28 octobre 1940 au 5 décembre 1941. Barbarossa. Lily Marleen. « Sink the Bismarck ». Les nazis font main basse sur les œuvres d’art de l’Europe. Début de l’extermination des Juifs. 28416
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Publié par (l.peltier) le 6 septembre 2008 En savoir plus

28 10 1940   

Mussolini décide d’envahir la Grèce : il va tomber sur un bec qui s’appelle Ioánnis Metaxás, premier ministre, en fait dictateur depuis le 4 août 1936. À l’ultimatum envoyé par Mussolini, il avait répondu en français : Alors, c’est la guerre, phrase à laquelle les grecs préféreront un Non, plus concis, faisant de ce 28 octobre le jour du Non, leur fête nationale. Hitler devra venir à son secours, sans aucunement mesurer alors le prix de cet engagement : les forces engagées en Grèce manqueront sur le front de l’est, contre la Russie, quand il déclenchera, 8 mois plus tard, l’opération Barbarossa. Le retard entraîné pour prendre Moscou sera d’un mois, qui permettra au général Hiver de transformer l’offensive allemande en déroute.

 2 11 1940

Jean Moulin, préfet de Chartres, est relevé de ses fonctions par le gouvernement de Vichy.  La prise d’effet est fixée au 16 novembre. Il passera 9 mois en zone libre, essentiellement à Marseille, entrera en contact avec Frenay, qui animait alors le Mouvement de Libération Nationale, tenait le journal Vérités qui deviendra Combat. Frenay venait du Deuxième bureau de l’État Major de Vichy et ses premiers adhérents, de l’armée d’armistice.

7 11 1940 

Inauguré quatre mois plus tôt, le pont de Tacoma, dans le Puget Sound, État de Washington, avec un porté principal de 854 mètres, s’effondre après plus d’une heure d’oscillations dues à des phénomènes qui n’avaient jusque là été pris en compte que dans l’aviation. Le vent n’était pas très important : 68 km/h.

8 11 1940 

Paul Langevin, grande figure scientifique, professeur au Collège de France, est arrêté.

11 11 1940  

Des étudiants parisiens ont fait circuler des tracts appelant à défiler sur les Champs Élysées en direction de la tombe du soldat inconnu, et ils sont près de 3000 à le faire, jusqu’à ce que les forces d’occupation, stupéfaites dans un premier temps de tant d’inconscience, tirent en l’air pour disperser tout le monde. Une semaine après les faits, il restera encore 140 personnes sous les verrous, sur les 200 qui avaient été arrêtées les jours suivants.

Étudiant de France,
Le 11 Novembre est resté pour toi jour de
Fête Nationale
Malgré l’ordre des autorités opprimantes, il sera
Jour de Recueillement.
Tu n’assisteras à aucun cours
Tu iras honorer le Soldat Inconnu à 17 h 30
Le 11 Novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire
Le 11 Novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore
Tous les étudiants sont solidaires pour que
Vive la France.
Recopie ces lignes et diffuse-les. 

Au fond du talon de la botte italienne, Tarente abrite d’importants chantiers navals qui assurent essentiellement des réparations et de l’entretien. Mais les conquêtes italiennes en Cyrénaïque, demandant un soutien logistique des nombreux convois, ont entraîné le déplacement du principal de la Regia Marina, la puissante marine italienne à Tarente. Les batteries anti-aériennes, les filets sous-marins, les ballons de barrage y sont insuffisants. De leur côté, les Anglais veulent assurer aussi la sécurité de leurs convois en provenance d’Égypte, du canal de Suez, pour l’île de Malte et de Chypre : ils voient là l’occasion rêvée de faire un coup : tous les oiseaux sont dans le nid, s’exclame l’amiral Andrew Cunningham, en charge de la Méditerranean Fleet. Il prend le risque de faire approcher Tarente par sa flotte à moins de 130 nautiques – on est à la portée des radars – et de là ses avions bombardiers Fairey-Swordfish peuvent décoller du porte-avions Illustrious et lâcher leurs bombes sur la flotte italienne : les dommages seront suffisamment importants, pour handicaper gravement les convois vers la Lybie, mais aucun bateau ne sera coulé. Ces bombes avaient été adaptées aux faibles fonds de la rade de Tarente -12 m -, quand les torpilles classiques ont besoin de 30 mètres de fond pour être opérationnelles. La bataille aura fait 59 morts. Six mois plus tard, en mai 1941, l’attaché militaire naval du Japon à Berlin, Takeshi Naito, se rendra à Tarente avec une mission militaire japonaise pour enquêter et analyser l’attaque. Ses observations seront transmises à l’amirauté japonaise qui en prendra bonne note pour attaquer les Américains à Pearl Harbour, dont les fonds vont de 12 à 14 mètres.

Vue de l'avion.

Le bombardier-torpilleur Fairey Swordfish, [espadon] 11 m de long, dispose en interne, de 2 mitrailleuses Vickers de 7,7 mm (une fixe, orientée vers l’avant et une montée sur affût mobile tirant vers l’arrière). Et en externe, au choix : une torpille de 457 mm pesant 760 kg, une mine ou bombe de 680 kg, 8 roquettes de 127 mm ou encore 4 bombes de 113 kg. L’Illustrious en embarque 18.

14 au 15 11 1940   

Mondscheinsonate – la sonate au clair de lune (Beethoven) – c’est le nom que donne les Allemands en cette nuit de pleine lune à un déluge de bombes sur Coventry, sur laquelle 449 bombardiers larguent 450 tonnes de bombes, faisant 568 morts et 723 blessés ; rasée, la cathédrale Saint Michel ne sera jamais reconstruite.

La ville de Coventry en ruines

11 1940 

Suite à l’échec d’une insurrection armée en Cochinchine, le Parti Communiste vietnamien est décapité.

Les coulisses des alliances secrètes expliquent pas mal de choses à venir : Gaston Palewski est directeur de cabinet de de Gaulle à Londres. Peu avant sa mort, il révèlera ses rapports avec Ivan Maïski, ambassadeur soviétique à Londres, quand l’URSS était encore l’alliée de l’Allemagne nazie ; relation officieuse nouée à l’initiative du chef de la France libre, et qui avait reçu d’entrée le meilleur accueil de la part de Maïski puisqu’il écrit : Il me reçut en témoignant beaucoup d’intérêt vis-à-vis de notre mouvement (…). J’ai eu l’impression avec lui de parler avec un allié potentiel. Or c’était le moment où l’Allemagne semblait invincible. Et pourtant Maïski tenait à entretenir avec nous une relation officieuse.

1 12 1940 

Christian Pineau et Robert Lacoste créent à Paris Libération, journal clandestin de la Résistance. Un ancien officier de marine, journaliste, d’abord maurassien et antisémite avant d’évoluer vers le socialisme, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, fera de même à Lyon en juillet 1941. Les oppositions fratricides entre d’Astier et Frenay mèneront la Résistance au bord de l’éclatement.

Pour soulever un poids si lourd Sisyphe, il faudrait ton courage. Je ne manque pas de cœur à l’ouvrage Mais le but est long et le temps est court

Irène Némirovsky

15 12 1940 

Le Reich rend à la France la dépouille de l’Aiglon :

Paris, n’entends-tu pas ce soir le cri des aigles ?
Les vautours sont vainqueurs en cet hiver de mort.
Ils ont tout profané, et ton âme et ton corps.
Paris, entends ce soir, entends le cri des aigles.

Monique Difrane, jeune étudiante résistante

Le Canard enchaîné titrera : ils nous prennent le charbon et nous rendent les cendres.

23 12 1940

Paul Grüninger est condamné par le gouvernement suisse pour manquement réitéré à son devoir de fonction : capitaine, chef de la police de Saint Gall, près de la frontière autrichienne, il antidate systématiquement les visas des juifs autrichiens qui ont fui l’Anschluss depuis mars 1938, car la Suisse a fermé ses frontières dès le mois d’août 1938. Le procédé ne sera découvert que début 1939, Grüninger sera licencié en avril et jugé en octobre. Il mourra dans le plus complet dénuement, en 1972.

29 12 1940   

Dans un discours radiodiffusé, Roosevelt annonce la mise en place de l’économie de guerre : l’Amérique devient the arsenal of Democracy. À peu près en même temps, Hitler, constatant les insuffisances italiennes, envoie en Méditerranée le 10° corps aérien et une vingtaine de sous-marins.

31 12 1940 

Matsuoka Yosuke, ministre des Affaires étrangères du Japon, déclare à un groupe d’hommes d’affaires juifs : Je suis responsable de l’alliance avec Hitler, mais je n’ai jamais promis de conduire une politique antijuive au Japon. Ceci n’est pas seulement mon opinion personnelle, mais celle du Japon, et je n’ai pas honte de la proclamer au monde entier. En 1941, de nombreux Juifs s’installeront au Japon et la Yeshiva Mir sera la seule école juive à avoir survécu à la Shoah. Les Japonais ne toucheront jamais au ghetto de Shangaï.

12 1940  

Les Anglais s’emparent de la Cyrénaïque [est de l’actuelle Libye], prendront Tobrouk en janvier 1941 et Benghazi en février.

1940

Sans être encore entré en guerre, les États-Unis et l’Australie participent à l’effort de guerre.

Le premier Mc Do, un Drive In a ouvert ses portes à Pasadena, près de Los Angeles. Maurice et Richard MacDonald en tirent pendant 8 ans de très confortables bénéfices. Mais ils éprouvent tout de même le besoin de changer la formule : la carte ne propose plus que 20 plats, réduisant son offre à ceux que 80 % des clients ont l’habitude de commander. La taille des hamburgers a diminué, mais ils ne coûtent plus que 15 cents, prix sans concurrence. La vaisselle a été remplacée par des gobelets et des assiettes en carton … finis les vols… Les clients ne sont plus servis à bord de leur voiture mais passent commande à un guichet… finis les plongeurs… limité, le nombre des employés. Dans la nouvelle clientèle, les jeunes cèdent la place aux familles : les enfants adorent le spectacle de la cuisine. En 1954, Ray Croc, vendeur d’appareils ménagers, s’intéresse à leur magasin, en constatant qu’ils ont appliqué à la restauration rapide la recette d’Henry Ford, l’inventeur de la voiture populaire bon marché : un choix réduit d’options combiné à une rationalisation très poussée de la fabrication : voilà pourquoi les deux frères lui ont acheté dix Multimixer. Il s’associe à eux et obtient le droit de commercialiser leur savoir faire, par le biais de la franchise. Au début, le manuel d’exploitation que doivent respecter les franchisés ne dépasse pas 15 pages. En 1958, il en compte 75. Trente ans plus tard, il atteint les 600 pages et pèse 1,8 kg. Ray Kroc devient le seul propriétaire en 1961. En 2009, on compte 32 000 restaurants dans 119 pays, 1 134 en France, implantés dans 859 communes, employant 55 000 personnes.

2 01 1941 

Création de l’Ordre des Architectes.

4 01 1941  

En Chine, dans le sud Anhui, les troupes de Tchang Kaï-chek anéantissent la Nouvelle Quatrième Armée des communistes de Mao Zedong : mais cette victoire est impopulaire alors que s’accumulent les échecs face aux Japonais et ce sont les rangs communistes qui grossiront.

11 01 1941     

Le commandant Jean Colonna d’Ornano, à la tête d’une dizaine tout au plus de clochards épiques – pour reprendre les termes d’André Malraux tous issus des rangs des républicains espagnols, meurt à Mourzouk, en Lybie – plein sud de Tripoli -, au cours d’un raid conjoint avec les Anglais. Javier Cercas se souviendra de ces soldats : […] un interminable désert ardent et un soldat seul, brandissant le drapeau d’un pays qui n’est pas le sien, d’un pays qui est tous les pays à la fois et qui n’existe que parce que ce soldat brandit son drapeau renié, soldat jeune, déguenillé, poussiéreux et anonyme infiniment minuscule dans cette mer flamboyante de sable infini, marchant de l’avant sous le soleil noir de la fenêtre, sans savoir très bien où il va, ni avec qui, ni pourquoi, sans y attacher grande importance, pourvu que ce soit de l’avant, de l’avant, de l’avant, toujours de l’avant.

Javier Cercas. Dernières lignes de Les soldats de Salamine Actes Sud 2002

Sur le point de regagner la France en mars 1940, la débâcle de juin l’avait surpris à Brazzaville, le faisant revenir sur ses projets. Le 18 août, à la demande du colonel de Larminat, il s’était rendu à Lagos pour y retrouver Leclerc, Hettier de Boislambert et Pleven arrivés d’Angleterre. Rapidement les objectifs et les missions avaient été répartis : le 26 août, accompagné de Pleven, il atterrit à Fort-Lamy et le gouverneur Eboué proclame le rattachement du Tchad à la France Libre, au moment où Leclerc et Hettier de Boislambert débarquent à Douala et apportent la contribution du Cameroun au grand mouvement libérateur de l’Afrique. Avec le grade de lieutenant-colonel, d’Ornano devient l’adjoint du chef de corps du Régiment de Tirailleurs Sénégalais du Tchad. Il avait écrit  au capitaine Jacques Massu, en poste à Zouar le 13 novembre 1940 un courrier qui précise le contexte de ce raid sur Mourzouk : Il y a une semaine environ, un certain major anglais du nom de Bagnold était notre hôte. C’est un spécialiste des raids sahariens en automobile. En 1932, il est allé au Caire à Jef-Jef : c’était en temps de paix, mais entre nous ce n’était pas mal. Ce qui est mieux, c’est qu’il y a un mois environ, trois de ses voitures sont à nouveau parties du Caire, sont allées se balader à Koufra, au puits de Sara, à Aquenat et à Tekro, tout cela à la barbe des Italiens et à la nôtre… Or donc le sire Bagnold est venu me dire qu’il avait l’intention de revenir dire bonjour aux Italiens de la Libye occidentale. Il partirait du Caire avec 25 voitures (deux patrouilles de 12 et 13), traverserait tout le territoire italien et viendrait se ravitailler chez nous au Tibesti, pour commencer le vrai travail, c’est-à-dire remonter sur Wig el Kébir, tâcher de faire sauter ce pénitencier et de lâcher dans le bled les salopards qui y sont gardés. Il pourrait s’y trouver des prisonniers politiques intéressants. Puis aller faire un tour du côté de Mourzouk et, si le morceau n’est pas trop gros, tâcher de s’y amuser un brin. Tenter de barboter quelque convoi de ravitaillement ou courrier. Dire bonjour au passage à Gatroun et Tedjere et revenir à Zouar par Toummo.

Lorsque le sire Bagnold m’eut exposé sa petite affaire, j’ai boudé, lui disant qu’il me coupait l’herbe sous les pieds, puisque j’avais sollicité l’autorisation de faire quelques choses dans les environs de Tedjere et je lui ai demandé la participation d’un petit élément français, histoire de se faire la main et de prendre une petite leçon de raid motorisé. Il m’a aussitôt répondu que cela allait tout à fait dans ses idées et m’a proposé dix places. Il va sans dire que vous seriez le n° 1 des dix places… Je me suis mis également sur les rangs.

14 01 1941   

Ouverture du camp de Rivesaltes, 10 km au nord de Perpignan. Le but initial était d’en faire le centre d’accueil des soldats d’outre-mer – essentiellement nos Tirailleurs Sénégalais  -. Pour ce faire l’armée avait acquis à petit prix 600 ha de cailloux sans eau dès 1935, sur lesquels elle avait implanté 150 grandes baraques à même de recevoir 10 000 personnes. La défaite ayant rendu caduque cette affectation, on avait accueilli dès décembre 1940 des Allemands expulsés de chez eux. Administré jusqu’alors par l’armée, le camp passait dès lors sous administration civile de Vichy, qui va y faire passer bien des indésirables : réfugiés espagnols, tziganes, juifs, – Serge Klarsfeld le nommera le Drancy de la zone libre.  On osera loger dans ces baraques avec des ouvertures sans fenêtres des femmes, des enfants, dont la mortalité sera évidemment très élevée. Après l’invasion de la zone libre, les Allemands en feront un camp d’instruction pour leurs troupes. À la fin de la guerre, l’armée reprendra le camp pour y mettre des prisonniers de guerre ; puis il deviendra camp d’instruction pour les Algériens de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, et enfin centre d’hébergement pour les harkis quand ceux-ci préféreront vivre à la dure en France plutôt qu’avoir la gorge tranchée chez eux. Dans les années 2010, le Conseil régional Languedoc Roussillon demandera à Rudy Ricciotti, architecte, un Mémorial qui sera inauguré en 2015 : magnifique réussite architecturale, respectueuse du lieu tout en mettant en œuvre une muséographie moderne.

De façon générale c’est la guerre qui permettra à nombre de ces réfugiés espagnols de quitter ces camps de la honte : les 1 800 000 prisonniers de guerre feront de l’État français un demandeur : les réfugiés seront alors intégrés dans l’économie de guerre, au sein de compagnies de travailleurs étrangers, presque de statut militaire. Ces unités seront très fréquemment de foyers de constitution de groupes de résistants qui adhéreront notamment aux Francs Tireurs et Partisans – FTP -. Et les premiers libérateurs de Paris seront des Espagnols combattant au sein de la 2° DB.

15 01 1941

Olivier Messiaen, comme 1,5 million d’autres jeunes Français, a été fait prisonnier et se trouve au stalag VIII-A, dans la plaine de Görlitz, en Prusse Orientale : un orchestre – violon, violoncelle, clarinette et piano – joue le Quatuor pour la fin des temps qu’il vient de terminer. C’est dans l’oflag XIIB de Mayence que Fernand Braudel, écrira la quasi-totalité de sa thèse sur La Méditerranée au temps de Philippe II.

Il effectue le travail de mémoire, loin de ses fiches, restées à Paris, et loin de toute bibliothèque de recherche. Il a tout de même accès, en tant que recteur improvisé de l’université de prisonniers qu’il a constituée, par l’intermédiaire de ses gardiens – qui le surnomment Magnifizenz – à des ouvrages de recherche en langue allemande, comme ceux de Max Weber, Werner Sombart Georg von Below…  L’ampleur du travail réalisé est à porter en grande partie au crédit de sa prodigieuse mémoire.

Wikipedia

Oflag IV-D d’Elsterhorst

23 01 1941

Leclerc et ses hommes se lancent dans le désert pour s’emparer de l’oasis de Koufra, poste italien perdu dans le désert lybien, 1 700 km au nord-est. Parmi eux, le 3° bataillon de marche du Tchad, composé de républicains espagnols. Ils n’emportent qu’un seul canon. C’est plutôt loin certes, mais la force symbolique de la cible a emporté la décision : affaiblir le prestige italien dans la région et maintenir la France dans la guerre.

24 01 1941 

Les Anglais emmenés par le général Montgomery, prennent Tobrouk aux Italiens du général Graziani, faisant 130 000 prisonniers.

début février 1941

Slavomir Rawicz, officier polonais de 25 ans, a été condamné à 25 ans de camp de travail en Sibérie. Il a quitté sa cellule de la Lubyanka depuis déjà plus de 2 mois : 4 800 km en train, debout dans des wagons à bestiaux transformés, contraint à organiser des tours de rotation à l’intérieur du wagon pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui soient contre les parois gelées du froid extérieur… n’étant nourri que de pain sec et de mauvais café, envahis de poux, pendant un interminable mois qui le mène à Irkoutsk, près de l’extrémité sud-ouest du lac Baïkal. Les survivants repartent de là à pied, enchaînés par colonnes de deux à un camion roulant à 6 km/h, vers le nord, pour une hallucinante marche de 50 jours, puis, une fois ceux-ci immobilisés par la tempête de neige, derrière des traîneaux tirés par des rennes appartenant à des Ostyaks vivant dans les parages et réquisitionnés par les soldats du convoi, pour arriver finalement au camp 303, à quelques 400 km au sud-est de la ville de Yakoutsk.

Il y déploiera rapidement des talents de menuisier pour fabriquer des skis… ce qui lui vaudra double ration… de quoi mettre de côté les fourrures et vivres nécessaires pour les premiers jours d’une évasion… qui devient un projet de plus en plus élaboré… La femme du commandant, qui s’ennuie ferme, l’a pris en sympathie : il lui a réparé son poste Telefunken et, – provocation, goût du jeu ? – elle devine, approuve et collabore à son projet.

Il parvient à réunir 7 hommes : trois Polonais, un Lituanien, un Letton, un Yougoslave et un Américain (il participait à la construction du métro de Moscou et le NKVD avait finalement décidé qu’il ne pouvait qu’être un espion)… Sept hommes qui mirent à profit une absence du commandant du camp et une bonne chute de neige – rien de mieux pour effacer les traces – à la mi-avril 1941 pour se faire la belle, direction plein sud : le lac Baïkal dans un premier temps. Les provisions du camps parviennent tant bien que mal à être relayés par les surprises du voyage : un jour, c’est un renne qui s’est emmêlé les bois dans les racines d’un arbre, et dont ils se régalent toute une journée, en emportant le lendemain les restes du festin, un autre, c’est un bûcheron solitaire à qui ils ont confisqué son arme et qui leur donne toutes ses provisions : par précaution ils emporteront le fusil, le temps de mettre de la distance, puis l’accrocheront bien en évidence à une branche d’arbre.

Toute leur progression se fait en zone inhabitée, à raison de près de 40 km chaque jour… pas bien loin de la rive nord du lac Baïkal, ils aperçoivent une silhouette qui prend la fuite à leur vue : ils la neutralisent… pour s’apercevoir qu’il s’agit d’une jeune Polonaise qui s’est enfuie d’un kolkhoze proche d’Irkoutsk : elle sera désormais des leurs…  jusqu’au milieu du désert de Gobi où elle mourra de soif et d’épuisement.

Entrés dans le désert de Gobi, avec un seul gobelet d’eau, ce n’est qu’au bout de plusieurs jours qu’ils trouvent une toute petite oasis où ils étanchent leur soif pendant plus d’un jour. La jeune polonaise meurt peu après. Ils arrivent encore presque mourants sur une tache de boue humide où ils parviennent à se réhydrater. Ils sont devenus de bons chasseurs de serpents, leur seule nourriture pendant de nombreux jours. Le désert de Gobi aura raison de la vie d’un second compagnon, quelques jours après la petite Polonaise. Les cinq survivants atteindront le Tibet, évitant Lhassa pour gagner directement les Indes, franchissant les Himalaya. Un troisième meurt la nuit, sans avoir manifesté aucun signe de malaise. Ils verront longuement un couple de yétis. Un quatrième mourra d’une chute dans un précipice, à la veille de la fin de leur calvaire, en mars 1942 : ils avaient alors parcouru plus de 4000 km à pied.

Résumé de À marche forcée de Slavomir Rawicz Phébus 2002

La première édition date de 1956… l’ouvrage fût traduit en dix-huit langues… nombreux sont ceux qui mirent en doute la véracité du récit… dont Peter Fleming, correspondant du Times, compagnon de voyage d’Ella Maillart et frère de Ian Fleming, le père de James Bond, qui écrivit après la lecture du livre : À mon grand regret, je suis forcé d’en déduire que l’ensemble de cet excellent livre est purement fictif. L’auteur n’a pas fait le voyage du tout.

