Qu’il dédaigne le rhéteur en Malraux, baille au prêchi-prêcha des Camus, boude l’idéologue dans l’écrivain des Mots, et trouve plus de goût aux hussards ? Qu’il se sent plus à l’aise avec Françoise Sagan qu’avec Lévi-Strauss ? Pas seulement. Droite et Gauche ne désignent pas des camps mais des sensibilités. J’appelle excellence de droite le penchant pour les herbiers, la notation sèche et pointue, le coup d’œil psychologique. François Mitterrand, ce socialiste qui se méfie des projets de société et que le charabia des sociologues excède, ne traîne pas les valises critiques de l’intellectuel de gauche qui m’ont démantibulé l’épaule. Il prise plus le détail sur le vif que l’explication générale, un aperçu qu’une théorie, les gens que les mythes : sa sagesse s’est délestée, chemin faisant, du savoir. Ses meilleurs amis sont des écrivains, non des professeurs. Engagé dans la vie, il ne ressent pas le besoin de l’être dans ses choix. Ceux qui aiment interroger un ciel, un paysan des environs ou leur concierge plutôt que les oracles attitrés de la condition humaine, font à l’ordinaire des sceptiques, indifférents et ricaneurs : hommes de droite. Mitterrand croit dur comme fer dans le Progrès, les bienfaits de la science et le triomphe du droit sur les rapports de force. L’ordre des choses peut et doit être changé : vocation de gauche. Je m’y entends plus en métaphysique qu’en botanique, et il me semble que seul l’équilibre des douleurs en ce monde peut être modifié, la somme totale demeurant constante. Optimiste, il peut être féroce dans l’ironie gaie ; pessimiste, je me défends par l’humour, plus tristement. Je me donne assez de mal pour être malheureux, quand il est de ceux qui s’imposent la discipline du bonheur : deux races. Mais l’homme est-il fait pour le bonheur ? À cette question fondamentale bien que rarement posée, qui n’admet pas de réponse démonstrative et rationnelle, certains répondent oui – instinct de gauche -, d’autres non. Le corps en décide et les discours suivent.
Je ne saurais jamais ce qui m’aura valu la bienveillance d’un homme planté droit sur la terre, qui ne prend pas de somnifères pour dormir, ni d’excitants le matin, ignore les dépressions et les indigestions, et pour qui, chaque journée, cette course contre la mort, n’est pas une course contre la vie.
[…] À travers un homme plus mordant que lyrique, qui n’est ni prophète ni visionnaire, je retrouvais une certaine qualité de civilisation – la mienne, la nôtre. Elle distribue autrement le grand et le petit, les entractes et les choses sérieuses ; elle colle au terroir, épouse les reliefs, prend les hommes avec leurs circonstances ; ne les pèse pas à leur poids de titres ou d’argent, ne les range pas d’après la hiérarchie d’une parti ou les échelons de la réussite sociale.
[…] Il a le flegme provincial, je suis parisien, donc énervé.
Régis Debray. Masques Gallimard 1987
13 05 1981
Mehmet Ali Agça, Turc, fait feu sur Jean-Paul II sur la place Saint Pierre, à moins de dix mètres : grièvement blessé, le pape sera immobilisé pendant plusieurs semaines ; une inévitable transfusion sanguine lui inoculera un cytomégalovirus… De quoi l’empêcher de retrouver intacte sa santé de fer d’auparavant. Le Turc ne donnera jamais le nom de ses commanditaires.
23 05 1981
Jaime Roldos, président de l’Équateur, annonce, dans le stade olympique d’Arajualpa, à Quito, la nationalisation des champs pétrolifères de l’Amazone équatorien. Peu après, en compagnie de sa femme Martha et de quelques collaborateurs, il prend l’avion pour Lojas, une communauté indienne du sud. L’appareil explose en vol.
3 06 1981
Le Smic est augmenté de 10 %, les pensions vieillesse de 20 %, 55 000 postes sont crées dans la fonction publique.
5 06 1981
La revue américaine Morbibity and Mortality Weekly Report, du Centers for Disease Control and Prevention [CDC : Centre de contrôle et de prévention des maladies] d’Atlanta, agence de l’État fédéral, révèle que dans la période d’octobre 1980 à mai 1981, cinq jeunes hommes, tous homosexuels, ont été traités pour une pneumonie à Pneumocystis carinii, dans trois hôpitaux différents de Los Angeles. Deux de ces patients sont morts. Ce sont les premiers cas de ce qui sera reconnu 18 mois plus tard comme le SIDA : Syndrome d’Immuno Déficience Acquise [AIDS : Acquired Immuno Deficiency Syndrome]. Les professeurs Luc Montagnier, français et Robert Gallo, américain commenceront par s’en disputer la paternité, avant que ne soit reconnu par la communauté scientifique celle du seul Luc Montagnier. Le VIH – virus de l’immunodéficience humaine – va faire des ravages dans la communauté homosexuelle, mais encore, et particulièrement en France, chez les patients qui, à titre divers, ont eu à subir des transfusions sanguines, d’un sang contaminé. Parallèlement avec les autorités médicales des associations très actives vont voir le jour : AIDES, ACT UP. Pendant 15 ans, les thérapies seront d’une efficacité discutable avant que n’advienne les tri-thérapies qui autorisent une stabilisation de la maladie, sans remédier à la fragilité immunitaire du malade. Dans les pays pauvres, en Afrique surtout, seule la République du Congo Brazzaville prendra la mesure du fléau et parviendra à l’endiguer à peu près. Quasiment partout ailleurs prévaudra l’indécrottable insouciance africaine où la SIDA ne sera que le Syndrome Imaginaire pour Décourager les Amoureux. La Chine, tout comme la Russie ne prendront pas elles non plus la mesure du fléau.