Slavomir Rawicz mourra en Angleterre le 5 avril 2004. Un film sortira en 2011.

Et on se laisse convaincre sans peine par Peter Fleming : car comment croire qu’un officier polonais, avec toute la culture générale que cela suppose, et plus précisément en histoire et géographie, pouvait ne rien connaître au désert de Gobi, de son existence, de sa situation, de sa nature physique – de la pierre et non du sable -… à la rigueur un ingénieur américain, – les Américains montrent tous les jours que la géographie n’est pas leur tasse de thé –  mais pas un officier polonais ! comment croire qu’ils ont pu s’engager dans un désert à huit, munis d’un seul gobelet d’eau, comment croire que les nomades mongols rencontrés entre la frontière et le désert ne leur aient pas fait comprendre qu’on ne pouvait s’aventurer là sans eau et enfin, comment croire que l’on puisse survivre à un effort continu pendant plusieurs jours sans boire ! et comment croire encore que l’on puisse prétendre avoir traversé le Tibet sans rien connaître de la Tsampa, nourriture à base de farine d’orge consommée dans toute l’Asie centrale.

Dans L’Axe du loup (Robert Laffont, 2004), Sylvain Tesson raconte ses huit mois à pied, à cheval et à vélo sur les traces de Rawicz et des évadés du goulag. Il cherche l’introuvable camp 303 au nord d’Irkoutsk (l’ONG russe de défense des droits de l’homme Mémorial n’en a jamais entendu parler), et, en 2006, l’enquête d’Hugh Levinson, journaliste de la BBC montrera que Rawicz ne s’était pas évadé mais qu’il avait été libéré en  1942 dans le cadre d’un accord anglo-soviétique.

Il dit s’être nourri de serpents, et ce sont des couleuvres qu’il demande à ses lecteurs d’avaler ! Et, tout au bout du voyage, était-il vraiment indispensable de mettre en scène l’incontournable cerise sur le gâteau, qu’est le yéti, pour tout aventurier de l’Himalaya qui se respecte ? Yéti, dont l’existence pourrait bien prendre la forme de ce qu’en dit un moine  tibétain dob-dob, – c’est-à-dire, moine des services de sécurité : Il y avait également  des ours dans ces collines. Nous les appelions ours-chiens, ou encore ours-hommes, je crois que ce sont eux que les étrangers appellent hommes des neiges. L’un d’entre eux fut tué pendant mon séjour, et j’eus la chance de pouvoir l’observer attentivement. Sa fourrure tirait sur le roux et ses énormes pieds carrés se terminaient par de longues griffes acérées. Sa face m’intéressa particulièrement. Elle était beaucoup plus plate que celle des ours qu’on trouve plus bas, un peu comme celle d’un singe ou même d’un homme. Celui-ci était un mâle adulte et son corps ressemblait bien plus à celui d’un ours qu’à un homme.

Tashi Khedrup. Mémoires d’un moine aventurier tibétain. Picquier poche 2001

Gustaw Herling-Grudzinski, lui aussi polonais, a lui aussi connu les camps soviétiques pour avoir voulu, à 20 ans, rejoindre l’armée polonaise en France en 1939, et s’être fait arrêter à la frontière : URSS et Allemagne nazie étaient encore alliées. Il passera deux ans dans le camps de Yertsevo, dépendant de l’ensemble concentrationnaire de Kargopol, au sud de la mer Blanche. Son témoignage ne sera remis en question par personne ; Albert Camus dira qu’il doit être lu autant pour ce qu’il est que pour ce qu’il dit.

J’en suis arrivé à la conviction qu’un homme ne peut être humain que lorsqu’il vit dans des conditions humaines, et qu’il n’y a pas de plus grande absurdité que de le juger sur des actions qu’il commet dans des conditions inhumaines – comme si l’eau pouvait être mesurée par le feu, et la terre par l’enfer. Mais le malheur est qu’un écrivain qui souhaite faire une description objective des camps de travail soviétiques doit descendre dans les profondeurs de l’enfer, sans chercher aucune motivation humaine derrière des actes inhumains. Et c’est de là que les visages de ses amis, morts ou peut-être encore en vie, regardent vers lui, et que leurs lèvres bleuies par la faim et la morsure du gel murmurent : Dis-leur la vérité sur nous, dis-leur à quoi nous avons été contraints.

[…] Une détenue lui a prêté Souvenirs de la maison des morts et lui demande de le lui rendre, car elle ne peut plus vivre sans ce livre :

Il y a toujours place pour l’espoir quand la vie est si totalement désespérée que plus personne ne peut nous atteindre… Nous nous appartenons, vous comprenez ? Nous devenons les maîtres absolus de nos vies… Quand il n’y a pas le moindre espoir d’être sauvé en vue, pas la plus petite fissure dans le mur qui nous encercle, quand nous ne pouvons nous retourner contre notre destin car il est notre destin, il ne nous reste plus qu’une seule chose : nous retourner contre nous-mêmes. Vous ne pourriez probablement pas comprendre quel a été mon bonheur quand j’ai découvert qu’en fin de compte, nous n’appartenions qu’à nous-mêmes – au moins dans la mesure où l’on peut choisir la méthode par laquelle on mourra, et le moment de sa mort… C’est cela que Dostoïevski m’a appris. En 1936, lorsque je me suis retrouvé en prison pour la première fois, j’ai terriblement souffert, croyant avoir été privé  de la liberté pour l’avoir mérité, d’une manière ou d’une autre. Mais je sais maintenant que c’est toute la Russie qui a toujours été, et qui est encore une maison des morts, que le temps est resté immobile depuis l’époque des travaux forcés décrits par Dostoïevski jusqu’à la nôtre, et maintenant je suis libre, complètement libre ! Nous sommes morts depuis si longtemps, même si nous ne l’admettons pas. Pensez à ceci, simplement : je perds l’espoir quand s’éveille en moi le désir de la vie ; mais je le retrouve chaque fois que le désir de la mort reprend le dessus.

[…]             Vlevolod prit la pose, de profil par rapport au public, tendit les mains, puis au bout d’un instant chanta d’une voix pleine de larmes :

Nous suivrons les vagues qui jouent
Sur la mer qui s’étend si loin.
Camarades nos voiles nous éloignent,
Loin, loin du sol russe.

Quand il eut fini le dernier vers et fut sur le point de reprendre le refrain, il se tourna soudain vers nous et, levant les mains comme un prophète de prison, nous invita à nous joindre à lui d’un rapide, tous ensemble maintenant. Et c’est de plusieurs centaines de gorges que jaillit ce chant, ce cri de désespoir :

Camarades nos voiles nous éloignent,
Loin, loin du sol russe.

Les prisonniers se levèrent alors comme un seul homme et, les yeux fixes sur Vsevolod dont les mains battaient la mesure, répétèrent, comme envoûtés, ces deux vers puissants. Tous les visages exprimaient une émotion intense, et je vis même quelques larmes couler. Et bien que les mots chantés avec tant de sentiment fussent comme une malédiction lancée par des galériens enchaînés au sol russe, le chant lui-même débordait d’une nostalgie infinie…, nostalgie et désir pour la terre de la souffrance, de la faim, de la mort et de l’avilissement, pour la terre de la grande peur, des cœurs durs comme des pierres, des yeux desséchés d’avoir trop pleuré pour ce désert nu des aspirations humaines. Alors, comme jamais auparavant, j’ai pris conscience, ne serait-ce que pour un instant, que les prisonniers russes vivaient au-delà des frontières de leur Russie et que, tout en la détestant, ils se languissaient d’elle et se la rappelaient avec toute la force des souvenirs qui les étouffaient.

Gustaw Herling. Un monde à part  1951. Traduction française 1985. Denoël

6 02 1941 

Les Anglais prennent Benghazi, en Lybie.

9 02 1941

Les Allemands gagnent pratiquement toutes les épreuves des championnats du monde de ski de Cortina d’Ampezzo. N’y participaient que 4 pays : Finlande, Suède, Allemagne et Italie.

10 02 1941

L’amiral Darlan devient chef du gouvernement de Vichy, et dauphin du maréchal Pétain, 85 ans. Il remplace Laval… qui le remplacera à nouveau le 18 avril 1942.

11 02 1941

Démantèlement du réseau de résistance du Musée de l’Homme, crée par Paul Rivet, et Boris Vildé, qui avaient commencé à éditer le journal clandestin Résistance. Sept hommes vont être fusillés au Mont Valérien le 25 février.

02 1941       

70 forçats de Guyane répondent à l’appel du capitaine Claude Chandon à rejoindre le général de Gaulle en s’évadant.

Quelques jours après ces évasions, le gouverneur de Guyane décida de rétablir la peine du pain sec un jour sur trois, qui avait été abolie en 1925. À la discipline de fer s’ajouta une diminution drastique de l’ensemble des rations alimentaires. Parallèlement, en 1942, la journée de travail passa de 6 à 8 heures quotidiennes malgré les terribles conditions climatiques et on limita les possibilités de travailler à la tâche, qui avaient été encouragées en 1938. Selon un responsable de l’Armée du Salut expulsé de Guyane début 1942, l’administration pénitentiaire, saisie d’une véritable folie, déclencha un régime de terreur d’une brutalité inouïe : privation de nourriture, travail à coups de trique, de nerf de bœuf. Qu’ils marchent ou qu’ils crèvent !

Ce régime eut immédiatement des conséquences dramatiques sur la santé des relégués. Un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire témoigne qu’en 1943 les relégués n’étaient plus des hommes : c’était des squelettes. (…) Le spectacle était horrifiant. L’on se demandait comment certains d’entre eux pouvaient encore se tenir debout. Après l’inspection de leurs effets, ils durent se rhabiller. Alors, ce fut une scène navrante ! La plupart de ceux qui tentèrent de se baisser pour ramasser leurs hardes s’effondrèrent, l’un après l’autre, comme soufflés. Ils ne purent se redresser seuls. On dut faire appel à des porte-clés qui les transportèrent à dos jusqu’au local, sous le clocher du camp. Ceux qui se trouvaient adossés à -l’arbre rejoignirent la case en se traînant sur le sol comme des culs-de-jatte.

Mais, pour le gouverneur de Guyane René Veber, dévoué au maréchal Pétain, cette situation était d’abord due à la mentalité des relégués. Il écrivit en 1943 que les relégués ne prennent aucun soin des conditions sanitaires des sols marécageux qu’ils doivent traverser, de la qualité de l’eau qu’ils boivent alors, ni aucune mesure d’hygiène et c’est à ce moment surtout qu’ils contractent les affections qui inquiètent. Rejetant l’idée d’améliorer la ration alimentaire ou de diminuer leur labeur quotidien, il ordonna au contraire une répression accrue et l’interdiction de toute activité lucrative en dehors des heures de travail. Il se livrait également, fin 1942, à des prévisions sinistres prenant en compte une moyenne de 40 morts par mois. Mais, plutôt que d’organiser rapidement le transfert des relégués encore en vie et de les sauver, il retarda leur transfert jusqu’à la fin de l’année 1943. Le gouverneur Veber s’accommodait ainsi de la mort prévisible de près de 300 relégués. En  1942, près de 50 % des relégués moururent dans l’année, soit 513 décès sur un effectif total de 1 068 ! Et en  1943, le taux de mortalité était de 36 %. Ces niveaux sont proches de ceux atteints dans les camps de concentration nazis. Cette brusque hausse de la mortalité ne s’explique par aucune épidémie particulière. Seules les conditions de détention apparaissent à l’origine de cette hécatombe des relégués.

En mars  1943, la Guyane rallia la France libre. Le nouveau gouverneur, Jean Rapenne, mit très vite un terme à la mortalité effrayante des relégués. Et le terrible pénitencier de Saint-Jean-du-Maroni fut définitivement supprimé en septembre 1943. Cet épisode méconnu est un des plus sinistres de l’histoire pénitentiaire française. En 1945, l’article 6 du statut du tribunal de Nuremberg qualifiait de crime contre l’humanité l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre. À la lumière de cette définition, c’est bien un crime contre l’humanité qui a été commis entre 1941 et 1943 contre les relégués, en Guyane, sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Mais aucun de ses responsables n’a jamais été poursuivi ni sanctionné pour ces agissements.

Robert Badinter. Le Monde du 25 11 2017

Erwin Rommel, qui n’est encore que général, prend le commandement de l’Africa Korps et se met à voler de succès en succès… il va vite monter en grade pour devenir le renard du désert.

1 03 1941  

Le capitaine Colonna, commandant de la garnison italienne de Koufra capitule. Leclerc entraîne ses hommes à prêter le serment de Koufra : Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. Il prendra le contrôle de l’ensemble du Fezzan durant l’année 1942, puis viendra en renfort de la VIII° armée britannique de Montgomery. Son unité n’est encore que la force L, un ensemble de voitures rafistolées et de clochards épiques, dira André Malraux, qui chantaient : Division de fer, toujours en avant ! Les gars de Leclerc passent en chantant.

9 03 1941 

Konrad von Preysing, évêque de Berlin, dénonce en chaire les  meurtres nommés euthanasies. Il vise ainsi directement le programme d’extermination de ceux qui ne sont pas, ou plus productifs : cela représente un public plus vaste que celui visé par le seul programme Aktion T4. Ce programme était mis en œuvre par Erwin Jekelius, Heinrich Gross, Hans Asperger, qui, ayant repris à son compte le terme autiste inventé par le Suisse Eugène Bleuler, donnera son nom au syndrome (de plus en plus remis en question) des autistes surdoués. Asperger avait eu pour maître Hans Hamburger ; il sera personnellement responsable de la mort de 44 enfants. Ils exerçaient essentiellement dans le dispensaire Spiegelgrund, rattaché au Steinhof, l’hôpital psychiatrique de Vienne. Hamburger, Gross et Asperger seront couverts d’honneurs après la guerre et poursuivront tranquillement de brillantes carrières, tandis que Jekelius, prisonnier des Russes, finira sa vie dans un camp de travail après avoir tout reconnu.

11 03 1941        

Aux États-Unis, une loi prébail autorise le président à vendre armes et munitions.

14 03 1941   

Le régime de Vichy instaure le régime de retraite par répartition : La retraite par  répartition est l’une des vaches sacrées de la République française, d’autant plus sacrée qu’elle est censée avoir vu le jour à la Libération grâce aux fameuses ordonnances sur la Sécurité sociale du 4 octobre 1945, sanctifiées, si l’on ose dire, par la signature du général de Gaulle. Il paraît donc normal que le président de cette même République voue à cette idole un culte au moins aussi fervent que celui que lui rendaient ses prédécesseurs. Or, il s’agit là d’une des réécritures de l’histoire dont notre pays est coutumier. En réalité, la répartition a été inaugurée en France le 14 mars 1941 par un  homme qui a fini sa vie en prison pour indignité nationale après un procès pour haute trahison : Philippe Pétain. Après la tragédie de la défaite, dans un pays ruiné et rançonné, saigné à blanc par l’occupant nazi, le vieillard qui règne à Vichy allume, pour venir au secours des personnes âgées, la mèche d’une bombe à retardement qui est en train d’exploser aujourd’hui. René Belin, l’ancien dirigeant de la CGT nommé par le maréchal Pétain secrétaire d’État au travail, met lui-même les points sur les i : Les cotisations destinées à la couverture du risque vieillesse, explique il, ne donneront plus lieu à un placement, mais seront utilisées au fur et à mesure de leurs rentrées dans les caisses pour le service des pensions. La dernière loi sur les retraites datait de 1930. Le régime de capitalisation, alors en vigueur, avait donné de bons résultats. Sur les 8,8 millions d’assurés, 7 millions faisaient des versements, et 5,5 millions cotisaient régulièrement. La situation financière n’avait pas tardé à être florissante. Au 31 décembre 1934, 11 milliards de francs avaient été économisés sur les 17 milliards perçus. Aussi décida-t-on de réduire le taux des cotisations.

Mais, même prospère, le système ne pouvait assurer immédiatement de manière satisfaisante la retraite des personnes âgées. C’est d’ailleurs le propre de tout système de capitalisation à ses débuts : dans les premiers temps, on accumule du capital sans pouvoir verser de pensions ; ce n’est que lorsque le fonds arrive à maturité que le montant des retraites payées peut égaler celui des cotisations.

Mais Pétain va bloquer cette maturation. Les dispositions de la loi de répartition de mars 1941 permirent d’affecter au paiement de l’allocation aux vieux travailleurs salariés les cotisations recouvrées dans le cadre du précédent régime. On trouve dans les archives de cette époque un commentaire qui indique clairement qu’il était dans les intentions de certaines administrations de consommer les capitaux qui avaient été accumulés et qui seraient peu à peu liquidés. Compte tenu de l’extrême misère engendrée par l’Occupation, il n’y avait peut-être pas d’autres moyens d’empêcher un certain nombre de personnes âgées de mourir de faim. Mais, pour la Résistance, ce n’était pas une excuse valable. Le commissariat aux affaires sociales du gouvernement provisoire d’Alger, dirigé par le général de Gaulle, fustigera la manœuvre de Pétain en ces termes : Cette innovation qui a été présentée par Vichy comme une amélioration importante n’a été en réalité qu’un expédient adopté pour permettre d’utiliser les réserves de l’assurance sociale au financement des retraites des vieux travailleurs institué par l’acte dit loi du 14 mars 1941. Les gaullistes de cette époque étaient de bons économistes… Après un tel pillage, le résultat final ne pouvait être autre que celui que décrit, dans Au service de l’homme et du droit. Souvenirs et réflexions (CHSS, 1993), Pierre Laroque, qui passe pour le père de la Sécurité sociale et qui, de fait, est l’auteur des ordonnances de 1945 relatives à la Sécurité sociale : Les caisses dépositaires de ces capitaux se trouvent, du fait de la couverture de l’allocation aux vieux travailleurs salariés, à peu près exsangues en 1944, ne conservant que quelques immeubles de rapport. Point de détail : le même Laroque, avant de rejoindre de Gaulle à Londres, avait été membre du cabinet ministériel de René Belin à Vichy… À la Libération, les nouvelles autorités ne furent pas tentées de puiser dans la caisse, puisqu’elle était vide. Mais, comme l’écrit Jacques Bichot, économiste spécialiste de la Sécurité sociale, elles prirent la suite de Vichy quant à l’utilisation immédiate des cotisations pour payer les prestations.

Cotisations impôt ou épargne. Pour faire passer la pilule auprès des cotisants, on leur fit croire que leurs cotisations leur ouvraient des droits à la retraite comme s’ils étaient encore sous un régime de capitalisation. Il s’agissait là d’une illusion lourde de conséquences, et qui ne serait dévoilée que beaucoup plus tard. Pour le comprendre, il faut rappeler succinctement les caractéristiques très différentes des deux systèmes de retraite. En répartition, les cotisations versées à la caisse de retraite par les actifs sont versées aux retraités au fur et à mesure qu’elles rentrent. Les Anglo Saxons appellent ce système unfunded pensions. Les pensions ne sont pas fondées dans la mesure où n’est pas constitué un fonds accumulant des capitaux dont le rendement servira à payer les futures pensions. En capitalisation, les versements faits par les actifs servent à constituer des réserves sur lesquelles seront plus tard prélevées les pensions. En répartition, les cotisations sont une sorte d’impôt versé par les actifs au profit de leurs aînés. Ce n’est que par un artifice mensonger qu’on les présente comme ouvrant un droit à la retraite des cotisants. Au contraire, en capitalisation, les cotisations constituent une épargne qui permettra de payer leur rente aux futurs retraités. Il est très facile de supprimer la capitalisation pour passer à la répartition. On peut puiser dans les réserves précédemment constituées pour compléter, par exemple, la retraite des personnes âgées au cas où les cotisations seraient insuffisantes. C’est ce qu’a fait le maréchal Pétain de 1941 à 1944. En  revanche, la réforme d’un régime de répartition pour ouvrir la voie à la capitalisation est beaucoup plus ardue. Le versement des cotisations ne pourrait en effet être arrêté, sauf à priver les retraités de leur pension ! Autrement dit, dans un retour à la capitalisation, les actifs devraient continuer à cotiser jusqu’au décès du dernier bénéficiaire du système de répartition, tout en épargnant pour se constituer un capital qui au départ ne pourrait générer de pensions satisfaisantes. Voilà pourquoi il est quasi impossible de sortir du piège de la répartition – piège renforcé par le très prévisible allongement de la durée de vie : toujours plus d’inactifs pour toujours moins d’actifs. Et voilà pourquoi chaque gouvernement refile la patate chaude au suivant depuis deux tiers de siècle. Mais on est arrivé aujourd’hui au bout du bout, les actifs d’aujourd’hui étant de facto condamnés à payer deux fois : pour les retraités actuels et pour leurs propres retraites s’ils veulent échapper à la faillite du système. Grâce à Pétain et à ses successeurs au sommet de l’État. 

Philippe Simonnot, ancien professeur d’économie du droit  à Paris-X. Le Monde du 3 01 2020

22 03 1941

Le général de Gaulle rencontre le général Leclerc à Fort Lamy.

Le maréchal Pétain signe la loi donnant une entité juridique au chemin de fer transsaharien, rebaptisé pour l’heure Méditerranée-Niger.

1° Article : Est autorisée la construction d’un réseau de chemin de fer à voie normale, dénommée réseau Méditerranée-Niger, comprenant :
I. Une ligne partant de Bou-Arfa [où une autre arrivait déjà en provenance du nord – Oran, Oujda -), passant par ou près Colomb Bechar, Kénadza, Beni-Abbès, Adrar, In Tassit ;
II. Deux embranchements suivant le cours du Niger et atteignant l’un Ségou et l’autre Niamey.

Il s’agissait là du dernier soubresaut de ce que l’on peut bien nommer un très vieux serpent de sable. Cette très longue histoire s’arrêtera là, car on avait alors d’autres chats à fouetter, et une fois la guerre terminée, il parût évident que l’aviation, et des pistes mieux balisées – pour la prospection pétrolière – enverraient ce projet aux oubliettes.

24 03 1941 

Le Capitaine Paul Lemerle, appareille de Marseille pour la Martinique. À son bord, André Breton, Claude Lévi-Strauss, la romancière allemande Anna Seghers, l’écrivain libertaire Victor Serge et plus de deux cents réfugiés et expulsés européens fuyant le régime de Vichy. Adrien Bosc en fera un roman – Capitaine – Editions du sous-sol 2018

27 03 1941  

Bien des activités, des métiers, où le facteur humain reste essentiel ont leur déontologie, mais au-dessus et en plus, il y a souvent une cerise sur le gâteau… ce qui le rend élégant… ce devant quoi l’on dit aujourd’hui : wahoo ! la classe ! Pour un grimpeur, ce sera une voie la plus droite possible, avec le minimum de pitons ; pour un marin, ce sera de coiffer sur le fil en surgissant du brouillard celui que se voyait déjà premier, après six jours de mer : Chichester a fait cela lors d’une Route du Rhum en prenant le dessus sur Malinovski ; pour un marin de la marine de guerre, ce sera de mettre son navire à quai, en se passant de l’aide du remorqueur. Et c’est Dino Buzzati, envoyé du Corriere della Sera qui raconte :

Objet : Manœuvre d’amarrage au port d’un croiseur de 10 000 tonnes, au retour d’une mission de guerre, par nuit pluvieuse.
Juste avant de revenir à terre, nous allons faire un tour dans la passerelle de commandement : c’est un spectacle d’une grande intensité et, à notre avis, d’une grande beauté, comme il est beau, toujours, de voir travailler un homme qui connaît bien son métier.
La manœuvre de sortie et d’entrée dans le port représente, pour un commandant, ce que représentait pour les ministres la question de confiance. Son prestige y est directement engagé, en premier lieu aux yeux de son équipage. Bien sûr, il y a certainement des choses plus importantes, et plus difficiles, comme manœuvrer en pleine mer, avec des repères mouvants et non fixes. Pourtant, il faut bien le dire, les manœuvres en pleine mer ont un effet minime sur les matelots ; leur beauté est vraiment difficile à apprécier.
Pour le matelot, la pierre de touche est la manœuvre au port. Conduire à quai (ou aux bouées) le navire, dans le temps le plus court, avec une économie de mouvement maximale et l’intervention la plus réduite possible des remorqueurs : mieux et plus vite que les autres navires, en somme. Par rapport aux évolutions en haute mer – plus ardues d’un point de vue scientifique, car on doit prévoir la position relative des unités en mouvement – la manœuvre de port présente deux avantages indéniables : elle est plus voyante, justement parce que les points de repères sont fixes ; et elle est en général plus dangereuse parce qu’il suffit d’une toute petite erreur pour abîmer la poupe, le gouvernail ou une hélice.
Quand un nouveau commandant monte à bord pour la première fois, il croise des dizaines de regards impitoyables. Ces hommes ne veulent savoir qu’une seule chose : Sera-t-il ou non à la hauteur ? On attend sa première manœuvre.
Dès la première sortie, voilà le commandant mis à l’épreuve, une épreuve bien plus douloureuse que celles de l’Académie. Quels tourments ! Réussira-t-il, une fois de retour au port, à se faufiler entre les balises ? Réussira-t-il, grâce à un savant dosage des machines, à s’arrêter à un endroit précis ? Ou bien fera-t-il une embardée et devra-t-il recommencer toute la manœuvre ? Pire encore, touchera-t-il le quai ? Dieu l’en garde, sa réputation serait perdue.
Mais voilà que le torpilleur (pour prendre un exemple) obéit avec docilité et fait ce qu’il doit faire, à la perfection. Dans son dos, le commandant entend le timonier murmurer à son camarade : Mince alors ! Il est bien sympathique ce Mince alors !  Il veut dire que l’épreuve a été réussie. Il pourra allumer tranquillement sa cigarette, descendre sur le pont, entre deux rangées de regards bienveillants.
Avez-vous déjà essayé de garer votre voiture dans un de ces parkings diaboliques du centre-ville où l’espace est compté au millimètre près ? Marche avant, braquer, marche arrière, attention à ne pas heurter la voiture derrière, marche avant, contre-braquer, et ainsi de suite ; avec, bien sûr, un petit groupe de jeunes gens qui vous observent en se gaussant de vous, le bord du trottoir qu’on n’arrive jamais à atteindre, et le gardien du parking qui hausse les épaules d’un air désapprobateur. Imaginez à présent que vous teniez entre les mains non pas une Fiat 500, mais un monstre métallique d’une longueur de deux cents mètres et pesant plus de dix mille tonnes, et que vous deviez le garer sur un emplacement d’une égale dimension. Un monstre sans servofrein, ni pare-chocs, ni police d’assurance, qu’il faut arrêter exactement au bon moment en dosant marche arrière et marche avant, hélice tribord et hélice bâbord, barre à droite et barre à gauche, de façon à maîtriser une force vive comparable à celle d’un train de sept cents wagons (chargement compris).
On rétorquera qu’il suffit d’étudier, de s’entraîner. Pourtant, cela ne suffit pas. Tout dépend d’une sensibilité très particulière avec laquelle on naît ou on ne naît pas, qui est faite d’à-propos, de rapidité de perception, d’instinct dans le calcul des différentes sollicitations et réactions, et d’une infinité d’autres belles qualités, qui relèvent strictement du sens marin d’un officier. Cela explique la popularité de celui qui les possède. Certaines manœuvres de port sont devenues proverbiales pour leur beauté. On parle, douze ans après encore, d’une entrée dans le port de Barcelone par le commandant A., sur notre Trieste, devant un public de navires étrangers ébahi par un spectacle d’une telle élégance.
Bref, un bon commandant sent au-dessous de lui le navire comme un prolongement de son propre corps (il en va de même pour les skieurs, les cavaliers, les motocyclistes). Et ce n’est pas une simple façon de parler. C’est même si vrai que depuis que le monde est monde, sur le journal de bord (où sont consignés toutes les quatre heures les événements de la vie à bord du navire), le commandant n’écrit pas : Le navire a mouillé, le navire a viré à tribord ; il écrit : J’ai mouillé, j’ai viré à tribord. Rappelons qu’il écrit également des termes bien plus abscons tels que : Je mouille par affourchage, je donne fond à quatre longueurs, j’envoie une haussière à tribord et une traversière sur le môle.
Ça y est, le croiseur est sur le point d’entrer dans le port. Les ténèbres sont profondes, seuls brillent quelques yeux rouges et verts, les balises. Calé dans un coin sombre de la passerelle, voici ce que nous avons vu et entendu.
Le commandant aux matelots chargés des transmetteurs d’ordres : Machine bâbord, arrière demi !
L’officier de navigation répète, plus fort, pour être sûr : Machine bâbord, arrière demi !
Les responsables des transmetteurs des deux moteurs bâbord tournent deux manivelles. Aussitôt deux aiguilles se déplacent sur deux cadrans lumineux, dans la zone de la marche arrière, jusqu’à la position Arrière demi. Ensuite, pour vérifier, ils décrochent un téléphone et écoutent. Depuis la salle des machines, on doit répéter l’ordre à voix haute ; à leur tour ils doivent répéter Oui et raccrocher l’appareil.
Le commandant au timonier : Barre à gauche toute ! Le timonier reprend : À gauche toute !  (il exécute l’ordre). Le commandant : Machine bâbord, en arrière vitesse normale !
Les responsables du transmetteur de la machine bâbord exécutent, écoutent au téléphone, confirment : Oui !
Le commandant : Stoppez machine bâbord… Avant demi de chaque côté (les deux hélices se mettent en marche)… Machine tribord avant vitesse normale… Avant vitesse normale de chaque côté. (Au timonier) Lève la barre… Continue… Freine un peu… Éloigne-toi du bout du quai !
Par un méticuleux dosage des machines, le bâtiment se met à tourner sur lui-même, se glisse dans l’étroite porte entre les deux balises, à la poupe un bouillon d’écume blanche soulève les eaux à cause du remous des hélices. La jetée ressemble à une bande plus noire que le noir de la nuit. À l’intérieur de la passerelle, on entend les ordres donnés par salves, deux ou trois fois répétés jusqu’à produire un effet obsédant, et les compte-tours des machines qui font tic tac s’arrêtent, recommencent leur tic-tac, comme de vieilles horloges malades.
Le commandant : Avant demi, des deux côtés… (Au timonier) Viens un peu à gauche… (À l’officier de navigation) Et le remorqueur ? Où est passé le remorqueur ? L’officier de navigation : Aucun remorqueur en vue. Le commandant : Stoppez machine bâbord… (Au timonier) Barre à droite toute.
La sonnette de la passerelle amirale retentit alors. Le commandant (répondant dans le porte-voix) : Ça va… Il n’y a pas de remorqueur ? On manœuvre avec les moteurs ?… Remarquez qu’il n’y a pas de courant… Je vais tomber sous le vent… Non, tant pis, j’irai directement à l’amarrage en manœuvrant avec les moteurs… (quittant le porte-voix, il s’adresse au timonier), barre levée… (Aux machines) Stoppez machine tribord… (Au timonier) Laisse venir... (À lui-même) Avec cette satanée obscurité… Il ne manquait plus que ça… sans remorqueur ! Comme si c’était un torpilleur !… Et tant pis !… (Parlant du bâtiment) Et il ne vient pas… Il ne vient pas du tout ! C’est normal, avec ce courant… (Aux machines) En arrière à gauche toute… Ah ! Enfin… Machine bâbord, arrière demi… Mais qu’est-ce que ça veut dire, le bateau ne vient pas…
C’est étrange, le commandant ne cesse de maugréer, mais il semble absolument tranquille, son visage est serein comme à son habitude. Et puis, on a beau ne rien comprendre, il nous semble que le bâtiment vient parfaitement bien : pivotant à la hauteur de la passerelle, il se met à tourner lentement, sans bouger ni vers l’avant ni vers l’arrière. Mais je me demande pourquoi le commandant ne prête pas attention à cette balise qui arrive sous la poupe. Si nous continuons à pivoter, nous allons la heurter, c’est sûr. Il vient d’y jeter un rapide coup d’œil, mais il n’avait pas l’air d’y faire attention. Et ce n’était sûrement pas à nous de l’avertir, surtout pas, avec le risque de commettre une grave erreur ! Nous nous penchons par-dessus bord pour regarder, nous nous attendons à entendre un choc depuis la poupe, suivi de cris. Mais rien de tout cela ; la balise a l’air de passer sous le navire, pour réapparaître de l’autre côté. Nous manquons singulièrement de pratique.
Après une longue suite d’ordres qu’il serait ennuyeux d’énumérer ici, le commandant dit : Stoppez les machines, barre au centre, ça y est ?
Le timonier : Barre au centre.
Le commandant : Distance par rapport au quai ?
Un aspirant, qui attend devant le téléphone de poupe, appelle le troisième commandant qui dirige les travaux : Je demande la distance du quai… Distance du quai zéro huit.
Le commandant : Machines avant lente des deux côtés ! À la proue, envoyez la vérine (gros câble d’acier) sur la bouée !
Le responsable du téléphone de proue (où la manœuvre est pilotée par le commandant en second et où se trouve un autre téléphoniste) : Envoyez la vérine sur la bouée… Encore !… J’ai dit lancer, pas haler !…
Le commandant : Stop !
Le téléphoniste de poupe : Le bâtiment est arrêté.
Le téléphoniste de proue : La vérine est sur la bouée !
Le commandant :  Enfin ! Portez immédiatement l’amarre traversière à terre !
Sans presque nous en apercevoir, nous sommes déjà en face du quai, dans un alignement parfait, il ne reste que quelques mètres.
Le commandant : Choquez la vérine très doucement. Que dit la poupe ?
Le téléphoniste de poupe : Ils disent que le bout est à terre.
Le commandant : Étalez doucement à la proue (d’où l’on entend le sifflet du maître de manœuvre qui donne le rythme aux matelots)… Doucement, doucement des deux côtés… (Tournant son mégaphone vers la proue) Bosco ! Colle-moi cette ancre au fond !… Vite !… Ça ne sert à rien de mettre la vérine sur la bouée si tu ne tournes pas !… Mais fais vite !… Arrêtez les machines… Machines libres !… À la proue si la vérine vient en force, choquez très doucement… (Et se penchant hors de la passerelle à tribord) On prépare la pomme de touline pour prendre la traversière... (Aux matelots qui attendent sur le quai sous la lumière d’un réverbère) Trop beaux, ces jeunes gens… Bosco, il faudrait les mettre en tenue de travail… Celui-là avec sa casquette… Ce sous-officier avec son blouson de permission… Ils ont peur de se salir les jeunes d’ici… Bien, allez, courage… et si possible qu’on ne jure pas, là-bas j’ai entendu un voyou lancer des jurons !… (Retournant dans la passerelle) Poupe, au rapport… (Se penchant à nouveau au-dehors) Bosco, éloigne-moi tous ces gens trop près du bord du quai, merci pour ton aide !... (Maintenant proue et poupe, tête et queue du monstre, ont été bien amarrées à la bouée, au quai, aux corps-morts) Tout va bien, tout s’est bien passé cette fois encore... Mais si cela ne s’était pas bien passé, quelle catastrophe… Et toujours ces manœuvres pénibles… Et le bâtiment qui ne venait pas… On y passe un siècle avec ce courant…
L’officier de navigation : Ce n’est pas si mal, mon commandant, neuf, dix minutes en tout, je dirais que ce n’est pas si mal.
Le commandant : Bien sûr, tout est facile maintenant que nous sommes garés… (Entendant la sonnette de la passerelle amirale, à l’officier de navigation) Bon, va voir ce qui se passe… Qu’est-ce qu’ils veulent encore ?…
L’officier de navigation, après avoir écouté au porte-voix, répète : L’amiral communique : Oméga 9 !
Oméga 9 n’est pas un signal que l’amiral transmet fréquemment. C’est une chose rare et très appréciée. Traduit en clair cela signifie : Je suis content de votre manœuvre.

Dino Buzzati. Corriere della Sera, 27 mars 1941. Chroniques de la guerre sur mer. Les Belles Lettres 2014

28 et 29 03 1941 

Bataille navale entre l’Angleterre et l’Italie : nettement inférieurs en nombre et en puissance, les Anglais flanquent une monumentale dérouillée aux Italiens au cap Matapan, au sud du Péloponnèse. La bataille du Cap Matapan qui s’est déroulée les 28 et  29 mars 1941 mit aux prises la marine italienne et la Royal Navy au large du cap Matapan au sud du Péloponnèse ; les Italiens font le siège de Malte base navale et aérienne britannique, d’où ceux ci peuvent facilement attaquer les convois de l’Axe vers la Libye ; les Britanniques soutiennent  la résistance grecque  face à l’attaque italienne commencée en octobre 1940, en envoyant des convois au départ d’Alexandrie leur base principale en Méditerranée vers le Pirée ; les Italiens décident donc d’envoyer leur flotte attaquer les convois britanniques. Sur le papier, la flotte italienne est largement supérieure à l’escadre britannique en Méditerranée; les Italiens disposent de deux cuirassés modernes de 35 000 tonnes; de 7 croiseurs lourds; de nombreux croiseurs légers et destroyers plus rapides que les britanniques, tous bâtiments modernes. Les Britanniques ne peuvent aligner qu’un porte-avions le Formidable ; 3 cuirassés anciens le Barham, le Valiant et le Warspite du type Queen Elizabeth datant de la première guerre mondiale mais modernisés, sauf le Barham, et 9 destroyers. Toutefois lors de l’affrontement qui a lieu le 28 mars entre les deux flottes le porte-avions Formidable va faire la différence ; l’amiral Cunningham qui commande la flotte britannique envoie les avions torpilleurs du Formidable à l’attaque du cuirassé Vittorio Veneto qui échappe de peu aux torpilles ; l’amiral Iachino qui commande la flotte italienne se replie ; les bombardiers-torpilleurs britanniques les poursuivent ; le cuirassé Vittorio Veneto est atteint par une torpille, qui l’oblige à ralentir à 12 nœuds ; le croiseur lourd Pola est stoppé par une torpille dont l’explosion a noyé ses machines ; l’amiral italien détache la 1° division de croiseurs pour soutenir le Pola en détresse. La suite de la bataille va se passer dans la nuit du 28 au 29 mars 1941 ; les croiseurs lourds Zara et Fiume attendent le Pola pour lui venir en aide ; ils n’ont pas de radars, aussi n’ont-ils pas vu venir les cuirassés de l’amiral Cunningham ; le Warspite, le Valiant et le Barham qui les surprennent, en pleine nuit, les projecteurs les illuminent brusquement ; les croiseurs sont proprement exécutés à coups de 380 mm ; le Pola toujours immobilisé et les contre torpilleurs de l’escorte, les Alfieri et Carducci sont coulés par les torpilles des destroyers britanniques Jervis et Nubian ; le cuirassé Vittorio Veneto sera lui sauvé par la nuit, les avions du Formidable ne le retrouvant pas. L’amiral Iachino arrivé à Tarente apprit par la radio, la perte de 5 de ses navires.

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Les trois croiseurs italiens coulés à Matapan photographiés à Naples en 1938 ; en partant du premier plan: le Fiume ; le Zara et le Pola

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Une autre vue de ces trois croiseurs à Naples en 1938, le quatrième à gauche est le Gorizia ; la classe est au complet

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Le vainqueur, le porte-avions HMS Formidable

Cette victoire totale pour les britanniques alors que la supériorité navale semblait acquise aux  italiens, est à mettre à l’actif de leur unique porte-avions et de leurs radars, l’un et les autres  manqueront aux italiens pratiquement jusqu’à la fin de la guerre ; un essai de radar sera bien tenté par ces derniers en 1942 ; mais il était déjà trop tard.

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6 04 1941   

La Wehrmacht envahit la Yougoslavie et la Grèce. La première va tomber en 13 jours, la Grèce tiendra jusqu’au 28 mai 1941 – chute de la Crète – grâce au soutien britannique.

7 04 1941  

Premier vol d’un avion à réaction anglais : le Gloster E.28/39. Son père se nomme Frank Whittle. Les Allemands ont fait voler leur Heinkel He 178 presque deux ans plus tôt.

Un Meteor F.Mk.4 de la RAF

Son successeur, le Gloster Meteor F Mk 4, qui sera mis en service le 5 mars 1943

13 04 1941 

Pacte de neutralité entre le Japon et la Russie, pour cinq ans.

16 04 1941 

Pierre Montet, professeur à l’Université de Strasbourg, dirige une mission archéologique à Tanis, capitale fondée sous la XXI° dynastie, autour de l’an mille av. J.C. dans la partie est de l’estuaire du Nil. Il a déjà quelques belles trouvailles à son actif : le 27 février 1939, il a trouvé la dépouille du monarque Osorkon II (874-850), trois semaines plus tard, le 17 mars 1939, la seconde tombe royale, le 17 février 1940, la chambre intacte du pharaon Psousennès I° (1039-991) et maintenant la chambre du roi Aménémopé (993-984), elle aussi intacte et voisine de la précédente. Les bijoux trouvés à Tanis ont peu à envier à ceux trouvés dans la vallée des Rois par Howard Carter, dix neuf ans plus tôt dans la tombe de Toutankhamon. Ouchebtis (statuettes funéraires), canopes, vases en or ou en argent… Sur l’intérieur du couvercle du sarcophage, Nout, protégeant de ses bras levés la momie royale : Oh mère Nout, déploie tes bras sur moi et protège-moi aussi longtemps que brillent les étoiles impérissables.

En Europe de l’ouest, dans le camp allié, l’heure n’était pas au triomphalisme, aussi ces découvertes n’eurent-elle pas le retentissement de celles de Carter, mais ces circonstances n’enlèvent rien à leur immense valeur.

Le convoi italien Tarigo transporte hommes et munitions depuis Naples vers Tripoli. Retardé à cause de mauvaises conditions météorologiques, le convoi se retrouve de nuit dans une zone dangereuse, près de l’archipel tunisien des Kerkennah, au sud-ouest de Malte. Après avoir repéré le convoi grâce à leur équipement radar, les unités britanniques prennent le temps de se placer au nord pour attaquer le convoi par la poupe : torpillés à deux mille mètres, les destroyers Lampo et Baleno coulent, ainsi que les paquebots Adana et Arta et le navire marchand Sabaudia. Le Luca Tarigo de De Cristofaro, dernier bâtiment de la formation, fut torpillé, la passerelle touchée, les appareils de transmissions détruits, huit des onze officiers tués. (Plusieurs d’entre eux, avant de mourir, avaient réussi à riposter et à couler le destroyer Mohawk.) La perte de ce convoi aura un grand retentissement auprès de l’opinion publique italienne convaincue que les Britanniques étaient maîtres de la mer, même si depuis plusieurs mois, de nombreux convois avaient traversé sans encombre la Méditerranée. Dino Buzzati, envoyé du Corriere della sera, en fait le récit :

Touché par une grenade qui lui arracha la jambe, il refusa d’être transporté dans un lieu plus sûr et il autorisa seulement qu’on pansât son membre mutilé, non pas pour vivre, mais pour continuer à combattre. Tels sont les mots de la récente citation pour la médaille d’or à la mémoire du capitaine de frégate Pietro De Cristofaro, originaire de Naples, commandant de torpilleur. Ces lignes sont connues de tous, ou presque. Mais le magnifique combat au cours duquel De Cristofaro perdit la vie n’a jamais été raconté.

Sur toute la superficie de la mer en guerre, on a rarement vu de telles manifestations d’héroïsme. Les faits bouleversants, qui se déroulèrent en quelques minutes dans l’espace étroit du petit navire, sont si nombreux que l’on a peine à y croire. Lorsque l’ultime espoir eut disparu, ce n’est pas le désespoir qui gagna ces hommes, mais au contraire un feu de stoïque émulation. Il n’exista plus que le désir d’être digne du commandant et de montrer à l’ennemi qui étaient les marins italiens. C’est ainsi que dans la nuit, de part et d’autre de la passerelle d’où rayonnait l’attitude exemplaire du commandant, une histoire sublime prit forme.

Nous avons rencontré un des rares officiers survivants. Il nous a dit : Je préférerais ne pas en parler. Je ne pourrais que raconter les faits nus, sans fioritures. Nous avons fait une sorte de pacte avec mes compagnons rescapés. Dès que nous serions ramenés à terre et soignés à l’hôpital, nous nous sommes promis de parler le moins possible. Il nous fit en effet un compte rendu sobre, ne disant mot de tout ce qui concernait le courage humain (nous avons déduit le reste après coup à partir de l’ordre du jour contenant les citations).

Il n’est pas besoin d’adjectifs pour faire comprendre la grandeur de cette nuit-là. Le seul récit du fait est déjà suffisamment puissant. Jugez donc par vous-mêmes. Le capitaine de frégate De Cristofaro commandait le torpilleur d’escorte d’un convoi, dans des eaux particulièrement dangereuses. Il faisait nuit et des nuages couvraient la lune. Le bâtiment avançait en tête de la formation. Vers deux heures trente, de brefs et rapides éclairs balayèrent la proue et des explosions retentirent. La queue du convoi venait d’être attaquée soudainement par les forces ennemies. De Cristofaro fit aussitôt demi-tour pour venir au secours des paquebots. (Du combat, l’officier ne nous a raconté que la partie concernant son navire ; nous ne pouvons dire par conséquent ce que firent, avec un courage identique, les autres unités présentes.)

On ne vit d’abord que les éclairs brefs des artilleries ennemies, la trajectoire lumineuse des tirs, les flammes rouges des explosions. Combien étaient les Anglais ? Nombreux, trop nombreux, à en juger par le nombre des tirs. En réalité, il s’agissait de trois croiseurs et de quatre imposants destroyers : des forces d’une supériorité écrasante. Au moment où s’approchait le torpilleur, émergea de l’obscurité la silhouette d’un croiseur, défilant sur tribord à contrebord. C’était un géant comparé au torpilleur. Mais De Cristofaro ordonna de donner l’assaut.