7 06 1981
Les Israéliens ne veulent à aucun prix de la Centrale atomique irakienne. Ils ont déjà éliminé trois savants irakiens du plus haut niveau par empoisonnement ; mais Saddam Hussein ne se laisse pas arrêter et promet toujours plus aux remplaçants. Ils ne reste plus qu’à la bombarder. Un agent leur a fourni la localisation précise et ils envoient huit chasseurs bombardiers F16, escorté par six F 15, plus un Boeing pour le ravitaillement et poste de commandement. Il y avait tout de même plus de mille kilomètres à parcourir. Ils détruisirent la totalité des bâtiments, tuèrent dix soldats irakiens et un technicien français. L’Irak ne put envoyer aucun missile. Les ambitions de Saddam Hussein étaient définitivement enterrées.
9 06 1981
Petits couacs quand les anciens travaillent avec les nouveaux. Mitterrand est à Montélimar. Evelyne Richard est à l’Elysée depuis fort longtemps ; elle règne maintenant sur l’organisation des VO – les Voyages officiels -. Ce déplacement à Montélimar, elle n’a pas eu le temps de le préparer comme elle en a l’habitude, en effectuant un voyage de reconnaissance. Un week-end de Pentecôte est venu réduire à la portion congrue les jours ouvrables. Par téléphone depuis l’Elysée, elle demande à la préfecture s’il faut mettre des pots de fleur sur les marches de la mairie, et se fait rabrouer. À la préfecture, ils ne savaient pas que les pots de fleur, ce sont des policiers en civil…
06 1981
François Mitterrand toujours soucieux de mettre du trouble là où la clarté fait mal, demande à Guy Abeille, jeune chargé de mission à la direction du budget et à son chef de bureau Roland de Villepin, cousin de Dominique, d’inventer une règle simple qui permettrait de parler du déficit sans que cela fasse mal. Et le tandem de trouver une formulation qui évite de mentionner la valeur absolue, tout comme un pourcentage par rapport aux recettes ou aux dépenses : ce sera par rapport au PIB, ratio qui ne signifie rigoureusement rien, ne reposant sur aucune argumentation économique. Ramené donc au PIB, cela fait du 3 % … 3 %, cela ne peut jamais être bien grave : le ratio va faire florès, et fera partie des critères de Maastricht. Evidemment, quand on parle en valeur absolue, cela fait beaucoup plus mal : en 2011, le déficit sera de 95 milliards €, soit presque la moitié de nos recettes : 200 milliards.
15 07 1981
Le R.P. Pedro Arrupe est supérieur général des Jésuites depuis 16 ans. La maltraitance de l’intelligence lui est insupportable : il écrit au R.P. Henri Madelin, provincial des Jésuites de France pour lui parler de l’affaire Teilhard, [† 1955] – il n’existe aucun terme pour définir précisément la situation qu’on lui a faite pour les trente dernières années de sa vie : pas de condamnation officielle et tranchée, juste une mise sur le banc de touche infamante.
P. Teilhard a été à la recherche opiniâtre d’une meilleure intelligence de la foi, pleinement actualisée […] il a toujours manifesté l’attention missionnaire à annoncer cette foi à ceux qui en sont éloignés, osant dire que seul le christianisme, l’Église, peut apporter au monde la lumière sans laquelle il est voué à la ruine […], arrachant à leur étroitesse trop de chrétiens craintifs. P. Teilhard annonçait l’ouverture au monde et le souci d’inculturation qui ont caractérisé l’enseignement du Concile… Son amour brûlant pour le Christ, au centre de sa passion pour le monde transformé, accompli dans le christianisme […] le disait, le proclamait aussi bien aux incroyants qu’aux croyants. Exemple actuel après un temps de discrétions abusives. […] Et qu’il ait obéi par profonde foi en l’Église et par amour pour elle, nous la savons par le poids de souffrance qu’il lui en a coûté.
… Ma foi, mieux vaut tard que jamais.
Comment ne pas rapprocher les deux grandes figures de Teilhard et de Galilée ? Les deux cas sont sans doute, à bien des égards, différents. Mais tous deux se sont trouvés à un moment critique où une mutation majeure de la science semblait porter atteinte à la Foi. Tous deux, affirmant indéfectiblement leur volonté de rester attachés à leur foi, à l’Église, ont lutté pour que la pensée chrétienne s’ouvre sans crainte à ces vues nouvelles, convaincue qu’elle pouvait en tirer de grands bienfaits, qu’elle avait là une occasion providentielle de se purifier, de devenir plus authentique. Tous deux aussi sont demeurés exposés, leur vie durant, à la contestation de leur pensée, par le magistère de l’Église. […] Si le grain ne meurt… C’est seulement longtemps après leur mort que le magistère de l’Église a reconnu qu’ils avaient raison sur bien des points qu’il avait contestés.
R.P. Russo S.J.
18 07 1981
Six membres d’une même famille sont assassinés dans une maison de campagne à Auriol, village des Bouches du Rhône à 30 km au nord-est de Marseille. La personne visée était Jacques Massié, policier, responsable local du SAC – Service d’Action Civique – le bras armé de de Gaulle, mal vu de ses collègues qui savaient ses petits trafics et détournement à son seul profit des cotisations. Plus, il n’inspirait plus confiance quant à ses choix politiques, et, en ce temps de socialisme fraîchement arrivé au pouvoir, il était soupçonné d’avoir l’intention de changer de bord et de remettre aux socialistes toute la documentation dont il disposait. À Paris, le SAC était dirigé par Pierre Berbizet, dont le directeur général de la police dira à Christophe Hondelatte qui lui demandait si la décision d’éliminer Jacques Massié pouvait venir de lui : Non, certainement pas, … de plus haut. Six morts, parce que les exécutants étaient des bras cassés : ayant vu Jacques Massié quitter les lieux en voiture, ils ont eu peur que les témoins ne témoignent de leur présence et les ont donc tous massacrés, et ont attendu le retour de Jacque Massié pour le tuer à son tour. Ils étaient tous à divers titres pieds nickelés : le principal meurtrier, Jean Bruno Finochietti, instituteur très apprécié de ses élèves et de leurs parents mais se sentant profondément déclassé à ce poste, le chef, Jean Joseph Maria, manipulateur hors-pair, qui jouait de son passé légionnaire pour impressionner l’équipe, quand en fait il n’avait jamais mis les pieds à la Légion, Lionel Collard, un autre, vrai légionnaire, l’homme à l’oreille coupée qui faisait régner la terreur, et trois pauvres types.
29 07 1981
Charles d’Angleterre épouse Diana Spencer : de quoi alimenter la presse du cœur pour quelques années, jusqu’à ce que mort s’en suive.
5 08 1981
Ronald Reagan envoie leur lettre de licenciement à 13 000 contrôleurs aériens et fait appel aux militaires pour les remplacer. Il faudra attendre 16 ans (août 97) pour que des syndicats américains osent renouer avec une grève importante.
7 08 1981
Pour maintenir les prix, la CEE détruit 1 M.T de fruits et légumes.
Don Pedro Arrupe, supérieur général des Jésuites, est victime d’une thrombose cérébrale à sa descente d’avion, à Fiumicino. Hémiplégique, pratiquement privé de parole, cloué sur une chaise, il va être contraint à mettre en route la réunion d’une congrégation pour l’élection de son successeur, ce qu’il avait déjà demandé au pape avant son accident, vu la détérioration inexorable de leurs rapports, mais qui lui avait été refusé. En attendant, il nomme vicaire général parmi ses quatre assistants généraux, le R.P. Vincent O’Keefe, un Américain.
L’injustice est un athéisme pratique.
Ils étaient 35 000 en 1965, ils ne seront plus que 25 000 en 1990. Mais il serait complètement faux de n’attribuer qu’au changement radical signifié par la citation de Pedro Arrupe – d’un soutien évident aux pouvoirs en place à une sympathie marquée pour les théologies de la Libération – cette saignée. La chute des vocations religieuses est générale pour tous les ordres religieux, comme pour le clergé séculier.
10 08 1981
Mgr Casaroli, secrétaire général du Vatican – c’est-à-dire premier ministre – vient au Borgo Santo Spirito, la maison mère des Jésuites, pour voir en personne Don Pedro Arrupe : reçu par Vincent O’Keefe, celui-ci lui précise l’état de Don Pedro Arrupe ; Mgr Casaroli maintient sa demande, selon l’ordre venant du pape, et voit le malade seul à seul, le temps de lui laisser une lettre dans laquelle Jean-Paul II dit son refus de la désignation du R.P. O’Keefe pour nommer à sa place un jésuite de son choix, le R.P. Paolo Dezza. En termes politiques cela se nomme un coup d’état, et selon la loi du genre, l’élégance n’est pas de la partie, la charité encore moins : c’est le viol pur et simple du mode de fonctionnement d’un ordre religieux en interne, c’est un déni pur et simple de l’autorité du supérieur général, l’infirmité récente de Pedro Arrupe ne venant qu’aggraver le geste : on ne tire pas sur une ambulance ! Il ne reste plus à cet homme éminent que les larmes pour pleurer, et les témoins ne se priveront pas de le rapporter. Le jésuite doit obéissance au supérieur et le supérieur général des Jésuites doit obéissance au pape perinde ac cadaver. Le calvaire durera encore 10 ans pour Don Pedro Arrupe.
Dans cette affaire, Jean-Paul II n’aura fait preuve que d’un caporalisme de Chevalier Teutonique.
10 09 1981
Guernica de Picasso revient au Centre d’Art de la Reine Sophie, à Madrid : il était au Muséum Modern Art de New York.
17 09 1981
Robert Badinter, garde des sceaux, défend devant l’Assemblée Nationale son projet de loi en faveur de l’abolition de la peine de mort. [Son texte se trouve dans la rubrique discours de ce site.]
À l’occasion du 40e anniversaire de l’abolition de la peine de mort en 2021, Robert Badinter raconte, dans l’entretien qu’il a donné à Sylvie Humbert, Hervé Leuwers et moi-même pour notre ouvrage Les Chemins de l’abolition de la peine de mort. De Cesare Beccaria à Robert Badinter (La Documentation française, 2023), la journée du 30 septembre 1981. En ce jour de vote de l’abolition au Sénat, il se trouve à la place où siégeait Victor Hugo dans l’Hémicycle. Au moment où s’affiche le résultat du vote, il pose sa main sur la plaque commémorative de l’écrivain, comme pour sentir sa présence. Il est 12 h 50. À cette date, le vœu d’une abolition pure, simple et définitive qu’ils partagent se réalise enfin. Il conclut l’entretien d’une voix presque murmurée : Il faisait beau, ce matin ; le brouillard était dissipé… Je suis sorti du Sénat, j’ai parcouru le jardin du Luxembourg où il y avait des enfants qui étaient là et jouaient, je me suis assis et je les ai regardés, j’ai eu un sentiment particulier si fort… la peine de mort n’existait plus, c’était fini.
Denis Salas, magistrat
22 09 1981
Inauguration de la ligne Paris Lyon en TGV : 2 h. 40’.
3 10 1981
Le Vatican organise une conférence sur la cosmologie en l’honneur de Stephen Hawking. Le Pape Jean-Paul II rappelle que nous avons raison d’étudier l’évolution de l’univers depuis le Big Bang , mais nous ne devrions pas explorer le Big Bang car il s’agit de l’instant de la Création et donc l’œuvre de Dieu
[…] La cosmogonie elle-même nous parle des origines de l’univers et de sa formation, pas afin de nous fournir un traité scientifique mais afin d’énoncer le rapport précis entre l’homme et Dieu et avec l’univers. Les textes sacrés souhaitent simplement déclarer que le monde a été créé par Dieu, et afin d’enseigner cette vérité, il s’exprime dans les termes de la cosmologie utilisés à l’époque de sa rédaction. Le Livre Sacré souhaite de même dire aux Hommes que le monde n’a pas été créé comme le siège des dieux, comme a été enseigné par d’autres cosmogonies et cosmologies, mais plutôt qu’il a été créé pour servir l’Homme et la gloire de Dieu. N’importe quel autre enseignement au sujet de l’origine et la formation de l’univers est étranger aux intentions de la Bible, qui ne souhaite pas enseigner comment va le ciel mais comment on va au ciel.