À travers les ténèbres, on observa les faits suivants : le croiseur, avec des canons de 152, ouvrit un tir nourri à moins de cinq cents mètres et à cette distance terrible, contrainte par le duel nocturne, manquer sa cible était pratiquement impossible. Le torpilleur répondit immédiatement avec ses moyens calibres. Mais les salves anglaises le frappaient déjà. On entendait de sinistres déflagrations. La lutte était trop inégale, aussi bien par la puissance que par le nombre des armes. La vaillance des matelots ne pouvait suffire. Au moment où le commandant ordonna Feu ! pour les tubes de lancement des torpilles avant, aucune torpille ne partit ; les obus avaient déjà détruit l’installation. Au même moment un projectile tomba sans exploser sur la passerelle, mais il toucha le commandant et lui scia une jambe au-dessus du genou. Un autre suivit aussitôt, qui causa des dégâts catastrophiques. Dans l’obscurité, la noble figure du commandant ne se distinguait plus ; il gisait à terre, dans une mare de sang. Mais on entendit sa voix ; elle n’avait pas changé, forte et résolue. Elle donna ordre au timonier : À droite toute ! Virer à tribord signifiait s’approcher au plus près de l’ennemi.

Le timonier ne put obéir. Lui aussi gisait sur le sol et ne donnait plus signe de vie. C’est le sous-lieutenant de vaisseau Domenico Balla (un des rescapés) qui tenta de prendre la barre : mais la roue tournait à vide, les boussoles étaient éteintes. Tout semblait perdu. Contre le torpilleur, ce n’était plus seulement le croiseur qui tirait. D’autres navires s’étaient approchés et, concentrant le faisceau de leurs projecteurs sur la frêle unité, ils la criblèrent de projectiles : des salves d’obus, des rafales de mitrailleuses de calibre 40 à huit coups, fauchaient l’équipage. Pourtant, personne ne pensait à sauver sa propre vie. Une sorte de fureur guerrière démultipliait toutes les forces encore intactes. Comme le gouvernail électrique était hors d’usage, Balla, assisté de l’officier de tir, du lieutenant de vaisseau Mauro Miliotti et de son collègue Ettore Bisagno, descendit à la poupe pour actionner le gouvernail manuel. Les transmissions de la direction de tir étaient elles aussi hors d’usage, les intrépides canonniers passèrent au pointage direct, réparèrent les installations endommagées et martelèrent les Anglais sous leurs obus, jusqu’à ce que les munitions fussent épuisées. Le commandant avait fait panser son membre arraché, afin d’arrêter un peu le sang. Se tenant sur ses deux mains, il était assis très droit et continuait à crier les ordres de combat. Alors qu’il vivait ses derniers instants, il sentait son navire comme une puissante arme entre ses mains, qui pouvait encore nuire à l’ennemi. Quelle joie lorsqu’il entendit les tirs rageurs de ses propres canons et le fier crépitement de ses mitrailleuses. Et quelle angoisse lorsqu’il les entendit se taire les uns après les autres.

C’est alors que dans l’obscurité épaisse de la passerelle, un homme est apparu. Il se traînait à grand-peine, s’accrochant aux saillies des cloisons, titubant. C’était le chef des machines, Luca Balsofiore, capitaine du génie maritime. Mortellement blessé, il avait perdu la vue et il revenait auprès de son commandant pour lui dire qu’il avait fait tout son possible, que les machines étaient paralysées et qu’il voulait mourir à ses côtés.

Les artilleries étaient détruites, les munitions achevées, le navire était désormais réduit au silence. L’abysse l’appelait et commençait déjà à aspirer sa coque déchirée. Non, il n’était pas encore vaincu. Alors que le sacrifice semblait entièrement consommé et la lutte à son terme, alors que tous croyaient qu’il ne restait plus qu’à mourir, la frêle forteresse démantelée se redressa contre l’ennemi. Blessé, le sous-lieutenant de vaisseau Ettore Bisagno, officier en charge des armes sous-marines (lui aussi secouru par la suite) se rendit avec le sergent Adriano Mazzetti et quelques autres torpilleurs, tous blessés et ruisselants du sang de la mitraille, jusqu’aux tubes de lancement arrière, alors même que le navire commençait à donner de la gîte. Il réussit à faire partir trois torpilles. C’était la dernière arme à bord. Quelques instants plus tard, trois explosions effroyables incendièrent le flanc d’un destroyer britannique et éventrèrent sa coque. La déflagration fut un coup de tonnerre dans la nuit.

La vengeance avait été exécutée. Le navire pouvait mourir sereinement. Un spectacle d’une beauté et d’une solennité sans pareilles se déroula dans les ténèbres, semblable à un rituel. Prenant un risque extrême, le sous-lieutenant du génie maritime Spartaco Amodio (qui sera sauvé par la suite) est descendu dans le carré des officiers pour prendre le pavillon du navire. Et alors que le commandant était en train de mourir dans la passerelle et que le second avait déjà rendu l’âme, l’officier de tir Miliotti agita pour la dernière fois vers le ciel l’étendard, au-dessus du petit groupe des rescapés réunis à la poupe. Puis ces hommes entonnèrent le salut suprême des soldats de la mer : Vive l’Italie ! Vive le Roi ! Vive le Duce ! tandis que l’enseigne de vaisseau de deuxième classe Arnaldo Arioli le plus jeune et le plus pur des officiers de bord, enveloppait sa poitrine dans le pavillon de combat, pour le rapporter dans sa patrie ou bien mourir avec lui ; peu après, emportant avec lui le témoin sacré, il entrait dans le ciel des héros.

Ainsi prit fin ce combat, digne d’éternelle mémoire. Et les phrases écrites jusqu’ici sont bien misérables, elles ne sont qu’un pauvre squelette de l’épopée. Il ne s’agit pas de nous, aucun autre ne pourra jamais raconter un pareil événement d’assez digne et juste façon ; personne ne pourra jamais décrire le dernier regard du commandant, l’extrême éclair de ces yeux qui entrevirent, entre les funestes lueurs, l’ombre du navire ennemi en train de sombrer et qui surent qu’il ne servait plus à rien de vivre une minute de plus. Ses paupières enfin pouvaient se refermer sur ses pupilles apaisées.

Dino Buzzati. Corriere della Sera, 23 janvier 1942. Chroniques de la guerre sur mer. Belles Lettres 2014

23  04 1941   

Naissance de la police nationale. Auparavant, il n’était de police que municipale. Au sein du ministère de l’intérieur est créée la Direction générale de la police nationale, elle-même divisée en trois entités : la police judiciaire, les renseignements généraux, la sécurité publique. L’organigramme durera beaucoup plus longtemps que ses créateurs. Autre mesure choc : la création des GMR (groupes mobiles de sécurité), corps d’élite consacré au maintien de l’ordre, les ancêtres des CRS. Une École nationale pour la formation des cadres ouvre près de Lyon, des écoles régionales de police apparaissent un peu partout. Le gouvernement a mis le paquet : nouveaux locaux, salaires revalorisés, uniformes inspirés de la SS pour les gradés Vichy…

1 05 1941 

Partage des Balkans entre l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie et la Bulgarie. Un État fantoche est crée en Croatie, avec à sa tête Ante Pavelitch, fondateur des oustachis, une société secrète d’extrême droite. 8 millions de juifs se trouvent alors sous administration du Reich. Vichy officialise la fête du travail et de la Concorde sociale : jour chômé, sans perte de salaire, mais 50 % de celui-ci sera versé au Secours national.

3 05 1941    

Herman Goering se rend au musée du Jeu de Paume où sont stockées en priorité les œuvres d’art pillées par les Allemands [qui mobilisent aussi pour le même usage trois salles des antiquités orientales du Louvre, surnommées Le séquestre allemand ] pour y faire son marché. Il est accompagné par le conservateur Rosa Antonia Valland, dite Rose Valland, native de Saint Étienne de Saint Geoirs proche de Grenoble, de milieu très modeste, brillante : sans  avoir jamais appris l’allemand à l’école, elle le parle après quelques séjours. Dès le 30 octobre 1940, Jacques Jaujard, directeur des Musées Nationaux, l’avait chargée de dresser un inventaire des collections y transitant et obtenu des Allemands le maintien sur place d’une assistante. À ce poste, Rose Valland observait les arrivées des caisses de biens spoliés à des particuliers, à leur présentation, à leur tri, à leur départ vers l’Allemagne, véritable travail de bénédictin, n’hésitant pas à faire les poubelles en déchiffrant les carbones retirés des corbeilles à papier, écoutant les conversations des officiers nazis. Elle sera mise à la porte de Jeu de Paume à 4 reprises. Chaque fois elle reviendra le lendemain pour reprendre ses fonctions et continuera son travail de souris. Elle fournit des informations à la Résistance sur les trains qui transportent les œuvres, afin que ces convois soient épargnés. Dès l’automne 1944, elle informe les Américains afin d’éviter le bombardement en Allemagne des sites de stockage supposé des œuvres volées et faciliter leur récupération. À la fin de la guerre, elle participera activement en Allemagne à la récupération des œuvres d’art, témoignera au procès de Nuremberg, mais aussi à la reconstruction des musées allemands. Français et Américains ne seront pas avares de médailles pour celle qui avait permis de retrouver tant de tableaux. On aurait aussi bien pu lui proposer de garder celui qu’elle préférait…

Rose Valland, héroïne discrète - La Libre

 

Le monde des marchands de tableaux a toujours été complexe, subtil, affectif autant qu’affairiste, et en temps de guerre encore plus : pour que les collections de tableaux déménagées à l’initiative de Jacques Jaujard du Louvre dans des châteaux de province soient restées hors de portée de l’avidité allemande alors qu’elles étaient très souvent en zone occupée, c’est-à-dire à la merci des Allemands, il a bien fallu qu’il y ait, justement du coté allemand, des sympathies qui soient plus fortes que l’intérêt immédiat du Reich : cet homme, c’était le comte Franz von Wolff-Metternich zur Gracht, nommé représentant culturel en France en juin 1940, qui sera en fait de connivence avec Jacques Jaujard, directeur des musées nationaux, pour qu’on ne touche à rien, qu’on ne procède à aucun mouvement de ces œuvres déménagées du Louvre : son attitude particulièrement favorable au sauvetage du patrimoine français ne pourra que déplaire à Berlin où Hermann Goering ne pensait qu’au pillage. Le comte Metternich sera rappelé à Berlin en 1942.

Le jeu auquel se seront livrés Jacques Jaujard, Metternich, Rose Valland pour contrer et limiter au mieux les appétits féroces d’Hitler, de Goering, du colonel von Behr, chef de l’ERR – Einsatzstab Reichleiler Rosenberg -, a du être subtil, délicat, usant. Malgré cette résistance les pillages furent considérables, concernant entre autres les 94 collections juives – David Weill, Reichenbach, Bernheim, Jacobson -, mises à l’abri dans les musées nationaux avant la guerre, pillées par les dignitaires nazis, sans que l’administration française puisse ou veuille s’y opposer.

Des tableaux, il y en a tant et tant, et dans tous les pays envahis par Hitler qu’on est jamais à l’abri de surprises ahurissantes : ainsi celle des douanes allemandes qui contrôleront en septembre 2010 entre Munich et la Suisse Cornelius Gurlitt, un allemand lesté d’une enveloppe de 9 000 €… ils penseront en premier lieu à une banale fraude fiscale, mais les services concernés ne connaissent pas de Cornelius Gurlitt, pas plus que n’importe quel autre service : ce monsieur n’avait pas d’existence légale ! Le 28 février 2012, dans son appartement, les douaniers découvrent en premier lieu de véritables murs de conserves aux dates de consommation périmées depuis forts longtemps, mais derrière ces paravents se cachaient 1 280 tableaux ! et pas du peintre du dimanche de la campagne allemande, non : des Auguste Renoir, Henri Matisse, Pablo Picasso, Marc Chagall, Courbet, Paul Klee, Oskar Kokoschka, Max Beckmann, Franz Marc, Otto Dix, Max Liebermann, Ernst Ludwig Kirchner, etc… Sur ces 1 280 tableaux, 300 environ proviendraient de saisies nazies, les autres d’achats publics et bon nombre de provenance inconnue.  Il y a là une gigantesque fortune. Les douaniers aiment être tranquilles : l’affaire ne sortira dans la presse – l’hebdomadaire Focus – que le 4 novembre 2013Deux ans plus tard, en février 2014, c’est encore 238 autres œuvres qui seront découvertes à Salzbourg, dans une maison appartenant encore à Gurlitt ! De quoi s’agit-il ?

Il était une fois Hildebrand Gurlitt, historien de l’art et marchand, père de Cornelius, né à Dresde en 1895, premier directeur de l’Albert König Museum de Zwickau, dans sa Saxe natale. En 1930, il est démis de ses fonctions parce qu’il défend trop ostensiblement l’art moderne, que le parti nazi désigne déjà comme l’un de ses ennemis idéologiques. À cette date, Gurlitt est du côté des artistes contemporains – et ostracisé pour cette raison. Pour autant, après 1933, il devient l’un des acheteurs attitrés du Führermuseum qu’Hitler veut ériger à Linz : la reconversion laisse songeur. Désormais un homme sûr aux yeux du III° Reich, il peut développer en toute quiétude son commerce à Berlin et Hambourg.

En 1937, l’opération Entartete Kunst – art dégénéré – est orchestrée par Hitler et le Parti national-socialiste, des hiérarques aux fonctionnaires subalternes. Près de 16 000 œuvres sont pillées dans les collections d’une centaine de musées allemands, mais aussi dans des collections privées juives.

Une exposition a lieu à Munich en 1937, sous ce même titre, Entartete Kunst. Elle a pour but de dénoncer dans l’art contemporain un complot – juif et bolchevique assurément – visant à la corruption de l’âme allemande et des traditions artistiques nationales.

[…] Expressionnisme, cubisme, futurisme, abstraction, Dada, surréalisme : aucun mouvement n’est épargné. Les artistes visés qui n’ont pas encore émigré comme l’ont fait déjà Max Beckmann, Max Ernst, Raoul Hausmann ou George Grosz, se retirent dans une semi-clandestinité que surveille la Gestapo – c’est le cas d’Otto Dix – ou se suicident – Ernst Ludwig Kirchner en 1938. L’exposition terminée, restent les œuvres. Elles ne sont pas toutes détruites, loin de là. Le 31 mai 1938, Goebbels crée la Kommission zur Verwertung der Beschlagnahmten Werke Entarteter Kunst, commission pour l’exploitation des œuvres d’art dégénéré : il faut rentabiliser le pillage. Les membres de cette commission sont Alfred Rosenberg, Adolf Ziegler, Heinrich Hoffmann, Karl Haberstock et Robert Scholz. Ils ouvrent une salle de vente au château de Schönhausen, près de Berlin.

Quatre marchands y ont pour fonction de vendre les œuvres : Karl Buchholz, Bernhard Böhmer, Ferdinand Möller et Hildebrand Gurlitt. Selon la même tactique, pour financer le III° Reich, à Lucerne, en Suisse, la galerie Theodor Fischer organise, le 30 juin 1939, la vente aux enchères des toiles susceptibles d’être achetées le plus cher : des Gauguin, des Van Gogh, des Picasso, des Chagall, des Beckmann sont acquis pour des collections européennes – le Musée de Liège entre autres – et américaines – celui de Saint-Louis (Missouri), par exemple. Pendant ce temps, plus discrètement, les quatre marchands font leurs affaires. Ils vendent ou, dans le cas de Gurlitt au moins, ils stockent. Parmi les 1 500 œuvres retrouvées à Munich, près de 300 ont été identifiées comme ayant figuré dans l’exposition Entartete Kunst.

Hildebrand Gurlitt a donc accaparé ces œuvres – ou les a payées à vil prix – en 1938 et leur a fait traverser la guerre sans dommage. En 1945, quand le III° Reich s’est effondré, il a affirmé que sa collection avait disparu dans la destruction de sa maison, à Dresde, lors du bombardement de la ville en février 1945. Les autorités alliées l’ont cru, d’autant plus qu’il pouvait se prévaloir de son éviction de Zwickau en 1930 et de sa position initiale de défenseur des Modernes. Quand il est mort accidentellement, en 1956, il avait depuis longtemps repris son travail au grand jour. Sa réputation était nette et son fils a pu entrer aisément en possession de ses biens, y compris de ses biens secrets.

Son nom n’a commencé à apparaître dans l’histoire des pillages nazis et du très fructueux commerce qui en est né que bien plus tard. Il est désormais voué à y tenir le premier rang. Surtout que sa collection ne se compose pas exclusivement des œuvres prises par les nazis dans les musées : elles n’en forment que le cinquième. Les premières recherches de provenance suggèrent que Gurlitt, fort de ses appuis officiels, avait aussi pour habitude de racheter pour des sommes dérisoires des œuvres à des collectionneurs juifs qui cherchaient à fuir le III° Reich. On imagine sans peine les termes du chantage auquel il se livrait alors.

Par ailleurs, une toile de Matisse, un portrait de femme, aurait appartenu au marchand parisien Paul Rosenberg, dont le meilleur de la collection, dissimulé dans un coffre de la Banque nationale pour le commerce et l’industrie, à Libourne (Gironde), fut saisi en 1941 sur dénonciation et conduit au Jeu de paume, là où les nazis de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) trafiquaient les œuvres prises dans les collections juives françaises. Ce détail confirme qu’Hildebrand Gurlitt a été l’un des clients de l’ERR à Paris. On sait de surcroît, grâce au dépouillement des archives des ventes parisiennes, qu’il achetait aussi à l’Hôtel Drouot. Ainsi le 11 décembre 1942, des Corot, des Degas et un paysage de Cézanne – 5 millions de francs de l’époque pour cette seule toile, enchère record pour la période de l’Occupation. Hildebrand Gurlitt ne pouvait avoir le moindre doute sur l’origine criminelle des œuvres qu’il accumulait ainsi. Son fils Cornelius ne pouvait pas en avoir davantage. Il a donc choisi la clandestinité, vendant de temps en temps une œuvre pour continuer à vivre caché. Jusqu’à un fatal voyage en train vers la Suisse…

Très publiquement, dans les années précédant sa mort, en 1956, Hildebrand Gurlitt dirigeait le Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen, principal musée d’art du XX° siècle de Düsseldorf. Ce détail laisse sceptique sur la dénazification des milieux culturels après 1945. Les recherches sur la provenance des œuvres s’annoncent longues.

Reste désormais aux experts une tâche immense : reconstituer la trajectoire de chaque pièce et retrouver les héritiers des propriétaires. Ce travail permettra d’en savoir encore beaucoup plus sur ce qui s’est réellement passé jusqu’en 1945 sur le marché de l’art, en Allemagne évidemment, mais aussi dans les pays occupés, à commencer par la France.

Philippe Dagen. Le Monde du 5 novembre 2013.

Le  voyage du tableau de Matisse Profil bleu devant la cheminée, aussi nommé Robe bleue devant un fauteuil ocre mérite d’être conté, parfaite illustration du degré d’hypocrisie régnant dans le marché de l’art, se terminant pas des numéros de funambulisme d’image de façon à se rétablir au final dans du politiquement correct.

En avril 1941, les agents de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), avaient donc saisi à Libourne l’essentiel de la collection – 162 œuvres en tout – de Paul Rosenberg, dont Profil bleu  et 16 autres Matisse, Picasso, Braque, Masson, transférés au Musée du Jeu de Paume à Paris. Profil Bleu est enregistré, photographié recto et verso, le 5 septembre 1941 par Helga Eggemann et Anne-Marie Tomförde, deux employées. Le 10 mars 1942, d’après sa fiche, il est cédé à un marchand allemand aryen, Gustav Rochlitz, qui le revend au Français Paul Pétridès. Aucun d’eux ne peut avoir de doute sur l’origine frauduleuse de la toile, qui porte au dos les lettres PR, pour Paul Rosenberg. À une date inconnue, Paul Pétridès revend le Matisse à un de ses confrères parisiens, Henri Bénézit, lui aussi connu pour son implication dans ce trafic. Un peu plus tard, Henri Bénézit le cède au collectionneur norvégien Niels Onstad, dont on ne peut savoir s’il se doute de l’origine du tableau. En 1956, Niels Onstad épouse Sonja Henie, championne de patinage puis actrice, richissime. En 1961, le couple décide de faire de sa collection une fondation à leurs deux noms, ouverte en 1968 : c’est le  Henie Onstad Kunstsenter (HOK) dont le Matisse devient le joyau. Jusqu’en 2012, nul ne s’interroge sur le passé de la toile, parmi les conservateurs du HOK. Ils acceptent donc de la prêter au Centre Pompidou pour l’exposition Henri Matisse, paires et séries. C’est alors que les enquêteurs de l’Art Lost Register (ALR) la repèrent. Leurs recherches et celles de la spécialiste française Emmanuelle Polack reconstituent bientôt toute l’histoire. Commencent alors les contacts entre le HOK et les avocats des héritières Rosenberg – Elaine Rosenberg et ses filles, à New York, et Anne Sinclair, en France. Après avoir tenté dans un premier temps de conserver l’œuvre en mettant en doute les conclusions des experts, le musée, se voyant confondu, inverse sa stratégie : le 21 mars 2014, il restitue sans conditions aux héritières de Paul Rosenberg le tableau d’Henri Matisse, décision de la plus grande rareté. Appelée à faire jurisprudence ? L’avenir le dira. Il se glorifie ainsi de respecter le droit international et annonce même vouloir réexaminer l’origine d’autres œuvres en sa possession. Sage précaution : Niels Onstad avait acheté chez Bénézit un deuxième Matisse, un Bonnard et un Picasso.

Résumé de Philippe Dagen. le Monde du 23 mars 2014

6 05 1941

Richard Sorge, de mère russe et de père allemand a adhéré au parti communiste à 25 ans. Il est officiellement correspondant de guerre pour le Frankfurter Zeitung à Tokyo. Il fréquente assidument  l’ambassade d’Allemagne où il apprend la date de la très prochaine opération allemande Barbarossa, qu’il communique à Moscou, puisqu’en fait il espionne pour le compte de la Russie soviétique. Mais Staline se refuse à le croire. Il ne se décourage pas et plus tard, informera Moscou que le Japon n’a pas l’intention d’attaquer la Russie, mais bien les États-Unis, dans le Pacifique : il avait appris que l’armée japonaise avait commandé pour ses soldats des millions de shorts, et en avait donc déduit que ce n’était pas la Sibérie que visaient les Japonais. Cela permettra à Staline de déshabiller le front oriental pour renforcer le front occidental. Malgré tout, Richard Sorge sera pendu au Japon en novembre 1944 : Staline ne pouvait laisser vivant un témoin de son aveuglement de mai 1941.

8 05 1941  

Création de la LVF – Légion des Volontaires Français [avec un statut d’association 1901 !] – bras armé aux côtés des Allemands d’une kyrielle de petits partis français, dont Le Rassemblement National Populaire de Marcel Déat, le Parti populaire Français de Jacques Doriot, le Mouvement Social Révolutionnaire d’Eugène Deloncle. Pétain soutient l’initiative du bout des lèvres, Hitler s’en méfie beaucoup et impose des critères de sélection draconiens, si bien que l’effectif n’ira pas au-delà de 5 800 hommes. Elle sera rebaptisée plus tard Légion Tricolore, avant d’intégrer, en 1944 la Division SS Charlemagne. La plupart de ces hommes mourront sur le front russe. Les survivants auront droit à une pension versée par le gouvernement allemand, qui refusera de donner les noms au gouvernement français.