Décidément, décidément, chassez le naturel et il revient au galop. Trois mois après que le supérieur des Jésuites ait fait amende honorable sur Teilhard, mais peut-être bien justement en réaction à ce coup de barre, voilà que le pape donne la preuve qu’il n’a rien compris, en régressant vers les vieux blocages de l’Église, touche pas à ma Création. Puisque l’on ne peut en rire, il ne reste qu’à en pleurer. Cette impuissance à laisser à la science son champ d’exploration, et tout le champ, sans s’en mêler, est à proprement parler désespérante. On ne peut que lui retourner sa propre exhortation : N’ayez pas peur ! Quand on est un grand communicant, c’est embêtant de n’avoir rien d’intelligent à dire ! D’ailleurs, les foules italiennes qui l’acclament sont celles qui porteront par deux fois Berlusconi au pouvoir !
6 10 1981
Assassinat d’Anouar El Sadate ; pour des intégristes, rien n’est plus insupportable que la tolérance, l’intelligence, le courage et l’ouverture d’esprit.
Cette mort, horrible en elle-même, fait disparaître un obstacle au rapprochement à l’intérieur de la nation arabe.
Claude Cheysson , ministre des Affaires extérieures de François Mitterrand
Quand le premier des diplomates oublie qu’il est diplomate, cela peut faire quelques remous.
21 10 1981
Le juge Pierre Michel rentre chez lui à moto : il est assassiné par deux autres motards, boulevard Michelet, à Marseille : Charles Altieri conduit la moto, François Checchi est l’auteur des tirs. Les commanditaires du crime sont Homère Filippi, un proche de Gaëtan Zampa et François Girard, son ami d’enfance. Tous ces noms ont été donnés par François Scapula, surnommé La Balance, à un juge français venu l’interroger en Suisse le 1° mai 1986, où il s’était réfugié dans un village près de Fribourg, avant d’être arrêté par la police suisse en 1985. Le juge Renaud avait 38 ans. Il avait rendez-vous le lendemain avec Gaëtan Zampa, grand maître de la voyoucratie marseillaise, insaisissable, et lorsqu’il le deviendra, se suicidera aux Baumettes, ou sera suicidé, le 23 juillet 1984 : il déprimait et le surnom – marraine quand il était parrain – qu’on lui avait collé aux Baumettes n’y était pas étranger. La police n’a absolument aucun indice au départ de l’enquête, puis, au bout de quelques semaines, trouve dans un garage la moto : on démonte totalement la moto, à la recherche d’une empreinte… que l’on trouve. Il n’existe pas de fichier informatisé et il faut travailler avec les fiches des 160 000 voyous répertoriés sur le grand Marseille. Pour comparer l’empreinte prélevée sur la moto avec celles du fichier, le préposé n’a que sa petite loupe, mais il ne lui sera pas nécessaire de sortir les 160 000 fiches, il trouvera avant, et là, on tient un fil et il n’est plus que de dérouler la pelote. Les deux assassins seront condamnés à la réclusion perpétuelle ; à 65 ans, François Checci bénéficiera d’un régime de semi-liberté à la mi-septembre 2014, et Charles Altieri restera en prison jusqu’au 8 octobre 2014, quand il sera alors remis en liberté sous bracelet électronique. Quant à La Balance, il mourra tranquillement à l’hôpital Saint Joseph, à Marseille, le 7 juillet 2024.
31 10 1981
Mort de Georges Brassens, à Saint Gély du Fesc, près de Montpellier. Ce qui est embêtant, bonnes gens, c’est que pour dire que l’on n’est pas intelligent, déjà il faut l’être.
Les imbéciles heureux qui sont nés quelques part
C’est vrai qu’ils sont plaisants, tous ces petits villages, Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages, Ils n’ont qu’un seul point faible et c’est d’être habités. Et c’est d’être habités par des gens qui regardent Le reste avec mépris du haut de leurs remparts, La race des chauvins, des porteurs de cocardes, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie Empalés une fois pour tout’s sur leur clocher, Qui vous montrent leurs tours, leurs musé’s, leur mairie, Vous font voir du pays natal jusqu’à loucher. Qu’ils sortent de Paris, ou de Rome, ou de Sète, Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar, Ou même de Montcuq, ils s’en flattent mazette, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
Le sable dans lequel, douillettes, leurs autruches Enfouissent la tête, on trouve pas plus fin, Quant à l’air qu’ils emploient pour gonfler leurs baudruches, Leurs bulles de savon, c’est du souffle divin.
Et, petit à petit, les voilà qui se montent Le cou jusqu’à penser que le crottin fait par Leurs chevaux, même en bois, rend jaloux tout le monde, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
C’est pas un lieu commun celui de leur naissance, Ils plaignent de tout cœur les pauvres malchanceux, Les petits maladroits qui n’eur’nt pas la présence, La présence d’esprit de voir le jour chez eux. Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire, Contre les étrangers tous plus ou moins barbares, Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
Mon dieu, qu’il ferait bon sur la terre des hommes Si on n’y rencontrait cette race incongru’, Cette race importune et qui partout foisonne : La race des gens du terroir, des gens du cru. Que la vi’ serait belle en toutes circonstances Si vous n’aviez tiré du néant tous ces jobards, Preuve, peut-être bien, de votre inexistence : Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part, Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
4 12 1981
Jean Yves Blot retrouve l’épave de la Méduse sur le banc d’Arguin. Une dose de ténacité nettement supérieure à la moyenne lui a permis de réunir plusieurs volontaires passionnés, plusieurs bateaux, les instruments de détection les plus perfectionnés de l’époque. Il lui faudra convaincre, preuves à l’appui, jusqu’au bout : le premier rapport d’expert, au vu de pièces envoyées en France, lui dira : Ce n’est pas la Méduse, mais un bateau portugais du XVII° siècle. C’est en décryptant les initiales marqués sur un clou : F R : Forges de Romilly, qu’il parviendra à retrouver un courrier du constructeur passant commande à ces forges, courrier qui permettra d’authentifier la Méduse. Il n’était pas le premier à se pencher sur le problème :
le 4 avril 1817, le capitaine de frégate Roussin et l’hydrographe Givry retrouvent l’épave, encore bien hors d’eau, reconnue par des marins, anciens de la Méduse. Mais le ressac les empêchent d’approcher.