Tous ces partis avaient au moins en commun un farouche anticommunisme. Le cas de Marcel Déat est révélateur de nombre de vies d’où la cohérence s’est rapidement évacuée : agrégé de philosophie, son cœur penchait à gauche, une gauche nettement pacifiste, opposée au marxisme et au collectivisme, pourfendant vigoureusement racisme et antisémitisme : Nous sommes un peuple métis.  En Novembre 1937, de Gaulle, qui l’avait rencontré à plusieurs reprises, écrivait de lui à l’avocat Jean Aubertin : Déat a sans aucun doute un grand talent et une haute valeur. En 1939, il avait publié dans l’Œuvre une charge virulente contre la politique étrangère anglaise, accusant de bellicisme le gouvernement français pour s’être mis à leurs côtés. Ainsi il avait approuvé l’armistice le 22 juin 1940, le pacifisme de Laval pesant beaucoup dans la balance même si Pétain le détestait franchement. Il avait fondé le RNP – Rassemblement National Populaire – en 1941, ultra-collaborationniste regroupant surtout d’anciens militants socialistes et quelques parlementaires de droite, séduits par les modèles allemands et italiens. Le RNP connaîtra son apogée en 1942 avec environ 30 000 membres.

Jacques Doriot, ça se résume à une blessure d’ego : valeureux soldat en 14-18, il avait adhéré par la suite à la Troisième Internationale au sein de la SFIO (c’était avant la scission) et était devenu le représentant français des Jeunesses communistes. En 1923 il avait écopé d’un an de prison pour menées subversives au Maroc, à partir de 1924, membre du Bureau politique du parti communiste, en 1932, largement élu député à Saint Denis quand le Parti subit un sérieux revers dans son ensemble. Il se met alors à ruer dans les brancards, à exiger l’union des socialistes et des communistes ce qui commence à agacer les hautes sphères du Parti, et cela se termine par une exclusion pure et simple, votée à l’unanimité au congrès de juin 1934. Profondément blessé dans son ego et ivre de vengeance il avait fondé le Parti Populaire Français en juin 1936 dont la priorité était de lutter contre le parti communiste. Tu brûleras ce que tu as adoré et tu adoreras ce que tu as brûlé, ainsi fonctionnait Jacques Doriot, qui mourra sous les balles d’un avion dans la voiture qu’il occupait le 22 février 1945 sur la commune de Menningen, dans le Base Wurtenberg, ayant suivi Pétain au château de Sigmaringen. À l’apogée de ses effectifs, le PPF comptait 130 000 membres en 1937, mais le congrès de 1942 ne comptera que 7 200 présents.

9 05 1941    

On donne à Vichy une représentation de L’annonce faite à Marie, de Paul Claudel : le poète y joint en prologue ce poème au Maréchal, qui sera publié le lendemain par Le FigaroMonsieur le Maréchal, voici cette France entre  vos  bras, lentement qui n’a que vous et qui ressuscite à voix basse. II y a cet immense corps, à qui le soutient si lourd et qui pèse de tout son  poids. Toute la France d’aujourd’hui, et celle de demain avec elle, qui est la même qu’autrefois ! Celle d’hier aussi qui sanglote et qui a honte et qui crie tout de même elle a fait ce qu’elle a pu ! C’est vrai que j’ai été humiliée, dit-elle, c’est vrai que j’ai été vaincue. II n’y a plus de rayons à ma tête, il n’y a plus que du sang dans de la boue. II n’y a plus d’épée dans ma main, ni l’égide qui était pendue à mon cou. Je suis étendue tout de mon long sur la route et il est loisible au plus lâche de m’insulter. Mais tout de même il me reste ce corps qui est pur et cette âme qui ne s’est pas déshonorée ! Monsieur le Maréchal, il y a un devoir pour les morts qui est de ressusciter. Et certes nous ressusciterons tous au jour du jugement dernier. Mais c’est maintenant et aujourd’hui même qu’on a besoin de nous et qu’il y a quelque chose a faire ! France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père. Fille de Saint-Louis, écoute-le ! Et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ? Cette proposition comme de l’huile et cette vérité comme de l’or…

10 05 1941   

Rudolf Hess, membre du conseil de la Défense du Reich, s’envole pour le nord de l’Angleterre aux manettes d’un Messerschmitt Bf 110 : pris sous le feu de la DCA, il saute en parachute au-dessus de l’Ayrshire en Écosse. Il se casse la cheville et se fait cueillir par les autorités qui le mettent en prison où il restera jusqu’à la fin de la guerre. Il venait négocier une paix avec l’Angleterre en leur annonçant l’imminence d’une attaque contre la Russie. Cela n’ira pas bien loin ; il ne rencontrera jamais Churchill. Mais il est vrai que l’opposition anglaise aurait vu d’un bon œil une négociation, au cas où lord Halifax aurait pu remplacer Churchill.

14 05 1941  

3 710 Juifs étrangers sont arrêtés dans la région parisienne. S’appuyant sur les listes établies par Vichy dès octobre 1940 pour les premières lois antisémites, les commissariats parisiens avaient envoyé à 6 494 Juifs une convocation sur papier vert, d’où le nom donnée à l’opération rafle du billet vert, ainsi stipulée :

[M. X.] est invité à se présenter en personne, accompagné d’un membre de sa famille ou d’un ami le 14 mai 1941 à 7 heures du matin – suivait une adresse parisienne – pour examen de sa situation. Prière de se munir de pièces d’identité. La personne qui ne se présenterait pas aux jour et heure fixé s’exposerait aux sanctions les plus sévères.

Près de deux mille personnes flairèrent le mauvais coup et préférèrent passer dans la clandestinité en se mettant hors la loi. Presque tous seront déportés à Auschwitz, après des détentions pendant près d’un an dans les camps français de Pithiviers pour 1 710 d’entre eux et Beaune la Rollande pour 2 000. Le 8 mai 1942, 289 d’entre eux seront transférés au camp de Compiègne-Royallieu, d’où ils seront majoritairement déportés vers Auschwitz le 5 juin 1942. Les autres ne tarderont pas à connaître le même sort. Trois convois partent directement en 1942 vers Auschwitz : le 25 juin 1007 déportés, et le 17 juillet 931 déportés, de Pithiviers, le 28 juin de Beaune-La-Rolande 1 047 déportés dont Daniel Finkielkraut, le père d’Alain, qui sortira vivant d’Auschwitz.

https://webdoc.france24.com/rafle-billet-vert/img/01-billet-vert.jpg

Le billet vert

Banalité du mal. Un couple se sépare devant le stade Japy (Paris, XIe arrt, 14 mai 1941, rafle du billet vert, photo : Harry Croner, Mémorial de la Shoah)

 

98 photos inédites sur la rafle du "Billet vert" - Mémorial de la Shoah Mémorial de la Shoah

au gymnase Japy, les hommes arrêtés sont dans les tribunes

les familles attendent

14 mai 1941 - La « rafle du billet vert » - Herodote.net

camp de Beaune la Rolande

Histoire : découverte d'un film tourné en 1941 dans le camp de Beaune ...

19 05 1941 

Naissance de la Ligue pour l’indépendance du Vietnam.

25 05 1941   

Vichy poursuit la célébration de la fête des mères. Ta maman a tout fait pour toi. Le Maréchal te demande de l’en remercier gentiment. Invente la surprise la plus belle que tu pourras. Une fête plus juteuse que ça, à part Noël, non, non, non, non, cela n’existe pas : elle traversera sans problème tous les barrages d’interdits face à tout ce qui sera censé venir de Vichy [même si c’est faux] : 75 millions d’€ dépensés en 2013 ! Les Grecs fêtaient déjà les mères à travers Rhéa, mère de tous les dieux, les Romains l’ont fait aussi, Napoléon en  a eu l’idée. La première célébration date, en France, du 10 juin 1906, et cela se passait à Artas, en Isère, quand Marie-Louise Bouvard et Marie Philippe, chacune mère de neuf enfants, décrochèrent le prix du haut mérite maternel ainsi que la coquette somme de vingt-cinq francs: Toujours aimable, douce, vigilante, laborieuse et économe, je suis la joie, le soutien et le bonheur du foyer domestique. Puis,  le 16 juin 1918, à Lyon, à l’initiative du colonel de la Croix-Laval : la première Journée des mères. Puis, le 20 avril 1926, est instituée une fête des mères de famille nombreuse, fixée au dernier dimanche de mai. Le Maréchal Pétain n’a fait qu’inscrire cette fête au calendrier, en demandant à chaque école de le rappeler aux enfants : mais il faudra attendre le 24 mai 1950 pour qu’elle soit adoptée par la loi sous la présidence de Vincent Auriol.

27 05 1941    

La Royal Navy vient à bout du cuirassé orgueil de la Kriegsmarine : le Bismarck [2 065 hommes, 251 mètres de long, 8.63 m de tirant d’eau, 31 nœuds, 4 tourelles doubles de 380 mm etc…]. Opérationnel à partir d’août 1940, il avait passé plusieurs mois d’essais en mer Baltique avant de mettre en œuvre avec le croiseur lourd Prince Eugène l’opération Rheinübung : interception de convois entre les États-Unis et l’Angleterre. La Navy les a vite repérés et se lance dans la bataille, mais c’est le Bismarck qui gagne la première manche le 24 mai en coulant à mi-chemin entre la pointe sud du Groenland et de l’Islande le prestigieux HMS Hood, [261 m de long, 1 419 hommes, 32 nœuds, lancé en 1918] et en obligeant le Prince of Wales à rentrer à la maison. Churchill lance alors son ordre : Coulez le Bismarck ! Touché, [il perdait du fuel, ce qui facilitait son repérage] le Bismarck se sépare du Prince Eugène pour se diriger sur Saint Nazaire où il compte réparer. Le 26 mai, il se fait attaquer par des bombardiers torpilleurs Fairey Swordfish du porte-avions Ark Royal : touché à la poupe, par une torpille du Swordfish piloté par John Moffat,  son gouvernail n’est plus opérationnel et il est contraint de ralentir. Rattrapé le lendemain par les cuirassés Rodney et King George V, ceux-ci l’endommagent au point qu’il ne lui reste plus qu’à se saborder : sur les 2 800 obus tirés par la Navy, 400 avaient atteint leur but ! Il y a 114 survivants. Il repose par 4 800 mètres de fond, où le trouvera l’Américain Robert Balard le 8 juin 1989, 650 km à l’ouest de Brest.

Il n’est pas inconvenant de dire quelques mots de Sam le chat mascotte du Bismarck. Retrouvé après le naufrage flottant sur une planche, le destroyer anglais Cossack le recueille et l’adopte en le renommant Oscar ; mais le 24 octobre 1941, le Cossack est endommagé par la torpille d’un U Boot et doit se faire remorquer par le HMS Legion. La tempête achève le Cossack et Sam-Oscar débarque du Legion à Gibraltar d’où un marin l’embarque sur le porte-avions HMS Ark Royal. Torpillé par un U boot, celui-ci rend l’âme à 50 km de Gibraltar qu’il tentait de regagner. Sam-Oscar finira sa vie dans une maison de retraite de marins à Belfast. Il arrive qu’une vie de chat soit pire qu’une vie de chien !

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John Moffat

John William Charlton Moffat, dit « Jock » . 1919-2017

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dernière photographie du Hood, prise depuis le Prince of Wales

Un Swordfish, dit obsolète – des ailes en bois toilé ! 11 m de long ! –  peu après sa naissance qui inflige une blessure mortelle au cuirassé le plus puissant, le plus moderne du monde, orgueil de la Kriegsmarine, il y a de quoi se poser des questions, car le seul talent du pilote n’y suffit pas. C’est en fait la victoire du pragmatisme anglais qui a conduit l’amirauté à en commander 2 391 exemplaires, ; le premier vol a eu lieu le 10 juillet 1933 et l’avion restera en service jusqu’au 21 mai 1945 : exceptionnelle longévité ! Il vole trop lentement ? il n’est pas assez puissant ? Il n’est plus à la pointe du progrès ? Et alors ! Il s’est montré particulièrement apte à être catapulté depuis nos porte-avions, il peut voler à 2 mètres au-dessus de l’eau et se jouer ainsi des radars ennemis. On le garde et on en demande un maximum ! Et le biplan volera de succès en succès : il fera encore des ravages contre les U Boot qui venaient en surface respirer un peu et recharger leurs batteries. Il mettra à mal la marine italienne à Tarente six mois plus tard. Il avait aussi semé la mort le 3 juillet 1940 parmi les marins français de Mers el Kébir, le port militaire d’Oran.

28 05 1941

Quelques jours plus tôt, Darlan a rencontré Hitler à Berchtesgaden. Il signe avec Otto Abetz les protocoles de Paris, par lesquels la France offre un soutien à la Wehrmacht, qui combat en Libye et à la Luftwaffe en mettant à sa disposition la base aérienne d’Alep en Syrie. Mais nombre des dispositions de ces accords ne seront pas appliquées. En contrepartie, Darlan obtient la libération de 961 officiers prisonniers de guerre.

05 1941

En 1934, Paul Angoulvent, banquier spécialisé dans la reprise d’entreprises en difficulté, a acheté 4 maisons d’édition et les a fusionnées dans les Presses Universitaires de France : les P.U.F. Lui vient alors l’idée d’une encyclopédie de poche et c’est le premier exemplaire de la collection que sais-je ? : Étapes de la Biologie, réédité 25 fois. Chaque exemplaire a le même nombre de pages : 128, représentant 250 000 signes. Certains titres tireront jusqu’à 400 000 exemplaires. 2 000 titres sont aujourd’hui disponibles ; ceux qui sont vendus à moins de 500 exemplaires sont retirés.

Création du Front de l’Indépendance du Viet Nam, nommé Viet Minh par ses adversaires, pour lutter contre le fascisme japonais et l’impérialisme français ; il s’implantera solidement dans les provinces septentrionales, moins dans le sud.

2 06 1941

En France, nouveau statut pour les Juifs, plus contraignant. Tristan Bernard [1] essaiera d’en rire : J’appartiens à ce peuple qu’on a souvent appelé élu… Élu ? Enfin, disons, en ballottage.

7 au 8 06 1941

Membres du SOE anglais, les sous-lieutenants Forman, Cabard et Varnier ont été parachutés en France dans la nuit du 11 au 12 mai 1941, pour faire sauter le transformateur de Pessac, en Gironde. Après quelques ratés, ils retrouvent Joel Le Tac et rejoignent ensemble la région Bordelaise. Les quatre hommes pénètrent dans la centrale et disposent les bombes dans leur boites aimantées en moins d’une demi-heure. Dans l’explosion, six des huit transformateurs sont détruits. L’opération est un succès et permet d’immobiliser durablement le poste de Pessac. Les conséquences de cet arrêt sur le trafic ferroviaire et pour la base sous-marine de Bordeaux affecte véritablement les Allemands. Mais les quatre hommes ne trouveront rien de mieux à faire que de fêter bruyamment leur succès dans l’Espagne franquiste, pas loin de là, avec le solde de l’argent de la mission. C’est Londres qui leur avait demandé de rentrer via l’Espagne, mais pas d’y faire la fête!  Ça fait tâche ! Déjà avant même le début de l’opération, les péripéties avaient été nombreuses, ce n’était pas nécessaire d’en rajouter après la fin !

Une première tentative, confiée par le SOE à un stick de six Polonais, à la lune d’avril 1941, avait mal commencé et s’était tragiquement achevée : deux conteneurs ayant été lâchés par erreur à une trop grande distance de la zone de largage, l’opération avait été annulée et l’avion avait rebroussé chemin ; mais à l’atterrissage, il avait capoté et pris feu. Plusieurs membres de l’équipage avaient été carbonisés, et tous les Polonais avaient été gravement blessés. L’avion ainsi détruit étant le seul dont les aménagements permettaient de larguer des containers, il avait fallu, en toute hâte, transformer un autre Whitley et recourir aux parachutistes de la France libre. 

Henri Noguères

Dans la nuit du 11 au , les sous-lieutenants Forman, Cabard et Varnier sont parachutés, avec leur équipement prévu pour le sabotage. L’équipe fait une première tentative. Les trois officiers se regroupent et atteignent l’objectif. Mais la présence d’un câble à haute tension passant au-dessus du mur d’enceinte et le bruit fait par une patrouille les dissuadent d’entreprendre le sabotage, qui leur paraît voué à l’échec. Ils renoncent. Ils manquent le rendez-vous avec le sous-marin qui doit les récupérer près de Mimizan et les ramener en Angleterre.

Forman, à qui avait été communiquée, avant son départ d’Angleterre, une adresse où joindre Joël Le Tac à  Paris, avec qui il avait participé peu avant à l’opération Savanna, utilise ce contact et retrouve Le Tac, qui s’empresse de rallier l’équipe Joséphine B dans la région de Bordeaux.

Début juin, une reconnaissance leur permet de constater qu’il n’y a qu’un gardien à Pessac et qu’il n’y a pas à redouter le passage d’une patrouille. Le sabotage peut être entrepris. Dans la nuit du , ils s’emparent d’un camion pour aller jusqu’à Pessac et pouvoir rapidement gagner le large. Mais le camion tombe en panne. Ils devront faire les trajets à bicyclette.

Dans la nuit du 7 au 8, ils réalisent enfin le sabotage.

Utilisant des bicyclettes — également empruntées — les saboteurs arrivent à pied d’œuvre. Ils retrouvent sans peine leurs explosifs là où ils les avaient cachés la première nuit : dans des fougères à une centaine de mètres du transformateur, et Varnier, l’artificier de l’équipe, s’assure aussitôt que les détonateurs fonctionneront, malgré l’humidité. Forman escalade alors le mur — en évitant soigneusement tout contact avec le câble à haute tension qui ceinture le bâtiment — et, sautant dans la cour, vient, tout simplement, de l’intérieur, ouvrir la porte à ses camarades. L’affaire est ensuite rondement menée. En moins d’une demi-heure les charges de plastic, contenues dans des boîtes aimantées et reliées à des bombes incendiaires, sont placées sur chacun des huit principaux transformateurs. Les quatre hommes s’étaient à peine éloignés, pédalant de toutes leurs forces, que déjà les explosions retentissaient et les flammes montaient vers le ciel, bientôt balayé par les faisceaux des projecteurs de la Flak qui cherchaient vainement les bombardiers…

Henri Noguères

L’équipe passe en zone sud. Le , l’opération de ramassage par Lysander demandée à leur intention échoue. Londres donne l’ordre de faire rentrer l’équipe en Angleterre via l’Espagne.

Wikipedia

8 06 1941 

Après la défaite, l’autorité politique de la Belgique s’était troublée, avec un roi, Léopold III, qui avait reconnu la victoire allemande et était leur prisonnier en Allemagne et un gouvernement réfugié en Angleterre. Pierre Ryckmans, gouverneur général du Congo, avait quant à lui, tranché : le Congo serait du côté des Alliés. À la demande de Churchill, il avait envoyé en Abyssinie le 11° bataillon de la Force publique : 3 000 soldats, 2 000 porteurs ; un officier belge pour cinquante africains. Et ce jour-là, ils prennent Saïo, une ville importante de garnison italienne, proche de la frontière du Soudan : bonne pioche : 9 généraux italiens, 370 officiers, 2 574 sous-officiers, 1 533 soldats indigènes, prisonniers ; les autres troupes indigènes sont renvoyées dans leur foyer. Et de l’armement, 18 canons, 5 000 bombes, 4 mortiers, 200 fusils mitrailleurs, 330 pistolets, 7 600 fusils, 15 000 grenades, 2 millions de cartouches, 20 tonnes de matériel radio dont 3 postes émetteurs, 20 motos, 20 voitures, 2 chars blindés, 250 camions et surtout, 500 mules !

Cette grande victoire contribua fortement au retour de l’empereur Haïlé Sélassié. Et puis, symboliquement, quelle force : des soldats noirs qui font prisonniers des officiers blancs !

9 06 1941   

Philippe Pétain au Conseil des ministres.

96 fotos e imágenes de Vichy Government Philippe Petain - Getty Images

Pétain au centre, Barthélémy à gauche, Huntziger à droite

10 06 1941   

L’Allemagne envahit la Russie, mais Hitler préfère tout d’abord porter ses forces contre Leningrad et l’Ukraine, et retarder l’offensive sur Moscou. L’entrée en guerre de la Russie va provoquer en France un afflux massif de communistes, jusque là paralysées par le pacte germano-soviétique, dans la Résistance.

21 06 1941  

Le chimiste J. Corbières dépose le brevet du Rhovyl, que Damart va abondamment employer dans ses thermolactyl.

Mikhail Gerasimov, anthropologue russe, travaille à Samarcande sur le Gur Emir, le tombeau de Tamerlan. Il exhume le squelette du grand homme – 1.70 m : c’est beaucoup pour l’époque : 1336-1405 – malgré l’inscription sur la stèle : Celui qui ouvrira ma tombe sera victime d’un ennemi plus terrifiant que moi.

Les services secrets russes, en l’occurrence un journaliste allemand et communiste en poste au Japon et dans les meilleurs termes avec l’ambassadeur d’Allemagne au Japon,  avaient été informés de l’invasion de la Russie par Hitler, initialement programmée pour le 15 juin. Mais que vaut  ce genre d’information si elle n’est pas crue par le plus haut responsable de l’État ? Rien, car effectivement Staline n’y avait pas cru, affirmant que ses services secrets s’étaient fait manipuler. Donc la Russie n’était en rien préparée pour faire face à cette invasion.

22 06 1941        

Hitler engage sa plus grande bataille : Barbarossa. Il veut prendre Leningrad, Moscou et l‘Ukraine, avec Kiev, Odessa, Kharkov, Dniepropetrovsk et Donetsk.  Il a surtout besoin du pétrole du Caucase et des minerais russes : il veut mettre à genoux la Russie en 4 mois : de son coté, 145 divisions, 3 flottes aériennes, soit 5 000 avions, 3 800 chars, 5 500 000 soldats. Les Russes avec à leur tête le maréchal Joukov sont inférieurs dans tous les domaines : ils ont 132 divisions, soit 3 000 000 de soldats. Leur aviation, leurs chars sont incomparablement moins performants que ceux des Allemands ; on verra les Stukas [abréviation de Sturzkampfflugzeug] de la Luftwaffe détruire 1 200 avions russes au sol en 48 heures ! Des barrages de mines empêchent-ils la progression des chars allemands ? Ceux-ci envoient Goliath, un mini char téléguidé de 400 kg, bourré d’explosifs assurer le déminage : son efficacité ne sera peut-être pas déterminante, mais on peut considérer qu’il est le père des drônes. En quelques jours les armées allemandes progressent de plus de 100 km. L’ensemble du front cède devant les vagues de Stukas. Une seule résistance, exceptionnelle : celle du général  Andreï Vlassov, 41 ans  qui, à la tête de la 37° armée, aux cotés du 4° corps d’armée mécanisé, résistera et parviendra à briser tous les encerclements.

Winston Churchill, dont l’anticommunisme viscéral est bien connu, ne perd pas un instant pour fixer la ligne de conduite de l’Angleterre : il s’adresse à ses compatriotes à la BBC…. entre deux maux  …

Le régime nazi est la réplique exacte de ce qu’il y a de pire dans le communisme. Il est dénué de tout principe et de tout sens moral, si ce n’est la satisfaction de ses appétits et de ses instincts de domination raciale. Par sa cruauté agissante et la férocité de ses agressions, il dépasse toutes les formes de la malignité humaine. Personne n’a été un adversaire plus opiniâtre du communisme que je l’ai été depuis vingt-cinq ans. Je ne rétracterai pas une seule parole que j’ai prononcée contre lui. Mais tout cela s’efface devant le spectacle sur lequel le rideau se lève maintenant.

Le passé, avec ses crimes, ses folies et ses tragédies, est éclipsé. Je vois les soldats russes debout sur le seuil de leur patrie, protégeant les champs que leurs pères ont labourés depuis des temps immémoriaux. Je les vois gardant leurs demeures où leurs mères et leurs épouses sont en prière – oui, certes, car il y a des jours où tout le monde prie […].

J’ai à vous annoncer la décision du gouvernement de Sa Majesté […] car il nous faut nous expliquer immédiatement sans un jour de retard. J’ai à vous annoncer cette décision, mais pouvez-vous douter de ce que sera notre ligne de conduite ? Nous n’avons qu’un seul but, qu’un seul et irrévocable dessein. Nous sommes résolus à détruire Hitler et tous les vestiges du régime nazi. De cela rien ne nous détournera, absolument rien. Jamais nous ne parlementerons, jamais nous ne négocierons avec Hitler ni avec personne de sa clique. Nous le combattrons sur terre, nous le combattrons sur mer, nous le combattrons dans les airs jusqu’à ce que, avec l’aide de Dieu, nous ayons débarrassé le monde de son ombre et libéré les peuples de son joug. Tout homme, toute nation qui poursuivra la lutte contre le nazisme aura notre appui. Tout homme, toute nation qui marchera avec Hitler sera notre ennemi… Il s’ensuit que nous apporterons toute l’aide possible à la Russie et au peuple russe…. Le péril de la Russie est notre péril, et celui des États-Unis, de même que la cause de chaque Russe combattant pour son foyer est la cause des hommes et des peuples libres dans toutes les parties du monde. Redoublons donc d’efforts et frappons à l’unisson avec tout ce qui nous reste de vie et de puissance. Telle est notre ligne de conduite et notre décision.

*****

C’est le T-34 qui sauve la Grande Mère Russie quand les nazis l’attaquent en 1941 et trouvent en face d’eux une armée quasiment sans généraux – Staline les ayant presque tous fusillés -, désorganisée et retardataire sur le plan militaire, le dinosaure du Kremlin ayant banni les principes stratégiques particulièrement inventifs établis par le maréchal Toukhatchevski – lequel fut collé au mur à cause de son génie – et interdit la forma­tion des grandes unités blindées dont ce dernier voulait disposer, en sorte qu’au début les Allemands s’enfoncent en Russie comme un couteau dans du beurre, battent des armées à plate couture prennent des villes et après chaque attentat fusillent cent otages pour chacun de leurs hommes tombé dans une embuscade, jusqu’à ce qu’ils se fracassent contre l’épaisse mais mobile muraille des T-34 (53 000 exemplaires durant toute la guerre, ultérieurement renforcés, après la bataille de Koursk, de canons de 85 et de blindages encore plus compacts). Une muraille de Chine faite de canons ; gros éléphants comme des tours de Babel sur l’échiquier mais rapides, fulgurants quand ils s’infiltrent en séparant les blindés de pointe ennemis de l’infanterie qui les suit, isolant ainsi les moyens blindés allemands, même les Tiger et les Panther, les contraignant à s’arrêter et portant de ce fait un coup mortel au Blitzkrieg du Führer. Bref, ce T-34 me semble être l’image de la grande Russie, vulnérable et invincible, patiente et souffrante, le pays où les routes qui mènent à Moscou, pour ceux qui les parcourent dans l’intention de la détruire, passent par Poltava, par la Berezina, par Stalingrad…

Claudio Magris. Classé sans suite. Gallimard/L’Arpenteur 2017

24 06 1941   

Après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en 1939, Vilnius avait été rattachée à la Lituanie, dont la population juive avait beaucoup augmenté, après l’occupation soviétique en juin 1940, ces juifs venant de la Pologne occupée par les Allemands qui, deux jours après le déclenchement de Barbarossa, envahissent la Lituanie et commencent à se livrer à une extermination systématique des Juifs. Dès la fin août 1941, la plupart des juifs des campagnes auront été exterminés. Il restera deux ghettos à Vilnius et Kaunas. En septembre 1943, 19 341 juifs seront exécutés en forêt de Ponary. En 2016, des archéologues identifieront six fosses communes, et un tunnel de 30 mètres de long, 2.5 de profondeur, creusé par 80 prisonniers – 76 hommes, 4 femmes -. Onze d’entre eux parviendront à s’évader.

Les États-Unis ne sont pas encore engagés dans le conflit, mais on ne peut déjà plus parler de neutralité : il faut que l’emporte le camp de la liberté, qui n’est ni chez les nazis, ni chez les Russes : Si nous voyons que l’Allemagne gagne, nous devons aider la Russie, et si nous voyons que la Russie gagne, nous devons aider l’Allemagne, les laissant ainsi s’entre-tuer autant que possible, encore que je ne veuille voir à aucun prix Hitler être victorieux. Aucun d’eux [Hitler et Staline] ne respecte sa parole.

Harry Truman, vice-président des États-Unis au New-York Times

25 06 1941 

La 14° division allemande, la police roumaine et de nombreux civils massacrent une bonne partie de la population juive de Iasi, capitale de la Moldavie, au nord-est de la Roumanie. L’opération n’a été rendue possible que par un antisémitisme bien ancré chez une grande partie des Roumains et un pouvoir politique au service du Reich, avec le maréchal Ion Antonescu, antisémite viscéral, à sa tête. Entre 1941 et 1944, 270 000 juifs roumains seront assassinés. Curzio Malaparte, envoyé de La Stampa et du Corriere della Sera comme correspondant de guerre, fut témoin des événements de Iasi : Partout, le joyeux et féroce labeur du pogrom remplissait les rues et les places de détonations, de pleurs, de hurlements terribles et de rires cruels…  Plus tard, dans Kaputt, Malaparte reviendra sur ce qu’il a vu à Podu IIoaiei, dans les environs de Iasi : Les morts s’échappaient des wagons et tombaient par groupes, avec un bruit sourd, comme des statues de ciment… Ils avaient été enfermés dans ces wagons remplis de fumier, sans aucune prise d’air, et les trains, sans destination, roulaient jusqu’à la mort du dernier d’entre eux.

26 06 1941  

La Finlande déclare la guerre à l’URSS

27 06 1941   

Ion Antonescu donne l’ordre de nettoyer lasi. Des policiers conseillent à la population chrétienne de se signaler par un crucifix placé à la fenêtre ou une croix peinte sur la porte. En quelques jours, 14 850 juifs seront assassinés à Iasi et dans les environs. Un pogrom programmé par les Roumains et nié durant plus de soixante ans par le pouvoir communiste, bien décidé à entretenir le mythe de la résistance de tout le peuple roumain contre la tyrannie fasciste. Ce n’est qu’en 2004 que le gouvernement roumain reconnaîtra la responsabilité directe de l’État dans ce pogrom. Le 30 juin, plus de 4 000 Juifs sont entassés sans eau ni vivres dans les wagons cadenassés de deux trains de marchandises.

06 1941

La fine fleur de la peinture et de la sculpture en France s’offre un voyage en Allemagne : Arno Breker, allemand et sculpteur favori de Hitler, qui a passé plusieurs années en France, Dunoyer de Segonzac, Derain, Vlaminck, Despiau, Belmondo [père de Jean-Paul [2] ], Van Dongen.

George Antheil, endocrinologue et pianiste, et Hedy Lamarr, actrice d’origine autrichienne déposent au National Inventors Council le brevet d’un moyen de lutte contre les sous-marins allemands : il s’agit d’une synchronisation des fréquences produite par des rouleaux de papier perforé [comme dans les pianos mécaniques], placé dans l’émetteur – le sous-marin – et dans le récepteur – la torpille -. Georges Antheil, étant pianiste, il est à même de deviner quelles applications peuvent découler des cartes perforés… mais que vient donc faire Hedy Lamarrr dans cette affaire ? Très belle actrice Hollywood, elle s’est fait connaître en Autriche, son pays d’origine qu’elle a quitté en 1937 pour fuir son mari juif, armurier et nazi, en se mettant nue dans une scène d’Extase, de Gustav Machaty, et en allant jusqu’à jouer une scène d’orgasme ! Oh my God ! Elle est devenue rapidement la coqueluche d’Hollywood, à l’affiche aux cotés de Clark Gable, Judy Garland, John Garfield ! Mais elle invente aussi, se remémorant la passion de son père pour tous les mécanismes. Le torpillage d’un navire anglais transportant des enfants la révolte et l’aiguillonne : elle veut mettre au point un système de guidage à distance des torpilles et pour ce faire va s’associer avec George Antheil. Six mois plus tard, c’était Pearl Harbor et la marine américaine passa à coté de l’invention qui restera de nombreuses années dans les cartons. On l’encouragera à plutôt courir les galas de collecte de fonds,  où effectivement elle fit rentrer 343 millions $ dans les caisses !

Hedy Lamarr, elle était si époustouflante que toutes les conversations s’interrompaient dès qu’elle entrait dans une pièce. […] Je doute qu’il y ait eu un seul individu pour s’inquiéter de ce qu’il y avait derrière cette beauté. Tout le monde était occupé à la fixer bouche bée.

Agatha Christie. Le Vallon.

On ne sortira l’invention des cartons qu’à l’occasion de la crise de Cuba en 1962, et elle ne connaîtra d’application commerciale sous le nom de spread spectrum – étalement du spectre – qu’avec les téléphones sans fil, la Wi-Fi, le Bluetooth. En 1997 David Hughes, colonel à la retraite, se démènera comme un beau diable pour faire reconnaître son travail… et elle recevra effectivement quelques distinctions plus ou moins prestigieuses. Elle s’éteindra en 2000, à 85 ans.

3 07 1941       

Staline s’adresse à ses compatriotes : Frères et sœurs… Pour les exhorter à résister à l’envahisseur allemand, il invoque certes la défense de la patrie socialiste, mais aussi les valeurs de la Sainte Russie. Frères et sœurs, c’est le langage de l’Église orthodoxe appris au séminaire de Tiflis. Les décorations militaires porteront le nom des généraux du tsar qui ont chassé Napoléon. À propos des soldats, il confiera : ils ne se battent pas pour nous, mais pour la mère Russie.

4 07 1941    

Le Croate Josip Broz, alias Tito, est à la tête du principal réseau de résistance yougoslave, bien représentatif de tous les peuples de ce pays.

10 07 1941 

Jedwabne est un gros village de Pologne de 2 500 habitants, dont les deux-tiers sont juifs, situé au nord-est de Varsovie, à la frontière avec la Prusse orientale. Il y a un très maigre effectif allemand qui va regarder d’un œil presque indifférent le massacre de juifs qui s’y perpétue ce jour-là : car c’est bien l’ensemble de la communauté juive composé essentiellement d’artisans et de commerçants qui va être anéantie par la population restante, tuée à coups de gourdin, de pierres, de couteau… et quand ils s’apercevront que cela ne va pas assez vite, ils les feront entrer de force dans une grange… et y mettront le feu. Le maire, qui sera le seul condamné à mort lors du procès, y tiendra un rôle limité à un peu de coordination, mais il s’agit bien d’une explosion d’antisémitisme de la part de la seule population polonaise, – des Polonais « moyens »-. Des fermiers, qui seront contraints de taire leur attitude, en sauveront à peu près dix en les cachant. La honte refera surface en 2001 quand Jan T. Gross, un Américain d’origine polonaise, écrira en 2001 Les voisins.

15 07 1941 

Fedor von Bock, à la tête du groupe d’armée Centre, fort de 700 000 hommes, est à 300 km de Moscou. Les Russes disposent de 300 000 hommes et femmes. Ils ont une brigade de chars.

22 07 1941  

Une loi enclenche le processus d’aryanisation des biens juifs en vue d’éliminer toute influence juive dans l’économie nationale. Le CGQJ – Commissariat Général aux Questions Juives est crée, qui établira 62 000 dossiers d’aryanisation, allant jusqu’à employer pour ce faire, en 1944, 800 personnes. 330 000 juifs de France seront spoliés mais 90 % de ces spoliations seront restituées par la IV° République, dans les 5 ans suivant la guerre.

En mars 1942, le colonel Kurt von Behr, chef de l’administration allemande chargée de piller les œuvres d’art et autres biens culturels, donnera son feu vert à la Möbel Aktion (l’Opération Meuble), en la confiant au ministère des Territoires occupés de l’Est : les biens des appartements inhabités des Juifs de France deviennent alors la propriété du Reich. Dans un premier temps, vaisselle, porcelaines, jouets, instruments de musique, lingerie seront entreposés au camp d’Austerlitz, dans le 13° arrondissement où, triés par les quelques 800 détenus juifs qui avaient échappé à la déportation mais pas à la détention, ils seront expédiés en Allemagne et là, distribuées aux familles allemandes frappées par les bombardements alliés.

En arrière du front russe, le commandant du RSHA (Office central de Sécurité du Reich) Reinhardt Heydrich, sous le commandement de Heinrich Himmler, Reichsführer SS, met sur pied les Einsatzgruppen, qui vont se livrer à l’extermination massive des Juifs habitant les territoires conquis : du 26 au 29 août, 27 000 Juifs sont tués à Kamenets-Podolsk ; dans le ravin de Babi Yar, près de Kiev, 33 771 juifs sont abattus à la mitrailleuse les 29 et 30 septembre. La seule année 1941 verra ainsi le massacre de 500 000 juifs.

Ce matin de septembre 1941, les Juifs de Kiev se rendirent par milliers au lieu de rassemblement – Babi Yar – le ravin de la grand’mère – où ils avaient été convoqués, avec leurs petites affaires, résignés à être déportés, sans se douter du sort que l’Allemand leur réservait.

Ils comprirent tous trop tard, certains dès leur arrivée, d’autres seulement au bord de la fosse. Entre ces deux moments, la procédure était expéditive : les Juifs remettaient leurs valises, leurs objets de valeur, et leurs papiers d’identité, qui étaient déchirés devant eux. Puis ils devaient passer entre deux rangées de SS sous une pluie de coups. Les Einsatzgruppen les frappaient à grands coups de matraque ou de gourdin, en faisant preuve d’une violence extrême. Si un Juif tombait, ils lâchaient les chiens sur lui, ou il était piétiné par la foule affolée. Au sortir de ce couloir infernal, débouchant sur un terrain vague, les Juifs éberlués étaient sommés de se déshabiller entièrement, puis étaient conduits complètement nus au bord d’un fossé gigantesque. Là, les plus obtus ou les plus optimistes devaient laisser toute espérance. L’absolue terreur qui les envahissait à cet instant précis les faisait hurler. Au fond du fossé s’empilaient les cadavres.

Mais l’histoire de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants ne s’arrête pas tout à fait au bord de cet abîme. En effet, dans un souci d’efficacité très allemand, les SS, avant de les abattre, faisaient d’abord descendre leurs victimes au fond de la fosse, où les attendait un entasseur. Le travail de l’entasseur ressemblait presque en tout point à celui des hôtesses qui vous placent au théâtre. Il menait chaque Juif sur un tas de corps, et lorsqu’il lui avait trouvé une place, le faisait étendre sur le ventre, vivant nu allongé sur des cadavres nus. Puis un tireur, marchant sur les morts, abattait les vivants d’une balle dans la nuque.

Laurent Binet. HHhH. Grasset 2010

25 07 1941   

Max Dormoy, ancien ministre de l’Intérieur de Léon Blum, l’homme qui connaissait le mieux la Cagoule, après avoir été emprisonné quelques jours en septembre 1940, a été mis en résidence surveillée à Montélimar. Il est assassiné par d’anciens cagoulards qui font exploser une bombe sous son lit.

26 07 1941   

Le Japon ayant refusé de se retirer de l’Indochine et de la Chine, à l’exclusion du Mandchoukouo, les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décrètent l’embargo complet sur le pétrole et l’acier ainsi que le gel des avoirs japonais sur le sol américain.

29 07 1941 

Les accords Darlan-Kato autorisent le Japon à occuper tout le territoire indochinois.

30 07 1941

Création de l’une des trois branches du compagnonnage : l’AOCDTF : Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France.
Son objet est de permettre à chacun et chacune de s’accomplir dans et par le métier dans un esprit d’ouverture et de partage. Ces filières, qui n’ont aucun équivalent dans les lycées professionnels de l’Éducation nationale, donnent des ouvriers expérimentés et très polyvalents dans trente métiers différents dans les six filières qui sont : industrie-métallurgie, bâtiment, aménagement et finition, métiers du goût, matériaux souples, métiers du vivant : Boulanger, Carreleur, Carrossier, Constructeur – béton, métal, bois – , Charcutier, Charpentier, Chaudronnier, Cordonnier/Bottier, Couvreur, Ébéniste, Électrotechnicien, Forgeron, Fromager, Jardiner-paysagiste, Maçon, Maréchal-ferrant, Maroquinier, Mécanicien, Menuisier, Pâtissier, Peintre, Plâtrier/Staffeur ornementiste/Staff/Stucateur, Plombier, Sellier, Métallier Serrurier, Solier, Tailleur de Pierre, Tapissier/Tapisserie d’ameublement/Tapissier garnisseur, Tonnelier, Mécanicien de précision, Vigneron
Le compagnonnage se présente comme un tremplin pour s’accomplir tant dans l’artisanat que dans l’entreprise.
Les ouvriers qui ont fait le compagnonnage sont extrêmement recherchés y compris dans la grande industrie : biscuiterie, automobile, industrie mécanique…
Il est possible de préparer une licence professionnelle en alternance avec les Compagnons du Devoir, (diplôme de niveau II, équivalent Bac+3), c’est une des concrétisations de la grande école des Hommes de métier en compagnonnage.
Après avoir fini leur tour de France, de plus en plus de compagnons complètent avec un diplôme d’ingénieur, via la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou avec une autre école.
En 2006, elle comptera plus de 8 000 jeunes, dont deux tiers d’apprentis.
En 2011, il y aura :

  • 10 000 jeunes en formation.
  • plus de 3 000 jeunes en perfectionnement sur le tour de France ;
  • 60 pays accessibles sur les 5 continents, la liste augmentant chaque année ;
  • 378 jeunes dans le monde en 2011, l’AOCDTF s’impose comme le leader européen en termes de mobilité dans la formation professionnelle ;
  • 94 % des apprentis ont un emploi après leur formation ;
  • 88 % de réussite au CAP grâce à un accompagnement personnalisé ;
  • 38 000 entreprises partenaires.

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Saumur | Maison des Compagnons du Devoir | Association Ouv ...

Maison des Compagnons du Devoir à Saumur

Image illustrative de l’article Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France

Maison des compagnons de Nantes.

Compagnonnage - L'Association Ouvrière des Compagnons du ...

par Michael Argenta

https://www.unidivers.fr/wp-content/uploads/2020/08/charpentier_compagnons-tour-de-france.jpg

31 07 1941 

Hermann Goering demande à Heydrich de préparer une solution globale de la question juive dans la zone d’influence allemande en Europe.

07 1941   

États-Unis et Angleterre gèlent les avoir japonais sur leurs territoires, exigeant du Japon la paix en Chine.

3 08 1941   

Clemens August von Galen, évêque de Münster a eu connaissance de l’extermination de déficients mentaux, malades incurables, handicapés mis en œuvre depuis de nombreuses années par le régime nazi : c’est le programme Aktion T 4. Sa condamnation est sans appel.

Il y a un soupçon général, confinant à la certitude, selon lequel ces nombreux décès inattendus de malades mentaux ne se produisent pas naturellement, mais sont intentionnellement provoqués, en accord avec la doctrine selon laquelle il est légitime de détruire une prétendue vie sans valeur – en d’autres termes de tuer des hommes et des femmes innocents, si on pense que leurs vies sont sans valeur future au peuple et à l’État. Une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitimise le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler, des estropiés, des incurables des personnes âgées et des infirmes ! […] Si on l’admet, une fois, que les hommes ont le droit de tuer leurs prochains improductifs – quoique cela soit actuellement appliqué seulement à des patients pauvres et sans défenses, atteints de maladies – alors la voie est ouverte au meurtre de tous les hommes et femmes improductifs : le malade incurable, les handicapés qui ne peuvent pas travailler, les invalides de l’industrie et de la guerre. La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. Alors on aura besoin seulement qu’un ordre secret soit donné pour que le procédé, qui a été expérimenté et éprouvé avec les malades mentaux, soit étendu à d’autres personnes improductives, qu’il soit également appliqué à ceux qui souffrent de tuberculose incurable, qui sont âgés et infirmes, aux personnes handicapées de l’industrie, aux soldats souffrant de graves blessures de guerre !

Ce sermon va connaître un énorme retentissement en Allemagne et à l’étranger. Imprimé sous forme de lettre pastorale, il est lu dans les églises paroissiales ; l’évêque de Limbourg adresse au ministre de la Justice une lettre condamnant les meurtres et celui de Mayence prononce un sermon qui va dans le même sens. Les Britanniques en font diffuser des extraits par le service allemand de la BBC ; ils en font circuler des exemplaires en France, en Hollande, en Pologne… ils lancent des tracts au-dessus de l’Allemagne… L’allusion de Mgr Galen aux soldats souffrant de graves blessures fait réagir le haut commandement allemand : leur élimination porterait un coup terrible au moral des troupes sur le front. Ses ouailles le surnommeront le lion de Münster. Hitler n’osera pas s’en prendre à lui directement, mais fera interner en camp de concentration 24 prêtres séculiers et 18 religieux : 10 d’entre eux y mourront.

C’était le mouvement de protestation le plus puissant, le plus explicite et le plus répandu contre une politique nazie depuis le début du III° Reich

Pie XII

12 08 1941      

Avec une voix de majorité, les États-Unis portent la conscription à 18 mois.

14 08 1941

Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt se rencontrent dans l’Atlantique sur le USS Augusta et signent la Charte de l’Atlantique qui préfigure la création de l’Organisation des Nations-Unies, reprenant les 4 éléments clefs du discours de Roosevelt du 6 janvier 1941 : liberté d’expression, de religion, de vivre à l’abri du besoin et d’être préservé de la peur : ce sont les quatre libertés essentielles. 

Churchill weds Roosevelt. | Farbound.Net

18 08 1941    

La RAF bombarde un entrepôt de la radio militaire allemande de Belgrade : les stocks de musique sont détruits. On prend dans un rebut des chansons oubliées, mortes nées, dont Lily Marleen : du jour au lendemain, ces quelques notes mélancoliques deviennent sur tous les fronts la rengaine des soldats affamés de nostalgie amoureuse. Marlène Dietrich, dans un premier temps égérie du régime nazi, n’en est pas la première interprète, mais c’est avec elle que Lily Marleen va devenir la chanson fétiche de tous les soldats d’occident, allemands comme alliés. Allemande de naissance, elle avait quitté son pays pour se réfugier aux États-Unis, qui lui avaient accordé la nationalité américaine.