en décembre 1817, une autre expédition ne voit plus émerger qu’un seul morceau de bois ; la cargaison semble avoir été emportée ; seules restent au fond les parties basses de la carène.
en décembre 1960, Pierre Anthonioz, premier ambassadeur en Mauritanie, monte une expédition : échec.
en 1961, Edmond de Rocher, descendant d’un membre de l’équipage, sur la seule base d’études de documents, certifie que l’épave de la Méduse se trouve à 19°36’N et 16° 45’ O, en s’allouant une marge d’erreur de 2’ en latitude comme en longitude : en fait l’erreur sera de 20° et 14°.
en 1970, nouvel échec de Rose, commandant français de la marine mauritanienne.
Le banc d’Arguin est constitué d’une couche supérieure de grès : l’épave ne s’est pas enfoncée dans le sable, mais a été détruite par le ressac et les courants.
du 11 au 13 12 1981
Au Salvador, le village d’El Mozote, à 200 km au nord-est de la capitale, subit un massacre perpétré par des militaires du gouvernement, qui fait 988 morts dont 558 enfants. Dans les jours suivants, d’autres villages des environs connaîtront le même traitement. La guerre civile oppose les forces armées salvadoriennes au Front Farabundo Marti de libération nationale – FMLN -, guérilla née un an plus tôt de la fusion de cinq groupes rebelles de gauche, en lutte contre la dictature depuis le début des années 1970. L’armée salvadorienne est équipée par les États-Unis, avec Ronald Reagan à la Maison Blanche. Quarante ans plus tard, justice n’aura toujours pas été rendue.
13 12 1981
Le général Jaruzelski proclame l’état de guerre en Pologne : les Polonais vont en prendre pour 19 mois, jusqu’en juillet 1983.
Notre terre natale est au bord du gouffre, dit-il alors dans son adresse aux Polonais, lors d’une allocution à la radio et à la télévision. On y trouvait chaos, désespoir, démoralisation, terreur, vendetta morale. Combien de temps la main tendue doit-elle rencontrer le poing serré ? justifiant ainsi la loi martiale. Une procédure pénale sommaire est mise en place. Les libertés de réunion, d’association, de manifestation sont suspendues. Les liaisons téléphoniques sont coupées, les frontières fermées. La police a les pleins pouvoirs. Des milliers d’opposants, parmi les ouvriers, les sympathisants de Solidarnosc et les intellectuels engagés, sont alors incarcérés.
18 12 1981
Vague de nationalisations : 5 dans l’industrie, 2 dans les compagnies financières, 36 dans les banques.
1981
Les immigrés clandestins, au nombre d’environ 300 000, sont autorisés à régulariser leur situation. À Lunel, entre Nîmes et Montpellier, 25 000 habitants, apparaît sur la place du marché un grand graffiti : Mort aux Arabes. Personne ne se soucie de le faire effacer. Deux ans plus tard, deux élus du Front National entreront au Conseil Municipal. Onze ans plus tard, 15 Lunellois partiront faire le Djihad chez Daech en Syrie, où mourront huit d’entre eux. Aux élections régionales de décembre 2015, le Front National fera 47 %. La ville compte 37 policiers municipaux, 50 gendarmes, 2 membres des Renseignements territoriaux et Pierre de Bousquet, préfet, enfonce des portes ouvertes en déclarant : C’est un échec collectif de notre société. Si, en 1981, un autre graffiti avait été mis sur la place du marché : Mort aux Juifs, il n’aurait pas tenu plus d’une demi-journée, et l’ordre de l’effacer serait même peut-être venu de Matignon. Mais Mort aux Arabes, si personne ne se soucie de l’enlever c’est que cela convient à une majorité. Si le maire avait fait son boulot, et à défaut, le préfet, en ordonnant de l’effacer sans délai, peut-être que onze ans plus tard, il n’y aurait pas eu quinze jeunes qui aient envie de répondre à cet appel à la haine par une autre haine. Mais le courage, – et il en aurait fallu dans cet environnement – c’est bien ce qui manque le plus dans la classe politique.
Début du Minitel. IBM lance son PC (Personal Computer).
L’idée du Minitel est née d’un cafouillage dans le répondeur de l’Horloge parlante qui, de façon tout à fait accidentelle mettait parfois deux appelants en communication. L’affaire s’était bien sûr ébruitée et la fréquentation de l’Horloge parlante s’en était considérablement accrue. Les ingénieurs de la DGT – Direction Générale des Télécommunications – après avoir décortiqué le phénomène avaient eu l’idée de créer un forum d’échanges à l’intérieur d’une communauté : pour éviter les aventuriers toujours à l’affut de la bonne occase, on avait choisi un coin de la France profonde : la Creuse, où se mirent donc à s’échanger des propos sur les moissons à venir, les moissons passées, les recherches matrimoniales et l’augmentation du prix des carburants. Pour la DGT cette moisson était décourageante et on mit le projet au fond d’un tiroir jusqu’à l’arrivée de Gérard Théry à la tête de la maison : il orienta alors les recherches sur un mix de télévision et de téléphone, et cela aboutit au Télétel, qui sur proposition de Roger Tallon, le dessinateur du TGV, deviendra le Minitel, qui sera un terminal passif, dépourvu de mémoire comme de processeur ; un simple modem – appareil capable de transformer des données binaires en signal électrique, et inversement – relié à un clavier et à un écran, et destiné plutôt à recevoir des informations qu’à en émettre : les utilisateurs taperont des requêtes sur leur clavier et recevront en réponse des pages entières – ce modem devait atteindre une vitesse de 1 200 bits par seconde en entrée et de 75 en sortie. Sa carte mère n’accepterait aucun ajout de carte supplémentaire. Le clavier pourrait être fixe ou rabattable, ABCD ou AZERTY – mais il devrait toujours comporter les touches idiosyncrasiques imaginées par les ingénieurs de la DGT : les touches Suite, Correction et Annulation, l’ambivalente touche Connexion / fin et la solennelle touche Envoi.