Jean Gabin, devenu une star du cinéma depuis Quai des brumes où il forme avec Michèle Morgan le couple idéal pour les Français, craint lui aussi d’avoir à travailler pour les Allemands s’il reste en France : il part aux États-Unis, où il rencontre Marlène qui commence par être son professeur d’anglais. Ils deviendront vite amants. À la sortie de la guerre, ils tourneront un film ensemble : Martin Roumagnac, qui fera un flop ; c’est Jean Gabin qui prendra l’initiative de la rupture, ne pouvant se faire à la multiplicité des amants de Marlène ; celle-ci, qui, depuis des lustres, avait pris l’habitude d’être à l’initiative des ruptures, fut sidérée de voir inversé l’ordre des choses !

Lili Marleen est une chanson d’amour allemande dont les paroles sont inspirées du poème écrit en avril 1915 par le romancier et poète allemand Hans Leip et publié en 1937 dans son recueil de poèmes Die kleine Hafenorgel.

Dans sa version originale, elle a d’abord été interprétée par la chanteuse Lale Andersen en 1938. Les versions les plus populaires ont été chantées en allemand ou en anglais par Marlène Dietrich qui modifia le titre Lili Marleen en Lili Marlene, qui deviendra le titre utilisé en France.

Le romancier et jeune officier allemand de la Garde impériale Hans Leip a écrit Lied eines jungen Wachtpostens (en français Chanson d’une jeune sentinelle) à Berlin dans la nuit du 3 au 4 , avant son départ pour le front russe.

Leip était amoureux de deux jeunes filles : Lili, nièce de sa logeuse, et Marleen, infirmière, qu’il a unies en une seule. Consigné à la caserne pour de nombreuses indisciplines, il déprime alors qu’il fait les cent pas en tant que sentinelle. Il écrit alors sur son lit de camp les trois premières strophes sur cet amour fugitif (il dessine en même temps une portée musicale sur son manuscrit) avant d’être envoyé sur le Front de l’Est. Il publie en 1937 un recueil, où figure Le petit accordéon du port, avec les 5 strophes.

Selon une autre version de la genèse du poème, démentie depuis, Hans Leip était amoureux de Lily Freud (1888-1970), fille de Marie Freud, la sœur de Sigmund Freud. Hans Leip a admis avoir connu Lilly Freud qui, en 1917, a épousé l’acteur et metteur en scène Arnold Marlé. Après ce mariage, Leip aurait composé un poème sur Lilly Marlé, devenu Lili Marleen. Lilly Freud-Marlé disait elle-même être la Lili Marleen de la chanson, ce qui se raconte encore dans sa famille. L’hypothèse, parfois encore colportée, a été démentie définitivement par Rosa Sala Rose, qui a produit en 2008 la meilleure étude sur cette chanson, consacrant un chapitre à cette hypothèse pour conclure, documents à l’appui, qu’elle n’était pas fondée.

Quand, en , la chanteuse réaliste allemande Lale Andersen découvre le poème de Hans Leip qu’il vient de publier dans un recueil de poésie (l’ayant complété des deux strophes qui évoquent la mort du jeune soldat), elle demande au compositeur Rudolf Zink de le mettre en musique, une première version romantique, et interprète la chanson la même année dans des petits cabarets de Berlin et de Münich. En , elle demande également au compositeur Norbert Schultze de mettre lui aussi ce poème en musique, ce qu’il fait en lui fredonnant une mélodie qu’il avait créée deux ans plus tôt pour une publicité radiophonique pour le dentifrice Chlorodont, une mélodie plus martiale. Lale chante alternativement les deux versions dans les cabarets. Elle préférait la première version, plus douce, mais testait les deux pour voir laquelle aurait les faveurs du public, et c’est la deuxième, martiale, qui est enregistrée dans la nuit du  au 1° pour le premier label allemand Electrola qui s’imposera pendant la Seconde guerre mondiale.

Cette chanson nostalgique, jugée par la critique terne et sans rythme, est un échec commercial avant la guerre (seulement 700 exemplaires du disque vendus).

En 1941, l’Allemagne est en pleine guerre sur plusieurs fronts et, changeant brusquement de statut, cette chanson d’amour va devenir une chanson de temps de guerre. Son succès commence le  après que les bombardiers anglais ont détruit l’entrepôt de disques du lieutenant Heinz-Karl Reitgen, directeur de la radio militaire allemande de Belgrade.  Celui-ci programme, faute de mieux, le disque alors au rebut. Radio Belgrade était entendue des fronts d’Afrique du Nord jusqu’à ceux de Norvège. Les soldats de la Wehrmacht, éloignés de leur foyers et de leurs amies, envoient des dédicaces lues lors d’une émission populaire. La chanson en est l’indicatif qui clôt la fin du programme tous les soirs avant 22 heures. À son tour, elle devient très populaire.

Le succès est même tel que l’on s’y intéresse au Parti nazi. Joseph Goebbels semble être plutôt hostile à la chanson. Il dit, selon le compositeur Norbert Schultze, qu’elle sent la danse macabre. Mais elle bénéficie aussi du soutien de puissants protecteurs : le maréchal Erwin Rommel qui incite les radios à la programmer, jusqu’à 35 fois par jour à Radio Berlin, radio qui imite même l’émission de dédicaces de Radio Belgrade ; Emma Göring, la seconde épouse de Hermann Göring est une ancienne chanteuse d’opéra ; Mas Schleming, boxeur idole des nazis, dont le biographe n’est autre que Hans Leip. Adolf Hitler aurait dit à son aide de camp que cette chanson pourrait même lui survivre.

Une nouvelle version de la chanson, transformée de chant d’amour en marche militaire, ne rencontre aucun succès public. L’affirmation selon laquelle les Einsatzgruppen l’auraient diffusée pendant leurs assassinats n’est pas prouvée, mais il est possible que la chanson ait accompagné les crimes, de même que les valses de Strauss et les symphonies de Mozart et de Beethoven utilisées dans les camps de la mort.

Grâce à la radio militaire allemande de Berlgrad, cette chanson — ou du moins sa musique — franchit la Méditerranée. Elle est entendue et adoptée par les soldats alliés combattant en Tripolitaine. Ainsi, en 1942, l’émission dédiée aux dédicaces aurait, selon Jean-Pierre Guéno, entraîné quotidiennement un cessez-le-feu momentané, et une sorte de fraternisation entre les troupes anglaises et les troupes allemandes à Tobrouk, lorsque la chanson est diffusée dans les haut-parleurs, chaque soir à 22 heures, après les combats. Pour les belligérants et les civils des deux camps, elle devient l’hymne de la Seconde Guerre mondiale, adopté et chanté en allemand par beaucoup de soldats jusqu’au printemps 1944.

En quelques mois, la chanson est traduite en 43 langues. En 1942, on vend 160 000 exemplaires du disque et, en l’espace de six mois, la chanson est adaptée dans 48 langues. L’amour et la nostalgie de la paix sont des sentiments mieux incarnés par les soldats des démocraties que par ceux qui servent la cause hitlérienne. Les paroles françaises, dues à Henri Lemarchand, sont écrites à la fin de 1941 à la demande de Suzy Solidor, qui crée la version française dans son cabaret La Vie parisienne en . L’armée britannique se voit contrainte de faire produire une version anglaise en (après que Goebbels a fait enregistrer par Lale Andersen la chanson adaptée en anglais afin de démoraliser les Alliés), dont les interprétations par Anne Shelton et Vera Lynn en 1943 ont connu un succès fulgurant. À la suite de l’immense succès de la version américaine interprétée en swing par les Andrew Sisters et le big band (grand orchestre) de Glenn Miller, les Américains profitent de la Libération pour récupérer les droits de la chanson. L’actrice et chanteuse antinazie Marlène Dietrich  finit ainsi, vers la fin de la guerre en 1944, par donner une version américaine, plus langoureuse, mais aussi plus énergique, puisque cette fois, dans la dernière strophe, le souvenir de la femme aimée redonne courage au soldat (qui meurt, enfoui dans sa tranchée, dans la dernière strophe du chant allemand !). Dietrich l’interprète dans plus de 60 concerts donnés au cours de la campagne d’Europe qui la voit accompagner la 3° armée américaine  du général Patton. Cette chanson devient dès lors attachée à sa personnalité, Marlène Dietrich se l’appropriant en modifiant les paroles, lui donne son nom, Lily Marlène, (et cette orthographe) en fait la chanson de la libération.

Elle en fait une chanson vedette de son récital lorsqu’elle s’investit dans sa carrière de chanteuse, en 1953. Elle l’abandonne parfois, notamment en France, jugeant qu’elle peut réveiller un bruit de bottes pour certains spectateurs. Elle fut interdite dans beaucoup de dictatures car rappelant qu’elle était chantée des deux côtés.

Chanson subversive de résistance, car, transcendant les clivages, la chanson est interdite dans plusieurs pays totalitaires (RDA, Yougoslavie de Josip Broz Tito) et devient l’hymne anti-nucléaire pendant la Guerre froide. La chanson connaît depuis de nombreuses versions, depuis l’allure pacifiste d’antimilitaristes, l’adaptation punk du groupe Interterror (Adios Lili Marlen), ou rock par La Souris Déglinguée en 1983. Amanda Lear a chanté une reprise de cette chanson dans un style disco en 1978, dans une version mêlant le français et l’allemand, et une autre en allemand-anglais. En 2004, pour la commémoration du 60° anniversaire du débarquement en Normandie la chanteuse Patricia Kaas doit la chanter en Mondovision mais les Polonais mettent un veto au choix de cette chanson la veille de l’événement, en raison de l’épisode des Einsatzgruppen lui préférant l’ Hymne à la joie.

Pour l’écrivain John Steinbeck, Lili Marleen est la seule bonne chose que l’Allemagne nazie ait apportée au monde. Le général Eisenhower aurait dit à Hans Leip qu’il était le seul Allemand à avoir rendu le monde plus heureux pendant la guerre.

Wikipedia

Bei der Kaserne
Vor dem großen Tor
Steht eine Laterne
Und steht sie noch davor
Da woll’n wir uns wieder seh’n
Bei der Laterne wollen wir steh’n
Wie einst Lili Marleen. (bis)

Unsere beide Schatten
Sah’n wie einer aus
Daß wir lieb uns hatten
Deine Schritte kennt sie,
Deinen schönen Gang
Alle Abend brennt sie

Doch mich vergaß sie lang
Und sollte mir ein Leids gescheh’n
Wer wird bei der Laterne stehen
Mit dir Lili Marleen ? (bis)

Aus dem tiefen Raume,
Aus der Erde Grund
Hebt mich wie im Träume
Das sah man gleich daraus
Und alle Leute soll’n es seh’n
Wenn wir bei der Laterne steh’n
Wie einst Lili Marleen. (bis)

Dein verliebter Mund
Wenn sich die späten Nebel dreh’n
Werd’ ich bei der Laterne steh’n
Mit dir Lili Marleen? (bis)
Wenn sich die späten Nebel dreh’n
Werd’ ich bei der Laterne steh’n
Mit dir Lili Marleen ?

******

Devant la caserne
Lorsque le jour s’enfuit,
La vieille lanterne
Soudain s’allume et luit.
C’est dans ce coin-là que le soir
On s’attendait, remplis d’espoir,
Nous deux, Lily Marlène. (bis)

Et dans la nuit sombre,
Nos corps enlacés,
Ne faisaient qu’une ombre
Lorsque l’on s’embrassait.
Nous échangions ingénument,
Joue contre joue bien des serments,
Nous deux, Lily Marlène. (bis)

Le temps passe vite
Lorsque l’on est deux.
Hélas on se quitte,
Car c’est le couvre-feu.
Te souviens-tu de nos regrets
Lorsqu’il fallait nous séparer ?
Dis-moi, Lily Marlène ? (bis)

La vieille lanterne
S’allume toujours
Devant la caserne
Lorsque finit le jour,
Mais tout me paraît étranger,
Aurais-je donc beaucoup changé ?
Dis-moi, Lily Marlène ? (bis)

Cette tendre histoire
De nos chers vingt ans
Chante en ma mémoire
Malgré les jours, les ans.
Il me semble entendre ton pas
Et je te serre entre mes bras
Lily Marlène. (bis)

Version de Jean-Claude Pascal

De sa seule voix, elle pouvait déjà vous briser le cœur.

Ernest Hemingway

21 08 1941 

En France, rafle de 5 000 Juifs qui inaugurent le camp de Drancy, antichambre de la déportation ; les gares de départ seront celle du Bourget en 1942/43, puis celle de Bobigny en 1943/44. Pierre Georges – le futur colonel Fabien – tue un officier allemand à la station de métro Barbès, mettant ainsi en œuvre la technique communiste fondée sur le cycle provocation-répression, pour dresser la population contre les forces d’occupation. Les services secrets britanniques décryptent des messages radio d’unités de police allemande envoyés depuis le territoire soviétique : ils font état de massacres de juifs. Les Russes dynamitent leur grand barrage de Zaporojie, sur le Dniepr.

24 08 1941

Les Allemands gagnent du terrain, et Staline, inquiet de la possible collaboration des Allemands de la Volga – ils formaient une république autonome depuis 1924, sur le cours inférieur de la Volga, au sud-est de Moscou – avec leurs frères de race, ordonne leur déplacement massif vers l’Asie Centrale, sous vingt-quatre heures. Plus du tiers y mourront. À la fin de la guerre, certains s’installeront au Kazakhstan, en Ouzbékistan, d’autres au Kirghizistan ; il n’y aura pas de retour dans leur ancienne république où terres et maisons avaient été prises. Les survivants émigreront massivement en Allemagne dans les années 1990.

Les Anglais étaient parvenus à déchiffrer le code des SS, et donc purent comprendre les messages que les Einsatzgruppen envoyaient depuis l’arrière du front russe à leur QG en Allemagne, et l’atrocité de leur contenu amène Winston Churchill à parler à la BBC [3]  : Une bataille gigantesque se déroule actuellement. 7 millions de soldats y participent. Les combats se déchaînent sur un front de  3 500 km, c’est un affrontement mortel sur une ligne qui va de l’océan Arctique jusqu’à la mer Noire […] Hitler commet les plus horribles crimes […] des districts entiers sont rayés de la carte. La police militaire des nazis procède froidement à des dizaines de milliers, je dis bien des dizaines de milliers d’exécutions […] Nous nous trouvons en face  d’un crime sans nom.

Hitler ordonne de mettre fin à l’Aktion T4, tout en s’assurant que le meurtre des enfants handicapés, pratiqué à une échelle beaucoup plus réduite et donc moins visible, se poursuivra. La condamnation de Mgr Galen, l’obstruction de nombreuses infirmières, aides-soignants, l’inquiétude exprimée de plus en plus ouvertement par les parents, amis et voisins des victimes, avait donc fait reculer Hitler, qui craignait de se voir directement tenu pour responsable des assassinats ; mais le recul n’était que stratégique, car, même si le quota initialement fixé de 70 000 victimes avait déjà été dépassé, les éliminations de handicapés et de malades mentaux continueront jusqu’à la fin de la guerre. On estime entre 200 000 et 250 000 le nombre d’aliénés et de handicapés assassinés par les nazis entre 1939 et 1945, par gazage, injection ou dénutrition.

L’extermination ne se limitait pas aux Juifs, aux Tziganes : les Slaves aussi étaient visés : Après le déclenchement de l’offensive allemande contre l’URSS, l’œuvre de destruction du monde slave s’étend. La progression de la Wehrmacht est ponctuée d’exactions, des destructions, de massacres, qui touchent civils et militaires. S’abritant derrière le fait que l’URSS n’a pas signé les conventions internationales sur les prisonniers de guerre, les Allemands organisent l’élimination des prisonniers en les enfermant dans des camps sans les nourrir ou en les tuant à la tâche. Sur les 5.7 millions de Soviétiques capturés, 60 % sont morts à la fin de la guerre, ce qui en fait le plus grand groupe de victimes de la persécution nazie près les Juifs.

François Reynaert. La Grande Histoire du Monde. Fayard 2016

29 08 1941

Honoré d’Estienne d’Orves, polytechnicien et marin – capitaine de corvette – a crée un réseau de Résistance. Fraîchement débarqué d’Angleterre sur les côtes bretonnes, arrêté sur dénonciation en janvier, il est exécuté au Mont Valérien avec deux camarades.

1 09 1941 

En Allemagne, les 164 000 Juifs qui peuvent encore habiter chez eux, sont soumis au port de l’étoile jaune.

8 09 1941 

Fondation par Ho Chi Minh de la Ligue pour l’indépendance du Viet Nam, ou Viet Minh.

9 09 1941 

Jean Moulin quitte Marseille pour se rendre à Londres via le Portugal.

14 09 1941 

La jonction de 2 groupes de Panzers à Lokhvista permet de faire 665 000 prisonniers russes et de prendre Kiev 5 jours plus tard. Minsk a été prise en juillet. Kharkov le sera le 25 octobre, Kertch le 18 mai 1942, Rostov et Novotcherkassk le 28 juillet 1942. Fin septembre, nombre de Russes s’attendent à la prise imminente de Moscou par les Allemands.

16 09 1941 

En Iran, Reza Chah abdique en faveur de son fils Mohammad Reza. Le pays est alors occupé par les forces britanniques et soviétiques.

26 09 1941

Staline reconnaît la France Libre de de Gaulle. C’est le premier gouvernement à le faire, hormis la Grande Bretagne .

2 10 1941

Un combat naval en surface est aussi un spectacle ; mais si l’un des deux combattants est un sous-marin, le spectacle se réduit à quelques signes qui permettent de deviner le drame. Dino Buzatti couvre la guerre maritime pour le compte du Corriere della Sera.

Le torpilleur qui a coulé un sous-marin anglais vient seulement de regagner sa base, que déjà sur la plage arrière, on a tendu le taud, les marins rangent le pont et le commandant assis à l’ombre dicte le rapport de la mission. Les officiers qui l’entourent ont tous assisté à la fin du bateau ennemi : un des quatre sous-marins à avoir été, récemment, définitivement mis à pied. Le commandant nous dit : Tout est là. Je peux vous faire lire le rapport, mais il n’y a pas grand-chose à dire.

Il faut bien peu de mots en effet pour raconter un de ces duels entre la surface et l’abysse. Ce sont d’étranges combats qui ne durent que quelques minutes. On ne peut voir les adversaires, et lorsqu’on les voit, cela signifie que l’un des deux est condamné. Des batailles presque muettes qui n’ont pas l’éclat sonore des grandes joutes épiques, parce que les coups ne traversent pas l’immensité du ciel dans un sifflement de bordées embrasées, mais l’aveugle profondeur des mers d’où ne remontent que quelques rares feux indistincts.

L’intensité dramatique de la guerre ne naît pas de grandes vues panoramiques sur des navires en feu lancés à pleine vitesse à travers la fumée et les blanches colonnades de salves qui font rage. Il s’agit au contraire d’un drame sourd et informe, où la mort se cache sous un innocent voile d’eau. Tout semble normal, puis quelque chose apparaît au-dessus des flots, et cela signifie que la tragédie est achevée.

Dans la portion de mer qui lui a été confiée, le torpilleur ratisse la zone de long en large, tandis que les avions de reconnaissance percent de leur œil perpendiculaire les eaux calmes et limpides. Le soleil de l’après-midi réchauffait sa vieille et sympathique silhouette, si chère aux marins ; c’était la silhouette d’un trois pipes, dont nul n’ignore plus le nom aujourd’hui. Ces vénérables torpilleurs aux trois longues cheminées, qui participèrent pour nombre d’entre eux à l’autre guerre, se sont couverts d’une gloire immense en combattant contre les Anglais.

Avec leur uniforme déjà passé à l’histoire, anachronique peut-être, mais non dépourvu de noblesse ni d’élégance, ils traversent la Méditerranée d’une rive à l’autre aussi infatigables que des jeunes gens, combattant avec vaillance aux côtés des vaisseaux de la nouvelle génération, leur brillante descendance, bien plus rapide, bien plus agile, bien plus puissante. Dans les ports, où défilent de gigantesques flottes parfaitement hérissées de canons, les trois pipes, souvent solitaires, entrent avec modestie, passant presque inaperçus, et mouillent à un quai secondaire ; on a à peine le temps de tourner la tête qu’ils sont déjà repartis. Plus tard, il arrive que le nom de l’un d’eux, marqué du sceau de la victoire, circule parmi les équipages des navires royaux.

Mais revenons à notre torpilleur. Il allait et venait sur la portion de mer qui lui avait été confiée pour laisser à la disposition d’un éventuel ennemi le moins d’espace possible. Depuis la rampe de lancement arrière, réglées pour la profondeur voulue, les grenades fusaient dans la mer ; un semis parfait qui n’avait certes pas la prétention de voir germer chaque graine ; d’ordinaire le produit était stérile, à la surface chaque lancement était peu après suivi d’un gros bouillon, tantôt en forme de fontaine, tantôt en forme de coupole lisse, faite d’écume et d’eau, un petit raz de marée qui très vite finissait dans le néant. Mais il était permis d’espérer qu’une des graines se développât au bout d’un moment et que parût enfin à la surface, au lieu de cette mousse stérile, le nez de l’ennemi transpercé. Il n’y avait pas que des grenades ; le torpilleur tirait derrière lui une mine, amarrée en remorque à un long et fin câble métallique.

Mais tout à coup le câble du torpilleur a lâché. C’est alors que le duel a commencé. Le câble avait été tranché. Lorsque l’on remonta à bord l’extrémité sectionnée, l’on constata qu’il devait avoir heurté quelque chose ; les fibres métalliques, à l’endroit de la déchirure, rappelaient certaines cordes tragiques de tristes aventures alpines. Contre quoi pouvait avoir heurté le câble, si les fonds étaient à plus de mille mètres de profondeur ? Un poisson n’aurait pas suffi à le trancher, même très lourd et volumineux. Il ne pouvait s’agir que du sous-marin.

Tout dépend maintenant de la rapidité et de la précision avec lesquelles s’effectuent à bord la transmission et l’exécution des ordres, de la minutie du commandant dans le calcul de la distance et du temps, de sa présence d’esprit. Le torpilleur réagit, fait demi-tour, avance vers le point où le câble a rompu. Entre-temps on règle le tir des grenades anti-sous-marines : on peut estimer d’après la longueur du câble restant que l’ennemi navigue à quarante, cinquante mètres de profondeur. Tube 1 paré à lancer, tube 2 paré à lancer, tube 3 paré à lancer, tube 4 paré à lancer…, ordonne le commandant, depuis le téléphone de la passerelle, au lieutenant qui se tient à l’arrière. Tous sont à leur poste de combat, prêts à réagir à la moindre surprise. Ces instants durent éternellement. Les marins prient en silence Mon Dieu, faites que nous débusquions ce sous-marin, faîtes que notre navire gagne. Tube 5 paré à lancer, tube 6 paré à lancer ! Les yeux scrutent avec anxiété le sillage, bientôt sillon de l’ensemencement.