Aurélien Bellanger. La théorie de l’information. Gallimard 2012
En mars 1979, au Salon Intercom de Dallas, Gérard Théry annoncera la fin de la civilisation du papier. Pour les Postes et Télécommunications, ce sera au moins la fin des annuaires papier.
Des attentats secouent la France : les revendications ressemblent beaucoup à celles de l’Iran. Le BRGM : Bureau de Recherche Géologique et Minière, découvre la mine d’or des Incas à 4 100 mètres d’altitude au Pérou à Yanaccha, près de Cajamarca. Il obtient 25 % de participation au Consortium d’exploitation, à majorité américaine. En 1993, le BRGM est privatisé et vends sa participation : l’État péruvien estime avoir droit de préemption, et rachète ces 25 % pour une bouchée de pain ; mais les juges péruviens ont de fait été soudoyés par les Américains et la justice américaine, celle-là même qui condamnera le Crédit Lyonnais en 2003, demande des comptes au Consortium américain et rétablira peut-être bien le BRGM dans ses droits !
1 01 1982
Dans son message annuel , le pape enfonce le clou : Solidarité appartient au patrimoine de toutes les nations.
23 01 1982
La France signe un contrat gazier entre Gaz de France, et le ministère soviétique de l’Industrie gazière, ancêtre de Gazprom.
5 02 1982
Statut particulier de la Corse
13 02 1982
Instauration de la semaine de 39 h. et généralisation de la 5° semaine de congés payés.
23 02 1982
52 % des habitants du Groenland, qui fait partie du Danemark, demandent par référendum le retrait de leur province de la CEE.
24 02 1982
Naissance d’Amandine, le premier bébé éprouvette français.
3 03 1982
Loi sur la décentralisation.
4 03 1982
François Mitterrand est à la Knesset, le parlement israélien : […] Pourquoi ai-je souhaité que les habitants arabes de Cisjordanie et de Gaza disposent d’une patrie ? Parce qu’on ne peut demander à quiconque de renoncer à son identité ni répondre à sa place à la question posée. Il appartient, je le redis aux Palestiniens comme aux autres, de quelque origine qu’ils soient, de décider eux-mêmes de leur sort. A l’unique condition qu’ils inscrivent leur droit dans le respect du droit des autres, dans le respect de la loi internationale et dans le dialogue substitué à la violence. Je n’ai pas plus qu’un autre à trancher qui représente ce peuple et qui ne le représente pas. Comment l’OLP, par exemple, qui parle au nom des combattants, peut-elle espérer s’asseoir à la table des négociations tant qu’elle déniera le principal à Israël qui est le droit d’exister et les moyens de sa sécurité ? Le dialogue suppose la reconnaissance préalable et mutuelle du droit des autres à l’existence, le renoncement préalable et mutuel à la guerre directe ou indirecte, étant entendu que chacun retrouvera sa liberté d’agir en cas d’échec. Le dialogue suppose que chaque partie puisse aller jusqu’au bout de son droit ce qui, pour les Palestiniens comme pour les autres, peut le moment venu signifier un Etat. La France approuvera ce qui sera dialogue ou approche de dialogue comme elle observera avec inquiétude toute action unilatérale qui de part ou d’autre retarderait l’heure de la paix. De même, nul ne peut décider des frontières et des conditions qui, à-partir de la résolution 242 de l’ONU, s’imposeront aux parties en cause. Ce sera l’affaire des négociateurs et d’eux seuls. N’excluez de la négociation aucun sujet quel qu’il soit. Je propose au nom de l’immense majorité des membres du Parlement que tout soit négociable, disiez-vous, ici même, monsieur le Premier ministre, vous adressant au président SADATE, le 20 novembre 1977. Je ne sais s’il y a une réponse acceptable par tous au problème palestinien. Mais nul doute qu’il y a problème et que non résolu il pèsera d’un poids tragique et durable sur cette région du monde. J’en parle non seulement parce que j’obéis à ce que je crois être mon devoir, mais aussi parce que la paix mondiale, déjà si compromise voit s’accumuler de nouvelles menaces dans les secousses de l’Europe et dans les conflits multiples du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Toute crise locale, mesdames et messieurs, toute crise régionale qui dure attire comme un aimant les puissants de ce monde qui cherchent toute occasion d’exercer leurs rapports de force. Toute crise locale ou régionale qui dure échappe un jour à ses protagonistes au bénéfice de plus forts qu’eux. […]
3 04 1982
1° vol de l’Airbus A 310.
17 04 1982
À Ottawa, Élisabeth II proclame la constitution canadienne, rapatriée de Londres. Ce geste consacre l’indépendance totale du pays dont Élisabeth II reste toutefois la souveraine. Les autorités du Québec, qui n’avaient pas signé l’accord institutionnel du 5 11 1981, n’assistent pas aux cérémonies.
25 04 1982
Israël restitue le Sinaï à l’Égypte, conformément aux accords de Camp David.
12 05 1982
2° attentat contre Jean Paul II : cette fois ci, l’auteur est un prêtre de 32 ans, Juan Fernandez Krohn, ordonné par Mgr Lefebvre en 1978.
29 05 1982
Née Rosemarie Magdalena Albach-Retty en 1938, Romy Schneider met fin à ses jours à 44 ans : elle n’en pouvait plus de voir la mort rôder autour d’elle : Harry Meyen, son mari de 1966 à 1975, s’est suicidé en 1979, son fils David, fils de Harry Meyen, mort en 1981 en escaladant les grilles de la propriété des parents d’un autre ancien mari etc … On trouve des Albach-Retty presque cent ans plus tôt à la cour d’Autriche, précisément du temps de Sissi. Plus récemment, sa famille allemande nourrit des sympathies certaines pour Hitler. La presse people raconte même que sa mère Magda Schneider, comédienne et chanteuse, fréquentait assidûment Berchtesgaden, le nid d’aigle d’Hitler, de jour, et même un temps, de nuit.
Elle est belle d’une beauté qu’elle s’est elle-même forgée. Un mélange de charme vénéneux et de pureté vertueuse. Elle est altière comme un allegro de Mozart, et consciente du pouvoir de son corps et de sa sensualité. Je l’ai rencontrée pour la première fois dans l’ombre d’un couloir à Billancourt. Je ne lui ai pas parlé. J’ai simplement éprouvé la sensation confuse qu’elle était intelligente, avec quelque chose de plus… Je ne la connaissais pas, je ne l’avais jamais vue au cinéma – pas même dans Sissi. Dès le début du tournage des Choses de la vie, j’ai compris que j’avais eu la chance de rencontrer une comédienne et une femme, à un moment magique. Car Romy, c’est à la fois une femme rayonnante et meurtrie et une comédienne qui savait déjà tout, mais qui n’avait jamais pu l’exprimer. Romy, c’est la vivacité même, une vivacité animale, avec des changements d’expression brutaux, allant de l’agressivité la plus virile à la douceur la plus subtile. Romy, c’est une actrice qui dépasse le quotidien, qui prend une dimension solaire. Elle possède cette ambiguïté qui fut l’apanage des grandes stars. Je l’ai vue derrière la caméra, concentrée, angoissée, évoluant avec une noblesse, une impulsivité, une attitude morale qui encombre et dérange les hommes. Dans César et Rosalie, comme dans la vie, Romy, devenue actrice française, symbolise la femme de 30 ans, d’une farouche indépendance, qui entretient avec les hommes des rapports de force. Elle ne supporte ni la médiocrité ni la décrépitude des sentiments. Elle peut encore donner beaucoup. Elle jouera toujours… Car Romy possède un visage que le temps ne peut détruire… Il ne peut que l’épanouir.
François Mitterrand : Je l’ai aimée comme si elle avait été ma fille.
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… Alain Delon revenant de la plage torse et pieds nus, une immense serviette en cape sur les épaules, tenant par la main Romy Schneider en maillot de bain, yeux d’émeraude biseautée, peau et cheveux couleur de seigle brûlé, passionnée comme une Italienne, droite comme une princesse viking : Romy, l’une des rares femmes qu’aimait Visconti.
[…] Jamais Romy Schneider ne sera aussi fine et impétueuse que dans Ludwig, chevauchant près du roi triste dans le clair de lune enneigé.
Simonetta Greggio. Les nouveaux monstres. Stock 2014
J’aime sa manière d’être disponible, d’offrir ce qu’elle est à la caméra, comme si elle pouvait même, à travers ses yeux, offrir son âme. Mais elle donne aussi le sentiment qu’on ne la connaît pas vraiment.
Nina Hoss, de 37 ans sa cadette
Votre folie à vous, c’est quoi ? lui avait demandé, en 1970, Guy Braucourt. Elle avait alors répondu en souriant : Le spleen germanique. Cela, c’est Visconti qui me l’a dit. Ou c’est tout haut ou c’est tout bas, il n’y a rien au milieu. Ou on est merveilleusement bien ou on s’écroule de malheur et, parfois, on ne sait pas pourquoi. La langue allemande a un mot pour cela, qui n’a pas de traduction simple en français : Sehnsucht [4].
Quiberon, avril 1981
L’interview est du 10 avril 1982.
30 05 1982
Roberto Calvi, patron de la Banca Ambrosiano, dont l’actionnaire principal est l’IOR, la banque du Vatican, membre de la loge maçonnique P2, de Lucio Gelli, écrit au cardinal Palazzini, considéré comme l’homme de l’Opus Dei au Vatican :
Votre Éminence […] La crédibilité morale et économique du Vatican est déjà très gravement compromise. Comment se fait-il que personne ne veuille intervenir ? […] Le Vatican est le théâtre d’un complot qui vise à modifier l’organisation actuelle du pouvoir au sein de l’Église elle-même, de connivence avec les forces laïques et anticléricales nationales et internationales. Il a été prouvé que le cardinal Casaroli et monseigneur Silvestrini sont complices et associés, notamment dans des dessous-de-table qu’ils se partageaient sur des opérations effectuées par Sindona ; d’ailleurs, je pourrai moi-même préciser, si Vous le souhaitez, les circonstances de ces partages, le montant des sommes et les numéros des comptes courants.
Calvi n’aura pas de réponse.
05 1982
Guerre des Malouines, qui oppose l’Angleterre et l’Argentine. La France a vendu des armes aux Argentins, dont des avions Super Etendard et des missiles Exocet [5]. Le destroyer anglais Sheffield va brûler et couler à la suite d’un incendie déclenché par le choc d’un Exocet… qui n’a pas explosé.