Voici le choc sinistre de la première grenade, il semble venir d’un lointain souterrain ; voici un bouillon qui remonte en surface, tout d’écume blanche. Puis un deuxième, puis un troisième. À la quatrième déflagration, en surface ce n’est plus une claire eau de mer qui remonte, mais un flot noirâtre, un flot de mazout. Quelques instants après, à six cents mètres de la poupe un tragique simulacre fait son apparition : la silhouette sombre d’un sous-marin, avec le kiosque incliné d’au moins trente degrés. Il ne fait plus peur. La bête est intacte en apparence, mais l’émersion soudaine et la vive embardée en disent plus long que le teint de cendre sur le visage d’un pestiféré.

Il fait surface au beau milieu d’un bouillonnement frénétique. On dirait une bête furieuse. Cela ne fait aucun doute : le sous-marin a été touché et cherche maintenant un salut désespéré ; il tente de fuir l’abysse qui l’aspire, il voudrait voler, pouvoir s’arracher à la noire masse d’eau. Le commandant avait donné l’ordre des situations critiques : Chasse rapide aux ballasts ! L’air s’était alors engouffré avec furie à l’intérieur de chaque partie du sous-marin, propulsant au-dehors l’eau des doubles-fonds des ballasts, et l’eau avait jailli à l’extérieur libérant momentanément le poitrail du monstre. Le commandant du torpilleur dit : Il expulsait de l’eau de toutes parts, on aurait dit la fontaine de Trevi.

Quel drame se joue à présent à l’intérieur de la coque ? Celle-ci reste à flot quelques secondes. Avant même que le torpilleur ait eu le temps de pointer ses canons, avant même qu’il ait pu l’éperonner, comme c’était son intention, l’ennemi sombre dans l’obscurité. Des bulles grossissent encore à la surface à l’endroit où il a plongé. Le torpilleur passe au-dessus, lance six autres grenades, quelque chose surgira-t-il encore, une preuve définitive de sa mort remontera-t-elle du fond ? En effet, le bâtiment réapparaît, cette fois-ci non plus horizontal mais effroyablement droit, avec la proue au zénith, semblable à un long tube visqueux. Dans un ultime effort de vie, il se dresse pour un dernier salut au ciel et à la lumière. Puis il replonge dans le gouffre comme l’épée dans son fourreau, une mystérieuse et puissante force l’aspire, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un remous tremblant qui s’éteint lentement.

Une dernière bordée de grenades, mais c’est une précaution inutile. En regardant par-dessus bord les matelots voient une sorte d’ombre noire et difforme toujours plus floue ; pendant que jaillissent les jets funèbres du mazout, le sang du monstre remonte du fond du sépulcre à gros bouillons, et se répand par traînées iridescentes et capricieuses. D’autres débris du désastre continuent de remonter, des traces d’huile brûlée, des bouts de bois, d’étranges formes métalliques qui sombrent d’un seul coup. Combien de temps encore durera la mise au tombeau du cercueil d’acier ? La mer n’a aucune hâte désormais et au-dessus les eaux sont tranquilles, le soleil d’été est chaud, le ciel très limpide, la nacelle victorieuse s’éloigne vers sa base pour apporter la nouvelle.

Dino Buzzati. Corriere della Sera du 2 octobre 1941. Chroniques de la guerre sur mer. Les Belles lettres 2014

15 10 1941 

Georgy Joukov, 45 ans, arrive à Moscou. Après avoir été à la tête des troupes russe stationnées en Mandchourie, il avait dirigé les armées de Leningrad ; il avait par chance échappé aux purges stalinienne, et Staline lui a demandé de quitter Leningrad pour venir défendre Moscou. Les Allemands de von Bock viennent de prendre Nyazna, à 150 km de Moscou. Dans un premier temps, ce sera soldats russes contre chars allemands : un carnage : 150 000 morts côté russe, 2 millions de prisonniers. Mais des pluies longues et abondantes viennent au secours des Russes, contraignant les Allemands à suspendre leur offensive.

16 10 1941 

Le Conseil de justice politique de Vichy condamne à la réclusion à perpétuité Blum, Daladier, Mandel et Gamelin pour leur responsabilité dans la défaite. L’instruction suit son cours, mais Pétain veut une condamnation – il la prononce du reste sans jugement en octobre 1941 – et plus encore un procès. C’est là que, contre toute logique, il perd la partie, Blum transformant une cour de justice sous contrôle en tribune politique où l’accusateur devient l’accusé. Si Adolf Hitler fait interrompre le scandale de cette pantomime où son allié se déshonore, l’argumentation impeccable de Blum réhabilite le Front populaire et les prises de notes dactylographiées, dupliquées et diffusées assurent la victoire du captif. Ironique, mais exemplaire.

Philippe-Jean Catinchi. Le Monde du 26 janvier 2014

21 10 1941  

Près de Périgueux,  triple crime au château d’Escoire, qui appartient à Georges Girard, bibliothécaire aux Affaires Étrangères, veuf et à sa sœur Amélie. Ils sont tous deux tués à grands coups de serpette, ainsi que la domestique. C’est son fils Henri 24 ans qui donne l’alerte, le lendemain matin. Il va très rapidement devenir le suspect n°1, au point qu’on ne cherchera même pas de numéro 2, bien qu’aucune preuve formelle ne le désigne : 3 meurtres à coup de serpette, et il n’a pas une seule goutte du sang des victimes sur lui, aucun vol n’a été commis : le porte monnaie de son père contient de l’argent, les bijoux de sa tante sont là ainsi que ses valeurs retirées 3 jours plus tôt de la banque. La veille du crime, une voiture a tourné à plusieurs reprises dans les parages, et on ne la recherchera pas. Il est donc inculpé et va faire 19 mois de prison préventive. Son procès en assises se tiendra en juin 1943 : après une courte délibération, Henri Girard sera acquitté. Le président de la cour d’assises Hurlaux, mouillé dans l’affaire Stavisky, espérait ainsi se refaire une virginité. En 1950, Henri Girard publiera sous le nom de Georges Arnaud – Georges, le prénom de son père, Arnaud le nom de jeune fille de sa mère – Le Salaire de la Peur, dont s’inspirera Henri-Georges Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel, qui obtiendra le grand prix du festival de Cannes en 1953 (la distinction Palme d’or n’apparaîtra que l’année suivante) et le prix d’interprétation pour Charles Vanel. 7 millions d’entrées.

Outre plusieurs romans, Georges Arnaud publiera avec Jacques Verges Pour Djamila Bouhired et aura affaire à la justice pour sa défense des réseaux Jeanson qui soutenaient le FLN dans la guerre d’Algérie.

22 10 1941 

Guy Moquet, 18 ans, communiste, a commencé à faire de la Résistance sitôt son père Prosper, – député communiste du 17° arrondissement -, condamné à 5 ans de prison en avril 1940. Il n’est pas inutile de rappeler qu’il y avait eu un pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, et que ce dernier était encore en vigueur lors de la déclaration de guerre en septembre 1939. L’alignement systématique du PC français sur Moscou en faisait donc à la déclaration de la guerre un élément non grata, qui fut donc dissous le 26 septembre par Daladier. Prosper Moquet fut arrêté le 10 octobre 1939, et connut un procès à huit clos comme tous les autres élus communistes. Déchu de son mandat en février 1940, condamné à 5 ans de prison en avril 1940, il fut déporté au bagne de Maison Carrée, en Algérie, en mars 1941. La rupture du pacte germano soviétique est le fait d’Hitler en juin 1941, quand il envahit la Russie. Dénoncé, Guy Moquet a été arrêté le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est, et, bien qu’acquitté le 23 janvier 1941, il reste en prison : la Santé, Fresnes, Clairvaux, puis le camp de Chateaubriant, entre Rennes et Nantes à la mi-mai 1941, où il retrouve 4 000 autres prisonniers politiques.

Le 20 octobre 1941, Karl Hotz est tué à Nantes par trois militants communistes. Il commandait les troupes d’occupation de la Loire inférieure, après avoir travaillé à Nantes de 1929 à 1933 pour le compte de l’entreprise Brandt, de Düsseldorf,  qui réalisait la construction du canal tunnel Saint Felix. Hitler ordonne aussitôt l’exécution de 50 otages, puis d’autant si les auteurs ne se sont pas dénoncés. De Gaulle condamnera cette stratégie qui envoie inéluctablement des otages innocents à la mort. Pierre Pucheu pour éviter la mort de 50 bons Français finit par donner une liste de 50 communistes : 27 à Chateaubriant, 18 à Nantes et 5 au Mont Valérien. Guy Moquet est le plus jeune d’entre eux : 17 ans.

Ma petite maman chérie, Mon tout petit frère adoré, Mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, à toi en particulier petite maman, c’est d’être très  courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino [4]. Quant à mon véritable je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées,  elles pourront servir à Serge, qui, je l’escompte sera fier de les porter un jour.

À toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue pour la dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie, qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.

17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels [5]. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, Papa, en vous embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage ! Votre Guy qui vous aime

24 10 1941

De Gaulle reçoit à Londres Jean Moulin. Les deux hommes ne se connaissent pas, s’épient, se jaugent : de Gaulle lance : Comment voulez-vous faire des soldats avec des types qui font dérailler des trains ? Leur destin se noue : Jean Moulin va devenir le chef de l’armée des ombres. La même année, de Gaulle confie au général Odic : N’avouez jamais que l’armistice ne pouvait être évité, et aussi, dans une autre occasion : Je préfère donner aux Français des mensonges qui les élèvent plutôt que des vérités qui les abaissent.

28 10 1941    

Jacques Truelle, représentant la France en Roumanie, envoie au ministère des Affaires Etrangères un rapport sur les déportations de Juifs de Bucovine et de Bessarabie :

Les persécutions contre les Juifs commencées déjà avant la guerre contre la Russie sont en vive recrudescence.

Les Israélites de Bucovine et de Bessarabie, y compris vieillards et enfants viennent d’être déportés dans les conditions les plus inhumaines et envoyés en quelques heures à marche forcée vers des destinations inconnues au-delà du Bug. Il s’agit d’un projet que le gouvernement roumain nourrit depuis quelque temps habilement encouragé par les Allemands et qui tend à l’extermination complète des Israélites de cette région.

En même temps une propagande intense qui n’est pas sans porter ses fruits attribue aux Juifs la responsabilité des difficultés économiques et de celles que rencontrent les Roumains dans les territoires qu’ils ont repris et à Odessa. C’est ce que laisse entendre le maréchal Antonesco dans une lettre publiée dans la presse qu’il a envoyé au président des communautés juives de Roumanie en réponse à une protestation que ce dernier lui avait adressée.

Les Roumains ayant gardé une certaine indépendance de jugement, les industriels et les milieux d’affaire blâment vivement cette campagne et le caractère inique des mesures en question. Ils sont inquiets des effets qu’elles peuvent avoir sur la vie économique du pays en particulier sur celle des régions reprises, déjà fort mal administrées et où l’on aurait besoin d’unir toutes les forces. Enfin ils voient également le danger que ces persécutions qui prennent l’aspect d’un véritable pogrom, pourront produire pour la cause roumaine quand elles seront connues à l’étranger. Une fois de plus, ils comparent l‘attitude de leur gouvernement à celle du Gouvernement hongrois qu’ils estiment à juste titre, plus humaine, et par conséquent, plus prudente.

Télégramme adressé à Vichy. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Europe, vol. 685, P 38. Communiqué Ankara, Budapest et Sofia.

Et encore, du même Jacques Truelle, le 10 novembre sur le sort des Juifs de Bucovine et de Bessarabie : Jusqu’à présent, […] on pouvait croire que les persécutions étaient dues à des initiatives de quelques militaires isolés ou de tyranneaux locaux. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute qu’on est en présence d’un plan systématique d’extermination conçu déjà depuis quelque temps.

Du 22 octobre au 1° novembre 1941, ce sont 20 000 Juifs qui auront été massacrés par l’armée roumaine. En 2019 on pourra voir sur les écrans : Peu importe si l’Histoire nous considère comme des barbares, de Radu Jude avec Ioanna Jacob, Alexandru Dabidja, Alex Bogdan. Le titre est une citation du maréchal Antonescu de juin 1941.

31 10 1941

L’affaire avait déjà été bien avancée par la III° république : l’Etat instaure une inspection médicale du Travail.

10 1941

Mgr Roncalli, délégué apostolique du Vatican en Turquie et en Grèce, futur pape Jean XXIII après la mort de Pie XII, est reçu en audience par Pie XII : il m’a demandé si son absence apparente de réaction au sujet du nazisme n’était pas mal jugée par ses contemporains

10 11 1941  

Création de la SNPA – Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine -. La  guerre avait privé la France de ses approvisionnements traditionnels : Irak, États-Unis, Roumanie. Du gaz avait été découvert dans la région de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) juste avant la guerre et la prospection du sous-sol français s’était concentré sur l’Aquitaine.

15 11 1941 

L’Association des Français de Grande Bretagne, ralliée à de Gaulle, l’invite à présenter son action et son programme à l’Albert Hall à l’ensemble des Force Françaises Libres.

Ce que nous sommes ?  Nous sommes des Français de toute origine, de toute condition, de toute opinion, qui avons décidé de nous unir dans la lutte pour la liberté du pays.

[…] Il est plaisant d’observer que les Français libres sont jugés, le même jour, à la même heure, comme inclinant vers le fascisme, préparant la restauration d’une monarchie constitutionnelle, poursuivant le rétablissement intégral de la République parlementaire, visant à remettre au pouvoir les hommes politiques d’avant-guerre, spécialement ceux qui sont de race juive ou d’obédience maçonnique, ou enfin poussant au triomphe de la doctrine communiste. Quant à notre action extérieure, nous entendons les mêmes voix déclarer, suivant l’occasion, ou que nous sommes des anglophobes dressés contre la Grande Bretagne, ou que nous travaillons de connivence avec Vichy, ou que nous nous fixons pour règle de livrer à l’Angleterre les Territoires de l’Empire français à mesure qu’ils se rallient.

[…] L’article I° de notre politique consiste à faire la guerre, c’est-à-dire à donner la plus grande extension  et la plus grande puissance possible à l’effort français dans le conflit. […] Sa grandeur est la condition sine qua non de la paix du monde. Il n’y aurait pas de justice si justice n’était pas rendue à la France. […]

Si l’on a pu dire que cette guerre est une révolution, cela est vrai pour la France plus que pour tout autre peuple. Une nation qui paie si cher les fautes de son régime politique, social, moral, et la défaillance ou la félonie de tant de chefs, une nation qui subit si cruellement les efforts de désagrégation physique et morale que déploient contre elle l’ennemi et ses collaborateurs, une nation dont les hommes, les femmes, les enfants, sont affamés, mal vêtus, mal chauffés, dont deux millions de jeunes gens sont tenus captifs pendant des mois et des années dans des baraques de prisonniers, des camps de concentration, des bagnes ou des cachots, une nation à qui ne sont offertes, comme solution et comme espérance, que le travail forcé pour le compte de l’ennemi, le combat entre ses propres enfants et ses fidèles alliés, le repentir d’avoir osé se dresser face aux frénésies conquérantes de Hitler, et le rite des prosternations devant l’image du Père la Défaite, il serait puéril d’imaginer, dis-je, que cette nation soit autre chose qu’un foyer couvant sous la cendre. Il n’y a pas le moindre doute que de la crise terrible qu’elle traverse sortira, pour la nation française, un vaste renouvellement.

[…] Quant aux bases de l’édifice futur des institutions françaises, nous prétendons pouvoir les définir par conjonction des trois devises qui sont celle des Français libres. Nous disons : Honneur et patrie, entendant par là que la nation ne pourra revivre que dans l’air de la victoire et ne subsister que dans le culte de sa propre grandeur. Nous disons : Liberté, Égalité, Fraternité, parce que notre volonté est de demeurer fidèles aux principes démocratiques que nos ancêtres ont tiré du génie même de notre race et qui sont l’enjeu formidable de cette guerre pour la vie ou la mort. Nous disons : Libération, et nous disons cela dans la plus large acception du terme, car si l’effort ne doit pas se terminer avant la défaite et le châtiment de l’ennemi, il est d’autre part nécessaire qu’il ait comme aboutissement, pour chacun des Français, une condition telle qu’il lui soit possible de vivre, de penser, de travailler, d’agir, dans la dignité et dans la sécurité. Voilà l’article 3 de notre politique. La route que le devoir nous impose est longue et dure. Mais peut-être le drame de la guerre est-il à son point culminant.

Charles de Gaulle

20 11 1941 

Hadj Amin al-Husseini, féroce antisémite qui a déjà déclenché plusieurs pogroms en Palestine, grand mufti de Jérusalem, fait un saut à Berlin pour préparer la rencontre à venir avec Hitler

The roots of the Israeli-Palestinian conflict - The Jerusalem Post

Amin al-Husseini, the mufti of Jerusalem, meets German Foreign Minister Joachim von Ribbentrop in Berlin, November 20, 1941.

27 11 1941    

Le Liban proclame son indépendance.

28 11 1941

Hadj Amin al-Husseini, grand mufti de Jérusalem, rencontre Hitler. Dès 1920, il avait dressé l’ébauche d’une solution finale au problème juif en Europe. On trouve dans sa famille un certain Yasser Arafat.

Hajj Amin al-Husayni: Wartime Propagandist

Les Arabes sont les amis naturels de l’Allemagne parce qu’ils ont les mêmes ennemis, les Anglais, les juifs et les communistes

11 1941

Répondant à l’invitation de Joseph Goebbels, Robert Brasillach, Pierre Drieu La Rochelle, Jacques Chardonne, Marcel Jouhandeau, Ramon Fernandez [père de Dominique], André Fraignaud, Abel Bonnard participent à Weimar, patrie de Goethe, à un congrès nazi sur la culture.

à Berlin

Jacques Chardonne

Pierre Chaillet S.J. entouré de Jean Martinet, imprimeur de Combat, d’Alexandre Marc, militant de la gauche euro-chrétienne, de Louis Cruvillier et de Gaston Fessard S.J. sort le premier numéro de Témoignage Chrétien ; la publication s’est faite chez les grands parents de Valérie Pécresse. Le titre initial était Cahier du Témoignage catholique, mais à la dernière minute, Pierre Chaillet, soucieux de faire participer des protestants à l’entreprise mettra un bandeau pour masquer Catholique le remplaçant par Chrétien. On pouvait y lire un France, prends garde de perdre ton âme de Gaston Fessard. L’orientation principale du journal était la lutte contre l’antisémitisme déjà déclaré de Vichy. Plus tard, après la guerre, il sera à la pointe du combat pour l’indépendance de l’Algérie, et donc le soutien au FLN.

Rosemary Kennedy est sœur cadette de John ; née le 3 septembre 1918, son cerveau aurait alors été insuffisamment irrigué, car la sage-femme, voulant attendre l’arrivée du médecin, aurait demandé à sa mère Rose de serrer les jambes pour retarder la naissance ! La mère s’était assez vite aperçu d’un certain retard quand elle fût en âge de marcher. Malgré tout, elle avait tout de même obtenu en mars 1939 un diplôme d’enseignante chez les sœurs de l’Assomption à New-York. Mais Joseph, son père, ne parvient pas à accepter la situation et prend, seul,  la décision de la faire opérer, en dépit de toutes les mises en garde venues des uns et des autres. En fait, c’est une lobotomisation qui est pratiquée : déficiente mentale légère en arrivant sur la table d’opération, elle en ressort déficiente mentale profonde ! Elle passera l’essentiel du reste de sa vie enfermée dans le couvent de St Coletta, dans le Wisconsin. Elle mourra le 7 janvier 2005.

Mais, même au sein d’une fratrie, le plus souvent c’est chacun sa vie, et John, 24 ans rencontre Inga Arvad, danoise de quatre ans son aînée, par le biais de Kathleen Kennedy, sa sœur cadette  : elle a donc déjà quelques heures de vol, a été élue Miss Danmark 10 ans plus tôt, et en est à son second mariage, protestante, plutôt très proche des milieux nazis – elle a eu une place dans la loge du Führer au Jeux Olympiques de Berlin -. Ils se plaisent et deviennent amants. Mais c’était sans compter avec Edgar Hoover, grand maître du FBI, qui avait Inga dans le viseur – il avait des preuves – et la tenait pour une espionne nazie. Après avoir obtenu en décembre 1936, l’abdication d’Edouard VII d’Angleterre qui voulait épouser la sulfureuse Wallis Simpson, il n’allait tout de même pas se laisser amadouer par une encore plus sulfureuse danoise : il en parle à Joe Kennedy, père de John qui met les choses au point avec son fils : fiston, je n’ai rien contre ta belle Inga, je l’apprécie même beaucoup, mais il faut bien reconnaître qu’elle joue dans un autre camp que le nôtre. Si jamais cela se sait, tu ne pourras même pas entrer dans la Marine. Oublie la, cela vaut mieux pour toi. Et le fiston de se dire : Bah, une de perdue, dix de retrouvées ! Quelques jours plus tard, les Etats-Unis d’Amérique entraient en guerre contre l’Allemagne et le Japon.

5 12 1941   

L’Angleterre déclare la guerre à la Roumanie, à la Finlande et à la Hongrie. Par des températures de – 20 °C, les quarante divisions retirées du front de Mongolie par Joukov, bien équipées pour l’hiver, contre-attaquent au nord et au sud de Moscou. Cela représente 700 000 hommes. Staline s’était finalement laissé convaincre de dégarnir l’est où, craignant toujours une attaque japonaise, en dépit du pacte de non agression signé en avril 1941, il voulait maintenir des forces en nombre pour les affronter. Lorsque Von Bock n’est qu’à 30 km de Moscou, la température s’abaisse jusqu’à – 30° centigrades : les tanks ne démarrent plus, les armes gèlent ; c’est le moment qu’attendait Joukov pour lancer sa contre-offensive, aidé par une aviation reconstruite ; les Russes avaient l’avantage sur les Allemands d’avoir des usines d’armement qui avaient déménagé pour s’installer à l’abri du front, à l’est de l’Oural, et qui pouvaient tourner à plein régime et fournir des avions plus performants que ceux de la Luftwaffe et des chars T34 plus performants aussi que les Panzers allemands. Cette contre-offensive russe fera reculer le front allemand à 120 km de Moscou, distance sur laquelle le front s’enlisera pour le reste de la guerre.

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[1] Tristan Bernard, comme Victor Hugo, étaient nés tous deux à Besançon, qui plus est, dans la même rue : Victor Hugo est né au n° 138 de la rue ; moi, plus modestement je ne suis né qu’au n° 23. Il y a une plaque sur sa maison natale et sur la mienne aussi, mais c’est celle de la compagnie du Gaz.

[2] qui raconte qu’un jour où il déjeunait le dimanche à midi avec son père, 84 ans, il lui demanda ce qu’il allait faire cette après-midi : Je vais au Louvre. Et Pourquoi au Louvre ? Pour apprendre.

[3] La BBC, où l’on entend fréquemment une petite fille de 9 ans qui chante en français : Petula Clark.

[4] Roger et Rino

[5] Michels