5 06 1982
Roberto Calvi écrit au pape :
Sa Sainteté,
C’est moi qui ai endossé le lourd fardeau des erreurs et des fautes commises par les représentants de l’IOR, les actuels comme les précédents, y compris les méfaits de Sindona […] c’est moi qui ai géré les financements considérables en faveur de nombreux pays et associations politico-religieuses de l’Est et de l’Ouest, sur ordre exprès et précis de représentants autorisés de Sa Sainteté ; c’est moi, qui, de concert avec les autorités vaticanes, ai coordonné en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, la création de nombreuses structures bancaires, notamment dans le but de contrecarrer la pénétration et l’expansion d’idéologies marxistes ; et c’est encore moi, aujourd’hui qui me retrouve trahi et abandonné par ces autorités mêmes[…]
Le pape ne répondra pas. Mais a-t-il seulement lu la lettre ? Il est bien vrai que le financement de Solidarnosc pour faire tomber le système communiste coûte cher, très cher… Et quand on a un grand besoin d’argent, on ne se montre pas trop regardant sur son origine. La CIA ou d’autres lobbys américains ?
7 06 1982
Ronald Reagan est reçu par le pape Jean-Paul II dans la bibliothèque du Vatican : 50 minutes d’entretien presque exclusivement consacrés à une mise en commun des efforts pour mettre à bas la mainmise de l’URSS sur la Pologne. Les deux hommes ont échappé à un attentat en 1981, à 6 mois d’intervalle : cela crée des complicités… Matériellement, cela va essentiellement se traduire par un soutien très important au syndicat Solidarnosc en matériel de communication : photocopieuses etc…Mais ils ne pouvaient pas encore savoir que leur principal allié serait le futur dirigeant de l’URSS : Gorbatchev.
15 06 1982
François Mitterrand reçoit Juvénal Habyarimana, président du Rwanda après en avoir été le ministre de la Défense. Un an plus tôt, il lui avait été recommandé par le sage Felix Houphouët Boigny, président de la Côte d’Ivoire : sérieux, attaché au progrès, et soucieux d’apaiser les conflits ethniques.
Au surplus, le visiteur est intelligent, calme et s’exprime en un français élégant. Ce sont des choses qui comptent, pour Mitterrand – dut-on en sourire.
Jean Lacouture. Mitterrand. Une histoire de Français. Seuil 1998
17 06 1982
Graziella Corrocher, secrétaire de Roberto Calvi, directeur de la Banca Ambrosiano, tombe tragiquement de sa fenêtre.
18 06 1982
Roberto Calvi est retrouvé pendu sous un pont de Londres. Sa banque avait pour actionnaire majoritaire l’IOR – la banque du Vatican – de Mgr Marcinkus. En 1987, le parquet de Milan émettra un mandat d’arrêt contre Paul Marcinkus mais Jean-Paul II refusera de le livrer à la justice italienne !
Sur le plan financier, la mort de Jean XXIII, vingt ans plus tôt avait été une catastrophe : son immense popularité avait fait affluer les dons des fidèles, qui avaient chuté brutalement après sa mort. Et, un malheur n’arrivant jamais seul, à la fin des années soixante le gouvernement italien avait décidé de mettre un terme à l’exonération totale des actionnaires du Saint Siège : ils allaient donc désormais devoir passer à la caisse. Paul VI avait en conséquence chargé Mgr Marcinkus, directeur de l’IOR de faire en sorte de combler tous ces manque à gagner, lequel s’était acquis les services d’un très rusé banquier sicilien, Michel Sindona, consultant entre autres des boss les plus sanguinaires de la Mafia. Sindona, dans le cadre de sa propre banque, la Banca privata italiana, avait alors organisé une gigantesque exportation de capitaux vers la Suisse avec au passage d’importants détournements vers les partis politiques, dont la Démocratie chrétienne. Mais, crise pétrolière aidant, les fonds fondront et la banque sera mise en redressement judiciaire ; bah, ce n’est pas bien grave se dit Michele Sindona, j’ai l’appui de Giulio Andreotti, et donc la Banca d’Italie va couvrir mon passif. C’était sans compter sur Giorgio Ambrosoli, avocat chargé de défendre l’État par le biais de la Banca d’Italia, qui fait l’objet de très fortes pressions pour valider des pièces – fausses – qui valideraient la bonne foi de Sindona. Ambrosoli ne cède pas : il est assassiné le 11 juillet 1979. Quelques semaines plus tôt, il écrivait à sa femme :
Cela ne fait aucun doute que, quoi qu’il advienne, je paierai très cher la charge qui m’incombe : je le savais avant de l’accepter et par conséquent, je ne m’en plains pas, car c’est pour moi l’occasion de faire quelque chose pour mon pays.
Sindona pense avoir déblayé le terrain, mais un autre obstacle va se mettre en travers de sa route en la personne de Ugo La Malfa, ministre du Trésor qui se met en travers du plan élaboré par Lucio Gelli, patron de la loge maçonnique P 2, accepté par Giulio Andreotti, alors ministre de la Défense, pour renflouer Sindona. Mais cette fois-ci, le vent a tourné et c’est Ugo La Malfa qui gagne : Michele Sindona va en prison à Voghera, où il sera empoisonné par un café au cyanure en mars 1986.
Mgr Markcinkus est à gauche
24 06 1982
Premier vol habité d’un français dans l’espace : Jean Loup Chrétien est à bord de Saliout 7 jusqu’au 2 juillet 82.
30 06 1982
Christophe Profit, 21 ans, né en Normandie, se lance dans l’escalade de la face ouest des Drus, dans le massif du Mont Blanc, en solo et en free, c’est à dire sans pitons, sans corde et donc sans assurance. Parti à 13 h, il est au sommet, à 3 733 mètres d’altitude à 16 h 10′ : 3 h 10′ , soit sur les 1 100 m de dénivelé, 300 m par heure. Quelques dizaines d’années plus tôt, pour Walter Bonatti, cette escalade était de celles des grands jours.
06 1982
L’explosion d’un gazoduc en Sibérie est enregistrée par un satellite espion américain : il s’agissait de la défaillance du système de contrôle informatisé, lequel avait été piqué par des espions soviétiques à une entreprise canadienne. Mais les Russes ne savaient pas que la CIA avait bidouillé le logiciel pour qu’il se détraque au bout d’un certain temps.